dimanche 29 mai 2016

Prédication sur Luc, chap. 9, v. 10 à 17 Jésus superstar d'un pique nique géant ou témoin du règne de Dieu à vivre aujourd'hui ?

ÉVANGILE SELON LUC, chapitre 9, v. 10 à 17


A leur retour, les apôtres racontèrent à Jésus tout ce qu’ils avaient fait. Il les emmena et se retira à l’écart du côté d’une ville appelée Bethsaïda. L’ayant su, les foules le suivirent. Jésus les accueillit ; il leur parlait du Règne de Dieu et il guérissait ceux qui en avaient besoin.

Mais le jour commença de baisser. Les Douze s’approchèrent et lui dirent : « Renvoie la foule ; qu’ils aillent loger dans les villages et les hameaux des environs et qu’ils y trouvent à manger, car nous sommes ici dans un endroit désert. » Mais il leur dit : « Donnez-leur à manger vous-mêmes. » Alors ils dirent : « Nous n’avons pas plus de cinq pains et deux poissons… à moins d’aller nous-mêmes acheter des vivres pour tout ce peuple. » Il y avait en effet environ cinq mille hommes. Il dit à ses disciples : « Faites-les s’installer par groupes d’une cinquantaine. » Ils firent ainsi et les installèrent tous. Jésus prit les cinq pains et les deux poissons et, levant son regard vers le ciel, il prononça sur eux la bénédiction, les rompit, et il les donnait aux disciples pour les offrir à la foule. Ils mangèrent et furent tous rassasiés ; et l’on emporta ce qui leur restait des morceaux : douze paniers.

I. Ce texte raconte un fait  connu, un geste de Jésus bien connu, peut-être même trop connu.
Ce fait, ce geste, on l’appel rapidement le récit du miracle de la multiplication des pains. Et cette multiplication fait partie de ces textes qui sont au départ, de lointains souvenirs d’école biblique, de catéchèse, et qui deviennent avec le temps des images d’Épinal.

 « Jésus a multiplié des pains » c’est classique, c’est quelque chose d’entendu. Et déjà dans les écritures, nous avons là quelque chose de connu, un fait établi, un geste presque classique. Cette multiplication des pains est rapportée 6 fois dans les évangiles du nouveau testament, et elle a des précédent dans le premier testament : on peut penser au prophète Elie et la veuve de Sarepta – quand Elie demande à la veuve de lui faire a manger elle n’a plus qu’une cuillère d’huile et une poignée de farine, la famine la menace elle et son fils. Et sur la parole de l’Eternel la farine ne manqua pas et l’huile dans la cruche ne diminua point. Vous trouverez ça au chapitre 17 du premier livre des rois.

Pour revenir à Jésus – pas moins de six fois les évangiles rapportent ce geste de la multiplication des pains – ainsi pour Marc il y a deux multiplications des pains  - du coup ce texte apparaît 2 fois par ans dans les lectures du jour. Bref, on entend sans doute plus souvent ce texte de la multiplication des pains que n’importe quel autre récit biblique !

Aussi, je crois que ce récit de la multiplication des pains, ce passage biblique que l’on connaît si bien est un peu comme un objet que l’on connait tellement que l’on ne le regarde plus. Une image d’Épinal.

Une image que l’on regarde en en connaissant le sens par cœur avant même de l’avoir observée, scrutée, avant d’avoir été attentif aux détails. Les couleurs vives suffisent à réveiller la mémoire sans que l’on se soucie du trait de l’artiste.
La multiplication des pains c’est pareil. On sait que ce texte est dans l’évangile, on en a déjà entendu parlé, mais pourtant ce texte pourrait ne pas y être. On ne le lit plus attentivement. On sait bien que Jésus a multiplié c’est classique, et c’est quelque chose d’entendu.

II. Pourtant si l’Évangile est Parole de Dieu, c’est bien qu’aujourd’hui encore il peut nous dire, et il veut nous dire quelque chose, il veut être pertinent, être une parole de vie pour nos vies à nous aujourd’hui. Alors essayons de nous pencher sur ce texte et de le dépoussiérer pour en faire sortir le sens.

Dépoussiérer, oui, je crois qu’il suffit de passer un ou deux coup de chiffon sur ce passage de l’évangile, le nettoyer de nos habitudes de lecture, nos habitudes et aussi nos lassitudes. Il faut dépoussiérer ce texte « du miracle de la multiplication des pains ». Deux coups de chiffons :

II.1 Le premier coup de chiffon que l’on peut donner tient au titre que nous donnons à ce texte « La multiplication des pains ». A lire au plus près le texte de Luc, on se rencontre que Jésus ne multiplie pas. Je relis le verset 16 :  

« Jésus prit les cinq pains et les deux poissons et, levant son regard vers le ciel, il prononça sur eux la bénédiction, les rompit, et il les donnait aux disciples pour les offrir à la foule ».
Que fait Jésus ? Soyez attentifs aux verbes … Jésus prend les pains et les poissons, il lève les yeux au ciel, il prononce la bénédiction comme tout juif avant le repas et il rompt le pain et les poissons, il les donne aux disciples, et ils les offrent à la foule

Jésus ne multiplie pas les pains – dans le texte il n’y a pas d’opération mathématique.  il prend les pains, ça oui ; il prononce une bénédiction, ça oui, il les rompt et il les donne aux disciples pour qu’ils les offrent à la foule. Mais Jésus ne multiplie pas les pains

Ce que fait Jésus ne s’apparente pas à une opération mathématique. Ce que fait Jésus ne s’apparent pas a du calcul. On ne peut pas résoudre l’évangile à une formule mathématique : 5 pains multipliés par Jésus égal de la nourriture pour 5000 hommes.

Il ne s’agit pas de multiplier des pains comme un actionnaire multiplierait des bénéfices.
Il ne s’agit pas de multiplier des pains comme un joueur pourrait multiplier ses gains.     
Ce que fait Jésus se situe au-delà de toute mathématique, au-delà de toute logique.

Jésus ne multiplie pas, il distribue, il partage, il donne. Il donne par l’intermédiaire des disciples.
Il donne les pains aux disciples pour que les disciples les offrent à la foule. Sans limites.
Il y a là dans ce seul verset une gradation : Jésus donne pour que les disciples puissent offrir à leur tour. Soyons attentifs au détail

Le texte grec de l’évangile utilise deux verbes bien distinct : Jésus donne – avec le verbe courant donner – didomi en grec, et les disciples donnent avec le verbe – paratithémi – ils présentent, ils offrent, ils proposent, ils remettent. Le don est ici fortement marqué et souligné par l’usage de deux verbes distincts qui soulignent son importance.

Ce que fait Jésus se situe au-delà de la logique mathématique pour être de l’ordre d’une logique de la simplicité. Il donne, il partage ce qu’il reçoit, il distribue ce qui les disciples ont emmené avec lui. Il reçoit 5 pains et 2 poissons des disciples – cela suffit pour donner. Et de ce partage, il restera encore du pain, 12 paniers nous dit l’évangéliste.

Le simple partage a suffit à créer des restes, Jésus n’a rien multiplié, il a juste fait avec, il a fait avec généreusement, dans le don. Il a reçu un don, et l’a fait passer aux autres.

Plus qu’une multiplication des pains, il faudrait donc parler d’un don, d’un simple don qui peut à partir de peu faire vivre beaucoup. Premier coup de torchon sur ce récit. Il n’y a pas de multiplication des pains dans l’évangile.

II.2 Le second coup de chiffon à donner sur cette histoire, tient je crois au fait qu’habituellement cette histoire cette histoire est considérée comme un miracle. Il est très souvent question du miracle de la multiplication des pains.

Mais là encore l’évangile de Luc ne dit rien. Pour Luc, il ne s’agit pas d’un miracle, le mot n’est pas employé. Pour Luc il s’agit d’un évènement de la vie de Jésus. Non pas un évènement anodin, puisqu’il en parle, et une fois encore 6 fois dans l’évangile l’événement est rapporté – on est pas dans l’ordre de l’anodin.

Mais entre un évènement important et un miracle il y a de la marge. De la même manière chez Matthieu, Marc et Jean, dans tous les évangiles, le don des pains n’est jamais qualifié de miracle. Et même l’évangéliste Jean se fait plus précis : pour lui, le partage des pains n’est pas un miracle, mais c’est un signe.

Alors, soyons clair, certes il y a ici du miraculeux, il n’est pas donné à tout le monde de nourrir une foule nombreuse avec 5 pains et 2 poissons. Il y a bien du miracle dans ce récit, il y a bien de l’extraordinaire dans ce texte. Mais l’essentiel du récit n’est pas dans cet extraordinaire – l’évangéliste n’écrit pas ce texte pour que nous tombions en admiration devant Jésus, et un geste qui en ferait une superstar. Le partage des pains n’est pas un miracle pour nous ouvrir à l’extraordinaire mais c’est un signe, un signe appelé à parler dans notre quotidien.

Un signe c’est quelque chose qui en montre une autre. Vous connaissez tous le proverbe chinois qui dit quand on montre la Lune du doigt, le fou regarde le doigt. Le partage du pain est un signe, être fou s’est alors lire ce texte comme le récit d’un miracle extraordinaire, être sage c’est lever les yeux au ciel pour essayer de distinguer, de voir ce que veut nous montrer ce signe.

III. Or, ce que vient nous dire ce signe du partage des pains, c’est une idée qui tourne autour de la conviction. Quelque chose qui tient de la force de la conviction, de l’élan de la conviction

III.1 Reprenons le fil du récit :
Jésus accueille les foules et il leur parle du règne de Dieu.
Les disciples voient les foules et s’inquiètent de leur nourriture.
Jésus croit pouvoir nourrir les foules avec ce que les disciples ont apporté.
Les disciples prennent pour eux cette conviction, ils entrent dedans, malgré son côté absurde, ils font assoire les foules, ils distribuent le pain. Et ça marche !

C’est cette force de la conviction qui me semble être au cœur du texte. Une force de conviction toute proche du Pari de Pascal, ce fameux pari qui est une décision, une démarche personnelle, un acte de confiance. Un pari que l’on peut synthétiser par le mot de  Michel de Certeau, père Jésuite et philosophe du siècle dernier : « être croyant c’est vouloir être croyant »[1].

« Etre croyant c’est vouloir être croyant ».
Les disciples qui entrent dans la conviction du maître, ils partagent 5 pains et 2 poissons pour 5000 hommes. Reconnaissons le, c’est totalement absurde.  C’est absurde, mais ils affrontent l’absurde, ils font le même pari que Jésus. Ce pari dit en un mot : le règne de Dieu peu fonctionner sur la terre.

Et cela marche ! La foule est nourrie, il y a même du reste.
Alors oui, on peut être sceptique sur la force de ce « vouloir être croyant », sur cette force de la conviction, mais on peut aussi l’admettre comme une force d’espérance, comme un élan de changement.

Oui dans le texte biblique, il y a là une certaine force de la conviction. Une certaine force de conviction qui s’inscrit aussi dans le domaine de la foi.

III. 2 Alors entendre cela c’est comprendre que l’évangile ne nous rapporte pas l’organisation d’un pique-nique géant avec Jésus en superstar. Mais c’est entendre que l’évangile reflète aussi notre vie. Et entendre que ce texte déploie peut être l’idée évoquée dans ces premiers versets : « Jésus leur parlait du Règne de Dieu et il guérissait ceux qui en avaient besoin »

De leur crainte première : "renvoie la foule qu'ils aillent loger dans les villages", les disciples passent au partage – il y a là un chemin de guérison.         
Car oui, Les disciples auraient pu refuser de rentrer dans la démarche de Jésus.
Ils auraient pu lui répondre : « vas-y toi ! distribue 5 pains et 2 poisson à une foule de 5000 hommes ».
Mais non, ils entrent en confiance dans la parole de Jésus, dans cette prédication du règne de Dieu, et cela marche. Ils sortent de la peur pour être acteur du partage.

C’est la même chose pour nous, aujourd’hui, il nous faut ouvrir la Bible avec la conviction que cela est bon.         Recevoir cette parole en se souvenant que oui : « tout est possible à celui qui croit ».

IV. Entendre ce signe aujourd’hui c’est recevoir l’invitation à entrer dans le pari, à s’inscrire dans ce vouloir être croyant, oui, malgré tout le règne de Dieu est proposé à vivre sur la terre.
Cette force de conviction nous est donnée.
Elle est grâce, offerte, cadeau pour celui qui veut croire. Et ça marche nous dit le texte de l’évangile !

Le signe du partage des pains n’est pas le miracle d’une multiplication des pains. Ce n’est pas un miracle, mais ce n’est pas un événement anodin. Une fois encore, nous n’avons pas là le récit d’un pique nique géant avec Jésus superstar, mais c’est une prédication au concret de la vie du règne de Dieu. Jésus présent au milieu de nous, nous parle du règne de Dieu et veut guérir ceux qui en ont besoin, il veut nous emmener avec lui dans la force de sa conviction, dans une espérance qui donne à vivre, qui rassasie et qui ouvre à demain.

Je terminerai en citant le pasteur Albert Schweitzer, Albert Schweitzer qui fut pasteur, médecin, organiste, et théologien écrivait :
« Le véritable enseignement doit détourner les hommes du vain désir de vouloir tout comprendre, et les amener à la seule chose nécessaire, à vouloir vivre en Dieu, par qui nous devenons différents du monde et qui fait de nous des hommes affranchis du monde, surmontant leurs doutes faces à ces mystères.»[2].

« Etre croyant c’est vouloir être croyant ».
Vouloir vivre en Dieu, s’ouvrir à la force de conviction de la foi. Tout recevoir et pour pouvoir tout donner :  entrer dans une logique de partage pour témoigner du règne de Dieu.
Que cela nous soit donné dans nos vies et dans l’Eglise.
Au Christ seul soit la gloire.  Amen


[1] Pour ce § voir JP. Guillebaud, la force de la conviction, p. 277
[2] Les religions mondiales et le christianisme, p. 71

mardi 24 mai 2016

Prédication du dimanche 22 mai - à partir d'une tente scoute...



Une tente scout au milieu du temple ! J'ai saisi l'occasion des 10 ans du scoutisme protestant à Béziers pour donner à voir une prédication matérialisée.
Quand les Eclaireuses et Eclaireurs m'ont dit qu'ils voulaient monter cette tente dans la cour, je leur ai demandé de la monter au milieu du temple. Car cette tente peut être pouvons nous entendre un discours symbolique, pour nous chrétien, un discours qui nous parle non pas des 10 ans du scoutisme à Béziers – vous avez pour ça la très belle exposition. Mais cette tente scoute nous parle, à nous chrétien, de Dieu. Oui cette tente scout est une prédication a elle toute seule, c'est une parabole.

Cette tente est une prédication matérialisée, une tente comme une parabole – la parabole c'est une image qui veut dire plus qu'elle-même, une parabole c'est une petite histoire dont la définition parle encore aujourd'hui. Aussi, avant d'entendre cette parabole de la tente, je vous invite à ouvrir le texte biblique.
Pour donner le sens de cette parabole – je vous invite à entendre dans le livre de l'Exode, au chap. 26 :


1Tu feras la Demeure de dix toiles de fin lin retors, de pourpre violette et rouge et d'écarlate, avec des keroubim ; ce sera un ouvrage d'artisan. 2La longueur de chaque toile sera de vingt-huit coudées, la largeur de chaque toile sera de quatre coudées ; la mesure sera la même pour toutes les toiles. 3Cinq toiles seront attachées l'une à l'autre ; les cinq autres toiles seront aussi attachées l'une à l'autre. 4Tu feras des lacets de pourpre violette au bord de la première toile, à l'extrémité de l'assemblage ; tu feras de même au bord de la toile à l'extrémité du second assemblage. 5Tu feras cinquante lacets à la première toile, et tu feras cinquante lacets au bord de la toile à l'extrémité du second assemblage ; ces lacets correspondront les uns aux autres. 6Tu feras cinquante agrafes d'or et tu attacheras les toiles l'une à l'autre avec ces agrafes. Ainsi la Demeure formera un tout.

7Tu feras des toiles de poil de chèvre qui constitueront une tente au-dessus de la Demeure ; tu feras onze toiles. 8La longueur de chaque toile sera de trente coudées, la largeur de chaque toile sera de quatre coudées ; la mesure sera la même pour les onze toiles. 9Tu attacheras séparément cinq toiles, et les six autres toiles séparément ; tu doubleras la sixième toile vers le devant de la tente. 10Tu feras cinquante lacets au bord de la première toile, à l'extrémité du premier assemblage, et cinquante lacets au bord de la toile du second assemblage. 11Tu feras cinquante agrafes de bronze, et tu introduiras ces agrafes dans les lacets. Tu assembleras ainsi la tente, qui formera un tout. 12Les toiles de la tente auront un surplus d'une demi-toile qui retombera à l'arrière de la Demeure. 13La coudée que les toiles de la tente auront en surplus de part et d'autre, dans le sens de la longueur, retombera sur les deux côtés de la Demeure, pour la couvrir.

14Tu feras pour la tente une couverture en peau de bélier teinte en rouge, et une couverture en peau de dauphin par-dessus.


Cette tente scout au milieu du temple, nous rappelle que la tente a été en premier l'espace de la rencontre de Dieu avec son peuple, l'espace du sacré dans lequel Dieu se tenait au milieu de son peuple.
Le livre de l'Exode parle d'ailleurs d'une tente de la rencontre dans certains passages.

Avec ce livre de l'Exode, rappelons-nous le, nous sommes au cœur du désert – au moment de l'événement fondateur de la relation de Dieu avec son peuple. Lors de la sortie d'Egypte – et évoquer l'Egypte aujourd'hui après la catastrophe aérienne ou l'attentat ; évoquer l'Egypte prend forcément la tournure d'une prière pour les familles des victimes.

L'Exode c'est la sortie d'Egypte. Cette marche au désert c'est une sortie de la terre de l'esclavage, Il s’agit de marcher vers la terre promise, vers la liberté, vers le bonheur.

Baden Powell disait : « Dieu nous a placé dans ce monde pour y être heureux et jouir de la vie »

Marche vers le bonheur et vers la liberté, mais l’Exode est aussi une sortie de l’idolatrie.
Oui je crois qu'en premier lieu, quand on lit les consignes et les dimensions de la tente que l’Éternel souhaite, je crois qu'il faut se souvenir des dimensions énormes et du faste des temples égyptiens. Des temples faits de pierre, avec sculpture et peinture, pour avoir pu visiter ce qui en reste, les quelques ruines qui subsistent sont à elles seules monumentales. Dans l'Egypte antique, les temples sont des ensembles monumentaux, des villes, presque. Les temples couvrent des hectares et des hectares – pour prendre l'exemple du temple de Karnak près de Louxor couvre à lui seul 30 hectares. Et ce temple était relié par une allée de 2 km a un autre ensemble cultuel, une allée bordée de sphynx.

30 hectares, des allées de 2 km – forcément la tente ça fait beaucoup plus simple que ces constructions. Une simplicité au contraste saisissant. Une simplicité volontaire de la part de Dieu. Une simplicité volontaire – j'emploie a dessein cette expression qui évoque tout un champ d'engagement aujourd'hui.

Le contraste est saisissant avec une demeure faite de 10 toiles de lin – même si le texte insiste sur les détails d'agrafes d'or ou d'autres bois précieux, nous sommes à des lieux et des lieux de ce qu'a connu le peuple en Egypte. La toile plutot que la pierre, un sanctuaire de 48 m² plutot que des hectares – oui le contraste est saisissant.

Simplicité de la tente. Cette tente au milieu du temple, à la lecture du chapitre 26 du livre de l'Exode ça nous rappelle aussi un choix radical de Dieu. Ce choix c'est celui de s'attacher a un peuple plutôt que de s'attacher a un lieu. L’Éternel Dieu de la Bible n'est pas le Dieu d'un endroit, le Dieu qu'il faudrait adorer toujours dans le même lieu.

Ça aurait pu être le Dieu du Sinaï là où Moïse a reçu les tables de la loi, ça aurait pu être le Dieu de Mâdian, là où le beau père de Moïse était berger. Mais non, la tente nous rappelle que le Dieu de la Bible ne se fixe pas dans la pierre dans un lieu pour toujours, mais qu'il est pour toujours, avec son peuple quelque soit le lieu où il se trouve, même dans les traversée au désert.

La tente est donc une parabole de l'alliance. Le Dieu de Moïse fait alliance avec son peuple par la sortie d'Egypte et il n'a pas d'autre lieu ou vivre que celui que connaît le peuple, tribu errante dans le désert. La tente est alors un symbole de proximité de Dieu – le Dieu de la Bible n'est pas un Dieu que l'on pourrait faire remonter au ciel, mais c'est un Dieu qui marche avec, qui fait chemin avec son peuple.

On peut se souvenir que de cette proximité de Dieu avec son peuple, Jean Calvin en parlait en utilisant le terme d'accomodement. Dieu s'accomode à notre humanité, Dieu est accomodant à notre condition – aujourd'hui on pourrait parler de solidarité : Dieu est solidaire de son peuple

La tente c'est une image de simplicité, une image de proximité-solidarité : Dans le livre de l'Exode Dieu s’accommode à l'errance de son peuple, il choisi d'habiter une tente au milieu de son peuple errant au désert. Enfin troisième portée symbolique à la parabole de cette tente scout dressée au milieu de ce temple. La tente ce n'est toujours que le campement d'un instant. On le sait bien aujourd'hui quand dans un camping on veut rester un plus qu'un court séjour il faut réserver un mobilhome ou bien alors le voyage se fait en camping-car. Mais avec la tente c'est toujours bref.

La tente dit une certaine précarité du fait du mouvement, d'un dynamisme. Un mouvement, un dynamisme qui dit que l'installation est toujours temporaire, qu'il faut toujours savoir se remettre en marche. Le Dieu biblique est toujours un Dieu dynamique, un Dieu du changement, du déplacement. Et par sa proximité et du fait de sa simplicité, Dieu veut entraîner son peuple dans sa dynamique, il nous prend avec Lui dans son changement, il veut nous emporter dans son déplacement

Baden Powell disait : « Rester immobile ne sert à rien. Il faut choisir entre progresser ou régresser. Allons donc de l’avant et le sourire aux lèvres. »

Une tente scout au milieu du temple.
C'est je crois une parabole je crois pour l’Église aujourd'hui. Une parabole de simplicité, de proximité-solidarité et de dynamisme.
Cette parabole de la tente scout nous parle de Dieu, mais elle nous parle aussi de nous.
Oui je crois et même je crains en fait que l’Église ait particulièrement besoin d'entendre toujours cette parabole.

Certes il ne faut pas regretter de ne plus être un peuple errant au désert, comme les tribus des hébreux l'ont été – fuyant l’intolérance égyptienne. Plus proche de nous, on peut remercier l’Éternel de ne plus être poussés dans un autre désert comme l'ont été les protestants à l'époque d'une société intolérante.  On peut remercier Dieu d'être aujourd'hui en capacité de vivre notre foi dans un temple, et dans une certaine installation plus confortable que de simples tentes.

Pour autant il ne faudrait pas se croire arrivés, il ne faudrait pas penser que le monde que nous avons construit est la fin de toute chose. Il ne faudrait pas croire que ce que nous connaissons est le projet de Dieu, ce dont Jésus parlait en terme de Royaume de Dieu.
Nous ne sommes pas arrivés, il nous faut encore être témoin, et donc être un peuple en marche rayonnant de la simplicité de Dieu, de sa proximité solidaire, et de son dynamisme. Dans la marche de l’Église, il faut être fidèle non pas à hier mais à demain, il faut regarder non pas l'histoire que Dieu a tracé, mais l'avenir qu'il ouvre. Nous avons a être des témoins d'espérance dans ce monde.

Etre des témoins d'espérance dans ce monde – c'était le sens du club de l'amitié de ce mardi. Ne pas se croire arrivés, ne pas penser que le monde que nous avons construit est la fin de toute chose – il y a encore un avenir, nous ne sommes prisonniers ni de l'histoire, ni d'une société, ni d'une économie.

Baden Powell disait : « Le bonheur ne vient pas à ceux qui l'attendent assis »

Je parle pour le monde, mais je parle aussi pour l'église. Pour prendre un exemple très concret, alors que nous avons eu cette semaine une balade œcuménique au monastère de la Dalmerie, je crois qu'il ne faut pas se satisfaire d'une célébration ce matin dans ce temple, alors qu'il y en a une autre à 500 m d'une autre église catholique et une autre encore à 800 m d'une autre église évangélique. Je ne crois pas que nos différentses constructions témoignent du projet de Dieu, et je crains même que parfois nos constructions nous empêchent de pouvoir entrer dans la simplicité, la proximité et le dynamisme de Dieu. Mais cet oecuménisme ouvert à l'avenir n'est qu'un exemple – il y en a bien d'autres.

La tente scout une parabole d'espérance et d'un avenir ouvert, toujours à recevoir et encore à construire.
Pour conclure réentendons les trois phrases de Baden Powell qui ont rythmé cette parabole de la tente :

« Dieu nous a placé dans ce monde pour y être heureux et jouir de la vie »

« Rester immobile ne sert à rien. Il faut choisir entre progresser ou régresser. Allons donc de l’avant et le sourire aux lèvres. »

 « Le bonheur ne vient pas à ceux qui l'attendent assis »

Au Christ seul soit la gloire, amen.




 MERCI à l'équipe de la Branche Ainée Unioniste d'avoir été là pour dire les paroles de Badne Powell durant la prédication... 

vendredi 20 mai 2016

Rencontre du Week-end de l'ascension - suite

Mon article précédent sur la rencontre à Devesset appelait une suite... Depuis ces jours de l'Ascension, le souffle est passé à Pentecôte. 

Alors quoi dire après cette rencontre du Cercle des Responsables des Associations de Caulmont ?

De belles rencontres, au sommet de ces montagnes ardéchoises... aux rives d'un lac, une terre promise, un avenir ouvert !

Caulmont comme un espace d'accueil communautaire pour vivre la liberté. 
Dans ces lieux et dans ces visages, dans nos dialogues et nos échanges, là aussi, je crois, se tissent les merveilles de la grâce.

Sans illusion, restons les pieds sur terre : il y a la neige au 1er mai, la toiture à refaire, le vent qui glace, la forêt à débroussailler, les aménagements à envisager, etc. 

Les merveilles de la grâce se tissent à nos réalités humaines, aussi rudes soient elles. Mais se faisant elles nous déplacent, nous emportent, nous entrainent et fondamentalement : nous donnent vie et nous réjouissent !

Je relis cette rencontre des responsables des associations de Caulmont comme une étape - il y a des résistances, mais ça bouge : l'appel entendu prend chair.

Lors de cette étape, nous avons prié au rythme de la liturgie de Caulmont et nous avons aussi chanté : « Si l'espérance t'a fait marcher plus loin que ta peur, tu auras les yeux levés, alors tu pourras tenir, jusqu'au soleil de Dieu »

Avenir ouvert, grâce, appel, prière, espérance et soleil de Dieu...
Tout cela est donné !

dimanche 1 mai 2016

Rencontre du Week-end de l'Ascension

Ce week-end qui vient, l'Ascension 2016, nous allons en famille à Devesset, en Ardèche, assister au Cercle des Responsables des Associations de Caulmont. 

Caulmont est une communauté chrétienne œcuménique – le lien vers son site Internet est sur la colonne de gauche depuis quelques temps. C'est le moment d'en dire un peu plus.

Quand il s'agit de penser la pertinence d'une vie communautaire, il me faudrait citer ici tout Bonhoeffer. C'est pour moi la référence première. Plus simplement, Laurent Schlumberger dans son ouverture au colloque « protestantisme et vie monastique » faisait de la vie communautaire un laboratoire pour l’Église et pour le monde :

«Un laboratoire pour l’Église. Les communautés monastiques sont des paraboles d'amour fraternel données à l’Église. (...) les communautés monastiques sont offertes aux chrétiens et aux communautés paroissiales comme une sorte d'appel, longtemps inouï et soudain d'une justesse qui touche au cœur. Un appel qui signifie en somme : et toi, avec celles et ceux qui te sont donnés, là où tu es, comment laisses-tu l’Évangile de l'amour de Dieu saisir toute ta vie ? Les communautés de vie monastique sont sans doute aussi un laboratoire pour le monde. Car elles labourent et explorent des formes de socialisation, de solidarité et d'institution dans un monde qui ne sait plus très bien comment conjuguer la transmission et l'autonomie, l'institution et l'émancipation » (p. 11)

Je trouve cette image du laboratoire pertinente en ce qu'elle met en place une notion d'expérience ; elle me gênerait si elle conduisait à une vision de confinement, de mise à part, ou de « clôture » qui, si elle peut exister dans certaines expériences communautaires, n'est pas présente à Caulmont. Faire communauté n'est pas une volonté de mise à l'écart mais bien vivre dans un lieu d'expériences. Ce lieu d'expérience ne vient pas en concurrence avec les Église locales mais en différence. Dans les actes du même Colloque, résonne particulièrement la contribution d'Olivier Abel qui fait du monastère « un lieu d'invention du monde » :

« Il s'agit de refaire un monde, un monde véritable, en marge du monde des mondanités, des empires des richesse, des vanités. Il s'agit de refaire un théâtre de la gloire de Dieu, un micro- monde alternatif mais où Dieu puisse habiter » (p. 172)

Cette démarche est, je le crois, aujourd'hui pertinente pour l’Église car elle l'est pour le monde : y compris dans le champ laïc – la création d'éco-villages soit des communautés de vie et de production est en renouveau, sur un mode différent de celui de la fin des années 60 pour envisager de « vivre autrement » avec des solutions qui ne sont pas celles d'un « développement durable » offert par le capitalisme, mais celles d'une « décroissance pour vivre mieux ».

Par son style liturgique, par son fonctionnement, Caulmont propose de concilier l'appartenance communautaire à une très grande liberté. La comparaison avec nombre de communautés – même très ouvertes – est sans appel. Toutes structurent le lien d'appartenance à travers une discipline, règle, constitution... etc. à Caulmont il n'y a qu'un texte fondateur à partir duquel l'expérience est menée en toute liberté. Cette liberté est aussi un positionnement libéral et ouvert – ce qui transparaît notamment dans « Nouvelles »

Par cette liberté, Caulmont comme lieu d'accueil a je crois aujourd'hui une pertinence très forte : « Ni église locale, ni paroisse » : la communauté permet de vivre le lien ecclésial d'une manière très ouverte et donc très féconde par rapport aux formes traditionnelles de fréquentation d'église. Une conviction : nos contemporains ont besoin de ce genre de lieu comme porte ouverte sur l'église 
– c'est clairement un lieu d’Églises au pluriel
– Par son ouverture œcuménique : Caulmont est un lieu offrant la possibilité d'une foi chrétienne ouverte sans étiquette. Lieu d’Églises : Caulmont répond ainsi à un besoin de nos Églises à trou- ver ce genre de lieu de rencontre.
– Un lieu de résistance : La vie communautaire est, de fait, un acte de résistance à notre monde aux individualités exacerbées, et notre monde a besoin de ce genre de lieux de respiration, des lieux témoins qu'une autre vie est possible

« Vivre au cœur de l’Évangile, dans la communion fraternelle, le défi de la prière, le risque de l'accueil, le pari de l'unité et l'urgence du partage... »

Pour faire un pas de plus dans la réflexion, il me semble que l'on peut aussi penser la vie communautaire comme « fresh expression » ou la question de l'émergence : L'institution ecclésiale est aujourd'hui en crise, et ce quelle que soit l'étiquette confessionnelle qu'on lui porte. Si je prends le cas de Béziers dans laquelle je me situe, toute la famille chrétienne est touchée : la crise de vocation par le manque de prêtre, la crise de la fréquentation par la fermeture d'une église évangélique, la crise financière qui réduit les capacités dans l'église protestante unie. Nous connais- sons, je crois, une époque qui impose la nécessité à repenser l’Église et à repenser leur fonctionnement autrement. La vie communautaire peut alors s'inscrire en continuité à ce que peut écrire Gabriel Monet dans l’Église émergente quand il parle de l’Église incarnationelle :

« Penser l’Église comme incarnationnelle implique donc d'assumer une forme de présence au monde nourrie par le Christ. Si cette présence est transculturelle, contextuelle, contre-culturelle et interculturelle, à l'image de ce qu'a été la vie de Jésus, l’Église trouvera sur son chemin résis- tance et critique. Mais qu'importe, (…) L’Église émergente en postchrétienté n'a donc pas à avoir peur de sa décroissance ou de sa précarité, parce que si elle est véritablement l’Église du Christ, il n'y a pas de doute que celui-ci fera en sorte que l’Évangile continue son chemin, malgré l’Église et à travers elle».
Et clin d’œil à la vie communautaire, Monet poursuit en écrivant :
« Comme le dit si bien la règle de Reuilly écrite par Sœur Myriam : « il nous faut non seulement aimer l’Évangile, contempler l’Évangile, apprendre l’Évangile, vivre l’Évangile, souffrir l’Évangile, mais encore, avec notre chair et notre sang, continuer l’Évangile »

Penser l’Église comme émergente, donne alors à la vie communautaire en général, et à Caulmont en particulier, un autre sens : lieu d’Églises, lieu de rencontres et lieu de témoignage – Caulmont offre les possibilités de vivre un lien à l’Église autrement. Participant à cette conversation émergente ou à ce mouvement de « fresh expression », dans lequel les communautés ont une place toute particulière avec l'émergence d'un nouveau monachisme (à ce sujet : New monastiscism as fresh expression of church, Canterbury press 2010).

Ainsi, Caulmont est un lieu d’Églises pour être témoin aujourd'hui dans l'expression œcuménique, sans doute à la marge de nos institutions. Mais être à la marge ce n'est pas être dehors, c'est être au lieu où les rencontres sont possibles et où la vie surgit au plus fort.

Ce texte n'est qu'un commencement... 
Un deuxième article sur cette communauté viendra après ce week-end de l'ascension...