mardi 24 janvier 2017

L'amour du Christ nous presse... quelques réfexions sur le thème de la semaine de prière pour l'unité

Texte Biblique : 2 Corinthiens 5, 14 à 20
L'amour du Christ nous étreint, à cette pensée qu'un seul est mort pour tous et donc que tous sont morts. Et il est mort pour tous afin que les vivants ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour eux.  Aussi, désormais, ne connaissons-nous plus personne à la manière humaine. Si nous avons connu le Christ à la manière humaine, maintenant nous ne le connaissons plus ainsi. Aussi, si quelqu'un est en Christ, il est une nouvelle créature. Le monde ancien est passé, voici qu'une réalité nouvelle est là. Tout vient de Dieu, qui nous a réconciliés avec lui par le Christ et nous a confié le ministère de la réconciliation.  Car de toute façon, c'était Dieu qui en Christ réconciliait le monde avec lui-même, ne mettant pas leurs fautes au compte des hommes, et mettant en nous la parole de réconciliation. C'est au nom du Christ que nous sommes en ambassade, et par nous, c'est Dieu lui-même qui, en fait, vous adresse un appel. Au nom du Christ, nous vous en supplions, laissez-vous réconcilier avec Dieu.

Il y a dans les épîtres de Paul des passages sinon surréalistes, du moins très difficiles à comprendre. Et le passage que nous avons entendu durant la semaine de l'unité est, je crois, de ceux-là. C’est un texte laborieux, rude même, pas évident à entendre. Mais la difficulté de ce texte n’empêche pas qu’il a encore aujourd’hui quelque chose à nous dire, et qu’il faut le travailler et le reprendre pour en extraire la sève, car Paul dit ici quelque chose de ce qu’est la foi.

Il y a dans les épîtres de Paul des passages surréalistes car Paul lui-même a vécu un passage surréaliste. Il faut se souvenir que l’homme qui écrit ces lignes n’est autre que celui qui se rendant à Damas à reçu une illumination. L’auteur de ces lignes a vu sa vie changée, transformée, du tout au tout. Paul est celui qui a vu le Christ sans bien savoir comment. Il a rencontré le ressuscité sur le chemin de Damas, il a reçu une parole qui a fait sens, et il est devenu le héraut de l’évangile que jusque là il combattait, il est devenu le porteur de la bonne nouvelle que jusque là il étouffait. Il est devenu le messager du Christ crucifié et ressuscité qu’il a rencontré de manière surréaliste sur le chemin de Damas.

Cette conversion de Paul, ce changement radical qui a transformé le persécuteur de l’église en apôtre des païens, cette conversion, je crois, est une clef qui permet de comprendre ce texte. C’est à partir de cet épisode de la vie de Paul que je voudrais entendre ce texte.

En effet, Paul commence par rappeler l’amour du Christ, un amour qui se donne par la croix, la mort et résurrection la vie. Un amour qui entraîne celui qui croit à la suite du Christ. C'est-à-dire que le croyant est lui-même passé de la mort à la vie. C’est ce que j’appelai le surréalisme de Paul : en disant « je crois », l’on passe de la mort à la vie ; l’instant de prononcer un mot et l’on ressuscite.

Dire je crois, cela revient à ressusciter, à entrer dans une réalité nouvelle. C’est ce que Paul affirme très nettement au v. 17 : « Si quelqu’un est en Christ », c'est-à-dire, si quelqu’un reçoit le Christ et croit, « il est une nouvelle créature ». Et Paul poursuit : « Le monde ancien est passé, voici qu’une réalité nouvelle est là ».

Et de cette réalité nouvelle nous sommes les envoyés, les ambassadeurs qui transmettent l'appel. On entend là une réalité de l'apostolat de Paul.

Nous pouvons alors bien comprendre que cette résurrection a été vécue par Paul. Sur le chemin de Damas, quand il a reconnu le Christ, sa vie a été transformée du tout au tout. Il a abandonné le monde Juif dans lequel il avait une place et du prestige, il était quelqu’un à Jérusalem. Il est entré dans le monde Chrétien et il est devenu celui que l’on envoi au loin, en mission, il est devenu apôtre ; en un mot il est devenu un homme dont la présence à Jérusalem embarrasse.

« Le monde ancien », la « réalité nouvelle », ce ne sont donc pas que des concepts théologiques, pour Paul. C’est avant tout une expérience vécue, une expérience de laquelle il tire ses concepts théologiques et de laquelle il extrait une manière de dire l’évangile. 

 « Désormais, ne connaissons nous plus personne à la manière humaine. Si nous avons connu le Christ à la manière humaine, maintenant nous le connaissons plus ainsi. Aussi, si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature. Le monde ancien est passé, voici qu’une nouvelle réalité est là ».

Il y a dans cette manière de dire l’évangile quelque chose de mystique. Ce qui peut expliquer le surréalisme de Paul ici, c’est sa compréhension mystique de la relation à Dieu et de la relation à Christ.

« Mystique » cela désigne ce qui est caché ce qui n’est pas visible pour les gens du dehors, ce qui a trait au mystère. Et il en va bien ainsi chez Paul. La relation à Dieu et au Christ n’est pas visible extérieurement, à la limite ce qui est visible s’en sont les fruits. La relation à Dieu et au Christ est de l’ordre du mystère, de l’invisible, de ce qui ne se voit pas. 

Ainsi l’expérience sur le chemin de Damas a été pour Paul une expérience mystique. Lui seul a vu la lumière, lui seul a entendu la parole. Ses compagnons de marche n’ont rien vu ni rien entendu. Sa relation à Dieu s’est nouée là dans le secret et l’invisible, dans le mystère de la rencontre avec le ressuscité.

La nouvelle créature, la nouvelle réalité que Paul annonce sont une créature et une réalité mystiques, cachées, secrètes, atteignables uniquement par la foi. Ainsi elles marqueront les célébrations du baptême dans l’église primitive. Où l’instant du baptême symbolise la mort du vieil homme, la mort au péché, et le surgissement de l’homme nouveau, la nouvelle création, la vie nouvelle tournée vers Dieu. Ainsi – exemple entendu - le baptême par immersion symbolisera la mort par noyade au monde passé puis la sortie des eaux fera figure de résurrection. Ce lien avec le baptême s’explique car la nouvelle création, la réalité nouvelle est la marque, le trait qui vient qualifier celui ou celle qui « est en Christ ».

« Etre en Christ », nous touchons là au cœur du texte entendu durant cette semaine de l'unité. Paul multiplie cette expression : « être en Christ », « Christ en nous », « Christ en moi ». Il y a là une notion d’habitation du Christ dans les croyants et des croyants dans le Christ. Habitation réciproque. Celui qui croit reçoit le Christ en lui, et est reçu dans le Christ. Habitation mystique, secrète, intime de tout croyant en Christ et de Christ en tout croyant.  Il s’agit par elle, par cette habitation, de dire le lien entre le Christ ressuscité et celui qui croit.
« Si quelqu’un est en Christ il est une nouvelle créature.
Le monde ancien est passé, voici qu’une réalité nouvelle est là ». 

Texte difficile que cet extrait de la deuxième épître aux Corinthiens, mais texte ô combien fondamental car Paul dit ici quelque chose de ce qu’est la foi. Malgré le vocabulaire difficile à saisir, malgré les tournures de phrases, et surtout malgré cet élan mystique, Paul parle de manière fondamentale de la condition chrétienne, et  j’en retiens finalement deux éléments.

Le premier élément concerne la résurrection. Tout dans ce texte est question de résurrection. Non pas de la résurrection de Jésus comme événement historique qui aurait surgit il y a deux millénaires ans, mais de la résurrection du Christ comme événement programmatique de la résurrection des chrétiens. Si la conversion, la confession de foi a souvent été dite comme un « nouvelle naissance », c’est qu’il nous faut vivre la résurrection, « être en Christ ». Il en va par cette résurrection de reconnaître notre Dieu par ce que l’on peut appeler une inversion de la connaissance. Le Dieu qui se révèle à la croix ne prend pas seulement un visage impossible pour Dieu, celui de la mort d’un homme ; mais il vient inverser toutes nos catégories.

Ainsi le théologien Bonhoeffer écrivait que la connaissance de la nouvelle créature affirme que :
 « les grandes choses sont petites, et que les petites sont grandes, que ce qui est exact est faux, et que ce qui est faux est exact, que ce qui est désespéré est riche de promesses, et que ce qui est plein d’espoir est contesté. Elle affirme que la croix signifie victoire, et la mort vie » (Si je n'ai pas l'amour, p. 262)

Dès lors, et c’est le second élément, le discours de foi semblera sans doute toujours un discours surréaliste pour celui qui écoute depuis le dehors. Oui, dire « Christ est vivant » semblera toujours quelque chose d'anachronique pour celui ou celle qui veut comprendre avec l’attitude du sociologue ou de l’ethnologue. En un mot « Christ est vivant » cela ne se comprend pas, cela se vit.

Il faut vivre la foi selon laquelle les grandes choses sont petites, les choses désespérées sont pleines de promesse. Vivre la tension d’une vie souvent terne ou monotone et pourtant belle aux yeux de Dieu.

Le défi pour l’église restant d’annoncer une parole porteuse de sens et pourtant inaudible pour celui qui veut la comprendre tant qu'il ne l'aura pas reçu dans sa vie ; une parole à vivre bien plus qu’à entendre, une parole de vie qui devient bénédiction en s'incarnant : oui, « l’amour du Christ nous étreint ».  Le défi pour l'église est d'annoncer et d'entendre cette parole pour elle-même, prier pour l'unité nous rappelle que l'exigence de réconciliation est encore d'actualité. Nous avons à incarner ensemble l'unité du corps du Christ. 

Ma dernière réflexion autour de ce texte portera alors sur le dynamisme qu'il recelle. Car le défi est là de crois pour donner un mouvement à la vie chrétienne. "Tout vient de Dieu", ce que Dieu donne n'est pas un don posé pour être, mais un mouvement, une venue, quelque  chose qui nous entraine à sa suite, dans son dynamisme. Nous sommes en ambassade, en mouvement, en déplacement. 

Ainsi André Gounelle écrivait cette belle définition de la foi, toute en balancement : 
« La foi nous rassure et nous surprend ; elle nous implante et nous transporte, elle nous fait sortir de nous-mêmes pour retrouver la vérité profonde inscrite en nous ».

Pour dire ce dynamisme, cette image de l'apôtre envoyé, qui bouge, de la foi qui envoie et mobilise, l’apôtre Paul  utilisera l’image de l’ambassadeur : Être mis en mouvement dans la confiance pour témoigner d'une Parole qui nous envoie, l'amour du Christ nous étreint, et nous emporte dans le dynamisme de la réconciliation. Alors le défi de l'unité chrétienne, le défi d'incarner ensemble l'unique église de Christ, se vit en confiance, non pas une semaine par an, mais au quotidien de la foi.

dimanche 22 janvier 2017

Prédication sur l'évangile selon Marc, chap. 11, v. 1 à 25

Texte Biblique : Marc 11, 1 à 25
Circonstance : semaine de prière pour l'unité des chrétiens

Lorsqu'ils approchent de Jérusalem, près de Bethphagé et de Béthanie, vers le mont des Oliviers, Jésus envoie deux de ses disciples et leur dit: "Allez au village qui est devant vous: dès que vous y entrerez, vous trouverez un ânon attaché que personne n'a encore monté. Détachez-le et amenez-le. Et si quelqu'un vous dit: Pourquoi faites-vous cela? répondez: Le Seigneur en a besoin et il le renvoie ici tout de suite. Ils sont partis et ont trouvé un ânon attaché dehors près d'une porte, dans la rue. Ils le détachent.
Quelques-uns de ceux qui se trouvaient là leur dirent: "Qu'avez-vous à détacher cet ânon?"  Eux leur répondirent comme Jésus l'avait dit et on les laissa faire. Ils amènent l'ânon à Jésus; ils mettent sur lui leurs vêtements et Jésus s'assit dessus. Beaucoup de gens étendirent leurs vêtements sur la route et d'autres des feuillages qu'ils coupaient dans la campagne.
Ceux qui marchaient devant et ceux qui suivaient criaient: "Hosanna! Béni soit au nom du Seigneur celui qui vient! Béni soit le règne qui vient, le règne de David notre père! Hosanna au plus haut des cieux!" Et il entra à Jérusalem dans le temple. Après avoir tout regardé autour de lui, comme c'était déjà le soir, il sortit pour se rendre à Béthanie avec les Douze.
Le lendemain, à leur sortie de Béthanie, il eut faim. Voyant de loin un figuier qui avait des feuilles, il alla voir s'il n'y trouverait pas quelque chose. Et s'étant approché, il ne trouva que des feuilles, car ce n'était pas le temps des figues. S'adressant à lui, il dit: "Que jamais plus personne ne mange de tes fruits!" Et ses disciples écoutaient.
Ils arrivent à Jérusalem. Entrant dans le temple, Jésus se mit à chasser ceux qui vendaient et achetaient dans le temple; il renversa les tables des changeurs et les sièges des marchands de colombes, et il ne laissait personne traverser le temple en portant quoi que ce soit. Et il les enseignait et leur disait: "N'est-il pas écrit: Ma maison sera appelée maison de prière pour toutes les nations? Mais vous, vous en avez fait une caverne de bandits."
Les grands prêtres et les scribes l'apprirent et ils cherchaient comment ils le feraient périr. Car ils le redoutaient, parce que la foule était frappée de son enseignement.
Le soir venu, Jésus et ses disciples sortirent de la ville. En passant le matin, ils virent le figuier desséché jusqu'aux racines. Pierre, se rappelant, lui dit: "Rabbi, regarde, le figuier que tu as maudit est tout sec."
Jésus leur répond et dit: "Ayez foi en Dieu. En vérité, je vous le déclare, si quelqu'un dit à cette montagne: Ote-toi de là et jette-toi dans la mer, et s'il ne doute pas en son coeur, mais croit que ce qu'il dit arrivera, cela lui sera accordé. C'est pourquoi je vous déclare: Tout ce que vous demandez en priant, croyez que vous l'avez reçu, et cela vous sera accordé. Et quand vous êtes debout en prière, si vous avez quelque chose contre quelqu'un, pardonnez, pour que votre Père qui est aux cieux vous pardonne aussi vos fautes."
Dans ce chapitre 11 de l'évangile, deux scènes bien connue : Jésus entre dans Jérusalem monté sur un âne, puis Jésus entre dans le temple et se met à chasser les vendeurs mais aussi les passants. L'une est la condition de l'autre. Il faut Jésus soit entré dans Jérusalem pour qu'il puisse entrer dans le temple, il faut qu'une certaine autorité lui soit reconnue pour qu'il puisse enseigner dans le temple. Deux scènes bien connus, en fait ce texte est un texte très connu dont l’iconographie hante nos souvenirs d’école biblique. Même si bien souvent nous séparons dans notre mémoire l'entrée à Jérusalem, entrée dont nous faisons mémoire chaque année au jour des rameaux, et la folie de Jésus dans le temple.

Ce matin je m'attacherai plus à cette deuxième scène car elle est au coeur du chapitre 11 - Jésus chasse les vendeurs du temple, souvenir d'école biblique, image d’Épinal. 
Même reste dans notre langage par l’expression « vendeurs du temple » pour désigner celles et ceux qui profitent d’un commerce un peu louche sur des choses que l'on pourrait considérer comme sacrées. La scène est un souvenir, mais à bien le lire, ce texte veut bousculer nos habitudes, et en premier nos habitudes de lecture.

Le temple à l’époque où Jésus franchit ses portes, c’est un espace gigantesque1. Cet édifice imposant mesure 1 kilomètre 500 de périphérie, il occupe une quinzaine d’hectares, soit cinq fois l’acropole d’Athènes ou neuf fois et demie celle de la basilique Saint Pierre de Rome ou encore une bonne centaine de fois la surface de notre temple.
Flavius Josèphe, l’historien juif du premier siècle, nous raconte avec un peu d’emphase, comment les pèlerins arrivant à Jérusalem, avant de voir la ville sont éblouis par le soleil qui se réfléchie sur les feuilles d’or qui recouvrent les parties hautes du toit du temple. C’est une construction en bloc de pierre de plusieurs tonnes, riche en marbres et en bois précieux que ce temple.

Après cette semaine avec l'investiture du 45e président des états unis dont sans doute beaucoup ont vu des images, le temple de Jérusalem c'est un peu un ensemble architectural comme celui du capitole : un vaste espace ou les cours et les bâtiments en imposent.
Mais au-delà de la beauté et de la grandeur de cette construction, l’architecture du temple veut dire quelque chose. Les pierres, l’or et le bois sont porteurs d’un discours, d’une théologie même. Une théologie qui est basée sur la division et la hiérarchie.

En franchissant le premier portail, on rentre dans une court. Cette première court, c’est le parvis des païens. Tout le monde peut y entrer, y passer, y rester. C’est dans cette première court que ce trouvent les marchands et les changeurs, car le temple a sa propre monnaie.
Puis cette court donne accès à une seconde court. Le parvis des femmes. Là déjà, il n’y a plus que les juifs qui peuvent y rentrer, les païens restent dehors. Première sélection et première division.

Ensuite du parvis des femmes quelques marches, qui montent, donnent accès au parvis des hommes. Là il n’y a plus que les hommes juifs qui peuvent y rentrer. Les femmes doivent rester quelques marches plus bas et les païens sont plus bas et tenus à bonne distance. Cette seconde sélection et seconde division entre les hommes et les femmes, est aussi la première hiérarchisation : les hommes sont placés plus haut.

Ensuite du parvis des hommes, il y a carrément un escalier qui monte au parvis des prêtres. Là, la hiérarchisation est encore plus marquée. Les hommes sont situés un étage plus bas, les femmes quelques marches encore plus loin, et les païens, loin au fond. De ce parvis des prêtres, il y a encore quelques marches pour monter au lieu saint ou seuls les prêtres purifiés peuvent se tenir, et quelques marches encore jusqu’au saint des saints où le grand prêtre ne rentre qu’une seule fois par an.

C’est donc dans ce monument imposant et parlant de toute la division qu’entraîne une certaine conception de la religion, que Jésus entre. Jésus entre et il se met à chasser ceux qui vendaient ou ceux qui achetaient, il renverse les tables et les chaises, il ne laisse personne traverser le temple. Il va littéralement « Peter les plombs » vous excuserez l’expression, mais c’est bien ça qui est décrit dans ce texte, c’est un véritable coup de folie.

Durant cette semaine de prière pour l'unité des chrétiens, nous pouvons comparer cette scène de l'évangile, ce texte avec une icône des chrétiens d’orient représentant le Christ assis sur un rocher le doigt levé en signe d’enseignement, rayonnant de toute son auréole et serein au possible. On peut aussi comparer ce texte avec les phrases de paix et d’amour qui jalonnent l’évangile : « Aimer vos ennemis », « moi je vous donne la paix ». C’est tout de même une bizarre expression d’amour que nous avons là. Et côté paix, toute la violence de ce récit ne peut que troubler.

Au cœur de ce récit, se trouve toute une violence de gestes brusques et brutaux de la part de Jésus. Et au milieu de toute cette violence gestuelle, il y a cette parole de Jésus, que l’évangéliste Marc qualifie d’enseignement : « n’est-il pas écrit : ma maison sera appelée maison de prière pour toutes les nations ? Mais vous, vous en avez fait une caverne de bandits ».

Ces bandits, traditionnellement on considère que ce sont les marchands, ces vendeurs et ces acheteurs, les changeurs de monnaie. Tout ceux qui ont part au commerce du temple. Mais il faut peut-être aussi regarder plus loin que ces simples commerçants. Jésus conteste le fait que le temple n’est plus une maison de prière et il condamne les marchands.
Mais il conteste aussi le fait que le temple n’est pas une maison de prière pour toutes les nations. Il met donc aussi en cause toute l’organisation du temple, toute la hiérarchie et toute les divisions manifestées par ce bâtiment.

Les brigands ce ne sont pas seulement les marchands, mais ce sont aussi ces prêtres qui s’accaparent Dieu. Ces prêtres qui veulent le monopole de Dieu, laissant les hommes un étage plus bas, les femmes quelques marches encore plus loin, et les païens tout au loin, dans le fond. Ces prêtres qui oublient que la prière met toutes les nations à égale distance de Dieu.

Alors oui, dans ce temple c’est un véritable coup de folie qui prend Jésus. Jésus « pète les plombs », oui pas de n’importe quelle folie. Mais la folie telle que la décrivait saint Paul dans sa première épître aux Corinthiens. Une folie qui veut qu’il n’y ai ni juifs, ni grecs mais tous un, en Christ, et par lui à Dieu.
Une folie que Dieu a choisi pour confondre les sages, disait Saint Paul détruisant toute la structure que les hommes avaient mis comme distance entre Dieu et eux. Une folie qui veut l'unité de notre humanité devant Dieu, l'unité des enfants de Dieu : hommes ou femmes, païens ou croyants, prêtres ou laïcs, une folie inclusive.

Une folie qui fait que Jésus s’attaque à la puissance religieuse et économique que représente le temple. Ce qui le conduira directement à la croix et à la mort. En effet, Marc nous dit juste après cet événement que les grands prêtres et les scribes cherchaient non plus a le faire mourir, cela ils en étaient bien décidé, mais comment ils le feraient mourir.
Cette folie, qui entraîne la contestation de toute structure aliénante pour celui qui croit et de toutes les divisions dans le peuple de Dieu, cette folie qui veut l'unité dans la liberté des enfants de Dieu, cette folie va entraîner Jésus à la mort.

Cette folie, l'histoire du figuier en est un autre exemple. C'est curieux non, que le récit de Jésus chassant les vendeurs du temple soit encadré par un récit d'un figuier maudit par Jésus car ne donnant pas de fruits, un figuier qui est l'occasion saisie par le Christ pour dire à ses disciples que la foi permet de jeter les montagnes dans la mer, que croire permet de transporter les montagnes. La foi ça a quelque chose de fou.

Marc nous montre que c’est cette foi folle, cette folie, cette contestation du temple par Jésus qui va l’entraîner à la mort. Et l’histoire nous apprend que cette contestation, cette folie de l’évangile ne s’arrêtera plus. C'est la folie de la foi, une folie qui jette les montagnes à a mer. Paul, après Jésus, se retournera contre ceux qui l’ont élevé. On peut ainsi reprendre l'histoire de l'Eglise, de manière œcuménique : Après Paul, chez ceux que l’on appellera les pères de l’Eglise, cette folie prendra corps dans une mystique pour nous aujourd’hui intolérante et insupportable. Durant le Moyen-Âge aussi, des hommes se sont levés porteur de cette folie. Il n’y a qu’à penser à François d’Assise qui au douzième siècle, élevé dans l’opulence et la richesse du monde de la bourgeoisie montante, quittera tout pour un idéal de pauvreté, faisant de sa vie entière une prédication auprès des pauvres et des simples.

Il n’y a qu’à penser aussi à la réforme. Ce jour est le dimanche de la réformation. Quel coup de folie prit Luther, pour que d’un moine serein, engagé dans les ordres après une prière à la vierge Marie, il devienne le contestataire de la papauté ; de cette structure aliénante que le catholicisme avait posé sur ces fidèles. Le contestataire de toutes les divisions opérés dans le peuple de Dieu par des critères de salut, de péchés, d’indulgence, et la liste est longue.

La piété des pères de l'Eglise, le mouvement de François d'Assise, la réforme tout ces mouvements participent de ce coup de folie qui est advenu à Jésus, il y a deux mille ans dans le temple de Jérusalem.

Ma maison sera appelée maison de prière pour toutes les nations. Et ce n’est pas pour rien que la première œuvre des franciscains fut des réformateurs fut de traduire la bible : donner accès à l’évangile à toutes les nations. La leçon que veut donner la réforme dans l’histoire c’est que nous n’avons pas le droit de nous approprier le message du Christ, nous n’aurons jamais le droit de diviser l’humanité, car elle est une, unie à Dieu par Christ. Tel est l’évangile, tel est la puissance de Dieu, et tel est le scandale pour les grecs et la folie pour les juifs.

Et nous ? Où en sommes-nous face à cette folie ? Un regard sans profondeur sur nos églises pourrait nous faire croire que nous avons bien enfermé la folie. Regardant les formes nous pourrions croire que l’institution de nos églises a su canaliser cet élan et que maintenant nous nous sommes installés dans une tranquillité sereine avec nos cadres, notre gestion de l’église comme la gestion de nos sentiments. Nous fonctionnons comme si nous avions dépassé la folie. Et pourtant à y regarder de plus prêt, nous aussi, nous sommes porteurs de cette folie.

Car honnêtement, la raison voudrait sans doute que nous reconnaissions toute la difficulté de l’entretien de tel bâtiments et que nous y renoncions. La raison voudrait sans doute qu’au vu du petit nombre de paroissiens fidèles et cotisant nos églises se passent de pasteur. La raison voudrait que minoritaires nous nous effacions dans l’indifférence.

Dans notre monde, Ouvrir ce temple tous les dimanches c’est de la folie ! Le chauffer, l’entretenir, c’est de la folie ! Avoir quelqu’un qui y annonce l’évangile chaque dimanche pour un petit nombre, c’est de la folie ! Dans notre monde, définir aujourd’hui un projet d’église c’est être porteur de cette folie. C’est se placer dans le même élan que celui qui fit renverser les tables des marchands au Christ. Dans le même élan que celui qui fit prêcher l’évangile par la pauvreté, à François d’assise. Dans le même élan que celui qui fit afficher ses thèses, à Luther. Alors c'est sûr que cet élan est peut être moins visible que le peuple assemblé devant les portes de Jérusalem et agitant des branchages. 

Nous sommes porteurs de cet élan de folie, peut importe le nom que nous lui donnons : saint esprit, motivation, entrain, etc. Il n’y a qu’en étant porteur de cet élan de folie que nous pouvons être porteur de l’évangile et rien ne saurait l’arrêter. C’est notre assurance. La croix n’a pas arrêté la folie de Jésus.
La résurrection vient nous montrer que quelque soit nos découragements, nos doutes, nos refrains d’un passé meilleur, nos critiques de nos voisins, nous avons l’assurance que demain ce vent de folie se poursuivra. Avec ou sans nous ? c’est là la seule question.

Oui, une chose est sûre, cette folie ne veut pas la division et l'opposition, elle a pour fondement l'unité du peuple de Dieu, l'unité dans la liberté des enfants de Dieu. Prier pour l'unité chrétienne, de manière la plus inclusive, prier pour toute l'église du Christ que lui seul connaît, c'est participer à cette folie, au zèle de la maison de notre Dieu. Ne pas s'en tenir aux divisions que nous fondons sur nos nationalités, nos propriétés, nos pratiques religieuses, nos manières de voir ou de parler, nos cultures ou nos manière de faire, ne pas cultiver les oppositions et les antagonismes.

La résurrection vient nous montrer que tout ça c'est la mort, et que le vent de la vie, l'Esprit qui donne la vie veut nous emporter, tous, dans l'amour, pour être ensemble le peuple que Dieu conduit.

Au Christ seul soit la gloire, Amen.


1 Description du temple chez Nouis, L’aujourd’hui de l’évangile,  p. 331

dimanche 1 janvier 2017

vivre à Caulmont: Bonne année !

vivre à Caulmont: Bonne année !: Qu'elle est bonne cette tradition d'entamer l'année avec des vœux ! C'est une manière d'ouvrir l'avenir à des possib...