Lecture
de la lettre de Paul aux Romains, chap. 13, v. 8 à 10
N’ayez aucune dette envers qui que ce soit, sinon
celle de vous aimer les uns les autres ; car celui qui aime son
prochain a pleinement accompli la loi. En effet, les commandements :
Tu ne commettras pas d’adultère, tu ne tueras pas, tu ne
voleras pas, tu ne convoiteras pas, ainsi que tous les autres, se
résument dans cette parole : Tu aimeras ton prochain comme
toi-même. L’amour ne fait aucun tort au prochain ;
l’amour est donc le plein accomplissement de la loi.
Prédication :
J'imagine,
qu'en cette fin d'été, tout le monde a du recevoir son avis
d'imposition. Ce courrier pas très sympathique vient gâcher les
derniers jours de soleil, à moins d'être au bénéfice de la
solidarité nationale de ne pas être imposable ou encore mieux
d'obtenir un crédit d’impôt – ce courrier ne fait que très
rarement plaisir. La plupart a donc du recevoir ce courrier qui vient
vous dire que vous devez des sous, vous êtes endettés, car en fait
nous le sommes tous.
Or,
dans le protestantisme calviniste, si il y a bien une chose que l'on
ne supporte pas, c'est la dette. Avoir des dettes, être endetté,
c'est invivable, insupportable ; c'est quelque chose à la
limite de l'immoralité. Une dette appelle son règlement le
rapidement possible. Ceci nous le savons depuis Max Weber qui ne
faisait en fait que décrire la société de son temps en reliant le
capitalisme avec le protestantisme.
En
dehors des impôts de circonstance en ce moment, on le sait depuis
plusieurs années, avec la crise économique – une vie fondée sur
la dette ne peut que s'effondrer, un jour ou l'autre si cette dette
n'est pas remboursée. C'est ce que dit l'économie, ce que dit la
finance, la loi du monde. Une dette c'est toujours de l'ordre d'avoir
quelque chose qui ne nous appartient pas, quelque chose qui du coup
est toujours transitoire, toujours appelé à être rendu, remboursé,
et quand on ne le peut pas, c'est la crise...
Ce
discours est assez convenu. Vous ne trouvez pas ? C'est limite
café du commerce, un discours de bon sens. Mais ce discours n'est
pas l'évangile.
Ce
que l'évangile nous dit, c'est qu'on ne peut vivre autrement qu'en
étant endettés. Toute vie est nécessairement endettée. Toute vie
est nécessairement endettée d'une dette d'amour que nul ne peut
rembourser. Notre vie se fonde sur la béance d'une dette que nous ne
pouvons pas rendre.
Vous
connaissez le commandement d'amour. Paul dans ce texte reprends la
parole du Christ Jésus dans l'évangile selon Jean notamment, au
chapitre 15, quand le Christ dit à ses disciples : « Voici
mon commandement : que vous vous aimiez les uns les autres comme
je vous ai aimés. Personne n'a de plus grand amour que celui qui se
défait de sa vie pour ses amis ». Une parole que Paul
reprendra dans différents textes, notamment sa lettre au Galates, au
chapitre 5 : « toute la loi est accomplie dans une seule
parole : celle-ci, tu aimeras ton prochain comme toi même ».
L'amour à vivre entre nous se fonde sur l'amour de celui qui a plus
que vécu l'amour, il en est mort.
Le
Christ aimant jusqu'à la croix, donnant sa vie pour ses amis,
inaugure notre amour de manière invivable. C'est ce que nous venons
de chanter dans « Torrents d'amour », un torrent qui
n'est pas un long fleuve tranquille. Car nous ne pouvons jamais aimer
comme il nous a aimé – ce que dit le cantique par des accents
sacrificiels, Paul le dit à sa manière : Par son amour, le
Christ nous endette à la vie, à la mort, et tout ce que nous
pouvons rendre n'est qu'intérêt versé par rapport au capital
donné.
Oui,
c'est cette parole, ce commandement d'amour souvent entendu du Christ
« aimez vous les uns les autres comme je vous ai aimé »
, Paul le reprend ici en terme de dette. « Ne devez rien à
personne, si ce n'est de vous aimez les uns les autres ; car
celui qui aime l'autre a accompli la loi ». Et il insiste
quelques versets plus loin « l'amour est l'accomplissement de
la loi ».
L'amour
dans l'évangile se fonde sur une dette que nous ne pouvons
rembourser. Et cette notion de dette n'est pas un détail et ce n'est
pas une expression en l'air. Juste avant dans ce chapitre 13 de sa
lettre, Paul a évoqué les impôts, c'est pour ça que j'ai commencé
par parler de nos déclarations fiscales, ces dettes que l'on aime
pas.
Paul
juste avant de parler d'amour vient de dire : « Rendez à
chacun ce qui lui est du – l’impôt à qui vous devez l’impôt,
la taxe à qui vous devez la taxe, la crainte à qui vous devez la
crainte, l'honneur à qui vous devez l'honneur ». Le contexte
invite à penser la dette en des termes très concrets, en des termes
financiers – quelque chose qui traverse les siècles dans son
caractère désagréable.
Même
au premier siècle il ne plaisait pas à grand monde de devoir payer
des impôts et des taxes. De tout temps, cette endettement vis à vis
de la chose publique n'a jamais plu à grand monde. Et c'est dans ces
termes pas très positifs que Paul reformule le commandement d'amour
– une dette.
Ce
faisant, Paul ne fait qu'un exercice d'étymologie – en hébreu un
des sens du verbe aimer c'est précisément être endetter. Un même
mot pour dire deux choses qui nous semblent à mile lieu l'une de
l'autre : aimer et être endetté. Vous comprenez alors que ce
que l'évangile nous dit, c'est qu'on ne peut vivre autrement qu'en
étant endettés. Toute vie est nécessairement endettée. Toute vie
est nécessairement endettée d'une dette d'amour que nul ne peut
rembourser.
Aussi
peut être est-il temps de clarifier ce qu'est l'amour et ce qu'il
n'est pas. Pour Paul, l'amour est l'accomplissement d'un
commandement, d'une parole ; il n'est pas du bon sentiment,
aimer quelqu'un ce n'est pas vouloir lui être sympathique.
Ainsi
le pasteur Martin Luther King disait dans une de ses prédications
qu'il était heureux que Jésus ait dit aimez vos ennemis, et pas
« ayez de la sympathie pour vos ennemis, car il y a des
personnes pour lesquelles j'ai du mal à avoir de la sympathie.
La
sympathie est un sentiment d'affection et il m'est impossible d'avoir
un sentiment d'affection pour quelqu'un qui bombarde mon foyer, pour
quelqu'un qui m'exploite, pour quelqu'un qui jour et nuit me menace
de mort. Et le pasteur baptiste américain dit alors : Mais
Jésus me rappelle que l'amour est plus grand que la sympathie, que
l'amour est une bonne volonté, compréhensive, créatrice,
rédemptrice, envers tous les hommes »
L'amour
n'est pas un sentiment, mais une volonté, une bonne volonté ;
ce n'est pas un élan du cœur, mais un regard posé sur le frère et
la sœur, ce n'est pas une capture de l'autre, l'enfermant dans ce
que j'attends et je veux, mais une ouverture et une reconnaissance de
la liberté de l'autre. Et c'est bien parce que Dieu veut nos vies,
parce qu'il nous regarde comme ses enfants, parce qu'il nous veut
libre de toute domination que nous sommes endettés à vivre selon
sa parole.
On
peut se souvenir de cette citation pleine de bon sens du philosophe
Kierkegaard : « la mère aimante apprend à son enfant à
marcher seul » ou encore « l'amour ne se trouve que dans
la liberté ».
Toute
vie est nécessairement endettée d'une dette d'amour que nul ne peut
rembourser, d'une dette qui nous ouvre à la liberté des enfants de
Dieu. C'est cet amour et ce commandement que la parole de Paul comme
tout l'évangile veut inscrire dans nos vies, pour celles et ceux qui
l'écoutent.
Et
je terminerai mon propos par une
citation du pasteur Charles Wagner qui écrivait :
« Jamais
Dieu n'a parlé à l'homme une langue plus claire, plus simple, plus
paternelle, que lorsqu'il nous envoya le Christ, le remplit de son
esprit et mit ses paroles sur ses lèvres. On peut dire de Jésus
« qu'en lui la vie divine a habité parmi nous, pleine de grâce
et de vérité. » Le Christ a résumé pour nous la
connaissance de Dieu dans un mot : Dieu est le Père, Dieu est
amour ». - c'est écrit
là, sur la chair.
C'est
l'affirmation la plus élevée et la plus consolante dans laquelle
ait été réuni ce que l'âme humaine a besoin de savoir. Que
veulent dire ces paroles ? Elles veulent dire que nous pouvons
compter de la part de Dieu, sur une sollicitude et une tendresse
absolument infinies. Dieu veut notre bien, et ni nos fautes, pourvu
qu'elles soient regrettées, ni nos malheurs les plus graves, ni la
mort ne peuvent nous séparer de lui. L'homme a besoin de se reposer
dans cette fortifiante certitude »1
Dieu
est amour. Ne devez rien à personne, si ce n'est de vous aimer les
uns les autres.
Au Christ seul soit la gloire. Amen.
Au Christ seul soit la gloire. Amen.
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