Lecture
Biblique au 1er livre des Rois, chapitre 19 :
Là-bas, il entra dans la grotte et y passa la nuit.
Soudain la parole de l’Éternel lui parvint, qui lui disait :
Que fais-tu ici, Elie ? Il répondit : J'ai montré une
passion jalouse pour l’Éternel, le Dieu des Armées ; car les
Israélites ont abandonné ton alliance, ils ont rasé tes autels,
ils ont tué tes prophètes par l'épée ; moi, je suis resté,
seul, et ils cherchent à me prendre la vie ! Il reprit :
Sors et tiens-toi dans la montagne, devant l’Éternel. Or l’Éternel
passait. Un grand vent, violent, arrachait les montagnes et brisait
les rochers devant l’Éternel : l’Éternel n'était pas dans
le vent. Après le vent, ce fut un tremblement de terre :
l’Éternel n'était pas dans le tremblement de terre. Après le
tremblement de terre, un feu : l’Éternel n'était pas dans le
feu. Enfin, après le feu, un calme, une voix ténue. Quand Elie
l'entendit, il s'enveloppa le visage de son manteau, sortit et se
tint à l'entrée de la grotte. Soudain une voix lui dit : Que
fais-tu ici, Elie ? Il répondit : J'ai montré une passion
jalouse pour l’Éternel , le Dieu des Armées ; car les
Israélites ont abandonné ton alliance, ils ont rasé tes autels,
ils ont tué tes prophètes par l'épée ; moi, je suis resté,
seul, et ils cherchent à me prendre la vie ! L’Éternel lui
dit : Va, reprends ton chemin par le désert jusqu'à Damas ;
quand tu seras arrivé, tu conféreras l'onction à Hazaël pour
qu'il soit roi sur Aram. Tu conféreras l'onction à Jéhu, fils de
Nimshi, pour qu'il soit roi sur Israël ; et tu conféreras
l'onction à Elisée, fils de Shaphath, d'Abel-Mehola, pour qu'il
soit prophète à ta place. Celui qui échappera à l'épée
d'Hazaël, Jéhu le fera mourir ; et celui qui échappera à
l'épée de Jéhu, Elisée le fera mourir. Mais je laisserai en
Israël sept mille hommes, tous les genoux qui n'ont pas fléchi
devant le Baal, toutes les bouches qui ne l'ont pas embrassé.
PRÉDICATION :
Je
ne sais pas vous, mais je dois reconnaître que personnellement je
n'ai jamais vu Dieu. Au risque de décevoir certains : j'avoue,
je le reconnais de but en blanc : Je n'ai jamais eu de
vision de l’Éternel. Or dans le texte biblique qui nous est
proposé par la fédération protestante, pour aujourd'hui et que
j'ai retenu ; dans ce texte biblique ce qui se donne à
entendre, c'est justement quelque chose de l'ordre d'un donner à
voir. Ce texte du premier livre des rois, joue sur la vision, la
vision d'un invisible.
Pour
bien le comprendre, je vous propose de bien reprendre ce texte en
suivant les notions de visible et d'invisible comme un fil directeur.
Et
d'abord pour bien s'accrocher à ce fil directeur il faut en premier
lieu souligner le cadre de ce qui arrive au prophète : le narrateur
insiste pour nous dire que ce qui se joue là, se joue dans une
grotte, à l'entrée d'une grotte en Horeb. Cette grotte, à l'Horeb,
renvoie inévitablement à Moïse et à un événement que seuls les
lecteurs attentifs de la Torah se souviennent : Moïse qui
demanda à voir la gloire de Dieu, nous dit le livre de l'Exode au
chapitre 33. Une demande à laquelle Dieu répondit en autorisant
Moïse à le voir par derrière, depuis une grotte de l'Horeb.
Ce
texte de l'Exode racontant un passage de la vie de Moïse, affirme
sans doute pour la première fois dans la bouche de l’Éternel :
« tu ne pourras voir ma face, car l'être humain ne peut me
voir et vivre » (Ex. 33, 20) Ce que le judaïsme a résumé en
une formule lapidaire : « voir Dieu et mourir »
Pour
en revenir à Élie, le cadre de l'événement, la grotte de l'Horeb
renvoie donc le lecteur de la Torah à la question de la vision de la
gloire de Dieu et d'un voir Dieu demandé par Moïse. Or ce qui
arrive à Élie est aussi de l'ordre d'un voir. Élie lui, ne demande
rien, il n'en peut plus. Dans un désarrois et une désespérance
tenace, celui qui a été un grand prophète en Israël a du fuir au
désert, Élie est parti pour éviter la colère d'Achab et de sa
femme la terrible Jezzabel.
Élie
ne demande rien, Élie est désespéré, il n'en peut plus. Et c'est
là, dans le désert, dans le désespoir que l’Éternel s'invite de
lui-même, il prend l'initiative et il demande à Elie de sortir de
la grotte, de se tenir devant pour le voir passer.
Voir
passer l’Éternel pour regonfler ses voiles. Voir son Dieu pour
faire le dernier chemin, terminer la mission et transmettre le
flambeau – c'est tout l'enjeu du texte.
Aussi,
la chose ne s'arrête pas là. La grotte de l'Horeb renvoie à la
demande de Moïse de voir la gloire de Dieu, Dieu annonce qu'il va se
donner à voir à son prophète pour lui donner l'énergie et la
force de repartir pour terminer sa mission, et le fil directeur de la
vision se poursuit dans le fait que quand l’Éternel se montre, il
se montre presque dans l'invisible.
L'invisible
du son d'un bruissement léger. Et là dessus le narrateur insiste
bien : Dieu n'est pas dans le vent – car bien qu'invisible, le
vent est trop sensible. L’Éternel n'est pas dans le tremblement de
terre – cette manifestation est trop puissante, Il n'est pas non
plus dans le feu. Vent, tremblement de terre et feu qui sont les
signes de nombreuses divinités antiques, sont trop visibles, trop
voyantes pour donner à voir l’Éternel Dieu de la Bible
Il
faut l'invisible du son d'un bruissement léger. J'ai choisi
d'entendre ce texte dans la Nouvelle Bible Second qui parle « d'une
voix ténue », la Traduction Œcuménique de la Bible parle
elle « d'un bruissement d'un souffle ténu », la
traduction en français courant retient : « le bruit d'un
léger souffle »
Quand
Dieu se donne à voir, il n'y a donc pas grand chose de visible, mais
peut être plus quelque chose à entendre. Quelque chose qui n'est
pas tonitruant mais qui est fin comme le son d'un courant d'air. Et
c'est à ce son quasi-imperceptible que le prophète reconnaît son
Dieu.
Alors
le jeu du visible et de l'invisible se poursuit dans le texte,
puisque c'est alors qu'Elie cache son visage dans son manteau et donc
il ne verra rien ; alors que pour autant, il se tient à
l'entrée de la grotte pour voir passer l’Éternel. Le prophète
se couvre le visage pour ne pas lui faire face, pour finalement ne
pas le voir. Vous entendez le paradoxe : le prophète se tient à
l'entrée de la grotte pour voir l’Éternel, mais dès qu'il
l'entend il se couvre le visage. Ce paradoxe qui achève la tension
entre le visible et l'invisible dans le texte vient je crois pointer
que l'essentiel est peut être plus à entendre qu'à voir.
Entre
le visible et l'invisible ce qui se tisse c'est peut être
effectivement, que l'essentiel n'est pas de voir ; mais
d'entendre. C'est du moins ce que dit le théologien André Birmelé
dans un très beau livre récent intitulé l'horizon de la grâce.
Birmelé écrit : « Dans la manifestation de l'Horeb, Dieu
n'est même pas dan le feu ; il n'est ni dans l'ouragan, ni dans
le tremblement de terre. Élie ne perçoit que le bruissement d'un
souffle ténu. Tout comme dans l'épisode du buisson ardent, Dieu
demeure invisible et insaisissable, mais il ne cesse de parler.
Dieu
est dans la Parole et c'est ainsi qu'il est perceptible » fin
de citation
Percevoir
Dieu dans sa parole, bien plus que de chercher à le discerner entre
le visible et l'invisible.
Aussi,
si j'ai commencé cette prédication de manière très catégorique :
je n'ai jamais vu Dieu Et quelque part c'est vrai : je n'ai
jamais été témoins ni du buisson ardent comme Moïse, ni d'un
souffle même ténu comme Élie ; Par contre, s'il s'agit d'une
parole, d'une parole entendue il me faut être nettement moins
catégorique – et je pense même que c'est vrai pour tout le monde,
ici et même au-delà des limites de ce temple. Autant peu nombreux
sont ceux qui peuvent se venter d'avoir vu Dieu, autant la question
de l'avoir entendu est toute autre.
D'abord
lecteur de la Bible ; la fréquentation des Écritures me pousse
à croire que j'ai déjà entendu quelque chose de la part de Dieu
comme toutes celles et ceux qui ont pris le temps un jour d'ouvrir le
livre et qui se sont laissé travaillé par le texte biblique. Et
même si je n'avais pas le Livre, la fréquentation de frères et de
sœurs en humanité et dans la foi, me pousse à croire que certains
auraient été pour moi les relais de cette parole.
Sans
extrapoler : C'est un des sens même du culte chrétien que
nous vivons ensemble le dimanche matin : prendre le temps, les uns
avec les autres, de se placer à l'écoute de la Parole. Nos
liturgies, nos prières et nos chants donnant un cadre à cette
écoute, pour entendre quelque chose de Dieu.
Et
même, faisons une supposition un peu déraisonnable ; même si
j'étais seul, même si je me trouvais sans contact avec d'autres,
même si je n'avais jamais eu de Bible entre les mains dans laquelle
discerner une quelconque Parole – au fin fond d'un désert, au fin
fond d'une grotte au plus lointain des lieux sans habitants. Même
là, la tradition chrétienne depuis les psaumes, l'apôtre Paul,
François d'Assise et encore les réformateurs, tous ont fait le pari
de dire que le monde lui-même me parlerait de Dieu par son
harmonie et sa beauté. Même là, au plus seul et au plus
éloigné de tous et tout, une parole venant de Dieu serait audible.
Cette
supposition est un extrême mais comprenez bien que, si en commençant
cette prédication j'ai pu être catégorique sur le fait que je n'ai
jamais vu Dieu – ni face à face, ni même de dos ; force est
de constater que je ne peux pas l'être autant sur le fait de ne
l'avoir jamais entendu.
Qui
n'a jamais entendu une parole venue de Dieu ? Cette question est
beaucoup moins évidente. Il n'y a pas de réponse toute faite. Il ne
s'agit pas forcément d'une parole énoncée de manière tonitruante
ou forte, mais comme un léger souffle, comme un son quasi
imperceptible... Et je crois que cette expérience peut être le lot
de tous, pour peu que nous prenions le temps – le temps de la
rencontre ; le temps de la mise à l'écart et de l'écoute, de
la mise en disponibilité pour entendre cette parole.
Une
parole qui vient nous rejoindre dans nos moments d'écoute, dans nos
temps de creux, un peu comme Élie au fin fond de son désert et de
sa désespérance ; une parole légère comme un souffle ténu,
mais un souffle suffisant pour regonfler nos voiles et nous donner de
reprendre la marche avec courage et conviction. Un souffle ténu qui
nous pousse à ouvrir nos mains sur le monde, et nos oreilles vers
Dieu pour tracer avec lui les chemins du royaume, chemin de renouveau
et d'espérance, chemin de joie et de paix pour chacune de nos vies.
Personnellement,
je n'ai jamais vu Dieu, c'est vrai ; mais je sais que dans sa
Parole se fonde une confiance que rien ne peut altérer – une
confiance qui donne la vie au-delà de tout. Cette Parole dans les
Écritures prend le visage du Christ Jésus, elle devient des gestes
par ses mains, des paroles par sa bouche, un regard, une bénédiction
– dans toute la fragilité d'une vie soumise à la menace de la
mort et de tous les sans-joie. Que nous sachions nous ouvrir à cette
Parole dont Christ est un visage pour être témoin du Père qui nous
relève et nous envoie, chacun, chacune, et en église ; en
mission.
Relais
de la Parole, témoins d'amour, rendant visible dans notre monde la
seule gloire de Dieu. Amen.
j'emprunte ta prédication pour la lire à lussan le 4 aout Merci bises
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