Epitre de Paul
aux Philippiens, chapitre 4, versets 6 à 9 :
Ne vous inquiétez
de rien ; mais, en tout, par la prière et la supplication, avec
des actions de grâces, faites connaître à Dieu vos demandes. Et la
paix de Dieu, qui surpasse toute pensée, gardera votre cœur et
votre intelligence en Jésus-Christ.
Au reste, mes
frères, que tout ce qui est vrai, tout ce qui est digne, tout ce qui
est juste, tout ce qui est pur, tout ce qui est aimable, tout ce qui
mérite l'approbation, ce qui est moralement bon et digne de louange
soit l'objet de vos pensées ; ce que vous avez appris, reçu,
entendu et vu en moi, mettez-le en pratique. Et le Dieu de la paix
sera avec vous.
La
paix. La paix sur nos inquiétudes, la paix sur nos relations. Pour
l’apôtre Paul, la paix reçue de Dieu, du Dieu de la paix, est
mise en pratique de l’évangile. Ne pas se perdre dans les
angoisses et les inquiétudes ; ne pas se perdre dans
l’injustice et l’immoralité, mais vivre la paix, en soi, pour
soi, et dans le lien aux autres, à la communauté. Je voudrai
m’arrêter aujourd’hui avec vous sur cette notion de paix, qui me
semble fondamentale, et urgente au vue de notre actualité. Oui cette
paix est fondamentale et urgente.
1-
Fondamentale : La paix dans la bible c’est d’abord le
shalom ; tout le monde connaît le cantique evenou shalom
alerhem : que la paix soit sur vous.
1.1
La paix-shalom est une bénédiction. Dans le livre des Nombres, le
mot paix est le dernier mot de la formule de bénédiction
sacerdotale : « Que l’Eternel te bénisse et te garde,
que l’eternel fasse rayonner sur toi son regard et t’accorde sa
grâce, que l’Eternel porte sur toi son regard et te donne la
paix ! ». La paix-shalom est donc une formule de
bénédiction.
Cette
paix-bénédiction renvoie en hébreu à une idée de totalité,
d’achèvement, de quelque chose de complet, et donc d’un bien
être ou d’un bonheur dans lequel il ne manque rien. La racine
hébraïque, Shalom, fait de la paix un tout bien faisant. Et nous
retrouvons cette notion de complétude sous la plume de l'apôtre
Paul – la paix vient au terme d’une totalisation :
« que tout ce qui est vrai, tout ce qui est digne, tout ce qui
est juste, tout ce qui est pur, tout ce qui est aimable, tout ce qui
mérite l'approbation, ce qui est moralement bon et digne de louange
soit l'objet de vos pensées ; ce que vous avez appris, reçu,
entendu et vu en moi, mettez-le en pratique. »
Pour
Paul la paix est à la somme de la justice, de la vérité, de la
dignité, de la justice, de la pureté, de l’amour et de la
moralité ; c’est parce qu’il y a tout ça qu’il peut y
avoir la paix comme un bonheur, comme un bien être. Une paix
totalité bienfaisante.
1.2
Cette paix pour autant qu’elle fait envie, cette paix n'est pas une
évidence. Bien au contraire, Paul l’évoque, et Paul l’invoque
face aux inquiétudes des croyants. On peut alors se souvenir que la
lettre aux Philippiens est un courrier écrit par Paul alors qu’il
est en captivité. Paul est en prison, incertain du procès qui
l’attend.
Sans
doute que sa parole « ne vous inquiétez de rien »
résonne d'abord pour lui, d’abord. C’est sous les fers, dans
l'inconfort d'une cellule aux temps de Rome, qu’il témoigne de
cette paix reçue de Dieu, cette paix qui trouve sa source dans le
Dieu de la paix, cette paix conséquence de sa foi.
1.3
Oui, pour Paul la paix s’origine en Dieu, et cette paix est
conséquence directe de la foi. De la même manière Jean Calvin
reprendra dans son Institution de la religion chrétienne le même
mouvement en faisant de la paix la conséquence des jugements de
Dieu ; il écrivait :
« La
paix est une suite nécessaire et infaillible à la confiance – à
la foi . Or cette paix est une tranquillité d’âme qui assure et
réjouit la conscience, et qui en apaise toutes les agitations
lorsqu’elle se remet les jugements du seigneur devant les yeux »
(Livre III, chap. II)
La
foi est ce qui s’oppose aux inquiétudes, au nom, non pas d’une
construction de soi ou d’un bien-être intérieur qu’il faudrait
trouver par un certain équilibre – le christianisme n’est pas
une sagesse du développement personnel. Mais la foi est ce qui
s’oppose aux inquiétudes au nom du jugement de Dieu, d'une parole
qui nous appelle et nous justifie, au nom d’un don qui nous est
fait ; ce dont témoigne la bénédiction : une parole de
reconnaissance de la part de Dieu.
Telle
est la paix qui surpasse toute connaissance. Le Dieu de la paix,
c’est celui qui en Jésus Christ nous a réconcilié à lui et nous
a rendu les uns aux autres, et qui nous donne toutes choses en lui,
dans la plénitude de son amour. C’est lui qui garde nos sentiments
et nos pensées. Pour le dire avec les mots des béatitudes, Paul
invite le croyant a être l’artisan d’une paix qui lui est donnée
et dont il appelé à témoigner au cœur de ce monde :
« Heureux ceux qui procurent la paix, car ils seront appelés
fils de Dieu »
Etre
témoin de cette paix c’est d’abord vivre la confiance dans sa
relation à Dieu, dans sa relation aux autres – ne pas devoir se
justifier sans arrêt aux yeux de Dieu et aux yeux des autres, mais
recevoir sa justification gratuitement de Dieu. Etre témoin de paix
c'est oser une parole de foi ; une parole qui dit quelque chose
de fondamental et quelque chose de très urgent.
2-
J'en viens maintenant à l'urgence, car je le disais cette paix
dont témoigne l'apôtre Paul est quelque chose d'aussi fondamentale
qu'elle est devenue une vraie urgence, urgence à la vivre au vue de
notre actualité. Car cette paix – bénédiction et don de Dieu -
c’est aussi nécessairement une parole à vivre ensemble, une
parole à tracer dans nos rapports les uns avec les autres, dans
notre rapport au monde, à la notre société mais aussi en
communauté.
2.1
Dans notre rapport au monde : dimanche dernier déjà je
terminai ma prédication par une parole remettant en cause l’unité
nationale derrière la nécessité de la guerre en Iraq et en Syrie.
Il y a maintenant 10 jours, l’assassinat d’un français parti en
Algérie, ce crime odieux ultra médiatisé, justifiait aux yeux de
tous le déchainement de violence qui a cour actuellement sur le
moyen orient. Face au terrorisme, la solution n’est pas dans la
violence ; tout l’évangile nous le dit : nous ne serons
jamais vainqueurs du mal par le mal, de la mort par la mort ou de la
peur par la peur.
Il
faut sortir de la logique de la violence, du jugement de l’autre,
de la condamnation pour entrer dans une logique de vie, de paix et
d’amour. Les deux sont inconciliables. Il n'est jamais trop tard
pour entendre cette parole, nous ne sommes jamais totalement condamné
à la violence ; même si il n'y a aucune évidence à le dire
et à le vivre. Et surtout il est urgent de porter cette situation
explosive dans la prière, remettre nos inquiétudes entre les mains
de Dieu.
2.2
De manière moins dramatique, mais tout de même un peu inquiétante
je crois. Les tensions qui traverses notre société aujourd'hui en
France, témoignent également d'une grande violence sous-jacente.
Les rapports sociaux se font de plus en plus tendus à force que les
pauvres soient plus nombreux et plus pauvres ; et que les riches
soient moins nombreux et plus riches. Entre ces deux pôles,
l'ensemble de la classe moyenne est balotée, secouée, souvent mise
en difficulté. Ces tensions économiques qui ne vont pas aller en
s'arrangeant soumettent notre vivre ensemble à des chocs, des
oppositions, des divisions.
Là
aussi dans notre pays la paix n'est plus autant une évidence qu'il y
a quelques années. Elle semble fragile et toujours à retisser. Ici
aussi il y a urgence à parler de paix, à tisser la paix, à la
tenir et à l'entretenir. Urgence aussi à remettre les inquiétudes
de notre pays entre les mains de l’Éternel.
2.3
Enfin de manière moins dramatique, encore, le débat synodal sur la
bénédiction ébranle l’unité de nos communautés, de notre
église. Faisant apparaître des crispations, des tensions, parfois
des jugements. Ici à Béziers, ce jeudi en conseil presbytéral nous
avons évoqué cette question, trouvant je crois un consensus pour
vivre ensemble une pratique d'église face à cette question.
Le
travail du synode régional aura lieu en novembre, puis celui du
synode national au printemps, mais là aussi je crois qu'il faut
tenir à la paix. Là aussi, même dans le travail de notre église
les inquiétudes peuvent être remises entre les mains du père pour
maintenir la paix dans le vivre ensemble.
Je
concluerai avec ce texte anonyme, trouvé au Rwanda lors d’autres
conflits :
Si
la pierre disait : «Ce n’est pas une pierre qui peut monter un
mur»,
Il
n’y aurait pas de maison.
Si
la goutte d’eau disait : «Ce n’est pas une goutte d’eau qui
peut faire une rivière», Il n’y aurait pas d’océan.
Si
le grain de blé disait : «Ce n’est pas un grain de blé qui peut
ensemencer un champ», Il n’y aurait pas de moisson.
Si
l’homme disait : «Ce n’est pas un geste d’amour qui peut
sauver l’humanité»,
Il
n’y aurait jamais d’amitié et de paix sur la terre des hommes.
Comme
la maison a besoin de chaque pierre,
Comme
l’océan a besoin de chaque goutte d’eau,
Comme
la moisson a besoin de chaque grain de blé,
La
paix a besoin de toi, unique, et irremplaçable.»
La
paix à besoin de toi, c'est vrai pour le monde, pour notre pays,
dans notre église. La paix à besoin de toi, pour poser les gestes
d'amour, que tous attendent, pour nourrir notre espérance et ceux de
nos contemporains.
Ne vous inquiétez
de rien ; mais, en tout, par la prière et la supplication, avec
des actions de grâces, faites connaître à Dieu vos demandes. Et la
paix de Dieu, qui surpasse toute pensée, gardera votre cœur et
votre intelligence en Jésus-Christ.
A
Lui seul soit la gloire. Amen.
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