EVANGILE
SELON MATTHIEU, chap. 16, v. 13 à 20
Jésus,
arrivé dans la région de Césarée de Philippe, se mit à demander
à ses disciples : Au dire des gens, qui est le Fils de
l'homme ? Ils dirent : Pour les uns, Jean le Baptiseur ;
pour d'autres, Elie ; pour d'autres encore, Jérémie, ou l'un
des prophètes. — Et pour vous, leur dit-il, qui suis-je ?
Simon Pierre répondit : Toi, tu es le Christ, le Fils du Dieu
vivant. Jésus lui dit : Heureux es-tu, Simon, fils de Jonas ;
car ce ne sont pas la chair et le sang qui t'ont révélé cela, mais
mon Père qui est dans les cieux ! Moi, je te dis que tu es
Pierre, et sur ce caillou je construirai mon Eglise, et les portes du
séjour des morts ne prévaudront pas contre elle. Je te donnerai les
clefs du royaume des cieux : ce que tu lieras sur la terre sera
lié dans les cieux, et ce que tu délieras sur la terre sera délié
dans les cieux. Alors il recommanda aux disciples de ne dire à
personne qu'il était le Christ.
PRÉDICATION :
Il
était une fois un Bûcheron et une Bûcheronne qui avaient
sept enfants tous Garçons. L'aîné n'avait que dix ans, et le plus
jeune n'en avait que sept. On s'étonnera que le Bûcheron ait eu
tant d'enfants en si peu de temps; mais c'est que sa femme allait
vite en besogne, et n'en faisait pas moins que deux à la fois. Ils
étaient fort pauvres, et leurs sept enfants les incommodaient
beaucoup, parce qu'aucun d'eux ne pouvait encore gagner sa vie. Ce
qui les chagrinait encore, c'est que le plus jeune était fort
délicat et ne disait mot. Il était fort petit, et quand il vint au
monde, il n'était guère plus gros que le pouce, ce qui fit que l'on
l'appela le petit Poucet.
Il
vint une année très fâcheuse, et la famine fut si grande, que ces
pauvres gens résolurent de se défaire de leurs enfants. Un soir que
ces enfants étaient couchés, et que le Bûcheron était auprès du
feu avec sa femme, il lui dit, le cœur serré de douleur : Tu vois
bien que nous ne pouvons plus nourrir nos enfants ; je ne saurais les
voir mourir de faim devant mes yeux, et je suis résolu de les mener
perdre demain au bois, ce qui sera aisé, car tandis qu'ils
s'amuseront à fagoter, nous n'avons qu'à nous enfuir sans qu'ils
nous voient.
Ah ! s'écria la Bûcheronne, pourrais-tu bien toi-même mener perdre tes enfants ? Son mari avait beau lui représenter leur grande pauvreté, elle ne pouvait y consentir, elle était pauvre, mais elle était leur mère. Cependant ayant considéré quelle douleur ce leur serait de les voir mourir de faim, elle y consentit, et alla se coucher en pleurant.
Le
petit Poucet ouït tout ce qu'ils dirent, car ayant entendu de dedans
son lit qu'ils parlaient d'affaires, il s'était levé doucement, et
s'était glissé sous l'escabelle de son père pour les écouter sans
être vu. Il alla se coucher et ne dormit point le reste de la nuit,
songeant à ce qu'il avait à faire. Il se leva de bon matin, et alla
au bord d'un ruisseau, où il emplit ses poches de petits cailloux
blancs, et ensuite revint à la maison. On partit, et le petit Poucet
ne dit rien de tout ce qu'il savait à ses frères. Ils allèrent
dans une forêt fort épaisse, où à dix pas de distance on ne se
voyait pas l'un l'autre.
Le Bûcheron se mit à couper du bois et ses enfants à ramasser les broutilles pour faire des fagots. Le père et la mère, les voyant occupés à travailler, s'éloignèrent d'eux insensiblement, et puis s'enfuirent tout à coup par un petit sentier détourné. Lorsque ces enfants se virent seuls, ils se mirent à crier et à pleurer de toute leur force.
Le petit Poucet les laissait crier, sachant bien par où il reviendrait à la maison; car en marchant il avait laissé tomber le long du chemin les petits cailloux blancs qu'il avait dans ses poches. Il leur dit donc, ne craignez point, mes frères ; mon Père et ma Mère nous ont laissés ici, mais je vous ramènerai bien au logis, suivez-moi seulement.
Source :
http://clpav.fr/lecture-poucet.htm
Vous
connaissez sans doute tous cette histoire du petit poucet. Ce conte
de Charles Perraut dans lequel, de manière terrible, en grande
pauvreté, un couple se résout à abandonner ses enfants au fond
d'un bois ténébreux. Une histoire dans laquelle Poucet réussi à
sauver ses frères avec des petits cailloux blancs. Une histoire qui
heureusement fini à peu près bien, puisque Poucet arrivera à
arracher le trésor de l'ogre et du coup sa famille sera sauvée de
la famine.
Si
j'ai choisi de vous faire entendre un extrait de ce conte, c'est que
cette histoire peut, je crois, nous permettre d'entendre le passage
de l'évangile autrement qu'à notre habitude. Entendre l'évangile
nous poser cette simple question : et si nous étions invités à
être une église de petits cailloux blancs ? Être une église
de petits cailloux blancs pour montrer un chemin à travers les
ténèbres ?
Être
des relais, dans notre communion les uns avec les autres, une
possibilité offerte à nos contemporains de suivre un chemin de
libération et de liberté, tracer les uns avec les autres un sentier
qui nous permette et permette à nos frères et nos sœurs de
retrouver la maison du Père ?
« Moi,
je te dis que tu es Pierre et sur ce caillou je construirai mon
Eglise ».
Forcément
ce verset vous l'avez déjà entendu, et sans doute avait-il une
autre coloration. Tu es « Pierre et sur cette pierre je bâtirai
mon église » - nous l'entendons toujours ainsi. Et il faut
dire que ça nous arrange quand nous l'entendons ainsi ; car
finalement quand Jésus dit à Simon qu'il est « Pierre et que
sur cettte pierre il bâtira son église » ; ça ne
concerne que Jésus et Pierre, et pour nous ça n'est qu'une petite
histoire à raconter.
Un
autre conte que celui de Charles Perrault mais une petite histoire,
disant les origines de l'église que l'on peut entendre à la veillée
– sans que ça ébranle nos vies. Et puis entendre tu es Pierre et
sur cette Pierre je bâtirai mon église ça fait tout de suite
sérieux, alors qu'au contraire parler d'une église faite de petits
cailloux plutôt que de grosses pierres – ça fait nettement moins
prestigieux
Pourtant
« caillou » en grec se dit « xaliki » ou
aussi « petra » comme le mot « pierre » ;
il n'y a donc pas à strictement parlé de faute de traduction à
entendre le passage de l'évangile comme je le fais : « Moi,
je te dis que tu es Pierre et sur ce caillou je construirai mon
Eglise ». Jésus ne parle pas d'une pierre monumentale, d'un
lithos, non il parle d'une pierre modeste, petra. Pierre un petit
caillou bâtissant l'église avec toutes celles et ceux qui
reconnaissent en Jésus le Christ, le Fils du Dieu vivant ».
Entendre
l'évangile nous parler d'une église de cailloux nous permet de
réaliser ce que la phrase de Jésus ne doit pas nous faire oublier :
l'église des origines n'est pas un bâtiment, c'est un lien qui uni
des humains. Aux premiers temps l'église n'est jamais une
construction mais c'est toujours une communauté qui se réunit peu
importe où ; et il faudra du temps dans l'histoire de l'église
pour que les hommes définissent un lieu spécifique en le désignant
du mot église. Le mot église veut dire assemblée et pas bâtiment.
Quand
Jésus parle de bâtir l'église il ne parle pas d'un projet
architectural, de construction, ou de bâtiment, mais il parle de
relations humaines, de communion, de lien. Un lien qui passe par lui,
le Christ, le Fils du Dieu vivant, mais qui fait le tour de tous ceux
qui le reconnaissent pour revenir à lui.
D'ailleurs
c'est dans ce sens du lien, de la relation, de la communion que Jésus
poursuit en disant que la Puissance de mort n'aura pas de force
contre elle ; un lien communautaire, une communion qui résiste
à la mort et au mal ; un lien, une communion qui se lie aux
cieux comme sur terre « tout ce que tu lieras sur la terre sera
lié aux cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié
aux cieux ». Ce verset ne dit rien du mariage ou du divorce
comme voudrait le faire croire une tradition d'église, mais il
s'agit de dire le lien au sein de l'église, les relations humaines à
tisser entre nous.
Une
église chemin à travers le bois, comme celui tracé par le petit
poucet dans les ténèbres.
Etre
une église de petits cailloux blancs montrant un chemin de
libération au cœur des ténèbres du monde ; être lié les
uns aux autres de manière plus forte que la puissance de mort à
l’œuvre dans le monde ; l'évangile nous invite à vivre
l'église à la façon d'un chemin, un sentier, une route à suivre
pour retrouver la maison du Père. Un chemin offert à nos pas, mais
aussi à ceux de nos contemporains – un chemin de vie qu'ouvre le
Christ sur la terre, au-delà et jusqu'aux cieux ; un chemin
qu'il parcourt avec nous.
Etre
ensemble en relation les uns avec les autres, avec le Christ et avec
Dieu dans un lien où ce que nous pouvons donner n'est que ce que
nous recevons de l'autre. Si Pierre reconnaît que Jésus est le Fils
de Dieu, c'est que cela lui a été donné par Dieu, lui-même. Ce
cercle de la communion et du don de la foi, n'est pas statique, c'est
une dynamique entraînante qui ouvre un chemin quand l'horizon semble
bouché.
Jésus
invite celles et ceux qui le reconnaissent comme le Christ à
constituer une communion qui soit tel un chemin à travers le bois,
comme celui tracé par le petit Poucet dans les ténèbres.
Aujourd'hui,
l'histoire du petit Poucet peut heureusement sembler dater. Aucun
parent n'imaginerai abandonner ses enfants au fond d'un bois sombre.
Pour autant la noirceur du monde et la difficulté de la vie peuvent
sembler aux uns et aux autres boucher l'avenir, verrouiller tout
lendemain, ne plus donner place à aucune liberté. La noirceur du
monde peut sembler plus forte que les couleurs de l'espérance. Face
à cette pesanteur, cette torpeur et cette noirceur, le Christ, je le
crois nous invite à être des petits cailloux blancs, traçant un
chemin de libération.
Être
des petits cailloux blancs en étant des ouvriers de paix, des
bâtisseurs d'amour – tenant cette communion au Christ faite
d'amour, de lumière, d'unité et de vérité. Une église témoins
de foi là où trouble le doute, chemin d'espérance dans tous les
bois sombres du désespoir. Que cela nous soit donné à chacun, et
ensemble en église. Amen.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire