Prédication du dimanche 18 janvier - 1er livre de Samuel chapitre 3

Texte biblique :
1Le jeune Samuel officiait pour le SEIGNEUR devant Eli. La parole du SEIGNEUR était rare en ces jours-là, les visions n'étaient pas fréquentes.2Un jour qu'Eli était couché à sa place — ses yeux commençaient à s'affaiblir, il ne pouvait plus voir ; 3la lampe de Dieu n'était pas encore éteinte, et Samuel était couché dans le temple du SEIGNEUR où était le coffre de Dieu — 4le SEIGNEUR appela Samuel. Il répondit : Je suis là ! 5Il courut vers Eli et dit : Je suis là ! Tu m'as appelé ? Eli répondit : Je n'ai pas appelé ; retourne te coucher ! Il alla donc se coucher. 6Le SEIGNEUR appela de nouveau Samuel. Samuel se leva, alla trouver Eli et dit : Je suis là ! Tu m'as appelé ! Eli répondit : Je n'ai pas appelé, mon fils ; retourne te coucher ! 7Samuel ne connaissait pas encore le SEIGNEUR ; la parole du SEIGNEUR ne s'était pas encore révélée à lui.
8Le SEIGNEUR appela de nouveau Samuel, pour la troisième fois. Celui-ci se leva, alla trouver Eli et dit : Je suis là ! Tu m'as appelé ! Eli comprit alors que c'était le SEIGNEUR qui appelait le garçon. 9Eli dit à Samuel : Va te coucher ; s'il t'appelle, tu diras : « Parle, SEIGNEUR ; moi, ton serviteur, j'écoute. » Samuel alla donc se coucher à sa place.
10Le SEIGNEUR vint et se tint là. Il appela comme chaque fois : Samuel ! Samuel ! Samuel répondit : Parle ! Moi, ton serviteur, j'écoute. 11Alors le SEIGNEUR dit à Samuel : Je vais faire quelque chose en Israël ; quiconque en entendra parler en restera abasourdi. 12En ce jour-là je réaliserai sur Eli tout ce que j'ai dit contre sa maison, du début à la fin. 13Je lui annonce que je juge sa maison pour toujours, à cause de la faute qu'il connaît : ses fils ont méprisé Dieu, et il ne les a pas repris. 14C'est pourquoi je jure, en ce qui concerne la maison d'Eli, qu'aucune expiation ne sera jamais faite pour la faute de la maison d'Eli, ni par des sacrifices ni par des offrandes.
15Samuel resta couché jusqu'au matin, puis il ouvrit les portes de la maison du SEIGNEUR. Samuel avait peur de raconter la vision à Eli. 16Mais Eli appela Samuel ; il dit : Samuel, mon fils ! Celui-ci répondit : Je suis là ! 17Eli demanda : Qu'est-ce qu'il t'a dit ? Je t'en prie, ne me cache rien. Que Dieu te fasse ceci et qu'il y ajoute cela, si tu me caches quoi que ce soit de tout ce qu'il t'a dit ! 18Alors Samuel lui dit tout ; il ne lui cacha rien. Eli dit : C'est le SEIGNEUR ; qu'il fasse ce qui lui plaira !
19Samuel grandissait, et le SEIGNEUR était avec lui. Il ne laissait tomber à terre aucune de ses paroles. 20Ainsi tout Israël, depuis Dan jusqu'à Bersabée, sut que Samuel était accrédité comme prophète du SEIGNEUR. 21Le SEIGNEUR continua d'apparaître à Silo : le SEIGNEUR se révélait à Samuel, à Silo, par la parole du SEIGNEUR.
Prédication :

L'être humain peut-il jamais être satisfait dans sa relation avec Dieu ?
La foi peut-elle être un jour ancrée, chevillée, arrimée à l'homme au point qu'il soit dans une sorte de félicitée avec Dieu ?
Des traditions religieuses portent cette idée d'une béatitude dans la communion avec Dieu qui serait le stade le plus abouti de la religion.
D'autres traditions proposent que cet état de plénitude n'est atteignable qu'après la mort

Le texte entendu aujourd'hui nous dit, je crois, que notre relation à Dieu est toujours sujette à questionnement ; que notre relation à Dieu est toujours en devenir – pourrait-on dire. Mettant en place un paradoxe fort au risque de faire sourire, le texte biblique nous invite à relativiser notre jugement dans notre relation à Dieu, pour laisser place non à notre questionnement, mais à la confiance.

Un paradoxe qui fait sourire, oui, sans être une franche histoire drôle, le texte biblique entendu aujourd'hui tiré du 1er livre de Samuel cultive le paradoxe, met en scène le paradoxe, au point que je crois que nous pouvons en sourire, un sourire qui n'empêche pas d'entendre ce que nous dit ce texte de fondamental. Aussi, je voudrai souligner ce paradoxe et entendre ce qu'il peut nous dire aujourd'hui.

Vous l'avez entendu – c'est le cœur du texte - par quatre fois, dans une même nuit, par quatre fois, l’Éternel appelle le jeune Samuel au temple de Silo. La communication a pour le moins du mal à passer, le texte insiste sur le fait que Samuel ne connait pas l’Éternel, cette méconnaissance justifie sa confusion et le fait qu'il pense que c'est Élie qui l'appelle au milieu du temple de Silo. Il faut dire qu'ils sont sans doute que deux dans ce temple

Bref Samuel ne comprend pas qui lui parle, mais malgré cette incompréhension, l’Éternel ne se lasse pas, par quatre fois il renouvelle ses appels. Cet appel répété et appuyé est de l'ordre d'une vocation. Une parole adressée qui trace un chemin de vie pour Samuel, lui qui était au temple depuis son plus jeune âge, selon le vœux de sa mère, Anne, il devient le sujet d'une parole qui lui est adressé, il devient serviteur de l’Éternel, en s'affirmant face à Dieu : « Parle ! Moi, ton serviteur écoute »

Cette parole de vocation, cette parole qui permet à Samuel de s'affirmer, cette vocation intervient après une autre parole, moins heureuse celle-ci. A la fin du chapitre 2, un homme de Dieu a porté la parole de l’Éternel à Eli, une parole de jugement ou de condamnation, une parole selon laquelle ses fils s'étaient condamné en multipliant les mauvaises action. Une parole de condamnation qui intervient au chap. 2 par l'entremise d'un homme de Dieu qui délivre un discours de près de 10 versets introduit par la formule « Ainsi parle l'Eternel ».

Notre texte présente donc une parole qui ouvre la vie de Samuel, qui trace pour lui le chemin du service, après que la parole de l’Éternel ait clot le chemin de vie d'Elie. Il y a donc dans ce début du livre de Samuel, beaucoup de Parole.
Oui dans ce texte et plus largement, au début de ce premier livre de Samuel, Dieu parle, on peut même se dire qu'il n'arrête pas de parler, et pourtant nous trouvons au commencement de ce récit cette affirmation surprenante : « la parole de l’Éternel était rare en ces jours-là, les visions n'étaient pas choses fréquentes ».

« La Parole de l’Éternel était rare en ces jours là les visions n'étaient pas choses fréquentes  ». Cette affirmation vient tout en contraste avec ce qui nous est rapporté au commencement de ce livre, elle fait le paradoxe avec la situation d'un Dieu qui parle à Élie par l'intermédiaire de l'homme de Dieu, elle fait paradoxe avec l'appel de Samuel répété quatre fois.

Et ce paradoxe ne vient pas comme ça, je le disais il est mis en scène de manière forte : c'est presque une liturgie que nous donne à entendre le livre de Samuel, à travers la répétition des appels : nous sommes dans le temple de Silo – un des deux sanctuaires du judaïsme qui précède le temple de Jérusalem qui ne sera construit que dans deux ou trois générations – c'est un lieu religieux, cadre habituel de la prière. Non seulement nous sommes dans le temple, mais le texte précise de manière un peu surprenante que nous sommes proches de l'arche de l'alliance.

Cette précision ne peut que surprendre car le sens du temple est de contenir l'Arche. Aussi la formule : « Samuel était couché dans le temple de l’Éternel où se trouvait l'arche de Dieu » est une lapalissade ou pour le moins une redondance.

Redondance ou lapalissade, il s'agit pour l'auteur d'insister fortement sur la proximité de Dieu : le temple, l'arche sont les lieux où Dieu se tient – l'arche et le temple sont les signes, les symboles de la présence de Dieu au cœur du monde. Et comme si ces symboles ne suffisaient pas, le texte insiste : « la lampe de Dieu n'était pas encore éteinte ».

Cette lampe est le symbole depuis la sortie d'Egypte de la présence de Dieu auprès de l'arche d'alliance. Aaron et ses fils, les prêtres devaient veiller à ce qu'elle brûle tout le jour à perpétuité, aussi on peut être surpris d'entendre qu'elle n'était pas encore éteinte, puisqu'elle ne devait pas l'être !

Bref, temple, arche, lampe, autant de symboles qui mettent en scène le passage biblique, autant de symboles qui tracent un espace dans lequel la présence de Dieu est affirmée de manière forte et redondante – un seul de ses trois objets aurait suffit pour dire la présence de Dieu et là ils sont désignés tous les trois. Il y a une forte insistance sur cette présence de Dieu.

Vous saisissez le paradoxe : Un dieu qui parle et dont on nous dit que la parole est rare ? Un dieu présent par tout ces symboles et dont on nous dit que la vision est rare ? Voilà pourquoi je commençais mon propos en m'interrogeant : l'être humain peut-il une jour être satisfait dans sa relation à Dieu ? Cette question vaut pour l'auteur du texte biblique en premier : comment peut-il souligner autant la présence de l’Éternel, rapporter aussi fortement la Parole et dans le même texte dire que « la Parole de l’Éternel était rare, la vision n'était pas chose courante » ? Je crois que nous ne pouvons entendre là que quelque chose d'une insatisfaction fondamentale dans la relation à Dieu. Et du coup cette insatisfaction que nous trouvons dans le texte biblique, nous permet peut-être de décoder notre propre insatisfaction, aujourd'hui.

Car oui, combien de fois n'entendons-nous pas que Dieu est absent du monde, qu'il ne parle plus, qu'il ne se donne plus à voir, qu'il n'y a plus rien à voir ni à entendre ; aujourd'hui on ne dira pas que la parole était rare, mais on parlera de sécularisation ; on ne dira plus que la vision n'était pas chose commune mais on parlera d'effacement du religieux. Et quand on parle pour Dieu ou quand on affirme le fait religieux on est rapidement dans l'intolérance et l'insupportable. C'est particulièrement sensible dans notre actualité récente.

L'insatisfaction des temps d'Elie et Samuel au temple de Silo est encore la notre aujourd'hui dans notre monde ; aussi il est facile d'entendre la parole pour notre quotidien : « la parole de l’Éternel est rare, la vision n'est pas chose commune ». c'est aussi vrai pour nous, aujourd'hui. Cette insatisfaction, ou cette incertitude, Jean Calvin la disait en terme de tempête, une tempête qui vient troubler la conscience chaque fois qu'elle se croit en sécurité, à l’abri de l'inquiétude.

Dans son Instution de la religion chrétienne, le réformateur écrivait :

« Quand nous enseignons que la foi doit être certaine et assurée, nous n'imaginons pas une certitude qui ne soit touchée d'aucun doute, ni une telle sécurité qui ne soit assaillie d'aucune inquiétude ; mais bien au contraire, nous disons que les fidèles ont une bataille perpétuelle à l'encontre de leur propre défiance. Tant s'en faut que nous placions leur conscience en quelque paisible repos qu'il ne soit agité par une tempête ». (IRC, III, ii, 17)

Dès que la conscience pense avoir trouvé le repos, une nouvelle tempête l'agite. Les quatre réveils en pleine nuit, pour le jeune Samuel, on été de l'ordre d'une tempête. Une tempête pour Samuel : l'Esprit a fortement soufflé, pour enseigner au jeune homme qu'il aurait à prendre la place d'Elie. Une tempête pour Elie : ses fils seront anéantis et du coup sa descendance ne prendra pas sa succession.

Disant son insatisfaction l'auteur du texte biblique pouvait écrire que « la parole de l’Éternel était rare, la vision n'était pas chose commune », et il aurait aussi pu dire que la tempête elle était bien là.

Du coup ce que nous dit ce texte biblique par son insatisfaction et par le tumulte dans la relation à Dieu dont il témoigne pour Samuel et pour Elier, c'est que Dieu a besoin d'hommes et de femmes pour porter sa parole. LA présence silencieuse, invisible, de Dieu cœur du monde a encore besoin aujourd'hui de prophètes, d'hommes et de femmes qui se lèvent pour dire sa parole, pour dire qui est Dieu pour eux et ce qu'il veut pour nous. 
 
Dieu a besoin de porte-parole. Porteur d'une parole qui vient dire son amour et sa tendresse pour nos vies, une parole qui nous réveille chaque fois que nous nous endormons, qui nous appelle pour donner sens à nos vies, qui veut nous sortir de l'angoisse pour « placer nos consciences en quelques paisibles repos ».

Aujourd'hui encore, le Dieu présent et silencieux continue de parler pour qui veut bien se donner la peine de l'entendre, il continue de nous murmurer sa parole d'amour. Aussi pour rester dans le registre de la tempête, je terminerai en citant, plus proche de nous que Jean Calvin, le pasteur Charles Wagner :

« J'admets que ceux que tu côtoient ne voient dans la destinée que la nuit sans étoile, sans aurore, sans même un témoin pour voir cette nuit et connaître leur détresse. Je suppose même qu'ils soient des hommes à la mer, ne croyant plus qu'à l'engloutissement. Si tu les aimes pour leur malheur même et leur détresse, si tu n'essaies pas d'oublier leur infortune, mais que tu sois dévoué et très proche, très tendre jusqu'à la fin, ils s'endormiront dans la lumière. Dans chaque parcelle de vraie bonté, toute la destinée des hommes se résout en harmonie. La bonté est la clé de cet univers prodigieux et déconcertant. A toutes les questions il n'y a qu'une seule réponse finale : il faut aimer »

Il faut aimer !
Quand bien même - et à plus forte raison quand - la Parole de l’Éternel nous semble rare et que la vision n'est pas chose commune
Il faut aimer pour témoigner encore de la tendresse de Dieu, de sa présence, et de son murmure d'amour.
Il faut aimer à la suite de Christ pour tracer ici et maintenant un chemin de renouveau et de résurrection.
Amen.

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