Un lépreux s’approche de lui ; il le supplie et tombe à genoux en lui disant : « Si tu le veux, tu peux me purifier. » Pris de pitié, Jésus étendit la main et le toucha. Il lui dit : « Je le veux, sois purifié. » A l’instant, la lèpre le quitta et il fut purifié. S’irritant contre lui, Jésus le renvoya aussitôt. Il lui dit : « Garde-toi de rien dire à personne, mais va te montrer au prêtre et offre pour ta purification ce que Moïse a prescrit : ils auront là un témoignage. » Mais une fois parti, il se mit à proclamer bien haut et à répandre la nouvelle, si bien que Jésus ne pouvait plus entrer ouvertement dans une ville, mais qu’il restait dehors en des endroits déserts. Et l’on venait à lui de toute part.Quelques jours après, Jésus rentra à Capharnaüm et l’on apprit qu’il était à la maison. Et tant de monde s’y rassembla qu’il n’y avait plus de place, pas même devant la porte. Et il leur annonçait la Parole. Arrivent des gens qui lui amènent un paralysé porté par quatre hommes. Et comme ils ne pouvaient l’amener jusqu’à lui à cause de la foule, ils ont découvert le toit au-dessus de l’endroit où il était et, faisant une ouverture, ils descendent le brancard sur lequel le paralysé était couché. Voyant leur foi, Jésus dit au paralysé : « Mon fils, tes péchés sont pardonnés. » Quelques scribes étaient assis là et raisonnaient en leurs cœurs : « Pourquoi cet homme parle-t-il ainsi ? Il blasphème. Qui peut pardonner les péchés sinon Dieu seul ? » Connaissant aussitôt en son esprit qu’ils raisonnaient ainsi en eux-mêmes, Jésus leur dit : « Pourquoi tenez-vous ces raisonnements en vos cœurs ? Qu’y a-t-il de plus facile, de dire au paralysé : “Tes péchés sont pardonnés”, ou bien de dire : “Lève-toi, prends ton brancard et marche” ? Eh bien ! afin que vous sachiez que le Fils de l’homme a autorité pour pardonner les péchés sur la terre… » – il dit au paralysé : « Je te dis : lève-toi, prends ton brancard et va dans ta maison. » L’homme se leva, il prit aussitôt son brancard et il sortit devant tout le monde, si bien que tous étaient bouleversés et rendaient gloire à Dieu en disant : « Nous n’avons jamais rien vu de pareil ! »
2
guérisons de plus ! Déjà au chapitre 1, Marc nous a fait le
récit de la guérison d'un homme possédé d'un esprit impur, il
nous a rapporté le soulagement de la fièvre de la belle-mère de
Simon, puis plus globalement il nous a raconté comment Jésus
guerissait les malades de divers maux et qu'il chassait beaucoup de
démons.
Aujourd'hui,
dans cette fin du chapitre 1 de l'évangile et au début du chapitre
2 – 2 récits de miracles de plus.
La
première histoire est celle d'un homme – lépreux – donc impur.
Cet homme vient seul et de lui-même voir Jésus. La scène est celle
d'un tête à tête. Nous sommes dans l'intimité. Jésus le guérit
d'une parole forte, pleine d'autorité : « Je le veux sois
pur » - puis de manière surprenante Jésus demande le silence
à cet homme – « garde toi de ne rien dire à personne ».
Et il invite ce lépreux guérit à accomplir les rites de puretés
voulus par la loi. Alors de manière un peu surprenante l'évangéliste
Marc souligen que Jésus s'énerve – Jésus s'emporte contre lui.
Le lépreux est guéri mais manifestement pour le Christ cela suscite
en lui une insatisfaction voire un mouvement de violence – 1ère
histoire.
Puis
quelques jours après nous dit l'évangéliste – arrive le deuxième
événement. Là, il y a une foule, une foule tant nombreuse que
quatre hommes qui portent un paralytique n'ont d'autre choix que de
passer par le toit de la maison pour amener cet homme à Jésus. Là
encore Jésus a une parole d'autorité – une double parole :
il dit d'abord le pardon de Dieu : « mes enfants tes
péchés sont pardonnés » - et devant la réaction des scribes
qui l'accusent de blasphème, Jésus insiste « je te le dis,
lève toi, prends ton grabat et retourne chez toi ». La
répétition de Jésus souligne combien cette fois-ci Jésus assume,
combien il va jusqu'au bout de cette guérison là, alors que tout à
l'heure quelque chose le gênait.
Deux
guérisons tout en contraste l'une avec l'autre. L'une est de l'ordre
de l'intime, la deuxième de l'ordre du grand public. Lors de la
première, Jésus souhaite la discrétion, il y a une notion de
secret qui se dit là ; lors de la deuxième il accepte la
confrontation au public et il joue même sur le spectaculaire de la
guérison. Dans le premier temps, Jésus invite le lépreux guérit à
respecter la loi de Moïse, et les prêtres en appliquant les
prescriptions de la loi, lors de la deuxième il entre en
contestation frontale avec les scribes. La première suscite de
l'emportement chez Jésus, la deuxième semble plus pleinement
assumée.
Je
crois que ces éléments de contraste nous appellent à être
attentif à la différence fondamentale entre ces deux gestes de
Jésus – une différence qui se trouve comme toujours dans la
parole qui les accompagne.
Dans
le premier événement – le lépreux est purifié ; dans le
deuxième événement – le paralytique est pardonné. Purifié –
pardonné. Nous avons là deux registres bien différents, bien
distincts. Arrêtons nous un instant.
La
purification, c'est ce qui fait passer de l'impur au pur – c'est
une action humaine. La loi de Moïse donne les recettes à tout à
chacun qui se retrouverait en situation d'impureté pour redevenir
pur. Il y a pour certains cas des bains de purification, pour
d'autres cas des temps de jeunes, etc. Tout être déclaré « impur »
peut redevenir « pur » par le biais d'un rituel.
La
lèpre est un des cas où « ce redevenir pur » est
impossible. Le lépreux est impur tant qu'il est malade. La
purification est donc un rite religieux mais un rite qui parle de
quelque chose d'un lien social. Ceux qui sont impurs sont mis à
l'écart, séparés de ceux qui sont purs. Il y a là une division
sociale ou sociétale dirait-on aujourd'hui. Ainsi, le lépreux
purifié retrouve sa place dans la société dont il était exclu
tant qu'il était impur. Et en tant que tel, pour retrouver sa place,
il doit effectuer ce que la société attend de lui - on
comprend alors que Jésus lui demande de respecter les rituels de
pureté qui seront validés par les prêtres.
Purification
pour le premier événement, venons en au second avec cette
notion autrement plus compliquée qu'est le pardon. Le pardon c'est
aussi une action humaine – nous sommes tous capables de pardon.
Mais c'est une action qui s'enracine en Dieu. Dans un certain sens,
les scribes ont raison de dire que seul Dieu peut pardonner les
péchés d'un homme. C'est vrai.
Ce
qu'ils oublient c'est que nous avons tous à témoigner de ce pardon
de Dieu dans nos vies. Nous avons tous à donner à voir ce pardon de
Dieu. Ce témoignage dans le texte ce sont les quatre porteurs du
paralytique qui le donnent. L'évangéliste Marc écrit que Jésus
« voyant leur foi » va annoncer le pardon au paralytique.
C'est, je crois, la seule fois dans l'évangile où Jésus voit la
foi de quelqu'un. Nous avons bien là un témoignage qui est donné.
Jésus
a vu la foi des porteurs. Il n'y a pourtant pas de guérison par la
foi – c'est bien Jésus qui sauve. Mais la foi est cependant
attendue parce que la guérison n'a de sens que comme et pour le
rétablissement d'une relation. Il ne s'agit plus d'une relation
sociale, comme dans le cas de la pureté – mais de la relation à
Dieu. Le pardon est annoncé et il guérit en ce que la relation à
Dieu est rétablie, grâce à la foi des quatre porteurs, grâce à
la parole de Jésus.
Pureté
d'une part, pardon d'autre part, la différence entre ces deux
événements est de taille. Au point que je me demande si derrière
la purification et le pardon il n'y a pas deux manières différentes
de comprendre la religion et même deux manières de voir le monde.
Pour
être un tenant de la pureté, de la purification il faut
nécessairement, toujours, être dans le jugement – qui est pur et
qui ne l'est pas. Il faut bien une norme, une loi, qui fait la
différence, la séparation, la coupure nette entre le pur et
l'impur. La religion n'est alors comprise que comme la pratique
nécessaire pour devenir pur puis à rester en état de pureté.
La
religion est alors, oui, un maintient dans une certaine pureté.
Alors bien entendu le mot de pureté peut faire sourire ou blesser,
on peut alors en changer – à la place de la pureté on peut parler
de sainteté. Ça fait moins archaïque la sainteté que la pureté,
mais ça fonctionne pareil il s'agit de devenir saint ou de se
maintenir en état de sainteté.
Voir
le monde en terme de pureté c'est voir le monde en division, en
opposition, dans un rapport à l'autre qui n'est que frontal. L'impur
c'est le rejeté, celui qui n'est pas comme les membres de la
communauté, du clan, l'exclu, celui du dehors. Quand on pense en
terme de pureté – les pur c'est souvent nous, et les impurs sont
souvent les autres. Aujourd'hui les purs sont les chrétiens et les
impurs sont les islamistes
Ce
fonctionnement de pureté ou de sainteté – ce fonctionnement d'une
religion en jugement de nos comportement et nos actes, je ne crois
pas que ce soit l'évangile. C'est bien la loi de Moïse et le Christ
s'y soumet. Quand on lit qu'il s'emporte c'est peut être bien parce
que ça lui fait violence. L'évangile n'a rien a voir avec cette
pureté ou cet état dans lequel il faudrait se situer en opposition
au reste du monde.
La
logique du pardon n'est pas la même – avec le pardon il ne s'agit
pas de devenir « pardonné » comme on pourrait devenir
pur. Il ne s'agit pas de changer d'état. Le pardon n'efface pas le
pécheur.
Ainsi
le pasteur Bonhoeffer écrivait : « Dieu est venu
jusqu'à toi, pécheur, pour te sauver. Réjouis-toi ! En te
disant la vérité, ce message te libère. Devant Dieu, tu ne peux
pas te cacher. Le masque que tu portes devant les hommes ne sert à
rien devant lui. Dieu veut te voir tel que tu es pour te faire grâce.
Tu n'as plus besoin de te mentir à toi-même et de mentir aux autres
en te faisant passer pour sans péché ; non, ici il t'est
permis d'être un pécheur, remercie Dieu »
La
logique du pardon c'est bien celle d'être à la fois pécheur –
même si on aime pas ce mot - et à la fois pardonné. Car il n'y a
que le pécheur qui a besoin de pardon. Le pardon n'efface pas le
pécheur. Quelques versets plus loin, dans ce même chapitre 2 de l'évangile de Marc le Christ dira qu'il n'y a
que les malades qui ont besoin de médecin, dès lors qu'on se croit
sans péché, on a plus besoin de pardon – le péché est la
condition du pardon, et c'est bien notre condition, à partir de
laquelle la bonne nouvelle appelle une transformation.
Voir
le monde en terme de pardon, ce n'est plus penser en terme de
confrontation comme le fait le registre de pureté. C'est penser en
terme de transformation, une transformation comme une guérison.
Alors faut-il le préciser, quand je parle de Pardon, ce n'est pas de
l'innocence ;c'est voir effectivement que le monde est soumis au
mal, que nos vies sont soumises au mal et que nous avons besoin
d'autre chose – une autre chose qui ne s'oppose pas frontalement à
ce que nous sommes, mais une autre chose qui est de l'ordre d'une
parole d'amour, qui transforme, qui vient dire une espérance, qui
pose une lumière dans les ténèbres.
Si,
le registre de la pureté ne peut engendrer que de la violence,. Même
Jésus s'emporte dans l'évangile, le pardon est condition d'une paix
choisie et voulue. Par contre, je voudrai être bien clair ici,
parler aujourd'hui de pardon ce n'est pas dire qu'il faut pardonner
aux criminels – dans une pensée gentille qui nierait l'existence
du mal. Ainsi, je crois que le pardon d'un crime est toujours
impossible quand celui ou celle ou ceux qui auraient du pardonné ont
été mis à mort. Quand les victimes sont mortes elles ne peuvent
plus pardonner. A moins que le pardon soit anticipé, comme sur la
croix, le Christ a dit « pardonne-leur car ils ne savent pas ce
qu'ils font » mais ce pardon là est assez exceptionnel.
Je
ne parle donc pas de ce pardon là qui n'appartient qu'à Dieu, mais
ce que je veux donner à entendre c'est que, musulmans ou chrétiens,
notre humanité est la même – imparfaite mais aimée par Dieu –
pécheurs appelé à vivre du pardon. Que nous n'avons pas à nous
combattre les uns les autres mais qu'il nous faut combattre ensemble
le mal qui nous ronge.
Il
y a un peu plus d'une génération déjà, le pasteur Martin Luther
King le disait : « L'obscurité ne peut changer
l'obscurité, seule la lumière le peut. La haine ne peut chasser la
haine, seul l'amour le peut » ces paroles témoignent de la
logique de transformation du pardon, elles témoignent de la bonne
nouvelle.
Les
attaques terroristes de Nice, celles d'avant, et leur nombre est tel
qu'on ne peut en faire la liste, les attaques terroristes nous
montrent cruellement combien le registre de la pureté tant à gagner
sur celle du pardon aujourd'hui. On voit combien les clivages
semblent plus important à souligner et à tenir que que les Paroles
de transformation qui appellent à un changement radical. La violence
répond à la violence, la haine répond à la haine. Après une
attaque il faut surenchérir et frapper plus fort. Quand bien même
se faisant nous produisons plus de violence.
Nous
nous comprenons comme les purs – d'innocentes victimes- et les
terroristes sont les impurs. Dans la même logique, nous pouvons
être surs que ces fous sont convaincus du contraire qu'ils se
pensent eux en terme de pureté et que, pour eux, nous sommes, nous
les impurs.
Sortir
du jugement. D'une guérison à l'autre, l'évangile nous invite à
changer notre manière de voir – ne pas se situer dans un rapport à
la religion, au monde, à l'autre qui soit un clivage du pur et de
l'impur. Mais entendre que toute la volonté de Dieu se tend pour
transformer toute notre humanité par son pardon.
Passer
du registre de la pureté au registre du pardon – dans ce passage
je crois se dit le dynamisme de l'évangile, de la bonne nouvelle. La
pureté conduit à la mort, le pardon à la vie.
En
toutes circonstances, même les pires : « Choisis la
vie » !
A
Dieu seul soit la gloire
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