Marc 4, 35-41
Ce jour-là, le soir venu, Jésus leur dit : « Passons sur l’autre rive. » Quittant la foule, ils emmènent Jésus dans la barque où il se trouvait, et il y avait d’autres barques avec lui. Survient un grand tourbillon de vent. Les vagues se jetaient sur la barque, au point que déjà la barque se remplissait. Et lui, à l’arrière, sur le coussin, dormait. Ils le réveillent et lui disent : « Maître, cela ne te fait rien que nous périssions ? » Réveillé, il menaça le vent et dit à la mer : « Silence ! Tais-toi ! » Le vent tomba, et il se fit un grand calme. Jésus leur dit : « Pourquoi avez-vous si peur ? Vous n’avez pas encore de foi ? » Ils furent saisis d’une grande crainte, et ils se disaient entre eux : « Qui donc est-il, pour que même le vent et la mer lui obéissent ? »
Intro :
La tempête apaisée. Une
page classique de nos Bibles. Ce texte peut réveiller quelques échos, car nous l'avions déjà entendu en
janvier 2015 lors d'un culte participatif, en petits groupes – et
pourtant j'ai pensé l'entendre aujourd'hui, le réentendre dans
une double perspective. La première perspective est ce temps de
rentrée que nous vivons ensemble aujourd'hui, dans notre église de
Béziers, un temps de rentrée que nous partageons plus largement
avec toute notre société et la deuxième perspective plus
religieuse fait écho au temps pour la création que toutes les
églises chrétiennes vivent durant ce mois de septembre, jusqu'au 4
octobre.
Mais avant d'ouvrir ces
deux perspectives, peut-être faut-il prendre le temps d'entendre ce
que nous dit l'évangéliste Marc dans ce passage de l'évangile –
entendre ce qui nous est dit de Jésus, ce qui fait évangile, bonne
nouvelle dans ce texte.
1- entendre le texte
Alors bien entendu il y a
le miracle, Jésus qui calme une tempête – ça, ça en jette !
C'est plein de merveilleux, et... on adore ça le merveilleux !
Jésus c'est quasiment superman dans ce texte et ça, pour qui veux
croire, c'est assez sympa. Mettre sa foi en Jésus c'est mettre sa
foi en un type qui peut calmer la mer déchaînée – et les
disciples ne s'y trompent pas : « qui donc est-il que même
le vent la mer lui obéisse ? »
Le miracle c'est sympa, ça
en jette, mais je ne crois pas que ce soit là le sens de la bonne
nouvelle pour aujourd'hui. Il faut alors quand même se souvenir que
Jésus, juste avant, comparait le royaume de Dieu a un paysan entrain
de travailler ou encore il disait du royaume qu'il était comme une
petite graine de moutarde. Oui juste avant, Jésus expliquait à ses
disciples le royaume de Dieu en étant à mille lieux des images de
superman et d'un royaume fait de toute puissance : un paysan,
une graine.
Aussi même si le miracle
c'est sympa, je crois que, pour qui veut entendre l'évangile, pour
qui veut entendre la bonne nouvelle, c'est pas sur le merveilleux
qu'il faut s'arrêter. Ce n'est pas sur le merveilleux mais sur ce
qu'il y a avant le miracle. Et avant le miracle il se passe deux
choses : 1- Jésus dort et 2- ses disciples osent le réveiller.
Aussi je crois que la bonne nouvelle est là ; dans ces deux
aspects du texte : Jésus dort et ses disciples osent le
réveiller.
Je m'explique un peu plus.
Jésus dort. Il n'est justement pas un super-héro tel que le
merveilleux de l'évangile pourrait nous le faire croire. Homme de
chair et de sang, il a longuement enseigné en parabole, et nous dit
le texte – ce jour là, le soir venu, Jésus dit : « passons
sur l'autre rive ». C'est donc une fin de journée pour un
homme qui a passé sa journée à enseigner. La fatigue normale
l'assaille et il s'endort. Il s'endort en paix, une paix que rien ne
trouble pas même les éléments déchaînés.
Jésus dort et ses
disciples osent le réveiller. Ce n'est pas une omniscience qui fait
que Jésus se réveille au bon moment, non c'est parce que des
hommes, des hommes qui sont avec lui mais qui ont peur, des hommes
vont le secouer pour lui faire prendre conscience de la panique dans
laquelle ils se trouvent, eux. Les disciples sont apeurés, certes,
mais ils ont conscience d'être avec Jésus, et ils osent le
réveiller. Pour moi, là se trame la bonne nouvelle bien plus que
dans le merveilleux d'un miracle épatant.
Là se trame l'évangile,
la bonne nouvelle : Jésus traduit Dieu dans notre humanité.
Une humanité faite de courage et de repos, de travail et de sommeil.
Une humanité humble et simple qui se laisse secouer par d'autres
humanités humbles et simples, car elles sont toutes dans le même
bateau – Ces autres humanités ce sont les disciples, les disciples
qui ont peur aux creux des vagues et qui pourtant espèrent quand
même quelque chose : « Maître, cela ne te fait rien que
nous périssions ? ». Les disciples sont ici les témoins
d'une franchise, franchise d'une peur assumée quand tout vacille,
quand bien même Jésus est là.
Jésus traduit Dieu dans
notre humanité et devant la peur de ses frères il menace le vent et
la mer, pour imposer le calme. « Qui donc est-il pour que même
le vent et la mer lui obéissent ? » L'évangéliste Marc
ne répond pas à cette question car sans doute n'est-elle que
secondaire, le merveilleux est secondaire – du moins le merveilleux
ne prendra sens qu'à la résurrection ; quand la vie manifestée
sera plus forte que la mort.
Quand le miracle de Pâques
permettra d'expliquer tout les autres – alors le miracle prendra
tout son sens. Mais pour l'instant, l'essentiel est que Jésus, dit
la proximité de Dieu avec les hommes ; et cette proximité
prend en compte leur peur pour tracer un chemin de foi, de
confiance ; malgré tout.
Deux perspectives pour
entendre cette bonne nouvelle aujourd'hui. Le temps de la rentrée
que nous connaissons aujourd'hui en église, et plus largement ces
jours ci dans notre société – et le temps pour la création.
2 - la rentrée....
Pour filer la métaphore
maritime, le temps de rentrée – ce temps est souvent celui de
l'embarquement ; après une période de vacances ou de calme, il
s'agit de reprendre la mer. L'embarquement scolaire pour les enfants
et leurs parents, l'embarquement dans des rythmes d'activités qui
reprennent peu à peu, ça et là, quelque soit notre âge.
L'embarquement dans la vie associative, culturelle, sportive quelque
soient nos lieux d'engagement.
Pour peu que vous ayez
quelques enfants, petits ou grands, à la maison ; cet
embarquement peut être déjà tempétueux – il faut avoir pensé
au rendez vous coiffeur avant le jour j, renouvelé les chaussures de
sport, être passé chez le médecin pour un certificat, etc. etc.
selon les activités des uns et des autres, la liste des choses à
faire des premiers jours de septembre est souvent beaucoup plus
longue que celle du mois d'août ; et pourtant au mois d'août
« on avait le temps ! »
Embarquement pour le
moins, ou tempête immédiate ; la rentrée inaugure chaque
année le voyage que nous ferons ensemble jusqu'à la fin de l'année
scolaire. Parfois, le voyage s'arrête avant au gré de déplacement
et de changements de postes. Mais il s'agit toujours de se remettre
en route, en mouvement, partir vers une autre rive.
La question que nous pose
le texte de l'évangile aujourd'hui est celle de savoir si il faut
que la tempête soit au plus fort, s'il faut que nous ayons peur de
mourir pour réaliser que dans nos cheminements de vie, dans nos
embarquements, le Christ est là avec nous, présence discrète d'un
homme endormi dans la même barque que nous ; mais là, présent.
Nous ne sommes pas seuls. Comprendre que Christ nous accompagne c'est
déjà quelque soit les turbulences ou les vicissitudes s'ouvrir à
la confiance et c'est ensuite s'autoriser à le réveiller.
Réveiller le Christ qui
fait route avec nous c'est peut-être le sens de la prière – oser
appeler à une présence plus active et plus participante, celui qui
déjà est avec nous. Oser tisser une relation faite de parole, de
parole pour dire les joie, pour dire les peurs, pour dire les
libertés partagées et les angoisses affrontées. Le Christ traduit
Dieu en humanité, mais il faut encore que l'humanité se tourne vers
lui, s'adresse à lui, le réveille parfois, fasse appel à lui en
tout cas.
La première perspective
pour aujourd'hui est celle de la rentrée – reprendre la mer,
embarquer dans une nouvelle année, vers de nouveaux rivages,
l'avenir nous est inconnu et pour aller vers lui nous ne sommes pas
seuls.
3- la création...
La deuxième perspective
que j'aborde maintenant est celle donnée par le temps pour la
création que nous vivons, toutes les églises chrétiennes – un
temps voulu par le Conseil Œcuménique des Églises pour chaque
année. Je le disais en commençant, le temps pour la création est
d'abord une démarche œcuménique durant laquelle les chrétiens
sont invités à prier et à agir ensemble, pour la création.
Ce récit de tempête nous
parle de la création, elle nous parle de la nature, d'une nature
posée dans les mains de Dieu. « Même le vent et la mer lui
obéissent » disent les disciples. Effectivement on peut croire
au Dieu créateur comme en un Dieu qui tirerait les ficelles –
aujourd'hui avec notre modernité il faudrait parler de télécommande,
voir de gestion en wi-fi. Dieu serait acteur des événements du
monde, des mouvements de la croute terrestre à la couche d'ozone,
Dieu serait un super programmateur de la planète terre. Nous n'aurions
donc pas de souci à nous faire.
Dans cette manière de
comprendre la création, en reprenant notre texte biblique :
tout s'explique : Si Dieu a déclenché une tempête ce jour là
en Galilée – ce n'est absolument pas écrit dans la Bible que
c'est Dieu – mais avec cette logique de création : si Dieu a
déclenché une tempête, c'est justement pour que son fils
super-héro puisse la calmer – encore une fois je ne crois pas en
un Jésus super-héro.
Oui, cette vision de la
création est une vision possible, ce n'est pas la mienne. Confesser
le Dieu créateur ce n'est pas pour moi croire que Dieu tire les
ficelles ou qu'il gère à distance le monde pour le mener à bonne
fin. Par contre, pour moi, croire que Dieu est créateur c'est
reconnaître que Dieu est à la source de toute vie et qu'il a pour
chacune, pour chacun des projets de vie et de bonheur, et non pas des
projets de mort et de malheur. Après libre à l'homme de faire ses
choix et de les assumer : L'agriculture intensive : bonheur
ou malheur ? Le nucléaire : vie ou mort ? Notre mode
de vie occidental : bonheur et vie ou malheur et mort ?
Réchauffement climatique : vie ou mort ?
Je multiplie les exemples
car il me semble tout à fait clair que les réponses ne sont pas
toutes tranchées ou évidentes ; être croyant ce n'est pas avoir un mot à
dire sur tout – de la taille d'un maillot de bain à une
appartenance nationale. La foi ce n'est pas ça. Croire, croire au
Dieu créateur ça revient à ouvrir le champ des questions, ça
revient à oser s'interroger sur la destination de ce que nous
faisons de nos vies, de nos quotidiens, de nos maisons, de notre
alimentation, de notre pays, de toute notre vie.
Ouvrir le champ des
questions, car croire, c'est réaliser que nous ne sommes pas le
seuls horizon de nos vies, chacun pour nous-mêmes, enfermés dans
une bulle sans rapport aux autres. Croire au Dieu créateur c'est
réaliser que nous sommes une créature au milieu de la création et
que donc le « vivre ensemble » n'est pas une option. Le
vivre ensemble c'est la vocation de notre humanité, un vivre
ensemble avec toute créature, avec toute la création.
Toute tempête est appelée
a s'apaiser. Croire que Dieu est créateur c'est reconnaître que
Dieu est à la source de toute vie et qu'il a pour chacune, pour
chacun des projets de vie et de bonheur, et non pas des projets de
mort et de malheur. Des projets de vie et de bonheur qui ne sont pas
des projets égoïstes chacun pour soi-même, mais des projets de
bonheur à vivre ensemble – car nous sommes tous dans le même
bateau comme dit l'expression.
Alors c'est sur que ce
n'est qu'une manière de comprendre l'évangile. Dans la Bible, il y
en a d'autres. On peut penser au livre du prophète Jonas, où là,
dans ce livre, pour calmer la tempête on envisage de jeter quelques
passagers par-dessus bord. Lors d'une tempête, la mort de quelques
uns permettait la survie des autres. On peut aujourd'hui trouver ça
tout à fait abjecte, on peut aussi réaliser que en 2015 quand 3700
migrants sont morts en méditerranée nous en sommes toujours là !
Ils auraient tous pu reprendre la parole des disciples :
« maître cela ne te fait-il rien que nous périssions ? »
Alors nous réalisons que
nous laissons encore mourir quelques uns pour que nous puissions
vivre sans rien changer de nos habitudes et de notre mode de vie.
Nous oublions que nous sommes tous sur le même bateau, la même
création, la même planète, en se pensant différent ici des autres
qui sont là-bas, vivant dans sa bulle.
4- conclusion :
La tempête apaisée. Une
page classique de nos Bibles. Nous pouvons l'entendre aujourd'hui
sous deux perspectives : la rentrée et la création. Dans la
perspective de la rentrée l'évangile est alors une invitation à la
confiance et à la prière. Prendre conscience que le Christ est là
présent dans nos vies, dans tous nos cheminements, force silencieuse
et discrète d'un homme qui dort et que nous pouvons réveiller par
nos prières. Dans la perspective de la création nous entendons
alors l'évangile comme une interpellation, dans la tempête gardons
nous le cap des projets de vie et de bénédiction voulus par Dieu,
sommes nous fidèles à sa bénédiction première de toute la
création ? Se laisser questionner pour ouvrir notre regard et
nos cœurs sur les tempêtes du monde et tous les lieux où la paix
et le vivre ensemble sont compromis.
"Passons sur l'autre rive" –
l'Evangile est de manière première un déplacement, un engagement,
une mise en route. Qu'en ce temps de rentrée la Parole puisse nous
entraîner plus loin dans nos chemins de vie, pour vivre avec Christ
les cheminements du royaume aujourd'hui. Il est là présent
disponible pour chacun d'entre nous. Amen.
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