Evangile selon Marc, chap. 16, v. 1 à 8
Quand le sabbat fut passé, Marie de Magdala, Marie, mère de Jacques, et Salomé achetèrent des aromates pour aller l'embaumer. Et de grand matin, le premier jour de la semaine, elles vont à la tombe, le soleil étant levé. Elles se disaient entre elles: "Qui nous roulera la pierre de l'entrée du tombeau?" Et, levant les yeux, elles voient que la pierre est roulée; or, elle était très grande. Entrées dans le tombeau, elles virent, assis à droite, un jeune homme, vêtu d'une robe blanche, et elles furent saisies de frayeur.
Mais il leur dit: "Ne vous effrayez pas. Vous cherchez Jésus de Nazareth, le crucifié: il est ressuscité, il n'est pas ici; voyez l'endroit où on l'avait déposé. Mais allez dire à ses disciples et à Pierre: Il vous précède en Galilée; c'est là que vous le verrez, comme il vous l'a dit. Elles sortirent et s'enfuirent loin du tombeau, car elles étaient toutes tremblantes et bouleversées; et elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur.
Là où est l’esprit du Seigneur, là est la liberté. Amen.
La pierre a été roulée, quand bien même elle était très grande. Un homme apparaît aux femmes venues embaumer un mort pour annoncer la vie. Le Christ vous précède en Galilée. Une belle parole – le Christ vous précède en Galilée - le ressuscité est à la fois chez vous et au-devant de vous. Il vous invite à repartir dans vos vies, mais il vous ouvre à l'avenir, il vous ouvre à la liberté.
Le Christ est mort, et il est ressuscité : il est vraiment ressuscité ! Il s’est échappé du tombeau, il s’échappe de toute main mise et il ouvre l’avenir. Les femmes se retrouvent face au vide du creux du rocher : il faut qu’elles sortent, elles s’enfuient nous dit Marc, Elles s’enfuient tremblantes et bouleversées car là, dans cette liberté infinie du Christ vivant, là se dit quelque chose de la responsabilité ineffable du croyant.
Dans un beau livre publié en ce début d’année 2017, intitulé : vivre la liberté, le pasteur James Woody qui sévit d'ordinaire à Montpellier, écrit :
« La liberté est un processus infini. Il ne suffit pas d’avoir été libéré une fois pour être libre à jamais. Il ne suffit pas de s’être engagé dans la voie d’une vie libre pour l’être effectivement. L’histoire de Jésus et de ses disciples montre que ce chemin de liberté est un chemin infini. De même que Jésus est insaisissable, qu’il échappe aussi bien à la foule qui veut le retenir, qu’à Marie qui voudrait l’embaumer, il échappe aux discours qu’on tient à son sujet, il ne se réduit pas à ce que le jugement du Sanhédrin peut en dire » (p. 185)Fin de citation «Vivre la liberté », pasteur James Woody un livre publié au Cerf – je ne peux que vous en recommander la lecture.
Ainsi la résurrection affirme dans l’histoire le souffle de la liberté infinie de Dieu. La résurrection clôt le récit de la vie de Jésus, mais c’est une clôture qui est, paradoxalement, une ouverture infinie au souffle de la liberté de Dieu dans un premier matin de Pâques. Le Christ ressuscité est insaisissable : à la fois chez nous et au-devant de nous, il nous invite à inscrire la bonne nouvelle dans nos vies, et il nous ouvre l’avenir dans une totale liberté.
Pâques, faut-il le rappeler, avant que ne meure le Christ crucifié attaché au bois, et avant que le soleil ne se lève ce matin à la tombe, Pâques c’était déjà le passage – pâques PESSAH en hébreu veut dire passage – passage de la maison de servitude à la liberté, passage de l’esclavage en Egypte à la marche au désert marche vers la terre promise, Pâques c’était déjà ce passage, cette ouverture de liberté pour le peuple choisi par l’Eternel de toute éternité – ce dont témoigne le livre de l’Exode dans nos Bibles.
Pâques : souffle la liberté
Avec la sortie d’Egypte, avec le Christ ressuscité nous sommes à l’origine de ce processus infini. Double origine de la liberté, car l’origine n’est jamais simple : quand vous ouvrez le livre de la Genèse, il y a deux récits de la création – dans la Bible Dieu créé le monde deux fois, car dans la répétition se dit l’insistance mais aussi l’affirmation redoublée que nous n’avons pas la main mise sur nos origines, qu’elles nous échappent, que tout ça n’est pas l’objet d’un savoir, mais qu’il y a là une parole à entendre – deux paroles redoublées, une parole redoublée pour celles et ceux qui ont deux oreilles.
Avec la sortie d’Egypte, avec le Christ ressuscité nous sommes à l’origine de la liberté que Dieu veut pour nous. Pour nous, pour chacune, pour chacun de nous – c’est ce que vient affirmer le sacrement du baptême que nous avons célébré ce matin. Etre baptisé, c’est accepter d’être au bénéfice de cette ouverture à la liberté que Dieu veut pour nous, pour chacune, pour chacun. Recevoir le baptême c’est se placer sous l’inspiration de Dieu, sous le souffle de Dieu, et c’est être ici et maintenant un artisan du Royaume de Dieu, avec ses fragilités mais aussi avec la force de son espérance. Fragilité et force de l’enfant qui reçoit le baptême sans rien comprendre.
Et pourtant là, souffle la liberté.
Un grand théologien protestant du siècle dernier, Karl Barth, disait du baptême qu’il est « un acte d’espérance ». Un acte d’espérance : là où il n’y a pas d’espérance, il n’y a pas de liberté. L’espérance ouvre la vie vers l’avenir, et vers l’au-delà des limites que nous connaissons à nos vies. Elle transforme nos vies présentes, par la liberté donnée, en les orientant vers le service de Dieu et des autres.
On dit parfois que le baptême est « une porte d’entrée de l’église », ça me gêne toujours un peu car cette image dessine un dedans et dehors - or le Christ a lutté pour affirmer que Dieu est autant dehors que dedans, et dans l’évangile : la prédication, le miracle, le témoignage, tout le ministère de Jésus a eu lieu autant dehors que dedans les synagogues et le temple. Et à la fin, le tombeau est ouvert, il n’y a pas de lieu pour enfermer ni Dieu ni Christ.
Le croyant, le Chrétien est ainsi témoin de quelque chose qui dépasse l’église, qui dépasse la communauté croyante ; le souffle de la liberté abolit les frontières, les murs et les clotures, ce souffle qui ouvre le tombeau à Pâques laisse nos portes ouvertes. Oui, si le baptême est une porte d’entrée de l’église, il est alors une porte éternellement ouverte, une porte ouverte au milieu d’autres portes – d’autres manière de croire, d’autres manière de vivre, d’autre manière de dire sa foi.
Oui, l’église doit être un lieu ouvert pour que souffle la liberté de la résurrection, la liberté de Pâques.
Dans l’église : souffle la liberté
Oui, nos églises doivent être des lieux de liberté. Si j’affirme ici que la porte du baptême est une porte éternellement ouverte, il ne s’agit pas d’ouvrir la porte au n’importe quoi. Une église doit être gouvernée, et il n’y a pire régime que celui où chacun fait ce qu’il veut comme il veut, sans considération pour l’amour du prochain. Ainsi, les constitutions et règlements dont l’église s’est dotée ne sont pas des options à la vie de l’église mais bien des supports, des tuteurs, des axes qui garantissent que nous soyons tous unis et soumis au Christ vivant.
Soumis au Christ vivant qui depuis la résurrection vit avec nous et au-devant de nous. Soumis au Christ vivant plutôt qu’aux volontés, aux désirs et aux souhaits de quelques-uns. Même si ces attristants prétendent détenir une vérité. Car oui la seule soumission à vivre dans l’église, la seule obéissance à avoir, c’est au Seigneur qu’elle se vit et pas à quelques-uns. Soumission au Seigneur qui n’est pas un pieux souvenir à embaumer, une tradition a entretenir, mais une présence vivante, avec nous et au-devant de nous.
La seule autorité qui nous rassemble c’est le ressuscité qui nous appelle à franchir les peurs et à nous affranchir des désespérances. Et c’est cette autorité du Christ vivant, cette présence avec nous et au devant nous du Christ ressuscité qui, malgré les écueils que peut connaitre l’église en interne, les envies et les soifs de pouvoir, les rivalités ou les questions de personnes ; c’est la soumission au Christ vivant qui permet de franchir la peur, la peur qui rend muette les femmes au tombeau, la peur, le mutisme qui empêche le témoignage, la peur qui fait encore et toujours hésiter à parler de résurrection, quand bien même il nous faut reconnaître que nous ne connaissons pas tout de ce que nous disons.
Le Christ est ressuscité ! Souffle la liberté
En église, nous avons dans le monde à être témoin du souffle de la liberté de Dieu.
Oui, une fois encore : la résurrection affirme dans l’histoire le souffle de la liberté infinie de Dieu. Un dynamisme qui nous porte et nous envoie. La résurrection clôt le récit de la vie de Jésus, mais c’est, paradoxalement, une ouverture infinie au souffle de la liberté de Dieu dans un premier matin de Pâques, pour vivre chaque jour une aube nouvelle, un renouvellement de la vie en Dieu.
Le Christ ressuscité est insaisissable : à la fois chez nous et au-devant de nous, il nous invite à inscrire la bonne nouvelle dans nos vies, et il nous ouvre l’avenir dans une belle liberté, il nous invite à sortir du mutisme et de la peur, il trace la route d’une mission sans frontière ni limite, la mission de l’amour. Car le rôle d’une église n’est ni celui de réussir sa contribution financière, ni d’entretenir des bâtiments, ni même tenir à jour un calendrier des cultes, ou de remplir les registres avec des baptêmes, mariages et enterrements. La mission de l’église, avec ou sans pasteur, c’est de tenir la mission de l’amour.
La pierre a été roulée, quand bien même elle était très grande. Un homme, vêtu d’une robe blanche, un ange, un messager, un porteur de parole, apparaît aux femmes venues embaumer un mort pour annoncer la vie – voilà la bonne nouvelle : la vie – souffle la liberté car Dieu a mis devant nous une vie éternelle. Le Christ nous précède en Galilée, dit encore le messager. Une bonne nouvelle, une belle parole : le ressuscité est à la fois chez nous et au-devant de nous. Il nous invite à repartir dans nos vies, mais il nous ouvre à la liberté.
Croyants, que nous soyons ou non marqués du sceau de la joie de Dieu qu’est le baptême, nous sommes ouvert à l’avenir dans une mission d’amour. C’est là le rôle de l’église. Nous sommes ouverts à l’avenir et porteur de la bonne nouvelle, nous avons le devoir de résister aux discours de peur qu’ils soient des discours religieux – comme celui des fanatismes tels que l’islamisme radical – ou qu’ils soient politiques – comme celui du front national et des extrémistes de tout bord – ou qu’ils soient économique – comme celui de l’ultra-libéralisme. Car ces discours sont les mêmes : des discours de peur, des discours de mort, des discours pour lesquels il n’y a plus d’avenir, pour lesquels la liberté est un danger, pour lesquels la vie n’a pas plus de valeur que le profit qu’ils peuvent en tirer, que le pouvoir qu’ils peuvent exercer.
Souffle la liberté !
Croyants, que nous soyons ou non marqués du sceau de la joie de Dieu qu’est le baptême, nous sommes ouvert à l’avenir dans une mission d’amour. Nous avons le devoir de résister aux discours de peur et nous avons la responsabilité de faire entendre une autre voix que celle de la mort, de la catastrophe, de la fin de toute chose, du no futur, de la désespérance. Sortir du mutisme non pas pour dire notre tradition, non pas pour raconter le passé, non pas pour réécrire l’histoire même quand nous célébrons un cinquième centenaire – une fois de plus : il nous faut sortir du mutisme : pour que s’entende la voix de l’évangile, pour que souffle la liberté de Dieu !
Le pasteur James Woody conclut son livre en écrivant :
« La liberté n’est pas une affaire théorique, ce n’est surtout pas une posture figée ; elle s’éprouve personnellement, intimement, dans le moindre aspect de notre quotidien. Libérons-nous de ce qui nous empêche d’être nous-mêmes et engageons-nous de tout notre être dans la vie portée à son incandescence. Il est temps, plus que temps, d’être libre. » (p. 210)
Célébrer Pâques oui c’est faire mémoire du passage vers la liberté – il est temps plus que temps d’être libre. Mais c’est surtout participer au souffle de la liberté de Dieu. C’est faire mémoire, mais c’est aussi réaliser que l’aube nouvelle se lève sur chacune de nos vies, le tombeau vide est ouvert aux petits matins de chacune de nos existences : là résonne l’appel à la liberté de Dieu, là s’entend la bonne nouvelle.
Alors oui, roule la pierre : Quand nous sommes au désespoir, quand le monde est accablé de douleur, quand nous ne voyons plus d’issue et que l’espoir s’est envolé
Roule la pierre : Même si nous avons peur du changement, même si nous ne sommes pas prêts, même si nous préférerions nous enfuir et pleurer
Roule la pierre : Parce que ce matin nous avons accompagné les femmes au tombeau, parce que nous espérons contre toute espérance, parce que nous sommes appelés depuis cette tombe, et que là s’ouvre un chemin pour nos vies, un chemin victorieux de la mort, un chemin qui nous libère de tout ce qui nous empêche d’être nous-mêmes.
Roule le pierre, souffle la liberté, et au Christ seul soit la gloire. Amen.