Prédication du dimanche 25 janvier - Evangile selon Marc, chap. 1 v. 14 à 20



Evangile selon Marc, chapitre 1, v. 14 à 20


Après que Jean eut été livré, Jésus vint en Galilée ; il proclamait la bonne nouvelle de Dieu et disait : Le temps est accompli et le règne de Dieu s'est approché. Changez radicalement et croyez à la bonne nouvelle.
En passant au bord de la mer de Galilée, il vit Simon et André, frère de Simon, qui jetaient leurs filets dans la mer — car ils étaient pêcheurs. Jésus leur dit : Venez à ma suite, et je vous ferai devenir pêcheurs d'humains. Aussitôt ils laissèrent leurs filets et le suivirent. 19En allant un peu plus loin, il vit Jacques, fils de Zébédée, et Jean, son frère, qui étaient aussi dans leur bateau, à réparer les filets. Aussitôt il les appela ; ils laissèrent leur père Zébédée dans le bateau avec les employés, et ils s'en allèrent à sa suite.


Prédication 
Nous voici aujourd’hui, en ce début d’année à entendre l’appel des disciples. Nous le savons tous, dans l’évangile le Christ Jésus va s’entourer de douze disciples. Et donc, ici Jésus appelle les quatre premiers. Simon et André d’une part, et Jacques et Jean fils de Zébédé d’autre part.

C’est le premier temps d’un appel qui se poursuivra, mais notons que l’évangéliste Marc ne rapportera pas d’autres épisodes d’appel, simplement il mentionnera la chose faite en son chapitre 3 : « Jésus monte ensuite sur  la montagne ; il appelle ceux qu’il voulait, et ils vinrent à lui. Il en choisit douze à qui il donna le nom d’apôtres, pour qu’ils soient avec lui et pour les envoyer proclamer »

Les 8 autres disciples auront été appelés à d’autres moments et dans d’autres lieux, mais ici au bord de la mer de Galilée et juste après son baptême, Jésus appelle les 4 premiers. Voilà donc le seul appel des disciples rapporté par le premier évangile quand bien même il y en a eu un ou plusieurs autres.

C’est donc un récit d’appel, un récit de vocation, encore. Encore car la semaine dernière déjà, le texte du jour nous donnait à entendre la vocation du petit Samuel réveillé de nuit, par quatre fois successives. Le petit Samuel réveillé par l’Eternel alors qu’il dormait auprès d’Elie, devient prophète, l’Eternel l’appelle, lui donne vocation a être prophète. (vous trouverez la prédication ICI)

Aujourd’hui, le texte de l’Evangile, ce texte de vocation articule en fait deux éléments : d’une part la première prédication de la bonne nouvelle résumée de manière très succincte : « Le moment fixé est arrivé ; Convertissez vous ;  croyez en l’Evangile ». et d’autre part l’interpellation individuelle de Jésus d’abord à Simon et André : « venez à ma suite et je vous ferai devenir pêcheurs d’humains », puis à Jacques et Jean.

Aussi, je voudrais m’arrêter ce matin, sur cette interpellation des disciples et sur ce qu’elle entraine – donnant à entendre, je le crois, ce que veut dire être disciple de Jésus aujourd’hui.

Jésus dit à Simon et André : « venez à ma suite » ; aussitôt « ils le suivent ». Ensuite Jésus appel Jacques et Jean et ils « s’éloignent derrière lui ». Le texte de l’évangile emploi ici trois formes verbales pour dire la même chose : venir à la suite de Jésus, le suivre, s’éloigner derrière lui. Fondamentalement les disciples sont ceux qui suivent Jésus, la démarche de foi est alors liée à un cheminement, une mise en route, une suivance. Etre en suivance : Il y a là un trait fondamental de ce qui constitue le disciple du Christ.

Si vous ouvrez un dictionnaire au terme de disciple vous trouverez la définition suivante : « Disciple : du latin discipulus  soit élève par opposition au maître magister, celui qui suit l’enseignement d’un maître ». Pour le dictionnaire, un disciple c’est donc quelqu’un qui est en apprentissage, quelqu’un qui reçoit un enseignement.

Or dans l’évangile, le disciple n’a pas grand-chose à voir avec l’enseignement. A-tel point que quand Jésus appelle ses disciples, dans l’évangile selon Marc, il n’a pas encore commencé véritablement son enseignement. La prédication de Jésus que rapporte Marc est très succincte : « Le moment fixé est arrivé ; Convertissez vous ;  croyez en l’Evangile »

La formule est tellement brève qu’on ne peut pas, à véritablement parler d’enseignement, Le Christ témoigne d’une invitation à croire, d’une invitation à la confiance, d’une foi donnée. Mais pour l’instant sa parole est juste de l’ordre d’une interpellation, d’une invitation ; L’enseignement viendra après, plus tard. Pour le moment, Jésus vient tout juste d’être baptisé il commence son ministère, par un appel à la foi et déjà il appelle des disciples à le suivre.

Pour le dire de manière synthétique, dans l’évangile être disciple : il ne s’agit non pas de suivre des cours, mais de suivre le Christ ; il ne s’agit non pas d’entendre un enseignement, mais d’entrer dans la foi. Ce qui constitue le disciple n’est pas d’être un élève, mais de se placer à la suite du Christ et, à sa suite, de risquer la confiance. L’évangile n’est pas une bonne et sainte doctrine, l’évangile est un art de vivre à la suite du Christ. Il y a là dans ce qu’on appelle la suivance la véritable raison d’être des disciples.

Et nous l’entendons aujourdh’ui, cette suivance est d’abord un abandon. Pour venir à la suite de Jésus, pour s’éloigner avec lui, pour le suivre, il faut laisser là ce que l’on a. Ainsi Grégoire le grand, l’un des quatre premiers docteurs de l’église catholique avec Ambroise de Milan, Saint Augustin, et Saint Jérome, Grégoire le grand, au VIème siècle commentait ce passage en écrivant :

« Il a beaucoup laissé, celui qui n’a rien retenu pour lui ; il a beaucoup laissé celui qui a tout abandonné, même si c’est peu de chose. Nous, ce que nous possédons nous le conservons avec passion, et ce que nous n’avons pas nous le poursuivons de nos désirs. Oui, [Simon] et André ont beaucoup laissé, puisque l’un comme l’autre ont abandonné jusqu’au désir de posséder. Ils ont beaucoup abandonné, puisqu’en renonçant à leurs biens, ils ont aussi renoncé à leurs convoitises ».
Et Grégoire le grand terminait en disant : « En suivant le Seigneur, ils ont renoncé à tout ce qu’ils auraient pu désirer s’ils ne l’avaient pas suivi »[1].

Cette parole date du VIe siècle, en l’entendant on a du mal à réaliser que Grégoire le grand, au VIe siècle ne connaissait pas notre société de consommation et notre frénésie de possession. « Abandonner ce que nous possédons et renoncer à la convoitise… » que faudrait-il dire aujourd’hui, alors que nous n’existons que parce que nous avons, parce que nous possédons.

Suivre le Christ, c’est donc abandonner ce que l’on a ou ce que l’on pourrait désirer, pour croire, c'est-à-dire pour trouver en Christ le seul sens de sa vie. Vous comprenez qu’on est déjà mille lieux d’un disciple qui reçoit simplement un enseignement d’un maître. 

Mais ensuite, suivre le Christ, après l’abandon de la mise en route c’est toujours se déplacer, bouger, se mettre en mouvement. Le disciple qui suit le Christ n’a pas rendez vous chaque jour à chaque heure au même endroit, comme dans une école. Ainsi les maîtres de l’antiquité avaient-ils l’habitude d’enseigner toujours au même endroit :  on peut penser, par exemple, aux jardins de l’académie de Platon dans la banlieue d’Athènes, où pendant 4 siècles après Platon l’enseignement de sa philosophie va avoir lieu.  Le maître avait fondé une école pour ses disciples, un lieu précis, un endroit où se retrouver.

Le Christ lui ne s’arrête pas de bouger – l’évangile nous le dit : il n’a pas de lieu ou reposer sa tête. On ne le réalise pas toujours, mais l’évangile n’arrête pas de nous montrer un Christ qui marche, qui monte dans une barque, qui va au désert, qui ne s’arrête chez quelqu’un que pour mieux en repartir, Un Christ qui entre dans les villes pour en ressortir trois versets plus loin.

Oui, le Christ, bouge sans arrêt, il est en marche et qui n’aura de cesse de cheminer jusqu’à Jérusalem. Aussi, du même coup suivre le Christ c’est toujours se déplacer avec lui, bouger avec lui, se mettre en mouvement à sa suite. La foi est essentiellement une dynamique, ou mieux la foi est une participation au dynamisme de Christ, un participation au dynamisme de Dieu manifesté en Christ.

La foi est dynamique, changement, mouvement, déplacement : Ainsi André Gounelle écrivait que « La foi nous rassure et nous surprend ; elle nous implante et nous transporte, elle nous fait sortir de nous-mêmes pour retrouver la vérité profonde inscrite en nous »[2].

L’évangile ne nous montre pas un Christ qui marche sans cesse pour nous donner le tournis. Non. Mais il nous montre un cheminement à suivre dans la liberté et dans l’amour, un cheminement qui commence par l’abandon de tout ce que nous avons pour dire notre identité.

Très concrètement : à la suite du Christ nous ne sommes pas notre couleur de peau, nous ne sommes pas notre nationalité, nous ne sommes pas notre statut social, nous ne sommes pas notre professions, nous ne sommes pas notre santé – qu’elle soit fragile ou en pleine forme, nous ne sommes pas même nos engagements au sein de l’église. Tout ça : notre bénévolat même dans l’église, notre santé, notre profession, notre statut social, notre nationalité ou notre couleur de peau, tout ça est de l’ordre de l’avoir, de la possession – et c’est ce qu’il faut savoir abandonner pour être à la suite du Christ.  

Pour essayer dire  ce disciple qui bouge à partir d’un abandon, pour donner une image de la foi qui envoie et mobilise, l’apôtre Paul dans sa deuxième lettre aux corinthiens utilisera l’image de l’ambassadeur : « Nous faisons donc fonction d’ambassadeur pour Christ ». L’ambassadeur c’est celui qui accepte d’abandonner, de quitter, de partir de chez lui, pour porter l’identité de celui qui l’envoie : être ambassadeur du Christ.

Ce n’est pas simple, c’est sans doute jamais définitif et il y a bien souvent des résistances face à cet appel : Etre mis en mouvement dans la confiance pour témoigner de la Parole. Je le disais être disciple de Jésus aujourd’hui est encore possible. Etre pécheur d’homme disait Jésus : vous l’avez compris il ne s’agit pas de s’enfermer mutuellement dans le filet d’une communauté resserrée sur elle-même, vous l’avez compris, il ne s’agit pas même d’avoir un statut ou une place à part…

Bien plus, il s’agit d’aller à la suite du Christ, de renoncer à fonder notre identité dans toutes nos possessions ; savoir sortir de nous-mêmes, pour avoir confiance et pour donner confiance à nos contemporain dans une grâce à laquelle rien ne peut faire obstacle. Se mettre en marche à la suite du Christ, donner confiance, vivre l’espérance aujourd’hui.

Ne pas s’accrocher à nos avoirs, nos biens, ceux que nous possédons ou ceux que nous désirons – mais s’ouvrir à une parole qui peut nous mettre en marche dans le dynamisme de Dieu manifesté en Christ.


Amen.





[1] L’évangile médité par les pères – Marc, p. 17
[2] A. Gounelle, parler du Christ, p. 104

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