Prédication du 24 août 2014 - Evangile selon Matthieu, chap. 16 v. 13 à 20

EVANGILE SELON MATTHIEU, chap. 16, v. 13 à 20

Jésus, arrivé dans la région de Césarée de Philippe, se mit à demander à ses disciples : Au dire des gens, qui est le Fils de l'homme ? Ils dirent : Pour les uns, Jean le Baptiseur ; pour d'autres, Elie ; pour d'autres encore, Jérémie, ou l'un des prophètes. — Et pour vous, leur dit-il, qui suis-je ? Simon Pierre répondit : Toi, tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. Jésus lui dit : Heureux es-tu, Simon, fils de Jonas ; car ce ne sont pas la chair et le sang qui t'ont révélé cela, mais mon Père qui est dans les cieux ! Moi, je te dis que tu es Pierre, et sur ce caillou je construirai mon Eglise, et les portes du séjour des morts ne prévaudront pas contre elle. Je te donnerai les clefs du royaume des cieux : ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux. Alors il recommanda aux disciples de ne dire à personne qu'il était le Christ.


PRÉDICATION :
Il était une fois un Bûcheron et une Bûcheronne qui avaient sept enfants tous Garçons. L'aîné n'avait que dix ans, et le plus jeune n'en avait que sept. On s'étonnera que le Bûcheron ait eu tant d'enfants en si peu de temps; mais c'est que sa femme allait vite en besogne, et n'en faisait pas moins que deux à la fois. Ils étaient fort pauvres, et leurs sept enfants les incommodaient beaucoup, parce qu'aucun d'eux ne pouvait encore gagner sa vie. Ce qui les chagrinait encore, c'est que le plus jeune était fort délicat et ne disait mot. Il était fort petit, et quand il vint au monde, il n'était guère plus gros que le pouce, ce qui fit que l'on l'appela le petit Poucet.

Il vint une année très fâcheuse, et la famine fut si grande, que ces pauvres gens résolurent de se défaire de leurs enfants. Un soir que ces enfants étaient couchés, et que le Bûcheron était auprès du feu avec sa femme, il lui dit, le cœur serré de douleur : Tu vois bien que nous ne pouvons plus nourrir nos enfants ; je ne saurais les voir mourir de faim devant mes yeux, et je suis résolu de les mener perdre demain au bois, ce qui sera aisé, car tandis qu'ils s'amuseront à fagoter, nous n'avons qu'à nous enfuir sans qu'ils nous voient.

Ah ! s'écria la Bûcheronne, pourrais-tu bien toi-même mener perdre tes enfants ? Son mari avait beau lui représenter leur grande pauvreté, elle ne pouvait y consentir, elle était pauvre, mais elle était leur mère. Cependant ayant considéré quelle douleur ce leur serait de les voir mourir de faim, elle y consentit, et alla se coucher en pleurant.

Le petit Poucet ouït tout ce qu'ils dirent, car ayant entendu de dedans son lit qu'ils parlaient d'affaires, il s'était levé doucement, et s'était glissé sous l'escabelle de son père pour les écouter sans être vu. Il alla se coucher et ne dormit point le reste de la nuit, songeant à ce qu'il avait à faire. Il se leva de bon matin, et alla au bord d'un ruisseau, où il emplit ses poches de petits cailloux blancs, et ensuite revint à la maison. On partit, et le petit Poucet ne dit rien de tout ce qu'il savait à ses frères. Ils allèrent dans une forêt fort épaisse, où à dix pas de distance on ne se voyait pas l'un l'autre.

Le Bûcheron se mit à couper du bois et ses enfants à ramasser les broutilles pour faire des fagots. Le père et la mère, les voyant occupés à travailler, s'éloignèrent d'eux insensiblement, et puis s'enfuirent tout à coup par un petit sentier détourné. Lorsque ces enfants se virent seuls, ils se mirent à crier et à pleurer de toute leur force.

Le petit Poucet les laissait crier, sachant bien par où il reviendrait à la maison; car en marchant il avait laissé tomber le long du chemin les petits cailloux blancs qu'il avait dans ses poches. Il leur dit donc, ne craignez point, mes frères ; mon Père et ma Mère nous ont laissés ici, mais je vous ramènerai bien au logis, suivez-moi seulement.
Vous connaissez sans doute tous cette histoire du petit poucet. Ce conte de Charles Perraut dans lequel, de manière terrible, en grande pauvreté, un couple se résout à abandonner ses enfants au fond d'un bois ténébreux. Une histoire dans laquelle Poucet réussi à sauver ses frères avec des petits cailloux blancs. Une histoire qui heureusement fini à peu près bien, puisque Poucet arrivera à arracher le trésor de l'ogre et du coup sa famille sera sauvée de la famine.

Si j'ai choisi de vous faire entendre un extrait de ce conte, c'est que cette histoire peut, je crois, nous permettre d'entendre le passage de l'évangile autrement qu'à notre habitude. Entendre l'évangile nous poser cette simple question : et si nous étions invités à être une église de petits cailloux blancs ? Être une église de petits cailloux blancs pour montrer un chemin à travers les ténèbres ?

Être des relais, dans notre communion les uns avec les autres, une possibilité offerte à nos contemporains de suivre un chemin de libération et de liberté, tracer les uns avec les autres un sentier qui nous permette et permette à nos frères et nos sœurs de retrouver la maison du Père ?

« Moi, je te dis que tu es Pierre et sur ce caillou je construirai mon Eglise ».
Forcément ce verset vous l'avez déjà entendu, et sans doute avait-il une autre coloration. Tu es « Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon église » - nous l'entendons toujours ainsi. Et il faut dire que ça nous arrange quand nous l'entendons ainsi ; car finalement quand Jésus dit à Simon qu'il est « Pierre et que sur cettte pierre il bâtira son église » ; ça ne concerne que Jésus et Pierre, et pour nous ça n'est qu'une petite histoire à raconter.

Un autre conte que celui de Charles Perrault mais une petite histoire, disant les origines de l'église que l'on peut entendre à la veillée – sans que ça ébranle nos vies. Et puis entendre tu es Pierre et sur cette Pierre je bâtirai mon église ça fait tout de suite sérieux, alors qu'au contraire parler d'une église faite de petits cailloux plutôt que de grosses pierres – ça fait nettement moins prestigieux

Pourtant « caillou » en grec se dit « xaliki » ou aussi « petra » comme le mot « pierre » ; il n'y a donc pas à strictement parlé de faute de traduction à entendre le passage de l'évangile comme je le fais : « Moi, je te dis que tu es Pierre et sur ce caillou je construirai mon Eglise ». Jésus ne parle pas d'une pierre monumentale, d'un lithos, non il parle d'une pierre modeste, petra. Pierre un petit caillou bâtissant l'église avec toutes celles et ceux qui reconnaissent en Jésus le Christ, le Fils du Dieu vivant ».

Entendre l'évangile nous parler d'une église de cailloux nous permet de réaliser ce que la phrase de Jésus ne doit pas nous faire oublier : l'église des origines n'est pas un bâtiment, c'est un lien qui uni des humains. Aux premiers temps l'église n'est jamais une construction mais c'est toujours une communauté qui se réunit peu importe où ; et il faudra du temps dans l'histoire de l'église pour que les hommes définissent un lieu spécifique en le désignant du mot église. Le mot église veut dire assemblée et pas bâtiment.

Quand Jésus parle de bâtir l'église il ne parle pas d'un projet architectural, de construction, ou de bâtiment, mais il parle de relations humaines, de communion, de lien. Un lien qui passe par lui, le Christ, le Fils du Dieu vivant, mais qui fait le tour de tous ceux qui le reconnaissent pour revenir à lui.

D'ailleurs c'est dans ce sens du lien, de la relation, de la communion que Jésus poursuit en disant que la Puissance de mort n'aura pas de force contre elle ; un lien communautaire, une communion qui résiste à la mort et au mal ; un lien, une communion qui se lie aux cieux comme sur terre « tout ce que tu lieras sur la terre sera lié aux cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié aux cieux ». Ce verset ne dit rien du mariage ou du divorce comme voudrait le faire croire une tradition d'église, mais il s'agit de dire le lien au sein de l'église, les relations humaines à tisser entre nous.

Une église chemin à travers le bois, comme celui tracé par le petit poucet dans les ténèbres.

Etre une église de petits cailloux blancs montrant un chemin de libération au cœur des ténèbres du monde ; être lié les uns aux autres de manière plus forte que la puissance de mort à l’œuvre dans le monde ; l'évangile nous invite à vivre l'église à la façon d'un chemin, un sentier, une route à suivre pour retrouver la maison du Père. Un chemin offert à nos pas, mais aussi à ceux de nos contemporains – un chemin de vie qu'ouvre le Christ sur la terre, au-delà et jusqu'aux cieux ; un chemin qu'il parcourt avec nous.

Etre ensemble en relation les uns avec les autres, avec le Christ et avec Dieu dans un lien où ce que nous pouvons donner n'est que ce que nous recevons de l'autre. Si Pierre reconnaît que Jésus est le Fils de Dieu, c'est que cela lui a été donné par Dieu, lui-même. Ce cercle de la communion et du don de la foi, n'est pas statique, c'est une dynamique entraînante qui ouvre un chemin quand l'horizon semble bouché.

Jésus invite celles et ceux qui le reconnaissent comme le Christ à constituer une communion qui soit tel un chemin à travers le bois, comme celui tracé par le petit Poucet dans les ténèbres.

Aujourd'hui, l'histoire du petit Poucet peut heureusement sembler dater. Aucun parent n'imaginerai abandonner ses enfants au fond d'un bois sombre. Pour autant la noirceur du monde et la difficulté de la vie peuvent sembler aux uns et aux autres boucher l'avenir, verrouiller tout lendemain, ne plus donner place à aucune liberté. La noirceur du monde peut sembler plus forte que les couleurs de l'espérance. Face à cette pesanteur, cette torpeur et cette noirceur, le Christ, je le crois nous invite à être des petits cailloux blancs, traçant un chemin de libération.

Être des petits cailloux blancs en étant des ouvriers de paix, des bâtisseurs d'amour – tenant cette communion au Christ faite d'amour, de lumière, d'unité et de vérité. Une église témoins de foi là où trouble le doute, chemin d'espérance dans tous les bois sombres du désespoir. Que cela nous soit donné à chacun, et ensemble en église. Amen.

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