Prédication du dimanche 4 janvier - Evangile selon Matthieu, chap. 2, v. 1 à 12



Lecture de l’évangile selon Matthieu, chap. 2, v. 1 à 12
1Après la naissance de Jésus, à Bethléem de Judée, aux jours du roi Hérode, des mages d'Orient arrivèrent à Jérusalem 2et dirent : Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Car nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus nous prosterner devant lui. 3A cette nouvelle, le roi Hérode fut troublé, et tout Jérusalem avec lui. 4Il rassembla tous les grands prêtres et les scribes du peuple pour leur demander où devait naître le Christ. 5Ils lui dirent : A Bethléem de Judée, car voici ce qui a été écrit par l'entremise du prophète :
6Et toi, Bethléem, terre de Juda,
tu n'es certainement pas la moins importante
dans l'assemblée des gouverneurs de Juda ;
car de toi sortira un dirigeant
qui fera paître Israël, mon peuple.
7Alors Hérode fit appeler en secret les mages et se fit préciser par eux l'époque de l'apparition de l'étoile. 8Puis il les envoya à Bethléem en disant : Allez prendre des informations précises sur l'enfant ; quand vous l'aurez trouvé, faites-le-moi savoir, afin que moi aussi je vienne me prosterner devant lui.
9Après avoir entendu le roi, ils partirent. Or l'étoile qu'ils avaient vue en Orient les précédait ; arrivée au-dessus du lieu où était l'enfant, elle s'arrêta. 10A la vue de l'étoile, ils éprouvèrent une très grande joie. 11Ils entrèrent dans la maison, virent l'enfant avec Marie, sa mère, et tombèrent à ses pieds pour se prosterner devant lui ; ils ouvrirent ensuite leurs trésors et lui offrirent en présent de l'or, de l'encens et de la myrrhe. 12Puis, divinement avertis en rêve de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.

Prédication :
Nous voici à l’épiphanie avec ce texte  de l’évangile selon Matthieu, dans lequel des mages venus d’Orient arrivent auprès de Jésus. Nous voici à l'épiphanie, et c'est encore un peu Noël... souvenons-nous que dans les églises d'orient c'est ce mardi 6 janvier que sera célébré la nativité à l'occasion de l'épiphanie.
L'épiphanie, pour l'évangéliste Matthieu, ce sont des mages, spécialistes des étoiles ; des scientifiques de l'époque et non des rois comme veut nous le faire croire le folklore de la galette. Des mages, donc, venus d’Orient, arrivent à Jérusalem à la recherche du roi des juifs dont ils ont vu l’étoile.

A Jérusalem, capitale de la province juive de l’empire où se trouvait la résidence du roi Hérode, les mages ne passent pas inaperçus, selon eux « le roi des juifs est né », et ils le recherchent assidûment.
Du coup le bruit court parmi les rues de Jérusalem jusqu’au Palais du gouverneur. Hérode est troublé et tout Jérusalem avec lui, nous dit Matthieu.
Jérusalem est troublé car l’heure de la délivrance est venue.

Oui l’heure de la délivrance ! Car le roi des Juifs, c’est le Messie, et si le Messie est là, il va délivrer Israël de toute domination. L’attente des prophètes se réalise !

Le temps d’une halte de ces voyageurs, Jérusalem s’agite.
Hérode a convoqué les grands prêtres afin d’en savoir un peu plus sur ce roi des juifs, sur les lieux potentiels de sa naissance.
Il s’inquiète. Il fait venir en secret les mages et il les envoie en mission de renseignement.

Le temps d’une halte de ces voyageurs, Jérusalem s’agite.
Le message qu’ils portent avec eux, et par lequel ils ont été portés jusque là, sème le trouble et l’agitation.
Mais cela ne va pas les arrêter, ils vont poursuivre leur route ; suivant, toujours, l’étoile.

Puis l’étoile s’arrête au-dessus d’une simple maison.
Cet arrêt de l’étoile va susciter chez les mages, la joie.
La joie d’être arrivé au bout de leur quête.

En joie, ils entrent alors dans la maison, se prosternent et adorent l’enfant comme on le fait pour un roi.
Ils lui offrent des trésors, des cadeaux : de l’or, de l’encens et de la myrrhe.
Une fois l’adoration terminée, ils vont repartir chez eux, sans passer prévenir Hérode.
Ils préservent ainsi la vie de l’enfant mais ils vont déchaîner les foudres de la colère du gouverneur qui va s’employer à faire périr tous les enfants de la région en vue d’éliminer le petit roi des juifs – ce sera ce que la tradition a retenu sous le nom du massacre des innocents.

Dans ce texte finalement, Noël n’a lieu que pour ces mages. Et on comprend peut-être pourquoi les orthodoxes fêtent noël à l’épiphanie. Oui, à relire ce texte ils auraient peut-être raison les orientaux de ne fêter Noël qu'à l'épiphanie.
Car, dans ce texte, pour Hérode, pour Jérusalem, pour les prêtres et les scribes, Noël n’a pas eu lieu.
Ils n’ont pas su, pas pu, pas voulu, se mettre en marche pour aller chercher et rencontrer le Messie.

Cela Matthieu, le montre avec beaucoup d’ironie.
Ironie de voir que si Jérusalem est troublée ce n’est que parce qu’Hérode l’est, rappelons le v. 3 : « Hérode fut troublé et tout Jérusalem avec lui ».
Ironie de voir que si le conseil des prêtres, des sacrificateurs et des scribes se réunit, ce n’est que parce qu’il a été convoqué par Hérode.
Devant la naissance de la nouvelle du Messie ; les scribes et les prêtres ne réagissent pas d’eux-mêmes mais il faut que ce soit l’occupant romain qui les interpelle.

Et l’ironie est à son comble quand Hérode demande des renseignements sur le messie. Les prêtres vont répondre, ils vont le renseigner en précisant l’endroit ou doit naître le roi des juifs à Bethléem selon les prophètes du premier testament. Mais pas un n’a le projet de se déplacer ! Pas un n’entreprend le début du projet d’aller vers Bethléem pour voire de quoi il s’agit ! Non, ils sont dans leurs livres et ils y sont bien.

Un peuple attend le messie depuis des millénaires, dans une attente parfois impatiente, et là, la bonne nouvelle éclate, le « Messie est né » et personne ne bouge !
Ou du moins ceux qui bougent ce ne sont pas ceux que l’on attendait.
Car oui, ceux qui bougent ce sont ces mages, ces païens, ce sont eux qui iront se prosterner devant Jésus.

La contradiction est fortement soulignée par l'évangéliste Matthieu.
Opposition entre des scribes et des prêtres qui attendent un Messie et qui quand il arrive ne bougent pas.
Et des païens qui se mettent en route pour un messie qu’ils n’attendent pas.
Il y a donc, oui, dans ce texte une contradiction entre ceux qui restent chez eux, sûr d'eux, de leur suffisance, de leur orgueil et ceux qui se sont mis en marche, ceux qui acceptent d'être bousculés, remis en question parfois, troublés peut-être aussi, mais en marche.


Devant cette contradiction je ne peux me poser qu’une question, une question que chacun peut se poser à soi-même, une question que l'on peut poser pour l'église. Voici cette question : « et moi, suis-je de ceux qui restent chez eux ou de ceux qui bougent ?
Mon église est-elle un temple solide avec ses piliers de fer et de béton, ces murs in-déplaçable, ou est-elle la communauté d’un peuple en marche ?
Oui aujourd’hui qui suis-je  ? un prêtre ou un mage ? qui sommes-nous ? un peuple en marche ? ou bien chez lui ?

Sommes-nous plus proche des scribes et des prêtres qui connaissaient leur loi et leurs prophètes sur le bout des ongles mais qui n’ont pas réagit lors de la venue du messie ? 
Ou sommes-nous plus proche de ces mages qui suivaient une étoile sans forcément tout comprendre, à la recherche d’un roi qu’ils ne connaissaient pas ?

Il n’est pas évident de répondre à cette question.
Je le vois bien dans mon ministère il y a des jours ou je suis plus du côté des scribes et des prêtres, à ne pas pouvoir quitter mon bureau étant penché sur un texte biblique fortement intéressant. Et il y a des jours ou je suis plus du côté des mages, sauf qu’à la place de chameaux et de l’étoile – et c’est moins poétique, j’en conviens – je roule suivant un gps, et un téléphone portable à la main (même si je m’arrête pour téléphoner).

Je le vois bien aussi pour notre église.
Bien souvent nous sommes de ceux qui, possédant l’écriture, croient avoir la vérité sur ce Jésus qui est venu. Nous avons formé des dogmes, et autres artifices pour nous maintenir dans une certaine orthodoxie confortable et bien de chez nous. Oui bien souvent notre église se satisfaisait de son petit confort. Elle s’enferme dans ce qu’elle est, même si tout n’est pas rose et ne veut pas en sortir.

Et ce qui est vrai pour notre église est vrai pour chacun d’entre nous je crois.
Ce que l’on connaît prévaut sur ce que l’on ne connaît pas et chacun s’accroche à ce qu’il a, bien plus qu’à ce qu’il espère.

Face à ces habitudes de ma vie, de mon église, Matthieu aujourd’hui nous montre les mages, ces hommes qui cheminent, et qui ne savent pas où ils vont, ils sont assez libre pour suivre une étoile sur des kilomètres, et Noël n’a lieu que pour eux, finalement.

Ils sont libres et ils cheminent humblement : aux haltes ils posent des questions, ils se renseignent, et peut-être même doutent-ils de la route à emprunter.
Mais ils avancent. Ils avancent et ils vont le trouver, le fils de Dieu, ils vont rencontrer le roi des juifs : pour eux, ce sera Noël !
Alors que Jérusalem reste dans son trouble, les mages vont trouver la joie, la joie de rencontrer le Christ.

Calvin déjà dans son commentaire sur le Nouveau Testament à propos de ce passage écrivait :
« Au reste vu que les mages ont été si vivement touché en voyant l’étoile,
nous pouvons bien détester notre mauvaise lâcheté, quand nous sommes si froids à chercher Christ maintenant qu’il s’est donné à connaître à nous en sa majesté royale ».
Ces mots sont durs, « mauvaise lâcheté », mais ils touchent le cœur du message évangélique de ce matin.
Face à ce texte, il n’y a qu’une alternative.

Il y a ceux qui sont en route et qui trouvent le Christ, et il y a les autres qui comme Hérode, attendent que quelqu’un vienne les renseigner,
ou qui comme les prêtres croient avoir une vérité suffisante dans leurs livres,
et ces autres laissent passer le Messie, sans pouvoir l’adorer, ni même le remarquer.
Voilà le choix à faire : soit l’on se met en route et on peut trouver le Christ, soit on reste là où l’on est et on le laisse passer.

Se mettre en route, cheminer comme les mages l’ont fait, c’est s’ouvrir à l’aventure de la foi.
Une foi qui n’est pas sûre d’elle même, mais qui chemine et qui cherche.
Une foi qui ne s’enferme pas dans un savoir ou dans une compréhension du monde, mais une foi qui pose des questions et qui émet des doutes.
Une foi qui n’est pas une rambarde de sécurité ou une assurance vie, mais une foi qui est avant tout liberté.

Se mettre en route, cheminer comme les mages l’ont fait, c’est s’ouvrir à l’aventure de la foi.
Aussi et pour être clair, au risque d’être un peu lourd, face à l’alternative que nous présente Matthieu,
l’église n’a pas d’autre choix que celui de se mettre en marche,
sinon elle n’est plus l’église du Christ, du fils de Dieu,
mais elle devient alors association d’hommes et de femmes qui s’accrochent à des traditions, à des conseils, à des décisions. 

Et je terminerai par cette méditation que je reprends de Marion Muller Colard dans le numéro de Réforme de cette semaine en la modifiant quelque peu :
Etre un mage
Chercher dans le ciel un signe de ta présence
Et te trouver à terre livré à ma bienveillance
Marcher de nuit
Et croire en chaque lumière qui dessine un chemin
T'attendre demain te trouver aujourd'hui
T'apporter une ffrande
Et recevoir de toi l'immatériel présent
D'un sens pour ma vie
T'adorer comme seul Dieu,
Qui joue le jeu de l'humain jusqu'à risquer sa peau
Pour conclure une alliance entre l'infiniment grand et mon insignifiance. 

Amen

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