Prédication du dimanche 5 octobre 2014 Epitre de Paul aux Philippiens, chap. 4, v. 6 à 9

Lecture de l'Epitre de Paul aux Philippiens, chapitre 4, versets 6 à 9 :

Ne vous inquiétez de rien ; mais, en tout, par la prière et la supplication, avec des actions de grâces, faites connaître à Dieu vos demandes. Et la paix de Dieu, qui surpasse toute pensée, gardera votre cœur et votre intelligence en Jésus-Christ.
Au reste, mes frères, que tout ce qui est vrai, tout ce qui est digne, tout ce qui est juste, tout ce qui est pur, tout ce qui est aimable, tout ce qui mérite l'approbation, ce qui est moralement bon et digne de louange soit l'objet de vos pensées ; ce que vous avez appris, reçu, entendu et vu en moi, mettez-le en pratique. Et le Dieu de la paix sera avec vous.


La paix. La paix sur nos inquiétudes, la paix sur nos relations. Pour l’apôtre Paul, la paix reçue de Dieu, du Dieu de la paix, est mise en pratique de l’évangile. Ne pas se perdre dans les angoisses et les inquiétudes ; ne pas se perdre dans l’injustice et l’immoralité, mais vivre la paix, en soi, pour soi, et dans le lien aux autres, à la communauté. Je voudrai m’arrêter aujourd’hui avec vous sur cette notion de paix, qui me semble fondamentale, et urgente au vue de notre actualité. Oui cette paix est fondamentale et urgente.

1- Fondamentale : La paix dans la bible c’est d’abord le shalom ; tout le monde connaît le cantique evenou shalom alerhem : que la paix soit sur vous.

1.1 La paix-shalom est une bénédiction. Dans le livre des Nombres, le mot paix est le dernier mot de la formule de bénédiction sacerdotale : « Que l’Eternel te bénisse et te garde, que l’eternel fasse rayonner sur toi son regard et t’accorde sa grâce, que l’Eternel porte sur toi son regard et te donne la paix ! ». La paix-shalom est donc une formule de bénédiction.

Cette paix-bénédiction renvoie en hébreu à une idée de totalité, d’achèvement, de quelque chose de complet, et donc d’un bien être ou d’un bonheur dans lequel il ne manque rien. La racine hébraïque, Shalom, fait de la paix un tout bien faisant. Et nous retrouvons cette notion de complétude sous la plume de l'apôtre Paul – la paix vient au terme d’une totalisation : « que tout ce qui est vrai, tout ce qui est digne, tout ce qui est juste, tout ce qui est pur, tout ce qui est aimable, tout ce qui mérite l'approbation, ce qui est moralement bon et digne de louange soit l'objet de vos pensées ; ce que vous avez appris, reçu, entendu et vu en moi, mettez-le en pratique. »

Pour Paul la paix est à la somme de la justice, de la vérité, de la dignité, de la justice, de la pureté, de l’amour et de la moralité ; c’est parce qu’il y a tout ça qu’il peut y avoir la paix comme un bonheur, comme un bien être. Une paix totalité bienfaisante.

1.2 Cette paix pour autant qu’elle fait envie, cette paix n'est pas une évidence. Bien au contraire, Paul l’évoque, et Paul l’invoque face aux inquiétudes des croyants. On peut alors se souvenir que la lettre aux Philippiens est un courrier écrit par Paul alors qu’il est en captivité. Paul est en prison, incertain du procès qui l’attend.

Sans doute que sa parole « ne vous inquiétez de rien » résonne d'abord pour lui, d’abord. C’est sous les fers, dans l'inconfort d'une cellule aux temps de Rome, qu’il témoigne de cette paix reçue de Dieu, cette paix qui trouve sa source dans le Dieu de la paix, cette paix conséquence de sa foi.

1.3 Oui, pour Paul la paix s’origine en Dieu, et cette paix est conséquence directe de la foi. De la même manière Jean Calvin reprendra dans son Institution de la religion chrétienne le même mouvement en faisant de la paix la conséquence des jugements de Dieu ; il écrivait :
« La paix est une suite nécessaire et infaillible à la confiance – à la foi . Or cette paix est une tranquillité d’âme qui assure et réjouit la conscience, et qui en apaise toutes les agitations lorsqu’elle se remet les jugements du seigneur devant les yeux » (Livre III, chap. II)

La foi est ce qui s’oppose aux inquiétudes, au nom, non pas d’une construction de soi ou d’un bien-être intérieur qu’il faudrait trouver par un certain équilibre – le christianisme n’est pas une sagesse du développement personnel. Mais la foi est ce qui s’oppose aux inquiétudes au nom du jugement de Dieu, d'une parole qui nous appelle et nous justifie, au nom d’un don qui nous est fait ; ce dont témoigne la bénédiction : une parole de reconnaissance de la part de Dieu.

Telle est la paix qui surpasse toute connaissance. Le Dieu de la paix, c’est celui qui en Jésus Christ nous a réconcilié à lui et nous a rendu les uns aux autres, et qui nous donne toutes choses en lui, dans la plénitude de son amour. C’est lui qui garde nos sentiments et nos pensées. Pour le dire avec les mots des béatitudes, Paul invite le croyant a être l’artisan d’une paix qui lui est donnée et dont il appelé à témoigner au cœur de ce monde : « Heureux ceux qui procurent la paix, car ils seront appelés fils de Dieu »

Etre témoin de cette paix c’est d’abord vivre la confiance dans sa relation à Dieu, dans sa relation aux autres – ne pas devoir se justifier sans arrêt aux yeux de Dieu et aux yeux des autres, mais recevoir sa justification gratuitement de Dieu. Etre témoin de paix c'est oser une parole de foi ; une parole qui dit quelque chose de fondamental et quelque chose de très urgent.

2- J'en viens maintenant à l'urgence, car je le disais cette paix dont témoigne l'apôtre Paul est quelque chose d'aussi fondamentale qu'elle est devenue une vraie urgence, urgence à la vivre au vue de notre actualité. Car cette paix – bénédiction et don de Dieu - c’est aussi nécessairement une parole à vivre ensemble, une parole à tracer dans nos rapports les uns avec les autres, dans notre rapport au monde, à la notre société mais aussi en communauté.

2.1 Dans notre rapport au monde : dimanche dernier déjà je terminai ma prédication par une parole remettant en cause l’unité nationale derrière la nécessité de la guerre en Iraq et en Syrie. Il y a maintenant 10 jours, l’assassinat d’un français parti en Algérie, ce crime odieux ultra médiatisé, justifiait aux yeux de tous le déchainement de violence qui a cour actuellement sur le moyen orient. Face au terrorisme, la solution n’est pas dans la violence ; tout l’évangile nous le dit : nous ne serons jamais vainqueurs du mal par le mal, de la mort par la mort ou de la peur par la peur.

Il faut sortir de la logique de la violence, du jugement de l’autre, de la condamnation pour entrer dans une logique de vie, de paix et d’amour. Les deux sont inconciliables. Il n'est jamais trop tard pour entendre cette parole, nous ne sommes jamais totalement condamné à la violence ; même si il n'y a aucune évidence à le dire et à le vivre. Et surtout il est urgent de porter cette situation explosive dans la prière, remettre nos inquiétudes entre les mains de Dieu.

2.2 De manière moins dramatique, mais tout de même un peu inquiétante je crois. Les tensions qui traverses notre société aujourd'hui en France, témoignent également d'une grande violence sous-jacente. Les rapports sociaux se font de plus en plus tendus à force que les pauvres soient plus nombreux et plus pauvres ; et que les riches soient moins nombreux et plus riches. Entre ces deux pôles, l'ensemble de la classe moyenne est balotée, secouée, souvent mise en difficulté. Ces tensions économiques qui ne vont pas aller en s'arrangeant soumettent notre vivre ensemble à des chocs, des oppositions, des divisions.

Là aussi dans notre pays la paix n'est plus autant une évidence qu'il y a quelques années. Elle semble fragile et toujours à retisser. Ici aussi il y a urgence à parler de paix, à tisser la paix, à la tenir et à l'entretenir. Urgence aussi à remettre les inquiétudes de notre pays entre les mains de l’Éternel.

2.3 Enfin de manière moins dramatique, encore, le débat synodal sur la bénédiction ébranle l’unité de nos communautés, de notre église. Faisant apparaître des crispations, des tensions, parfois des jugements. Ici à Béziers, ce jeudi en conseil presbytéral nous avons évoqué cette question, trouvant je crois un consensus pour vivre ensemble une pratique d'église face à cette question.

Le travail du synode régional aura lieu en novembre, puis celui du synode national au printemps, mais là aussi je crois qu'il faut tenir à la paix. Là aussi, même dans le travail de notre église les inquiétudes peuvent être remises entre les mains du père pour maintenir la paix dans le vivre ensemble.

Je concluerai avec ce texte anonyme, trouvé au Rwanda lors d’autres conflits :
Si la pierre disait : «Ce n’est pas une pierre qui peut monter un mur»,
Il n’y aurait pas de maison.
Si la goutte d’eau disait : «Ce n’est pas une goutte d’eau qui peut faire une rivière», Il n’y aurait pas d’océan.
Si le grain de blé disait : «Ce n’est pas un grain de blé qui peut ensemencer un champ», Il n’y aurait pas de moisson.
Si l’homme disait : «Ce n’est pas un geste d’amour qui peut sauver l’humanité»,
Il n’y aurait jamais d’amitié et de paix sur la terre des hommes.
Comme la maison a besoin de chaque pierre,
Comme l’océan a besoin de chaque goutte d’eau,
Comme la moisson a besoin de chaque grain de blé,
La paix a besoin de toi, unique, et irremplaçable.»

La paix à besoin de toi, c'est vrai pour le monde, pour notre pays, dans notre église. La paix à besoin de toi, pour poser les gestes d'amour, que tous attendent, pour nourrir notre espérance et celle de nos contemporains : 
 
Ne vous inquiétez de rien ; mais, en tout, par la prière et la supplication, avec des actions de grâces, faites connaître à Dieu vos demandes. Et la paix de Dieu, qui surpasse toute pensée, gardera votre cœur et votre intelligence en Jésus-Christ. 
 
A Lui seul soit la gloire. Amen.

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