dimanche 31 juillet 2016

Prédication du dimanche 31 juillet 2016 - Evangile selon Marc, chap. 3

1Il entra de nouveau dans une synagogue ; il y avait là un homme qui avait la main paralysée. 2Ils observaient Jésus pour voir s’il le guérirait le jour du sabbat ; c’était pour l’accuser. 3Jésus dit à l’homme qui avait la main paralysée : « Lève-toi ! viens au milieu. » 4Et il leur dit : « Ce qui est permis le jour du sabbat, est-ce de faire le bien ou de faire le mal ? de sauver un être vivant ou de le tuer ? » Mais eux se taisaient. 5Promenant sur eux un regard de colère, navré de l’endurcissement de leur cœur, il dit à cet homme : « Etends la main. » Il l’étendit et sa main fut guérie. 6Une fois sortis, les Pharisiens tinrent aussitôt conseil avec les Hérodiens contre Jésus sur les moyens de le faire périr.
7Jésus se retira avec ses disciples au bord de la mer. Une grande multitude venue de la Galilée le suivit. Et de la Judée, 8de Jérusalem, de l’Idumée, d’au-delà du Jourdain, du pays de Tyr et Sidon, une grande multitude vint à lui, à la nouvelle de tout ce qu’il faisait. 9Il dit à ses disciples de tenir une barque prête pour lui à cause de la foule qui risquait de l’écraser. 10Car il en avait tant guéri que tous ceux qui étaient frappés de quelque mal se jetaient sur lui pour le toucher. 11Les esprits impurs, quand ils le voyaient, se jetaient à ses pieds et criaient : « Tu es le Fils de Dieu. » 12Et il leur commandait très sévèrement de ne pas le faire connaître.
13Il monte dans la montagne et il appelle ceux qu’il voulait. Ils vinrent à lui 14et il en établit douze pour être avec lui et pour les envoyer prêcher15avec pouvoir de chasser les démons. 16Il établit les Douze : Pierre – c’est le surnom qu’il a donné à Simon –, 17Jacques, le fils de Zébédée et Jean, le frère de Jacques – et il leur donna le surnom de Boanerguès, c’est-à-dire fils du tonnerre –, 18André, Philippe, Barthélemy, Matthieu, Thomas, Jacques, le fils d’Alphée, Thaddée et Simon le zélote, 19et Judas Iscarioth, celui-là même qui le livra.
20Jésus vient à la maison, et de nouveau la foule se rassemble, à tel point qu’ils ne pouvaient même pas prendre leur repas. 21A cette nouvelle, les gens de sa parenté vinrent pour s’emparer de lui. Car ils disaient : « Il a perdu la tête. » 22Et les scribes qui étaient descendus de Jérusalem disaient : « Il a Béelzéboul en lui » et : « C’est par le chef des démons qu’il chasse les démons. » 23Il les fit venir et il leur disait en paraboles : « Comment Satan peut-il expulser Satan ? 24Si un royaume est divisé contre lui-même, ce royaume ne peut se maintenir. 25Si une famille est divisée contre elle-même, cette famille ne pourra pas tenir. 26Et si Satan s’est dressé contre lui-même et s’il est divisé, il ne peut pas tenir, c’en est fini de lui. 27Mais personne ne peut entrer dans la maison de l’homme fort et piller ses biens, s’il n’a d’abord ligoté l’homme fort ; alors il pillera sa maison. 28En vérité, je vous déclare que tout sera pardonné aux fils des hommes, les péchés et les blasphèmes aussi nombreux qu’ils en auront proféré. 29Mais si quelqu’un blasphème contre l’Esprit Saint, il reste sans pardon à jamais : il est coupable de péché pour toujours. » 30Cela parce qu’ils disaient : « Il a un esprit impur. »
31Arrivent sa mère et ses frères. Restant dehors, ils le firent appeler. 32La foule était assise autour de lui. On lui dit : « Voici que ta mère et tes frères sont dehors ; ils te cherchent. » 33Il leur répond : « Qui sont ma mère et mes frères ? » 34Et, parcourant du regard ceux qui étaient assis en cercle autour de lui, il dit : « Voici ma mère et mes frères. 35Quiconque fait la volonté de Dieu, voilà mon frère, ma sœur, ma mère. »
De quelle famille sommes-nous ?
Ce n’est pas évident de répondre à cette question – c’est d’autant moins évident que clairement nous avons une identité à géométrie variable, et donc des appartenances familiales très changeantes voire peut être des appartenances incertaines tant qu'un choix n'a pas été fait.

Il y a d’abord la famille de sang – les frères, les sœurs, les parents et les grands- parents. Ce temps de vacances est favorables aux retrouvailles, au temps passé ensemble. A cette première famille, que l'on pourrait désigner comme le premier cercle, il y a la famille plus large : les cousins, les parents plus éloignés. Ceux-ci forment le clan – on peut alors penser aux images des familles de la mafia sicilienne autour d’un parrain.

Ces familles, ces clans, à géométrie variable ont pour base, comme point commun une généalogie, un lien de filiation qui peut être le lien du sang, mais pas seulement, des liens d'alliance. A ce premier type de famille, ici dans ce temple on peut également penser aux familles religieuses. Nous nous sommes de la famille protestante réformée. Ainsi le 1er dimanche à Mialet au musée du Désert, ou le troisième dimanche d'août à la Pierre plantée dans le Tarn nous avons ce que nous pouvons considérer comme nos cousinades : des rencontres familiales.

On peut aussi penser cette famille religieuse de manière plus large alors nous considérons que avons quelques frères évangéliques ou quelques frères catholiques, selon comment nous nous situons et de quoi nous parlons. Ainsi, de temps en temps de manière plus globale, on parle plus volontiers de la famille chrétienne. De manière dramatique, cette semaine après l'horreur de mardi matin dans une église près de Rouen, j'ai été ce vendredi à la chapelle des pénitents partager un temps de prière avec l'église catholique pour signifier que nous sommes pleinement de la famille chrétienne pour dire notre solidarité et notre communion face à l’ébranlement suscité par ce crime.

Oui, nos appartenances familiales sont variables, elles sont à géométrie variable, elles rassemblent plus ou moins de gens, et des gens plus ou moins proches.
Si je vous parle de famille et d’appartenance c’est que je crois c’est le thème qui peut permettre de comprendre l'ensemble du chapitre 3 de l’évangile de Marc.
Dans ce chapitre nous entendons le récit de Jésus poursuivant son ministère de guérison et de prédication. Un ministère suivit par une foule nombreuse de disciples. Déjà les pharisiens sont contre lui – nous ne sommes qu'au chapitre 3 et déjà Marc souligne que les pharisiens tenaient conseil « sur les moyens de le faire disparaître», la mort de Jésus s'annonce déjà

Jésus draine derrière lui une foule de disciples, qui se mettent à sa suite grâce à sa Parole, à cause de ses miracles ; et déjà une opposition se forme, le projet d'une mise à mort est déjà dit.

C'est dans ce cadre de la prédication et des guérisons que Marc met en scène le choix des 12 apôtres. 12 apôtres qui sont désignés par Jésus, il leur donne un nom, ils sortent de l'anonymat de la foule des disciples – et ces 12 là sont envoyés – apotre vient du grec apostolein : envoyer – ces 12 sont envoyés précher et guérir ; proclamer l'évangile et chasser les démons. Ils sont envoyés pour faire ce que Jésus fait depuis le début de l'évangile.

Nous pouvons donc tout à fait comprendre que Jésus se choisi un groupe de proche, une famille, ceux qui participeront à sa mission.

Non seulement nous pouvons tout à fait comprendre ce choix des 12 comme un choix familial, mais c'est sans doute ce que comprend la famille biologique de Jésus puisque elle réagit immédiatement. Juste après que Jésus a choisi les 12 apôtres, on apprend que les gens de sa parenté parlent de Jésus en ces termes : « il a perdu la raison ».

C'est cette tension présente au v. 20-21 que Jésus va accentuer dans une parole forte, quand il apprend que sa mère et ses frères – biologique – le cherchent ; il répond de manière forte à la fin du chapitre : « voici ma mère et mes frères ! En effet quiconque fait la volonté de Dieu, celui-là est mon frère, ma sœur, ma mère »

Et pour que les choses soient tout à fait claires, entre ces deux petits passages – entre ce jugement de la parenté de Jésus pensant qu'il a perdu la raison, et cette parole claire de Jésus qui fait de sa famille toutes celles et ceux qui participent à sa mission ; pour que ce soit tout à fait clair il déclare que si une maison est divisée contre elle-même, elle ne peut tenir. Une maison c'est un lieu mais c'est aussi une maisonnée, une représentation familiale.

Jésus a besoin d'une famille unie. Une famille qui est unie par l'Esprit du père. Et cette unité doit être intouchable. Car celui qui met à mal cette unité, passe de fait dans le camp de ceux qui veulent, déjà, le mettre à mort.

De quelle famille sommes-nous ? Je commençais avec cette question. Pour Jésus les choses sont claires : il est de la famille de celles et ceux qui sont guidés par l'Esprit. Il est de la famille celles et ceux qui font la volonté de Dieu. Il est de la famille des apôtres qu'il envoi proclamer l'évangile, plus que d'une famille biologique : frère, sœur, mère. Pour Jésus les choses sont claires d'autant que le péril est là. Il y a une menace certaine de mise à mort. Le choix de son appartenance est un choix qui donne la vie en vis à vis d'un choix qui conduit à la mort.

De quelle famille sommes-nous ? Oui, il n'y a pas d'évidence à répondre à cette question – c’est d’autant moins évident que comme Jésus nos liens sont à géométrie variable, et donc nos appartenances familiales sont changeantes voire incertaines tant qu'un choix n'a pas été fait. Jésus dans ce texte fait un choix – le choix de considérer comme étant de sa familles toutes celles, tout ceux qui font la volonté de Dieu, et parmi eux, Jésus fait le choix d'un cercle proche de 12 apôtres.

Quels choix faisons-nous aujourd'hui ? En tant que croyants, arrivons-nous à être fidèle à cette définition de la famille de Jésus. On l'entend bien, la famille pour Jésus ce n'est pas « une maman, un papa, et des enfants » - le modèle qui fonctionne pour Jésus n'est pas notre famille traditionnelle de la modernité occidentale. Aussi très clairement ceux qui voudraient s'appuyer sur l'évangile pour défendre le modèle familial que nous connaissons aujourd'hui ne peuvent que tordre le texte, le déformer, le contraindre.

La famille telle que Jésus la définit est ouverte, tellement ouverte qu'on ne peut pas y mettre de limite. On ne peut même pas dire qu'elle est inclusive – car cela voudrait dire que l'on distingue un dedans d'un dehors – c'est impossible. Jésus lui-même ne peut pas y mettre de limite puisque sont membres de sa famille « quiconque fait la volonté de Dieu » ; Dieu seul peut donc tracer les limites de la famille du Christ. Jésus lui même se reconnaissait comme ne pouvant pas en être juge.

Cette appartenance à une famille ouverte aux limites connues de Dieu seul, Jésus avait fait ce choix, un choix radical. Un choix exigeant de considérer comme membre de sa famille, tout homme toute femme dont Dieu seul pouvait être juge.

Pouvons-nous encore être fidèle à ce choix ? Arrivons-nous encore à considérer toute femme, tout homme comme des membres de notre famille ? Vous me direz qu'ici dans ce temple – ça passe encore. Merci d'ailleurs aux cousins des Pays-Bas qui sont fidèles chaque année, et qui reviennent dans ce temple comme certains cousins passent chaque été en allant à la mer. Donc ici dans ce temple, ça passe encore de se considérer comme de la même famille.

Mais dès que nous sortons de ce temple ? Pouvons-nous encore être fidèle à ce choix ? Arrivons-nous à encore en vérité à considérer nos frères et sœurs catholiques, évangéliques, baptistes, pentecôtistes, et j'en passe, comme les membres de la même famille que le corps du Christ ?

Plus difficile encore, aujourd'hui, arrivons-nous encore à considérer nos frères et sœurs juifs et musulmans – les deux ensembles - comme les membres de la même famille, de notre famille, ayant Abraham comme ancêtre commun ?

Plus largement encore sommes-nous encore capable de regarder tout être humain, tout homme, toute femme, qu'il ou qu'elle soit croyant ou pas, quelque soit son identité, comme l'enfant du même Dieu ?

Jésus disait des parias de son époque : les prostituées et les collecteurs d'impots nous précèdent dans le royaume de Dieu – arrivons-nous encore à considérer les exclus, les rejetés, celles et ceux qui sont stigmatisés comme des membres de notre famille ?

De quelle famille sommes-nous ? La question est dérangeante. Ceci explique bien, je crois, pourquoi les pharisiens avaient déjà des envies de meurtre. Cette mise en question de nos liens, de nos appartenances et donc de notre identité viennent ébranler nos jugements et nos cloisonnements et donc toutes nos sécurités. Tout ce qui nous permet de vivre à l’abri de celles et ceux qui nous dérangent, jusqu'au jour ou ces fausses sécurités tombent et nous laissent alors dans un grand désarrois.

Mais derrière cette question, Jésus nous rappelle que nos appartenances, nos liens et donc une bonne part de notre identité sont l'objet de nos choix. Dans nos choix certains conduisent à la vie – d'autre conduisent à la mort. A l'heure de la peur et des craintes, alors que la violence semble l'emporter dans une spirale de guerre et de barbarie ; l'évangile nous invite, je crois, à ne pas rompre les liens de la fraternité mais à savoir les renouveler dans la confiance et la fidélité de Dieu.

Oui, malgré les actes de terreurs et les paroles de haine, nous sommes tous de la famille de Dieu.

Au Christ seul soit la gloire. Amen.


samedi 30 juillet 2016

Prédication du dimanche 24 juillet 2016 - Marc 2, 13 à 28

13Jésus s’en alla de nouveau au bord de la mer. Toute la foule venait à lui, et il les enseignait. 14En passant, il vit Lévi, le fils d’Alphée, assis au bureau des taxes. Il lui dit : « Suis-moi. » Il se leva et le suivit. 15Le voici à table dans sa maison, et beaucoup de collecteurs d’impôts et de pécheurs avaient pris place avec Jésus et ses disciples, car ils étaient nombreux et ils le suivaient. 16Et des scribes pharisiens, voyant qu’il mangeait avec les pécheurs et les collecteurs d’impôts, disaient à ses disciples : « Quoi ? Il mange avec les collecteurs d’impôts et les pécheurs ? » 17Jésus, qui avait entendu, leur dit : « Ce ne sont pas les bien portants qui ont besoin de médecin, mais les malades ; je suis venu appeler non pas les justes, mais les pécheurs. »
18Les disciples de Jean et les Pharisiens étaient en train de jeûner. Ils viennent dire à Jésus : « Pourquoi, alors que les disciples de Jean et les disciples des Pharisiens jeûnent, tes disciples ne jeûnent-ils pas ? » 19Jésus leur dit : « Les invités à la noce peuvent-ils jeûner pendant que l’époux est avec eux ? Tant qu’ils ont l’époux avec eux, ils ne peuvent pas jeûner. 20Mais des jours viendront où l’époux leur aura été enlevé ; alors ils jeûneront, ce jour-là. 21Personne ne coud une pièce d’étoffe neuve à un vieux vêtement ; sinon le morceau neuf qu’on ajoute tire sur le vieux vêtement, et la déchirure est pire. 22Personne ne met du vin nouveau dans de vieilles outres ; sinon, le vin fera éclater les outres, et l’on perd à la fois le vin et les outres ; mais à vin nouveau, outres neuves. »
23Or Jésus, un jour de sabbat, passait à travers des champs de blé et ses disciples se mirent, chemin faisant, à arracher des épis. 24Les Pharisiens lui disaient : « Regarde ce qu’ils font le jour du sabbat ! Ce n’est pas permis. » 25Et il leur dit : « Vous n’avez donc jamais lu ce qu’a fait David lorsqu’il s’est trouvé dans le besoin et qu’il a eu faim, lui et ses compagnons, 26comment, au temps du grand prêtre Abiatar, il est entré dans la maison de Dieu, a mangé les pains de l’offrande que personne n’a le droit de manger, sauf les prêtres, et en a donné aussi à ceux qui étaient avec lui ? » 27Et il leur disait : « Le sabbat a été fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat, 28de sorte que le Fils de l’homme est maître même du sabbat. »

Avec ce passage de l’évangile, nous pouvons entendre, je crois, ce qui fait le disciple de Jésus pour l’évangéliste Marc. C’est un peu comme si au commencement de l’évangile, Marc prenait le temps de nous présenter les protagonistes. Il nous dit qui sont les disciples et qui est Jésus.
Qui sont les disciples, déjà au chapitre 1 Jésus avait appelé les 4 premiers disciples – deux fratries : Simon et André d’une part et d’autre part Jacques et Jean. Ici Jésus appelle Lévi collecteur de taxe. Puis, dans quelques versets, au chapitre 3 la liste des 12 apôtres sera donnée.
La question des disciples dépasse donc les textes que j’ai lu, tout comme la présentation de Jésus, mais ces présentations trouvent ici une acuité particulière. En effet nous avons ici un appel d’un disciple – Lévi, collecteur d’impot. Nous avons un débat entre les disciples de Jean et ceux de Jésus sur la question de la nécessité du Jeune. Et enfin nous avons une défense de Jésus – il défend ses disciples sur la question des sabbats par rapport aux scribes et aux pharisiens. Trois passages bibliques bien différents les uns des autres, qui en complément les uns avec les autres viennent brosser le portrait des disciples de Jésus et qui est ce Jésus que ces gens suivent.
Lors du repas chez Lévi, nous pouvons retenir trois traits fondamentaux. D’abord le disciple c’est celui qui entend une parole de Jésus et qui y conforme sa vie. A Lévi, Jésus dit suis moi. Celui-ci se leva et le suivi. Lévi entend la parole de Jésus et il y conforme sa vie : il se lève, il le suit.
Deuxième trait important, les disciples sont nombreux à suivre Jésus – si tout à l’heure je parlais de la liste des 12 apôtres, il faut bien distinguer entre les apôtres que le Christ envoi – les 12 – et la foule qui suit Jésus, elle est nombreuse.
Enfin être disciple ce n’est pas tant recevoir un enseignement de son maître que partager son quotidien. Dans l’évangile selon Marc Jésus n’est pas l’auteur de grands discours à ses disciples – comme on peut le retrouver parfois chez Matthieu et surtout chez Jean. Dans l’évangile selon Marc, c’est le quotidien du maitre qui est partagé et c’est à travers ce quotidien que l’enseignement passe – ici il est question de repas.
En regard à cette présentation des disciples – Jésus se présente alors comme le médécin dont on besoin les malades – si on se croit bien portant, on a pas besoin de lui. Et il a cette parole d’appel forte : « je ne suis pas venu appeler les justes mais les pécheurs »
A premiers traits concernant les disciples, la deuxième partie du texte, le débat avec les disciples de Jean le Baptiste va ajouter un élément fondamental. Les disciples de Jean suivent une discipline – ils sont dans l’obéissance à la règle et cette règle fait qu’ils jeunent certains jours. Les disciples de Jésus n’ont pas cette discipline – nous ne savons pas si ils en ont une ou pas – là ce n’est pas dit.
Mais ce qui est dit, c’est qu’en vis-à-vis de cette discipline des disciples de Jean le baptiste ce que pose Jésus c’est une image d’amour – très forte – l’image du marié. Les disciples de Jésus sont les amis du marié, et avec le marié il y a un devoir de réjouissance – ils ne peuvent se soumettre à des jeunes ou autres privations comme les disciples du baptiste sont invités à le faire.
Avec cette image du marié, Jésus se situe clairement comme le Messie et il affirme par là sa supériorité. Si Jean le Baptiste le disait de lui-même, il n’est pas digne de délier les sandales de celui qui vient – Jésus est celui qui vient. Du coup si suivre Jean le Baptiste c’est préparer le chemin, suivre Jésus c’est être en chemin, être en chemin avec l’ami, l’époux, le Christ vivant.
Il y a là une nouveauté radicale qui appelle une réjouissance – la nouveauté du tissus neuf qui ne peut se mettre sur un vieux tissus, la nouveauté d’un vin nouveau qui ne peut se stocker dans une vieille outre.
L’appel de Lévi nous a rappelé que les disciples sont ceux qui entendent une parole de Jésus et y conforment leur vie, ce sont tous ceux qui sans nombre choisissent de suivre Jésus, et le disciple partage le quotidien du maitre. Après quoi la controverse avec les disciples du baptiste met en exergue la notion d’amitié du maitre, de la réjouissance, de la noce – être disciple c’est être dans une amitié, une relation de proximité avec le Christ qui prévaut sur toute règle ou toute discipline.
Reste à entendre le dernier passage de l’extrait que j’ai lu qui nous donne à entendre qu’être disciple c’est être protégé, mis à l’abri par le Christ, protégé par lui. C’est le moment de la polémique avec les pharisiens quand ceux-ci mettent en cause les disciples qui arrachent des épis un jour du Sabbat, Jésus répond avec l’exemple de David – encore une image messianique – pour affirmer que le fils de l’homme est maître du sabbat. Un maître non pas pour dominer, mais bien pour protéger et mettre à l’abri ceux qui le suivent.
Ce maître du sabbat, c’est le Messie. Là encore Jésus s’affirme comme le messie, le Christ de Dieu puisqu’il reprend des apocalypses de l’ancien testament le titre de Fils de l’homme – ce sera le seul titre que Jésus se donnera à lui-même – il laissera les autres le reconnaître comme le Christ.
Au commencement de l’évangile, avec cette finale du chapitre 2, Marc prend le temps de nous présenter les protagonistes. Il nous dit qui sont les disciples et qui est Jésus. Les disciples ce sont des foules nombreuses qui ont entendu la parole et veulent y conformer leur vie, ces foules de disciples suivent Jésus et partagent son quotidien. Dès lors ces foules sont les amis du Christ de Dieu, il les protège et les met à l’abri des puissances de jugement et de mort.
Ces présentations des disciples et du Christ sont liées au travers de ces trois histoires. Elles sont liées de manière forte – ce qui fait le disciple c’est le lien au Christ, ce qui fait que Jésus est le Christ c’est l’amour qu’il porte aux disciples. Ici la présentation de l’un est nécessaire à la présentation des autres. S’entend alors que pour se présenter le croyant ne peut pas dire « je », « je suis », « je crois » mais « nous », « nous sommes », « nous croyant ».
Dans la relation au Christ ce qui prévaut ce n’est pas l’individu – il existe et il est important – le christ est attentif à chacun comme le médecin doit être attentif à chaque malade ; mais ce qui prévaut c’est le lien, l’unité, l’union entre chaque disciple et le Christ, et entre les disciples également. Savoir dire « nous », plus que savoir dire « je » c’est savoir dire le lien de la foi – je suis uni au Christ, je ne suis pas seul – nous sommes ensemble avec Dieu. Savoir dire nous c’est aussi savoir dire l’importance de la communauté – nous ne sommes pas seul à porter un lien individuel avec Dieu, quand bien même chacun, nous n’avons pas les mêmes mots pour dire ce lien de la foi.
Union avec Dieu, unité des croyants. S’entend alors que l’unité de l’église est plus qu’une option à la foi chrétienne – elle est un de ses fondements et une de ses plus grande espérance. Etre disciples ensemble dans notre diversité. On peut alors se souvenir par exemple, qu’au début du XXe siècle les grandes conférences œcuméniques ont été suscitées par le mouvement missionnaire. Si les églises pouvaient passer outre leur division dans les métropoles, en occident, en connaissant leur histoire, l’ouverture aux autres, le témoignage auprès de peuples inconnus rendaient nécessaire une proclamation commune de l’évangile.
Ainsi, la mission de l’église si elle veut être mission de Dieu, ne peut faire l’économie de l’œcuménisme. La foi chrétienne si elle est don de Dieu ne peut se vivre en solitude, elle appelle nécessairement à l’unité des disciples du Christ.
Il y a là un fondement fort de la vie de l’église – mais il y a là aussi une grande espérance. L'année passée, dans notre étude biblique de l'après midi nous l’avons lu ensemble dans le livre de l’apocalypse – l’unité du peuple de Dieu est une promesse du ciel nouveau et de la terre nouvelle d’apocalypse 21 : «  La demeure de Dieu est avec les humains ! Il aura sa demeure avec eux, ils seront ses peuples, et lui-même qui est Dieu avec eux, sera leur Dieu ». L’unité des croyants avec Dieu est alors donné comme la plus grande espérance. 
L'unité comme fondement et comme espérance.  
Etre disciple de Jésus aujourd’hui – c’est être croyant à la lumière de l’évangile. C'est orienter sa vie à son appel, C'est entendre la tendresse de Dieu pour nos vies, nous sommes amis de Dieu. Aussi nous pouvons nous ouvrir à la vie avec Dieu, dès aujourd’hui. L’espérance du Christ ne concerne pas une vie après la mort, mais bien notre quotidien : demeurer avec Dieu dans l’unité – être avec nos frères et sœurs dans la fraternité - c'est un appel à la vie, à la vie dans l'unité d'une fraternité renouvelée par Dieu lui-même.
Etre disciples de Jésus aujourd’hui – que cela nous soit donné à chacun et en église. A Dieu seul soit la gloire. Amen.

jeudi 21 juillet 2016

Prière



Prière d’intercession rédigée pour le dimanche 17 juillet 2016

Seigneur,
En ces jours d’angoisse face au terrorisme, nous te prions pour toutes les victimes de la folie des hommes. Donne-nous ta paix pour résister aux discours de guerre, de haine et de peur.
En ces jours de deuil national nous portons devant toi toutes celles et ceux qui ont perdu un membre de leur famille, un proche, un ami, dans l’attaque de Nice.
Nous déposons sous tes regards notre Pays – donne lui de savoir garder sa cohésion autour de celles et ceux qui sont responsables du droit et de la paix.
Seigneur,
En ce dimanche, jour de repos, nous te prions pour toutes celles et tous ceux qui sont en vacances, ou s'y préparent, et qui, peut-être, ne songent pas à te remercier pour cette détente, ce repos, et la joie d'un renouvellement de leur force et de leur esprit.
Nous te prions pour toutes celles et tous ceux qui ne pourront pas prendre de vacances, en raison de leur âge, de leur santé, de leur solitude ou de leur pauvreté.
Nous déposons sous tes regards toutes les situations de maladie et de fragilité.
Seigneur,
Nous te prions pour nos familles, dans la peine comme dans la joie, pour les parents et les enfants, afin qu’elles puissent rechercher et trouver leur cohésion et leur unité.
Nous te prions pour chacun de nous, pour que nous sachions tous reconnaître ce que nous te devons, et l'amour que tu nous portes sans que nous y soyons pour quelque chose.
Nous déposons sous tes regards toutes nos vies pour que tu les bénisses.
Seigneur,
Aide-nous à accepter ta bénédiction, ton amour et la liberté que tu nous donnes et que tu nous assures quoiqu’il puisse nous arriver, et fais de nous les témoins de ton règne de fraternité, au nom du Christ, notre Sauveur, qui nous a enseigné à dire ensemble : NOTRE PERE…

lundi 18 juillet 2016

Prédication du dimanche 17 juillet 2016 - Marc chap. 1, v. 40 à 2, v. 12


 Un lépreux s’approche de lui ; il le supplie et tombe à genoux en lui disant : « Si tu le veux, tu peux me purifier. » Pris de pitié, Jésus étendit la main et le toucha. Il lui dit : « Je le veux, sois purifié. » A l’instant, la lèpre le quitta et il fut purifié. S’irritant contre lui, Jésus le renvoya aussitôt. Il lui dit : « Garde-toi de rien dire à personne, mais va te montrer au prêtre et offre pour ta purification ce que Moïse a prescrit : ils auront là un témoignage. » Mais une fois parti, il se mit à proclamer bien haut et à répandre la nouvelle, si bien que Jésus ne pouvait plus entrer ouvertement dans une ville, mais qu’il restait dehors en des endroits déserts. Et l’on venait à lui de toute part.
 Quelques jours après, Jésus rentra à Capharnaüm et l’on apprit qu’il était à la maison. Et tant de monde s’y rassembla qu’il n’y avait plus de place, pas même devant la porte. Et il leur annonçait la Parole. Arrivent des gens qui lui amènent un paralysé porté par quatre hommes. Et comme ils ne pouvaient l’amener jusqu’à lui à cause de la foule, ils ont découvert le toit au-dessus de l’endroit où il était et, faisant une ouverture, ils descendent le brancard sur lequel le paralysé était couché. Voyant leur foi, Jésus dit au paralysé : « Mon fils, tes péchés sont pardonnés. » Quelques scribes étaient assis là et raisonnaient en leurs cœurs : « Pourquoi cet homme parle-t-il ainsi ? Il blasphème. Qui peut pardonner les péchés sinon Dieu seul ? » Connaissant aussitôt en son esprit qu’ils raisonnaient ainsi en eux-mêmes, Jésus leur dit : « Pourquoi tenez-vous ces raisonnements en vos cœurs ? Qu’y a-t-il de plus facile, de dire au paralysé : “Tes péchés sont pardonnés”, ou bien de dire : “Lève-toi, prends ton brancard et marche” ? Eh bien ! afin que vous sachiez que le Fils de l’homme a autorité pour pardonner les péchés sur la terre… » – il dit au paralysé : « Je te dis : lève-toi, prends ton brancard et va dans ta maison. » L’homme se leva, il prit aussitôt son brancard et il sortit devant tout le monde, si bien que tous étaient bouleversés et rendaient gloire à Dieu en disant : « Nous n’avons jamais rien vu de pareil ! »

2 guérisons de plus ! Déjà au chapitre 1, Marc nous a fait le récit de la guérison d'un homme possédé d'un esprit impur, il nous a rapporté le soulagement de la fièvre de la belle-mère de Simon, puis plus globalement il nous a raconté comment Jésus guerissait les malades de divers maux et qu'il chassait beaucoup de démons.

Aujourd'hui, dans cette fin du chapitre 1 de l'évangile et au début du chapitre 2 – 2 récits de miracles de plus.

La première histoire est celle d'un homme – lépreux – donc impur. Cet homme vient seul et de lui-même voir Jésus. La scène est celle d'un tête à tête. Nous sommes dans l'intimité. Jésus le guérit d'une parole forte, pleine d'autorité : « Je le veux sois pur » - puis de manière surprenante Jésus demande le silence à cet homme – « garde toi de ne rien dire à personne ». Et il invite ce lépreux guérit à accomplir les rites de puretés voulus par la loi. Alors de manière un peu surprenante l'évangéliste Marc souligen que Jésus s'énerve – Jésus s'emporte contre lui. Le lépreux est guéri mais manifestement pour le Christ cela suscite en lui une insatisfaction voire un mouvement de violence – 1ère histoire.

Puis quelques jours après nous dit l'évangéliste – arrive le deuxième événement. Là, il y a une foule, une foule tant nombreuse que quatre hommes qui portent un paralytique n'ont d'autre choix que de passer par le toit de la maison pour amener cet homme à Jésus. Là encore Jésus a une parole d'autorité – une double parole : il dit d'abord le pardon de Dieu : « mes enfants tes péchés sont pardonnés » - et devant la réaction des scribes qui l'accusent de blasphème, Jésus insiste « je te le dis, lève toi, prends ton grabat et retourne chez toi ». La répétition de Jésus souligne combien cette fois-ci Jésus assume, combien il va jusqu'au bout de cette guérison là, alors que tout à l'heure quelque chose le gênait.

Deux guérisons tout en contraste l'une avec l'autre. L'une est de l'ordre de l'intime, la deuxième de l'ordre du grand public. Lors de la première, Jésus souhaite la discrétion, il y a une notion de secret qui se dit là ; lors de la deuxième il accepte la confrontation au public et il joue même sur le spectaculaire de la guérison. Dans le premier temps, Jésus invite le lépreux guérit à respecter la loi de Moïse, et les prêtres en appliquant les prescriptions de la loi, lors de la deuxième il entre en contestation frontale avec les scribes. La première suscite de l'emportement chez Jésus, la deuxième semble plus pleinement assumée.

Je crois que ces éléments de contraste nous appellent à être attentif à la différence fondamentale entre ces deux gestes de Jésus – une différence qui se trouve comme toujours dans la parole qui les accompagne.

Dans le premier événement – le lépreux est purifié ; dans le deuxième événement – le paralytique est pardonné. Purifié – pardonné. Nous avons là deux registres bien différents, bien distincts. Arrêtons nous un instant.

La purification, c'est ce qui fait passer de l'impur au pur – c'est une action humaine. La loi de Moïse donne les recettes à tout à chacun qui se retrouverait en situation d'impureté pour redevenir pur. Il y a pour certains cas des bains de purification, pour d'autres cas des temps de jeunes, etc. Tout être déclaré « impur » peut redevenir « pur » par le biais d'un rituel.

La lèpre est un des cas où « ce redevenir pur » est impossible. Le lépreux est impur tant qu'il est malade. La purification est donc un rite religieux mais un rite qui parle de quelque chose d'un lien social. Ceux qui sont impurs sont mis à l'écart, séparés de ceux qui sont purs. Il y a là une division sociale ou sociétale dirait-on aujourd'hui. Ainsi, le lépreux purifié retrouve sa place dans la société dont il était exclu tant qu'il était impur. Et en tant que tel, pour retrouver sa place, il doit effectuer ce que la société attend de lui - on comprend alors que Jésus lui demande de respecter les rituels de pureté qui seront validés par les prêtres.

Purification pour le premier événement, venons en au second avec cette notion autrement plus compliquée qu'est le pardon. Le pardon c'est aussi une action humaine – nous sommes tous capables de pardon. Mais c'est une action qui s'enracine en Dieu. Dans un certain sens, les scribes ont raison de dire que seul Dieu peut pardonner les péchés d'un homme. C'est vrai.

Ce qu'ils oublient c'est que nous avons tous à témoigner de ce pardon de Dieu dans nos vies. Nous avons tous à donner à voir ce pardon de Dieu. Ce témoignage dans le texte ce sont les quatre porteurs du paralytique qui le donnent. L'évangéliste Marc écrit que Jésus « voyant leur foi » va annoncer le pardon au paralytique. C'est, je crois, la seule fois dans l'évangile où Jésus voit la foi de quelqu'un. Nous avons bien là un témoignage qui est donné.

Jésus a vu la foi des porteurs. Il n'y a pourtant pas de guérison par la foi – c'est bien Jésus qui sauve. Mais la foi est cependant attendue parce que la guérison n'a de sens que comme et pour le rétablissement d'une relation. Il ne s'agit plus d'une relation sociale, comme dans le cas de la pureté – mais de la relation à Dieu. Le pardon est annoncé et il guérit en ce que la relation à Dieu est rétablie, grâce à la foi des quatre porteurs, grâce à la parole de Jésus.

Pureté d'une part, pardon d'autre part, la différence entre ces deux événements est de taille. Au point que je me demande si derrière la purification et le pardon il n'y a pas deux manières différentes de comprendre la religion et même deux manières de voir le monde.

Pour être un tenant de la pureté, de la purification il faut nécessairement, toujours, être dans le jugement – qui est pur et qui ne l'est pas. Il faut bien une norme, une loi, qui fait la différence, la séparation, la coupure nette entre le pur et l'impur. La religion n'est alors comprise que comme la pratique nécessaire pour devenir pur puis à rester en état de pureté.

La religion est alors, oui, un maintient dans une certaine pureté. Alors bien entendu le mot de pureté peut faire sourire ou blesser, on peut alors en changer – à la place de la pureté on peut parler de sainteté. Ça fait moins archaïque la sainteté que la pureté, mais ça fonctionne pareil il s'agit de devenir saint ou de se maintenir en état de sainteté.

Voir le monde en terme de pureté c'est voir le monde en division, en opposition, dans un rapport à l'autre qui n'est que frontal. L'impur c'est le rejeté, celui qui n'est pas comme les membres de la communauté, du clan, l'exclu, celui du dehors. Quand on pense en terme de pureté – les pur c'est souvent nous, et les impurs sont souvent les autres. Aujourd'hui les purs sont les chrétiens et les impurs sont les islamistes

Ce fonctionnement de pureté ou de sainteté – ce fonctionnement d'une religion en jugement de nos comportement et nos actes, je ne crois pas que ce soit l'évangile. C'est bien la loi de Moïse et le Christ s'y soumet. Quand on lit qu'il s'emporte c'est peut être bien parce que ça lui fait violence. L'évangile n'a rien a voir avec cette pureté ou cet état dans lequel il faudrait se situer en opposition au reste du monde.

La logique du pardon n'est pas la même – avec le pardon il ne s'agit pas de devenir « pardonné » comme on pourrait devenir pur. Il ne s'agit pas de changer d'état. Le pardon n'efface pas le pécheur.

Ainsi le pasteur Bonhoeffer écrivait : «  Dieu est venu jusqu'à toi, pécheur, pour te sauver. Réjouis-toi ! En te disant la vérité, ce message te libère. Devant Dieu, tu ne peux pas te cacher. Le masque que tu portes devant les hommes ne sert à rien devant lui. Dieu veut te voir tel que tu es pour te faire grâce. Tu n'as plus besoin de te mentir à toi-même et de mentir aux autres en te faisant passer pour sans péché ; non, ici il t'est permis d'être un pécheur, remercie Dieu »

La logique du pardon c'est bien celle d'être à la fois pécheur – même si on aime pas ce mot - et à la fois pardonné. Car il n'y a que le pécheur qui a besoin de pardon. Le pardon n'efface pas le pécheur. Quelques versets plus loin, dans ce même chapitre 2 de l'évangile de Marc le Christ dira qu'il n'y a que les malades qui ont besoin de médecin, dès lors qu'on se croit sans péché, on a plus besoin de pardon – le péché est la condition du pardon, et c'est bien notre condition, à partir de laquelle la bonne nouvelle appelle une transformation.

Voir le monde en terme de pardon, ce n'est plus penser en terme de confrontation comme le fait le registre de pureté. C'est penser en terme de transformation, une transformation comme une guérison. Alors faut-il le préciser, quand je parle de Pardon, ce n'est pas de l'innocence ;c'est voir effectivement que le monde est soumis au mal, que nos vies sont soumises au mal et que nous avons besoin d'autre chose – une autre chose qui ne s'oppose pas frontalement à ce que nous sommes, mais une autre chose qui est de l'ordre d'une parole d'amour, qui transforme, qui vient dire une espérance, qui pose une lumière dans les ténèbres.
Si, le registre de la pureté ne peut engendrer que de la violence,. Même Jésus s'emporte dans l'évangile, le pardon est condition d'une paix choisie et voulue. Par contre, je voudrai être bien clair ici, parler aujourd'hui de pardon ce n'est pas dire qu'il faut pardonner aux criminels – dans une pensée gentille qui nierait l'existence du mal. Ainsi, je crois que le pardon d'un crime est toujours impossible quand celui ou celle ou ceux qui auraient du pardonné ont été mis à mort. Quand les victimes sont mortes elles ne peuvent plus pardonner. A moins que le pardon soit anticipé, comme sur la croix, le Christ a dit « pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu'ils font » mais ce pardon là est assez exceptionnel.

Je ne parle donc pas de ce pardon là qui n'appartient qu'à Dieu, mais ce que je veux donner à entendre c'est que, musulmans ou chrétiens, notre humanité est la même – imparfaite mais aimée par Dieu – pécheurs appelé à vivre du pardon. Que nous n'avons pas à nous combattre les uns les autres mais qu'il nous faut combattre ensemble le mal qui nous ronge.

Il y a un peu plus d'une génération déjà, le pasteur Martin Luther King le disait : « L'obscurité ne peut changer l'obscurité, seule la lumière le peut. La haine ne peut chasser la haine, seul l'amour le peut » ces paroles témoignent de la logique de transformation du pardon, elles témoignent de la bonne nouvelle.

Les attaques terroristes de Nice, celles d'avant, et leur nombre est tel qu'on ne peut en faire la liste, les attaques terroristes nous montrent cruellement combien le registre de la pureté tant à gagner sur celle du pardon aujourd'hui. On voit combien les clivages semblent plus important à souligner et à tenir que que les Paroles de transformation qui appellent à un changement radical. La violence répond à la violence, la haine répond à la haine. Après une attaque il faut surenchérir et frapper plus fort. Quand bien même se faisant nous produisons plus de violence.

Nous nous comprenons comme les purs – d'innocentes victimes- et les terroristes sont les impurs. Dans la même logique, nous pouvons être surs que ces fous sont convaincus du contraire qu'ils se pensent eux en terme de pureté et que, pour eux, nous sommes, nous les impurs.

Sortir du jugement. D'une guérison à l'autre, l'évangile nous invite à changer notre manière de voir – ne pas se situer dans un rapport à la religion, au monde, à l'autre qui soit un clivage du pur et de l'impur. Mais entendre que toute la volonté de Dieu se tend pour transformer toute notre humanité par son pardon.

Passer du registre de la pureté au registre du pardon – dans ce passage je crois se dit le dynamisme de l'évangile, de la bonne nouvelle. La pureté conduit à la mort, le pardon à la vie.

En toutes circonstances, même les pires : « Choisis la vie » !
A Dieu seul soit la gloire

mercredi 13 juillet 2016

Prédication du dimanche 10 juillet - Evangile selon Marc, chap. 1, v. 21 à 39

Ils pénètrent dans Capharnaüm. Et dès le jour du sabbat, entré dans la synagogue, Jésus enseignait. Ils étaient frappés de son enseignement, car il les enseignait en homme qui a autorité et non pas comme les scribes. Justement il y avait dans leur synagogue un homme possédé d’un esprit impur ; il s’écria : « Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? tu es venu pour nous perdre. Je sais qui tu es : le Saint de Dieu. » Jésus lui commanda sévèrement : « Tais-toi et sors de cet homme. » L’esprit impur le secoua avec violence et il sortit de lui en poussant un grand cri. Ils furent tous tellement saisis qu’ils se demandaient les uns aux autres : « Qu’est-ce que cela ? Voilà un enseignement nouveau, plein d’autorité ! Il commande même aux esprits impurs et ils lui obéissent ! » Et sa renommée se répandit aussitôt partout, dans toute la région de Galilée.
Juste en sortant de la synagogue, ils allèrent, avec Jacques et Jean, dans la maison de Simon et d’André. Or la belle-mère de Simon était couchée, elle avait de la fièvre ; aussitôt on parle d’elle à Jésus. Il s’approcha et la fit lever en lui prenant la main : la fièvre la quitta et elle se mit à les servir.
Le soir venu, après le coucher du soleil, on se mit à lui amener tous les malades et les démoniaques. La ville entière était rassemblée à la porte. Il guérit de nombreux malades souffrant de maux de toutes sortes et il chassa de nombreux démons ; et il ne laissait pas parler les démons, parce que ceux-ci le connaissaient.
Au matin, à la nuit noire, Jésus se leva, sortit et s’en alla dans un lieu désert ; là, il priait. Simon se mit à sa recherche, ainsi que ses compagnons, et ils le trouvèrent. Ils lui disent : « Tout le monde te cherche. » Et il leur dit : « Allons ailleurs, dans les bourgs voisins, pour que j’y proclame aussi l’Évangile : car c’est pour cela que je suis sorti. » Et il alla par toute la Galilée ; il prêchait dans leurs synagogues et chassait les démons.

Marc nous invite à suivre Jésus le temps d'un sabbat, à Capharnaüm. Le temps d'un sabbat, l'évangéliste nous rapporte trois récits de guérison. Le matin un esprit impur qui est chassé, exorcisé d'un anonyme de la synagogue de Capharnaum. Ensuite, le midi sans doute, à la sortie de la synagogue : une fièvre de la belle-mère de Simon qui est apaisée, et le soir venu la guérison de foules anonymes : malades et démoniaques. Au terme de ces trois récits, la journée s'est écoulée, et le lendemain Jésus poursuit sa route pour aller par toute la Galilée.

Un sabbat avec trois miracles. Notons le tout de suite, ces trois courts récits de miracle sont très différents les uns des autres :

Le premier a pour cadre une synagogue, nous sommes dans un lieu religieux. Le malade – un homme - est décrit comme possédé par « un esprit impur » - Jésus impose le silence à cet esprit et le chasse – l'homme est guérit.

Le deuxième récit de miracle a lieu dans une maison, nous sommes dans un cadre privé, à domicile. La belle-mère de Pierre – une femme - a de la fièvre. Ici il n'y a ni esprit mauvais ni démon – une simple fièvre. Jésus la remet debout, elle est guérit.

La troisième histoire de guérison c'est sur la place publique qu'elle a lieu. Après le lieu religieux, la maison, on est dehors. Il n'y a plus un homme ou une femme malade mais une foule de malade ; de nombreux malades – et là il est question de démons.

Nous avons donc là au commencement de l'évangile, trois récits de guérisons variés, tellement variés que ça ne peut pas être innocent. Trois cadres différents : le religieux, le privé, le public, trois sortes de malades : un homme, une femme, une foule. Différents maux : des esprits impurs, une simple fièvre, des démons. C'est comme si Marc nous donnait un échantillon des guérisons opérées par Jésus, un échantillon de la diversité des guérisons. Or bien que très diverses, ces guérisons ont quand même un fil conducteur. Un double fil conducteur même.

1er aspect : Au v. 21 il est écrit que Jésus enseignait, au v. 27 les fidèles de la synagogue devant le miracle disent : « voilà un enseignement nouveau, plein d'autorité ». et au v. 38 Jésus dit lui-même « allons ailleurs dans les bourgs voisins pour que j'y proclame aussi l'évangile, c'est pour ça que je suis sorti » enfin au v. 39 c'est l'évangéliste Marc qui fait le lien très nettement : « Jésus alla par toute la Galilée ; il prêchait dans les synagogues et chassait les démons »

Nous avons trois récits de guérisons, d'exorcisme, de miracle, et ces trois récits sont liés à l'enseignement de Jésus. De manière forte, l'évangéliste fait le lien entre la guérison et l'enseignement. Ce n'est pas pour rien que ces trois miracles ont lieu pendant le sabbat – le jour où la communauté s'assemble pour entendre la parole de Dieu à travers la Torah et les prophètes.

Ainsi, le premier aspect du lien de ces trois récits de guérisons c'est l'enseignement, c'est la prédication de l'évangile. Le miracle n'a de sens que parce qu'il permet une parole. Le miracle est le prétexte d'une Parole qui en elle-même a plus d'importance que le geste miraculeux.

Le deuxième aspect plus symbolique encore et très diffus dans le texte il est dans la relation de Jésus avec le mal.

D'abord, au v. 24 il nous est dit que le démon reconnaît Jésus – il le reconnaît comme le saint de Dieu – c'est un titre très fort que jamais un juif n'aurait pu utiliser. Dans le judaïsme – Dieu seul est saint. Ensuite au v. 34 il est encore écrit que Jésus « ne laissait pas parler les démons, parce que ceux-ci le connaissaient ». Notons ce trait qui n'est pas anodin : Ce n'est pas Jésus qui connaît les démons, mais, pour l'évangéliste, ce sont bien les démons qui le connaissent. Jésus est connu des forces du mal auxquelles il s'oppose par la parole.

Le mal ce n'est pas une idée, ce n'est pas un concept qui dans une opposition philosophique s'opposerait au bien. Le mal pour l'évangéliste Marc c'est d'abord la souffrance. Cette souffrance peut être liée aux démons, au démoniaque, c'est la pensée d'une époque, mais pas nécessairement ; ainsi, la fièvre de la belle-mère de Simon n'a pas d'origine. Et de même quand l'évangéliste fait le sommaire de l'activité de guérison de Jésus il dit bien : « il guérit de nombreux maux de toutes sortes, et il chassa de nombreux démons ».

Les maux, les souffrances n'ont pas pour seule origine les démons – les maux sont de toutes sortes. Le mal c'est d'abord la souffrance quelqu'en soit la cause, cause réelle ou imaginée. Les miracles de Jésus viennent en opposition à cette souffrance – nous avons là un combat – ce n'est pas le bien qui s'oppose au mal, mais c'est la Parole qui s'oppose au mal. La Parole : l'enseignement de Jésus, la prédication.

Trois récits de miracles au commencement de l'évangile selon Marc, le temps d'un sabbat à Capharnaüm. Trois récits qui sont liés par le même fil conducteur. 1er trait de ce fil conducteur : Ces miracles sont des prétexte à une parole, à un enseignement. La Parole est toujours plus importante que le geste miraculeux. Car 2ème trait de ce fil conducteur, c'est bien la Parole que Jésus oppose au mal, c'est la Parole qu'il annonce face à la souffrance, une Parole agissante, qui relève, redonne vie. Le miracle n'est donc que l'expression de la victoire de la parole sur le mal.

A travers ces texte, l'évangéliste Marc nous livre quelques éléments pour nous aider à tracer le portrait de Jésus. Il est celui qui enseigne dans la synagogue, il est le Saint de Dieu, il est celui qui a autorité sur les esprits impurs, sa renommée grandit dans toute la Galilée ; humble il est capable d'entrer dans la maison d'une femme pour la relever, il est en mouvement – il ne sera resté qu'une journée à Capharnaüm pour ensuite aller dans les bourgs voisins.

Mais fondamentalement, cet homme c'est le porteur de la Parole qui aura la victoire sur le mal. Un homme à la suite duquel les disciples, les malades guéris, les souffrants relevés sont invité à marcher. Marcher à la suite du Christ, entrer dans la lutte de la Parole contre le mal. Car oui, si à travers ces trois récits de miracle le portrait de Jésus se dessine, c'est aussi pour nous une invitation à la mission : enseigner avec autorité, guérir généreusement, rester dans le mouvement pour porter la bonne nouvelle dans les lieux religieux, dans les maisons, sur les places publiques.

Au commencement de cet évangile, Marc nous fait le récit d'une journée, d'un sabbat miraculeux – ce n'est pas pour nous raconter des événements du passé, ce n'est pas pour nous raconter une belle histoire, pour nous donner quelques infos ou quelque news. Une fois encore l'évangile n'est pas le récit journalistique des faits et gestes de Jésus.

Mais à travers ces textes, l'évangéliste Marc trace le portrait du Christ de Dieu, de l'homme témoin de la Parole qui veut nous entraîner à sa suite, et faire de chacun de nous des témoins de la Parole. Nous pouvons tous entrer dans la mission de Dieu : la lutte de la Parole contre le mal. Quand bien même cette lutte peut sembler fragile, perdue d'avance, ou surréaliste, c'est à ce témoignage et à cette mission que nous sommes appelés.

Exemple de cette lutte de la parole contre le mal. Notre église participe ces jours ci à une opération baptisée : « Exilés, l'accueil d'abord ! » . Certains auront peut-être vu la citation de l'évangile selon Matthieu au chap. 25 v. 35 qui a été affichée dans la vitrine par décision du conseil presbytéral. C'est une opération nationale, conjointe de la fédération protestante de France, de l'église protestante unie, de la fédération de l'entraide protestante, et de l'association coexister.

Face l'afflux de migrants, face aux morts sans nombre en méditerranée, l'église n'a pas de solution toute faite – mais l'église a à dire une parole, une parole de vie, une parole qui relève, une parole qui rappelle que nos vies ne valent pas plus pas moins que celles de ces enfants, femmes, et hommes qui meurent en mer ou qui sont entassés dans des camps de misère. Oui là aussi très concrètement il faut lutter contre le mal par une parole de bénédiction, quelques soient les discours ambiants de peur et de rejets de l'autre, quelques soient les refus de voir et de comprendre.

Oui, l'évangéliste Marc trace le portrait du Christ de Dieu, de l'homme témoin de la Parole qui veut nous entraîner à sa suite, et faire de chacun de nous des témoins de la Parole. Oser la Parole. Nous pouvons tous entrer dans la mission de Dieu : la lutte de la Parole contre le mal. Oser la Parole, oser dire et vivre la bénédiction sur nos prochains comme sur toute l'humanité.