dimanche 25 septembre 2016

Prédication du dimanche 25 septembre - Evangile selon Marc, chap. 5, v. 21 à 43

 Quand Jésus eut regagné en barque l’autre rive, une grande foule s’assembla près de lui. Il était au bord de la mer. Arrive l’un des chefs de la synagogue, nommé Jaïros : voyant Jésus, il tombe à ses pieds et le supplie avec insistance en disant : « Ma petite fille est près de mourir ; viens lui imposer les mains pour qu’elle soit sauvée et qu’elle vive. » Jésus s’en alla avec lui ; une foule nombreuse le suivait et l’écrasait.
Une femme, qui souffrait d’hémorragies depuis douze ans – elle avait beaucoup souffert du fait de nombreux médecins et avait dépensé tout ce qu’elle possédait sans aucune amélioration ; au contraire, son état avait plutôt empiré –, cette femme, donc, avait appris ce qu’on disait de Jésus. Elle vint par-derrière dans la foule et toucha son vêtement. Elle se disait : « Si j’arrive à toucher au moins ses vêtements, je serai sauvée. » A l’instant, sa perte de sang s’arrêta et elle ressentit en son corps qu’elle était guérie de son mal. Aussitôt Jésus s’aperçut qu’une force était sortie de lui. Il se retourna au milieu de la foule et il disait : « Qui a touché mes vêtements ? » 3es disciples lui disaient : « Tu vois la foule qui te presse et tu demandes : “Qui m’a touché ?” » Mais il regardait autour de lui pour voir celle qui avait fait cela. Alors la femme, craintive et tremblante, sachant ce qui lui était arrivé, vint se jeter à ses pieds et lui dit toute la vérité. Mais il lui dit : « Ma fille, ta foi t’a sauvée ; va en paix et sois guérie de ton mal. »
Il parlait encore quand arrivent, de chez le chef de la synagogue, des gens qui disent : « Ta fille est morte ; pourquoi ennuyer encore le Maître ? » Mais, sans tenir compte de ces paroles, Jésus dit au chef de la synagogue : « Sois sans crainte, crois seulement. » Et il ne laissa personne l’accompagner, sauf Pierre, Jacques et Jean, le frère de Jacques. Ils arrivent à la maison du chef de la synagogue. Jésus voit de l’agitation, des gens qui pleurent et poussent de grands cris. Il entre et leur dit : « Pourquoi cette agitation et ces pleurs ? L’enfant n’est pas morte, elle dort. » Et ils se moquaient de lui. Mais il met tout le monde dehors et prend avec lui le père et la mère de l’enfant et ceux qui l’avaient accompagné. Il entre là où se trouvait l’enfant, il prend la main de l’enfant et lui dit : « Talitha qoum », ce qui veut dire : « Jeune fille, je te le dis, réveille-toi ! » Aussitôt la jeune fille se leva et se mit à marcher, – car elle avait douze ans. Sur le coup, ils furent tout bouleversés. Et Jésus leur fit de vives recommandations pour que personne ne le sache, et il leur dit de donner à manger à la jeune fille.

Deux récits entremêlés : Un chef de la synagogue, une femme
Un homme qui vient voir Jésus pour sa fille, une femme qui approche Jésus dans l'anonymat de la foule qui le presse.
Jaïros, chef de la synagogue a une fille de 12 ans – presque une femme dans l'Israël antique ; la femme est malade de perte de sang depuis 12 ans, elle est impure, elle n'est personne.
Lui sait formuler sa demande, il s'adresse à Jésus, et il lui demande le salut de sa fille car il veut qu'elle vive. La femme, elle ne dit rien, elle sait juste qu'en touchant le vêtement de Jésus elle sera sauvé.
Elle est guérie au milieu d'une foule intense qui fait que Jésus doit lui demander de sortir du lot pour être reconnue ; la jeune fille elle sera relevée dans l'intimité de sa chambre en présence uniquement de son père et sa mère, après que Jésus ait chassé les parents et les amis de la maison, il n'a même pris que ces trois plus proches disciples : Pierre, Jacques et Jean.
Nous voici donc ce matin à entendre deux récits de miracles. Deux miracle différents et que pourtant Marc a composé ensemble – d'une manière in-détachable. Il y a d'abord Jaïros ce chef de la synagogue qui vient voir Jésus pour lui demander le salut de sa fille. Jésus se met alors en route mais et sur ce chemin pour aller voir la fille de Jaïros qu'a lieu le premier miracle : une femme souffrant de pertes intimes est guérie.

Cette femme est alors guérie par le fait de toucher le manteau de Jésus – elle doit alors sortir de l'anonymat de la foule, mais on ne connaîtra pas son nom. Jésus veut la voir face à face pour lui dire une parole de foi « Ma fille, ta foi t'as sauvée ; va en paix et sois guérie de ton mal ».

Durant le temps de ce premier miracle, et c'est pour ça qu'ils sont indétachables, la fille du chef de la synagogue meurt, du moins la mort de la fille du chef de la synagogue est annoncé. Jésus ne va donc pas guérir l'enfant mais la ressusciter. Tout les mots qui disent en grec la résurrection : Jésus dit à la jeune fille « réveille-toi » première manière de dire la résurrection : le réveil d'entre les morts et Marc insiste en nous disant que la fillette se leva et se mit à marcher – il aurait pu dire simplement qu'elle se mit à marcher – le fait de se lever aurait alors été implicite : mais il utilise là le deuxième verbe grec qui dit la résurrection : se lever, se lever du tombeau.

Ces deux récits sont différents et pourtant ils ont plusieurs points communs. D'abord il est question de femme et de féminité - la femme est malade d'un trouble intime, féminin – et ce depuis 12 ans ; la jeune fille a 12 ans c'est à dire l'âge nubile, l'âge de devenir femme au premier siècle. Ces 12 ans rattachés a deux questions féminines ; ça ne peut être une coïncidence.

L'autre coïncidence – dans les deux cas Jésus parle des miracles comme étant des questions de foi. Pour la femme : c'est parce qu'elle a cru qu'elle est guérie. « Ta foi t'as sauvé » dit Jésus à la femme. Et le chef de la synagogue, à l'annonce de la mort de sa fille est également invité à croire : « sois sans crainte, crois seulement ».

Ces deux récits imbriqués l'un dans l'autre – inséparables l'un de l'autre viennent conclure une série de miracles tous plus extraordinaire les uns que les autres. Il y a eu du spectaculaire – quand on pense au démon légion envoyés dans les porcs qui se jettent dans la mer faisant du démoniaque un prédicateur de la bonne nouvelle. Il y a eu de l'étonnant quand Jésus a calmé la tempête – nous l'entendions à nouveau hier à Puisserguier – invitant ses disciples à passer de la peur à la foi.

Ces miracles ne sont là ni pour épater la galerie ni pour raconter une histoire sainte dans laquelle Jésus serait le super-héro.Non, chacune de ces histoire, ce sont chacun des révélations christologiques en action. Chacun de ces miracles sont des signes qui essayent de dire qui est Jésus. A travers ces miracles qui sont des rencontres, des échanges personnels, l'évangile trace le portrait du Christ Jésus. Ces textes viennent aider à répondre à la question de savoir qui est le Christ ?

Un récit ancien raconte qu'un jour un homme est allé voir abba Nisteros le grand, un père du désert des IV ou Vème siècle, pour lui poser la question : que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ? Abba nisteros le grand a répondu à cette question en disant : l'Ecriture raconte qu'Abraham pratiquait l'hospitalité et que Dieu était avec lui ; qu'Elie aimait prier seul et que Dieu était avec lui ; que David était humble et que Dieu était avec lui. Par conséquent, dit Abba Nisteros, par conséquent tout ce que votre âme désire accomplir selon la volonté de Dieu, faites-le !

Tout ce que votre âme désire accomplir selon la volonté de Dieu, faites-le ! Cette parole mémorable – on parle pour les père du désert d'une apophtegme – une parole dont on se souvient ça peut aider dans les mots croisés – cette apophtegme nous dit qu'il n'y a pas de solution toute faite. Tout ce que votre âme désire accomplir selon la volonté de Dieu, faites-le ! Ça veut dire qu'il n'y a pas de chemin tracés d'avance, nous ne sommes pas enfermé dans un destin implacable. Abraham, Élie, David chacun a eu un chemin de foi propre à sa vie.

Or, ce que nous racontent ces miracles, ces deux miracles d'aujourd'hui comme ceux qui précèdent c'est que la foi, la rencontre avec Jésus, transforme la vie, transforme le deuil, chaque fois de manière singulière, chaque fois de manière personnelle.

La femme impure et rejetée du monde du fait de ses pertes de sang est rétablie au cœur de la foule – elle peut sortir de la foule et s'identifier sans crainte – sa foi l'a sauvé. La jeune fille est relevée de la mort, son père peut sortir de la terreur du deuil pour entrer dans la confiance : ne craint pas croit seulement. Chacun de ces miracles sont en fait un chemin de vie que Jésus trace pour sortir d'une situation de peur, d'exclusion, pour donner la vie.

On peut alors se souvenir de la parole que Jésus avait dite au commencement de son ministère : « ce ne sont pas les bien portants qui ont besoin de médecin, mais les malades, je ne suis pas venu appeler les justes mais les pécheurs ». Cette parole qui explique la polémique de l'évangéliste Marc vis à vis des nombreux médecins auprès desquels la femme avait perdu tout son argent.

Alors oui, comprendre cela, c'est réaliser que nous sommes appelés à nous identifier non pas à des disciples qui seraient capable de faire la même chose que Jésus, a des médecins ou thaumaturges capables de soigner, mais réaliser que nous sommes, nous auditeurs de l'évangile, dans le même état que la femme qui souffrait de perte de sang, dans le même état que le père craignant pour la vie de sa fille, ou encore que les disciples affolés par une tempête, ou encore qu'un homme possédé.

Nous sommes des femmes, des hommes ; chacun individuellement et personnellement sous le regard de Dieu. Et nous sommes personnellement invités à entendre une parole qui vient du dehors – une parole extérieure à nos vie - une parole du Christ qui seule permet de passer de la peur à la confiance, qui seule permet de passer de la mort à la vie. Une parole extérieure à nos vies : la théologie protestante classique parlait d'extra nos – d'en dehors de nous. Il faut qu'une parole extérieur à tout ce que nous connaissons et ce que nous sommes vienne faire rupture – rupture pour nous appeler à l'existence. Alors s'entend que chacun à son histoire et dans chacune de nos histoires Dieu vient faire germer du nouveau, par une parole qui nous appelle chacune, chacun à un regard lucide sur nos vies, sur nos manques comme sur nos trop pleins, sur nos qualités comme sur nos défauts et admettre que ces vies là, telles qu'elles sont et sans condition sont aimées de Dieu.

Je citais tout à l'heure Abba Nisteros le Grand, un autre père de l'église, beaucoup plus connu, celui-ci – Grégoire de Nysse - écrivait cet amour de Dieu pour l'homme avec des mots marquants ou du moins un peu glauque, ce qui fait qu'on les retient. Grégoire de Nysse écrivait : « il fallait rappeler de la mort à la vie notre nature entière. Dieu s'est donc penché sur notre cadavre afin de tendre la main, pour ainsi dire, à l'être qui gisait là. Il s'est approché de la mort jusqu'à prendre contact avec notre état de cadavre et à fournit à notre nature, au moyen de son propre corps, le principe de la résurrection, en ressuscitant l'homme entier par sa puissance »

Etre un cadavre devant Dieu – ce n'est pas très joyeux ! Et pourtant ça peut donner le sourire et déculpabiliser. Avec cette expression : être un cadavre devant Dieu nous réalisons que tels que nous sommes à nous suffire à nous-mêmes, sans lien avec Dieu, nous sommes déjà morts. Quand nous nous pensons seuls, nous sommes déjà morts. Quand la peur guide nos choix, nous sommes déjà morts. Quand nous manquons d'espérance, nous sommes déjà morts. Et pourtant, comme cadavre, avec notre suffisance, nos solitudes, nos peurs et nos manques d'espérance, la bonne nouvelle vient nous dire l'amour de Dieu, un amour qui nous appelle à la vie, un amour qui appelle de manière singulière et personnelle chacune de nos existences. Pour nous aussi la parole résonne, alors oui ça donne à sourire.

Entendre que les récits de miracle dans les évangiles ne sont pas là pour nous raconter des belles histoires fantastiques ou rocambolesques, mais entendre qu'à travers ces histoires le Christ se révèle comme parole de vie pour chacun de ses contemporains, hommes ou femmes, riches ou pauvre, jeune ou vieux – et que cette révélation vaut pour nous encore. Nous pouvons encore nous placer sous sa bénédiction ; entendre son amour et son appel à la vie.

Au Christ seul soit la gloire. Amen.

dimanche 18 septembre 2016

Prédication du dimanche 18 septembre - Evangile selon Marc, chap. 5, v. 1 à 20

 1Ils arrivèrent de l’autre côté de la mer, au pays des Géraséniens. 2Comme il descendait de la barque, un homme possédé d’un esprit impur vint aussitôt à sa rencontre, sortant des tombeaux. 3Il habitait dans les tombeaux et personne ne pouvait plus le lier, même avec une chaîne. 4Car il avait été souvent lié avec des entraves et des chaînes, mais il avait rompu les chaînes et brisé les entraves, et personne n’avait la force de le maîtriser. 5Nuit et jour, il était sans cesse dans les tombeaux et les montagnes, poussant des cris et se déchirant avec des pierres. 6Voyant Jésus de loin, il courut et se prosterna devant lui. 7D’une voix forte il crie : « Que me veux-tu, Jésus, Fils du Dieu Très-Haut ? Je t’adjure par Dieu, ne me tourmente pas. » 8Car Jésus lui disait : « Sors de cet homme, esprit impur ! » 9Il l’interrogeait : « Quel est ton nom ? » Il lui répond : « Mon nom est Légion, car nous sommes nombreux. » 10Et il le suppliait avec insistance de ne pas les envoyer hors du pays. 11Or il y avait là, du côté de la montagne, un grand troupeau de porcs en train de paître. 12Les esprits impurs supplièrent Jésus en disant : « Envoie-nous dans les porcs pour que nous entrions en eux. » 13Il le leur permit. Et ils sortirent, entrèrent dans les porcs et le troupeau se précipita du haut de l’escarpement dans la mer ; il y en avait environ deux mille et ils se noyaient dans la mer. 14Ceux qui les gardaient prirent la fuite et rapportèrent la chose dans la ville et dans les hameaux. Et les gens vinrent voir ce qui était arrivé. 15Ils viennent auprès de Jésus et voient le démoniaque, assis, vêtu et dans son bon sens, lui qui avait eu le démon Légion. Ils furent saisis de crainte. 16Ceux qui avaient vu leur racontèrent ce qui était arrivé au démoniaque et à propos des porcs. 17Et ils se mirent à supplier Jésus de s’éloigner de leur territoire. 18Comme il montait dans la barque, celui qui avait été démoniaque le suppliait, demandant à être avec lui. 19Jésus ne le lui permit pas, mais il lui dit : « Va dans ta maison auprès des tiens et rapporte-leur tout ce que le Seigneur a fait pour toi dans sa miséricorde. » 20L’homme s’en alla et se mit à proclamer dans la Décapole tout ce que Jésus avait fait pour lui. Et tous étaient dans l’étonnement.

L'évangile nous convoque à entendre aujourd'hui : une histoire de fou. On pourrait même dire que l'évangile aujourd'hui est une folle histoire de fou. Dans ce passage de l'évangile selon Marc, la folie est tellement là, présente, que nous avons du mal à entendre ce que peux vouloir nous dire aujourd'hui un tel texte.

Que retenir ? Qu'entendre ? Comment entrer dans la compréhension de ce texte avec ce démon et cette histoire de cochons ? Pourtant là se dit l'évangile, là se dit l'évangile avec force. Une parole qui nous concerne, chacune, chacun – une parole de vie, une force de résurrection, quand bien même ça nous semble totalement fou.

Folie d'abord cette histoire de démon. Aujourd'hui nous ne pouvons pas faire comme si la compréhension des choses que donne le texte allait de soi. Après le développement de la philosophie médiévale, après les apports historiques de l'humanisme, après l'esprit critique des lumières nous n'avons plus la même compréhension des choses et du monde.

Nous avons une compréhension du monde critique, rationnelle, scientifique, une compréhension du monde qui ne fait plus appel à un monde caché et mystique comme c'est le cas avec cette histoire de démon. Pour nous, dans une chaîne de causalité nette et rationnelle, tout ce qui nous arrive est causé par un autre élément ou un autre événement. Alors évidemment, il y a bien encore quelques lieux ou quelques personnes qui croient en l'existence d'esprits ou de démons, mais globalement nous comprenons le monde sans ces éléments très imagés.

Alors, peut-être, faut-il souligner le fait que ça ne veut pas dire que nous comprenons le monde mieux que les anciens. Nous ne comprenons pas mieux le monde que ceux qui pensaient que tout était gouverné par des forces mystiques. Nous le comprenons différemment, avec d'autres catégories et une autre logique. Et du coup une histoire d'homme possédé par des puissances diaboliques, cette histoire de démons qui se transmettent de l'homme au troupeau de cochons et qui entrainent le troupeau à sa perte ; ça renvoie soit à l'imaginaire des film d'épouvante et des film d'horreur soit à un délire mystique. Imaginaire, délire, nous sommes ici dans ce qui nous semble fou. Ce n'est en tout cas pas de l'ordre de nos catégories habituelles, ou de notre logique quotidienne.

Le texte biblique porte en lui les compréhensions des hommes de son temps. Au 1er siècle, les forces mystiques, les démons, les puissances diaboliques tout ça, ça existe et ces catégories servent à expliquer le monde avec une logique propre. Quand bien même que ça nous semble fou.

Pour comprendre cette distance historique dans la manière de penser on peut tout à fait faire le chemin inverse ; imaginez au 1er siècle à Jérusalem un homme qui parle de marcher sur la lune. Cet homme inexorablement serait passé pour un fada. Dans les catégories de l'époque voyager dans l'espace c'est un truc complètement fou. Le texte biblique porte en lui les compréhensions des hommes de son temps, et nous portons en nous le savoir d'une époque et la distance entre les deux fait folie.

A cette première folie – due à la distance de nos compréhensions – il y a la folie dont parle le texte. La folie de l'homme possédé par l'esprit impur. Cet homme vit dans les tombeaux – c'est répété par deux fois, il est a distance du monde des vivants – il faut se souvenir que le cimetière dans le judaïsme est un lieu impur. Visiblement l'esprit impur lui fait faire un peu n'importe quoi : il brise ses chaînes car il est fort « comme un diable » dira le dicton, nul ne peut le retenir, nul ne peut l'enchainer, le lier.

Mais surtout nous dit le texte : « nuit et jour il est sans cesse dans les tombeaux et les montagnes poussant des cris et se déchirants avec des pierres ». Tout ces éléments donnent le portrait d'un homme qui n'est plus vraiment humain : il vit dans un lieu de mort, il ne distingue plus le jour et la nuit, il ne respecte plus son corps et sa seule expression se sont ses cris. Cet homme n'est plus vraiment humain le démon qui le possède le situe à la limite de l'animalité.

L'évangile c'est alors le passage de cette folie, de cette vie pour la mort à la prédication de la bonne nouvelle. A la fin du passage biblique, l'évangéliste nous dit que cet homme qui au départ n'est plus vraiment un homme tant il est fou, cet homme va devenir le prédicateur de la bonne nouvelle dans la décapole – un groupe de villes à l'est du Jourdain. Il va donc quitter sa montagne et ses tombeaux pour vivre en ville, du lieu des morts et il va passer au lieu des vivants ; il va cesser de crier et de se déchirer sur les rochers pour annoncer la Parole, d'un comportement mortifère il va annoncer la parole de vie.

Aussi, la première chose que nous pouvons entendre dans ce texte fou, tout de même, c'est l'évangile comme puissance de vie, la bonne nouvelle comme résurrection. Jésus fait sortir cet homme de l'emprise qui l'enfermait à la folie pour lui donner à vivre la prédication de l'évangile. Dans ce changement de destin, sur une parole d'autorité de Jésus, il y a quelque chose d'une résurrection qui se dessine ; passage de la mort à la vie.

C'est un premier sens qui traverse la folie du texte. Mais ce n'est pas le seul sens. On peut entrer dans une autre compréhension de ce texte, une compréhension supplémentaire en réalisant combien ce texte est marqué par quelques allusions à l'empire et à Rome.

Il est d'abord noté que nous sommes en territoire païen – le pays des Géraséniens – En traversant la mer, Jésus et ses disciples ont quitté le monde juif, leur monde de la Galilée. Première allusion à l'étranger, mais surtout, ensuite le démon dit à Jésus qu'il s'appelle « Légion » - ce mot au premier siècle, sur toutes les rives de la méditerranée , se mot fait référence nécessairement aux armées de Rome, aux légions de César. Nous sommes donc en territoire païen, le démon s'appelle comme l'occupant romain, et nous nous retrouvons à côté d'un grand troupeau de porcs, porcs dans lesquels le démons vont finir précipité d'une haute falaise dans la mer. Ces porcs rappelons le n'étaient élevés que pour la consommation des païens et notamment de l'occupant romain, des légions de l'empire.

Sans faire de l'évangéliste Marc un révolutionnaire qui aurait un discours vindicatif contre l'occupant, il faut quand même souligner qu'avec cette histoire de fou, l'évangéliste écorne l'image de la puissance impériale. En passant, il réduit la puissance romaine, les légions de césar, à un troupeau de cochon qui finira noyé dans la mer. Si en plus de ces éléments du texte, on se souvient que l'évangile selon Marc a peut-être été écrit à Rome, la polémique est encore plus soulignée. Il faudra alors entendre que la folie d'un fou possédé d'un esprit impur qui cri et se déchire jour et nuit au milieu des tombeaux, cette folie n'est pas plus folle que la folie d'une armée qui pensait dominer le monde.

La folie de ce texte transporte donc aujourd'hui encore une parole de vie contre les enfermements de la mort, elle apporte aujourd'hui encore une critique sur toutes les puissances du monde qui prétendent dominer le monde et dominer l'humain. C'est alors un troisième sens que donne à entendre ce texte, ce troisième sens révèle une fois encore, combien le Christ Jésus est l'homme de Parole. Parole quand il raconte ses paraboles, parole quand il calme une tempête, parole encore quand il rencontre la folie des hommes.

Jésus parle avec le démon qui possède l'homme qui cri. Il parle et il donne la parole. C'est dans la parole que Jésus est reconnu comme fils de Dieu, et c'est dans la parole que le démon reconnaît être nombreux. C'est par une parole enfin que Jésus condamne le démon dans le troupeau de cochon a être jeté au fond de la mer.

Cette parole a déjà été entendue. A la fin du livre de Michée, le prophète annonce le pardon de Dieu avec cette formule: « L'Eternel piétinera nos péchés, tu jetteras toutes leurs fautes au fond de la mer ». Alors le geste de Jésus devient un geste de pardon, de miséricorde. Avec Christ : les forces de haines, de morts, de refus de l'espérance et de rejets de l'autre, toutes ces forces qui défigurent l'homme comme le projet de Dieu, toutes ces forces seront englouties au fond la mer et elles y resteront.

Cette bonne nouvelle d'une Parole qui relève et qui envoi comme témoin du Christ vivant nous pouvons l'entendre aujourd'hui encore. Non pas comme une histoire de fou, mais comme notre vocation. Nous pouvons l'entendre chacune, chacun. L’Éternel ne nous demande pas d'être les champions de la sainteté, ni des hommes et des femmes au passé pur et irréprochables.

Nous avons tous une histoire – je vous souhaite qu'elle soit moins folle que celle de cet homme – mais justement nous avons tous une histoire, souvent moins tordue que la folie de cet homme, et dans notre histoire la parole du Christ nous appelle tels que nous sommes, avec nos blessures et nos limites, mais aussi avec nos espérances et nos impatiences.

Il ne nous appelle pas à être des super-héros de la foi mais à être des hommes et des femmes qui ont un jour entendu une parole qui leur a dit qu'ils étaient aimés de Dieu, tels qu'ils étaient, et tels qu'ils étaient ils devaient sortir des lieux de morts pour être vivant, tels qu'ils étaient la vie éternelle leur était donnée ; tels qu'ils étaient ils pouvaient être témoin de la résurrection, témoin de la vie plus forte que la mort.

Avec cette histoire de fou, l'évangile nous invite à porter encore cette parole d'une vie donnée pour la liberté, d'une parole plus forte que toutes les puissances qui apeurent et qui enferment, plus fortes que les liens de domination et de désespérance. Alors oui c'est encore une histoire de fou : Cet évangile est folie, folie de Dieu pour nos vies, passion de Dieu d'un amour fou pour chacune chacun d'entre nous. Amen.

dimanche 11 septembre 2016

Prédication du dimanche 11 septembre - Evangile selon Marc, chapitre 4, 35-41

Marc 4, 35-41
Ce jour-là, le soir venu, Jésus leur dit : « Passons sur l’autre rive. » Quittant la foule, ils emmènent Jésus dans la barque où il se trouvait, et il y avait d’autres barques avec lui. Survient un grand tourbillon de vent. Les vagues se jetaient sur la barque, au point que déjà la barque se remplissait. Et lui, à l’arrière, sur le coussin, dormait. Ils le réveillent et lui disent : « Maître, cela ne te fait rien que nous périssions ? » Réveillé, il menaça le vent et dit à la mer : « Silence ! Tais-toi ! » Le vent tomba, et il se fit un grand calme. Jésus leur dit : « Pourquoi avez-vous si peur ? Vous n’avez pas encore de foi ? » Ils furent saisis d’une grande crainte, et ils se disaient entre eux : « Qui donc est-il, pour que même le vent et la mer lui obéissent ? »

Intro : 
La tempête apaisée. Une page classique de nos Bibles. Ce texte peut réveiller quelques échos, car nous l'avions déjà entendu en janvier 2015 lors d'un culte participatif, en petits groupes – et pourtant j'ai pensé l'entendre aujourd'hui, le réentendre dans une double perspective. La première perspective est ce temps de rentrée que nous vivons ensemble aujourd'hui, dans notre église de Béziers, un temps de rentrée que nous partageons plus largement avec toute notre société et la deuxième perspective plus religieuse fait écho au temps pour la création que toutes les églises chrétiennes vivent durant ce mois de septembre, jusqu'au 4 octobre.

Mais avant d'ouvrir ces deux perspectives, peut-être faut-il prendre le temps d'entendre ce que nous dit l'évangéliste Marc dans ce passage de l'évangile – entendre ce qui nous est dit de Jésus, ce qui fait évangile, bonne nouvelle dans ce texte.

1- entendre le texte
Alors bien entendu il y a le miracle, Jésus qui calme une tempête – ça, ça en jette ! C'est plein de merveilleux, et... on adore ça le merveilleux ! Jésus c'est quasiment superman dans ce texte et ça, pour qui veux croire, c'est assez sympa. Mettre sa foi en Jésus c'est mettre sa foi en un type qui peut calmer la mer déchaînée – et les disciples ne s'y trompent pas : « qui donc est-il que même le vent la mer lui obéisse ? »

Le miracle c'est sympa, ça en jette, mais je ne crois pas que ce soit là le sens de la bonne nouvelle pour aujourd'hui. Il faut alors quand même se souvenir que Jésus, juste avant, comparait le royaume de Dieu a un paysan entrain de travailler ou encore il disait du royaume qu'il était comme une petite graine de moutarde. Oui juste avant, Jésus expliquait à ses disciples le royaume de Dieu en étant à mille lieux des images de superman et d'un royaume fait de toute puissance : un paysan, une graine.

Aussi même si le miracle c'est sympa, je crois que, pour qui veut entendre l'évangile, pour qui veut entendre la bonne nouvelle, c'est pas sur le merveilleux qu'il faut s'arrêter. Ce n'est pas sur le merveilleux mais sur ce qu'il y a avant le miracle. Et avant le miracle il se passe deux choses : 1- Jésus dort et 2- ses disciples osent le réveiller. Aussi je crois que la bonne nouvelle est là ; dans ces deux aspects du texte : Jésus dort et ses disciples osent le réveiller.

Je m'explique un peu plus. Jésus dort. Il n'est justement pas un super-héro tel que le merveilleux de l'évangile pourrait nous le faire croire. Homme de chair et de sang, il a longuement enseigné en parabole, et nous dit le texte – ce jour là, le soir venu, Jésus dit : « passons sur l'autre rive ». C'est donc une fin de journée pour un homme qui a passé sa journée à enseigner. La fatigue normale l'assaille et il s'endort. Il s'endort en paix, une paix que rien ne trouble pas même les éléments déchaînés.

Jésus dort et ses disciples osent le réveiller. Ce n'est pas une omniscience qui fait que Jésus se réveille au bon moment, non c'est parce que des hommes, des hommes qui sont avec lui mais qui ont peur, des hommes vont le secouer pour lui faire prendre conscience de la panique dans laquelle ils se trouvent, eux. Les disciples sont apeurés, certes, mais ils ont conscience d'être avec Jésus, et ils osent le réveiller. Pour moi, là se trame la bonne nouvelle bien plus que dans le merveilleux d'un miracle épatant.

Là se trame l'évangile, la bonne nouvelle : Jésus traduit Dieu dans notre humanité. Une humanité faite de courage et de repos, de travail et de sommeil. Une humanité humble et simple qui se laisse secouer par d'autres humanités humbles et simples, car elles sont toutes dans le même bateau – Ces autres humanités ce sont les disciples, les disciples qui ont peur aux creux des vagues et qui pourtant espèrent quand même quelque chose : « Maître, cela ne te fait rien que nous périssions ? ». Les disciples sont ici les témoins d'une franchise, franchise d'une peur assumée quand tout vacille, quand bien même Jésus est là.

Jésus traduit Dieu dans notre humanité et devant la peur de ses frères il menace le vent et la mer, pour imposer le calme. « Qui donc est-il pour que même le vent et la mer lui obéissent ? » L'évangéliste Marc ne répond pas à cette question car sans doute n'est-elle que secondaire, le merveilleux est secondaire – du moins le merveilleux ne prendra sens qu'à la résurrection ; quand la vie manifestée sera plus forte que la mort.

Quand le miracle de Pâques permettra d'expliquer tout les autres – alors le miracle prendra tout son sens. Mais pour l'instant, l'essentiel est que Jésus, dit la proximité de Dieu avec les hommes ; et cette proximité prend en compte leur peur pour tracer un chemin de foi, de confiance ; malgré tout.

Deux perspectives pour entendre cette bonne nouvelle aujourd'hui. Le temps de la rentrée que nous connaissons aujourd'hui en église, et plus largement ces jours ci dans notre société – et le temps pour la création.

2 - la rentrée....
Pour filer la métaphore maritime, le temps de rentrée – ce temps est souvent celui de l'embarquement ; après une période de vacances ou de calme, il s'agit de reprendre la mer. L'embarquement scolaire pour les enfants et leurs parents, l'embarquement dans des rythmes d'activités qui reprennent peu à peu, ça et là, quelque soit notre âge. L'embarquement dans la vie associative, culturelle, sportive quelque soient nos lieux d'engagement.

Pour peu que vous ayez quelques enfants, petits ou grands, à la maison ; cet embarquement peut être déjà tempétueux – il faut avoir pensé au rendez vous coiffeur avant le jour j, renouvelé les chaussures de sport, être passé chez le médecin pour un certificat, etc. etc. selon les activités des uns et des autres, la liste des choses à faire des premiers jours de septembre est souvent beaucoup plus longue que celle du mois d'août ; et pourtant au mois d'août « on avait le temps ! »

Embarquement pour le moins, ou tempête immédiate ; la rentrée inaugure chaque année le voyage que nous ferons ensemble jusqu'à la fin de l'année scolaire. Parfois, le voyage s'arrête avant au gré de déplacement et de changements de postes. Mais il s'agit toujours de se remettre en route, en mouvement, partir vers une autre rive.

La question que nous pose le texte de l'évangile aujourd'hui est celle de savoir si il faut que la tempête soit au plus fort, s'il faut que nous ayons peur de mourir pour réaliser que dans nos cheminements de vie, dans nos embarquements, le Christ est là avec nous, présence discrète d'un homme endormi dans la même barque que nous ; mais là, présent. Nous ne sommes pas seuls. Comprendre que Christ nous accompagne c'est déjà quelque soit les turbulences ou les vicissitudes s'ouvrir à la confiance et c'est ensuite s'autoriser à le réveiller.

Réveiller le Christ qui fait route avec nous c'est peut-être le sens de la prière – oser appeler à une présence plus active et plus participante, celui qui déjà est avec nous. Oser tisser une relation faite de parole, de parole pour dire les joie, pour dire les peurs, pour dire les libertés partagées et les angoisses affrontées. Le Christ traduit Dieu en humanité, mais il faut encore que l'humanité se tourne vers lui, s'adresse à lui, le réveille parfois, fasse appel à lui en tout cas.

La première perspective pour aujourd'hui est celle de la rentrée – reprendre la mer, embarquer dans une nouvelle année, vers de nouveaux rivages, l'avenir nous est inconnu et pour aller vers lui nous ne sommes pas seuls.

3- la création...
La deuxième perspective que j'aborde maintenant est celle donnée par le temps pour la création que nous vivons, toutes les églises chrétiennes – un temps voulu par le Conseil Œcuménique des Églises pour chaque année. Je le disais en commençant, le temps pour la création est d'abord une démarche œcuménique durant laquelle les chrétiens sont invités à prier et à agir ensemble, pour la création.

Ce récit de tempête nous parle de la création, elle nous parle de la nature, d'une nature posée dans les mains de Dieu. « Même le vent et la mer lui obéissent » disent les disciples. Effectivement on peut croire au Dieu créateur comme en un Dieu qui tirerait les ficelles – aujourd'hui avec notre modernité il faudrait parler de télécommande, voir de gestion en wi-fi. Dieu serait acteur des événements du monde, des mouvements de la croute terrestre à la couche d'ozone, Dieu serait un super programmateur de la planète terre. Nous n'aurions donc pas de souci à nous faire.

Dans cette manière de comprendre la création, en reprenant notre texte biblique : tout s'explique : Si Dieu a déclenché une tempête ce jour là en Galilée – ce n'est absolument pas écrit dans la Bible que c'est Dieu – mais avec cette logique de création : si Dieu a déclenché une tempête, c'est justement pour que son fils super-héro puisse la calmer – encore une fois je ne crois pas en un Jésus super-héro.

Oui, cette vision de la création est une vision possible, ce n'est pas la mienne. Confesser le Dieu créateur ce n'est pas pour moi croire que Dieu tire les ficelles ou qu'il gère à distance le monde pour le mener à bonne fin. Par contre, pour moi, croire que Dieu est créateur c'est reconnaître que Dieu est à la source de toute vie et qu'il a pour chacune, pour chacun des projets de vie et de bonheur, et non pas des projets de mort et de malheur. Après libre à l'homme de faire ses choix et de les assumer : L'agriculture intensive : bonheur ou malheur ? Le nucléaire : vie ou mort ? Notre mode de vie occidental : bonheur et vie ou malheur et mort ? Réchauffement climatique : vie ou mort ?

Je multiplie les exemples car il me semble tout à fait clair que les réponses ne sont pas toutes tranchées ou évidentes ; être croyant ce n'est pas avoir un mot à dire sur tout – de la taille d'un maillot de bain à une appartenance nationale. La foi ce n'est pas ça. Croire, croire au Dieu créateur ça revient à ouvrir le champ des questions, ça revient à oser s'interroger sur la destination de ce que nous faisons de nos vies, de nos quotidiens, de nos maisons, de notre alimentation, de notre pays, de toute notre vie.

Ouvrir le champ des questions, car croire, c'est réaliser que nous ne sommes pas le seuls horizon de nos vies, chacun pour nous-mêmes, enfermés dans une bulle sans rapport aux autres. Croire au Dieu créateur c'est réaliser que nous sommes une créature au milieu de la création et que donc le « vivre ensemble » n'est pas une option. Le vivre ensemble c'est la vocation de notre humanité, un vivre ensemble avec toute créature, avec toute la création.

Toute tempête est appelée a s'apaiser. Croire que Dieu est créateur c'est reconnaître que Dieu est à la source de toute vie et qu'il a pour chacune, pour chacun des projets de vie et de bonheur, et non pas des projets de mort et de malheur. Des projets de vie et de bonheur qui ne sont pas des projets égoïstes chacun pour soi-même, mais des projets de bonheur à vivre ensemble – car nous sommes tous dans le même bateau comme dit l'expression.

Alors c'est sur que ce n'est qu'une manière de comprendre l'évangile. Dans la Bible, il y en a d'autres. On peut penser au livre du prophète Jonas, où là, dans ce livre, pour calmer la tempête on envisage de jeter quelques passagers par-dessus bord. Lors d'une tempête, la mort de quelques uns permettait la survie des autres. On peut aujourd'hui trouver ça tout à fait abjecte, on peut aussi réaliser que en 2015 quand 3700 migrants sont morts en méditerranée nous en sommes toujours là ! Ils auraient tous pu reprendre la parole des disciples : « maître cela ne te fait-il rien que nous périssions ? »

Alors nous réalisons que nous laissons encore mourir quelques uns pour que nous puissions vivre sans rien changer de nos habitudes et de notre mode de vie. Nous oublions que nous sommes tous sur le même bateau, la même création, la même planète, en se pensant différent ici des autres qui sont là-bas, vivant dans sa bulle.

4- conclusion :
La tempête apaisée. Une page classique de nos Bibles. Nous pouvons l'entendre aujourd'hui sous deux perspectives : la rentrée et la création. Dans la perspective de la rentrée l'évangile est alors une invitation à la confiance et à la prière. Prendre conscience que le Christ est là présent dans nos vies, dans tous nos cheminements, force silencieuse et discrète d'un homme qui dort et que nous pouvons réveiller par nos prières. Dans la perspective de la création nous entendons alors l'évangile comme une interpellation, dans la tempête gardons nous le cap des projets de vie et de bénédiction voulus par Dieu, sommes nous fidèles à sa bénédiction première de toute la création ? Se laisser questionner pour ouvrir notre regard et nos cœurs sur les tempêtes du monde et tous les lieux où la paix et le vivre ensemble sont compromis.

"Passons sur l'autre rive" – l'Evangile est de manière première un déplacement, un engagement, une mise en route. Qu'en ce temps de rentrée la Parole puisse nous entraîner plus loin dans nos chemins de vie, pour vivre avec Christ les cheminements du royaume aujourd'hui. Il est là présent disponible pour chacun d'entre nous. Amen.

dimanche 4 septembre 2016

Prédication du dimanche 4 septembre - Evangile selon Marc, chap. 4, 21-34

 Evangile selon Marc, chap. 4, v. 21 à 34 :

 21Il leur disait : « Est-ce que la lampe arrive pour être mise sous le boisseau ou sous le lit ? n’est-ce pas pour être mise sur son support ? 22Car il n’y a rien de secret qui ne doive être mis au jour, et rien n’a été caché qui ne doive venir au grand jour. 23Si quelqu’un a des oreilles pour entendre, qu’il entende ! »

24Il leur disait : « Faites attention à ce que vous entendez. C’est la mesure dont vous vous servez qui servira de mesure pour vous, et il vous sera donné plus encore. 25Car à celui qui a, il sera donné ; et à celui qui n’a pas, même ce qu’il a lui sera retiré. »
 26Il disait : « Il en est du Royaume de Dieu comme d’un homme qui jette la semence en terre : 27qu’il dorme ou qu’il soit debout, la nuit et le jour, la semence germe et grandit, il ne sait comment. 28D’elle-même la terre produit d’abord l’herbe, puis l’épi, enfin du blé plein l’épi. 29Et dès que le blé est mûr, on y met la faucille, car c’est le temps de la moisson. » 
 30Il disait : « A quoi allons-nous comparer le Royaume de Dieu, ou par quelle parabole allons-nous le représenter ? 31C’est comme une graine de moutarde : quand on la sème en terre, elle est la plus petite de toutes les semences du monde ; 32mais quand on l’a semée, elle monte et devient plus grande que toutes les plantes potagères, et elle pousse de grandes branches, si bien que les oiseaux du ciel peuvent faire leurs nids à son ombre. »
 33Par de nombreuses paraboles de ce genre, il leur annonçait la Parole, dans la mesure où ils étaient capables de l’entendre. 34Il ne leur parlait pas sans parabole, mais, en particulier, il expliquait tout à ses disciples.

Des paraboles de graines, encore pour aujourd'hui. Des paraboles de graines après la parabole du semeur la semaine dernière – parabole que le groupe de chant nous a rappelé par son chant d'entrée. La graine image d'espérance dans le mouvement de la vie. En fait à bien entendre ce que dit Jésus et ce qu'il répète – c'est que cette espérance à, pour lui, un nom : il s'agit du royaume. La graine c'est le royaume, les paraboles de la graine sont des paraboles du royaume... quand on dit ça, ce n'est pas forcément évident à entendre.

Ce n'est pas forcément évident à entendre car quand on parle du royaume – souvent très inconsciemment pour nous chrétiens c'est quelque chose d'assez noble, d'assez classe, voire, pour utiliser une expression à la mode, le royaume a quelque chose de très bling-bling. Le royaume c'est, comme nous l'avions entendu l'année dernière en étude biblique, c'est la Jérusalem céleste qui descend d'auprès de Dieu – avec une liste longue comme le bras de pierres précieuses, d'or et de cristal. Ça c'est classe oui ! Le royaume c'est quelque chose de glorieux, de lumineux, de pimpant !

Dans un autre style, on peut aussi penser aux représentations du Christ roi – représentation classique d'un Christ tout en sérénité. Dans l'iconographie classique c'est un Christ triomphant assis sur un trône de lumière, et qui rayonne de gloire.

Ces icônes et autres représentations du Christ-roi glorieux, les images apocalyptiques de la Jérusalem céleste sont donc assez éloignées d'un homme, d'un paysan, les deux pieds dans la terre, le pagne relevé, et qui lance ses graines... Il y a entre les représentation classique et classieuses du royaume et la graine, comme un hiatus, un fossé, comme une contradiction

Or ne nous méprenons pas sur ce que dit Jésus : « Il en est du royaume comme d'un homme qui jette la semence en la terre », la chose est claire et pour qu'on ne puisse pas penser qu'il a laissé son esprit vagabonder quelques instants, Jésus se répète : « a quoi allons-nous comparer le Royaume de Dieu, ou par quelle parabole allons-nous le représenter ? C'est comme une graine de moutarde ». Le royaume est bien comme un paysan au travail, comme une graine, toute petite, graine de moutarde.

L'image du semeur, l'image de la graine, est une image d'espérance dans le mouvement même de la vie, cette image est parabole du royaume, pour Jésus. Nous ne sommes ni avec un Christ serein et triomphant, ni avec la Jérusalem céleste, mais nous sommes dans un contexte agricole avec une image simple et humble – on se souviendra que humble, vient de humus, cette couche de terre en surface qui donne la vie, qui porte la vie

La graine comme parabole du royaume – une graine qui pousse toute seule, qui comporte en elle toute l'énergie nécessaire à la vie ; le semeur : qu'il dorme ou qu'il soit debout dit Jésus, peu importe : la semence germe et grandit. Un graine qui pousse toute seule, et une graine qui, dans son élan de vie, inverse toutes les proportions : la plus petite des graines – la graine de moutarde – contient la plus grande des plantes potagères.

Ces images, ces paraboles, pour Marc sont des annonces de la Parole – à travers ces images c'est donc l'essentiel de l'évangile que Jésus tente de transmettre. Cet essentiel qui semble rester incompréhensible aux disciples, ou peut-être inacceptable. Cet essentiel est l'évangile : Dieu se fait connaître sous la forme de son contraire – sub contraria specie – sous la forme de son contraire. Comme le royaume est un paysan qui travaille, Dieu est un homme qui parle au cœur des hommes dans le quotidien et le banal d'une vie simple. Comme la graine – sèche et morte – est porteuse d'un trop plein de vie, Dieu est force de naissance et de renaissance, jaillissement de vie.

Dieu se fait connaître sous son contraire. Pour les disciples il y a quelque chose là d'incompréhensible, d'inacceptable. La différence entre nous et les disciples, c'est que nous, nous connaissons la fin de l'histoire – nous savons que le Christ est mort et qu'il est ressuscité. Cet événement de la mort et de la résurrection du fils de Dieu sont bonne nouvelle.

Jésus introduisait ces paraboles de la graine qui pousse toute seule et de la graine de moutarde avec une sentence elle-même ambigüe : « il n'est rien de caché qui ne doive se manifester, rien de secret qui ne doive venir en pleine lumière. Si quelqu'un a des oreilles pour entendre, qu'il entende ! ». La manifestation de la Parole qui a lieu à travers les paraboles ne recevra sa pleine révélation que plus tard, qu'au moment fatidique de la crucifixion et de la résurrection.

Alors, quand tout est accompli, à ce moment là de l'évangile, nous pourrons entendre la force de vie donnée, l'élan pour notre espérance non plus dans l'image d'une graine qui pousse, mais dans la Parole de vie qui traverse la mort et qui réduit à néant son caractère inexorable et définitif.

Les disciples eux n'ont pas la fin de l'histoire, ils ne connaissent pas encore la puissance de Dieu à l’œuvre dans l'homme de Nazareth, ils suivent un prédicateur, qui fait des miracles, et dont la parole ne peut qu'intriguer : son royaume est semblable à un paysan qui sème, son royaume est comme une graine de moutarde. Forcément il faut des oreilles pour entendre, des oreilles qui ont entendu déjà la fin de l'histoire, cette fin de l'histoire qui dit que Dieu est là dans cet homme aux histoires de graines.

Avec Jésus, avec cet homme aux paraboles oui, Dieu se fait connaître sous forme de son contraire. En fait Jésus traduit Dieu dans notre humanité, pourrait on dire. La parabole peut toujours être assimilé à un geste de traduction – trouver la bonne image, le bon langage, la bonne référence. Exercice de traduction – l'évangile, lui même est une traduction, ainsi le pasteur Charles Wagner écrivait ainsi :

« Ce qu’il y a de meilleur en Dieu, c’est l’homme. Un Dieu qui ne se traduirait pas en humanité n’existerait pas pour nous. C’est l’être en soi, trop haut ou trop loin, trop chaud ou trop froid. Il faut qu’il se mette à niveau et à notre température, et pourtant qu’il nous dépasse de toute la hauteur de l’infini. Voilà le mystère rapproché de notre horizon par la révélation de Jésus » (L'homme est une espérance de Dieu, p. 37)

La révélation de Jésus rapproche Dieu, elle traduit Dieu, elle dit la proximité de Dieu avec nous. Ainsi le même Charles Wagner disait à Dieu, dans une de ses prières : « Tu n’es pas un Dieu lointain, mais prochain ; tu nous sondes et nous environnes. Tu veux combattre marcher, souffrir et pleurer avec nous. Si nous tombons, tu te baisses vers nous ; nos fardeaux sont tes fardeaux ; notre cause, ta cause… » (L'homme est une espérance de Dieu, p. 140)

Traduire Dieu à la surface du sol – je le disais tout à l'heure, là est la couche d'humus – cette couche de feuilles et de matériaux décomposé ; tout ce qui semble mort et qui pourtant donne la vie. Traduire Dieu à la surface du sol, c'est réalisé que nous ne sommes jamais plus haut cette couche là, à la surface – réaliser que l'humilité est notre condition car Dieu lui même l'a choisi pour lui. A la surface du sol, dans l'humilité, à la couche d'humus se donne le potentiel de la vie pour chacun d'entre nous.

Traduire Dieu à la surface du sol, dire Dieu sous la forme de son contraire – l'humilité est notre condition ; il ne s'agit pas de vouloir paraître humble, ou de faire de l'humilité un exercice sentimental ou moral. Mais il s'agit de prendre en considération que notre dimension d'humain, notre dimension de femme et d'homme est toujours une dimension au raz des pâquerettes, au raz de l'humus ; et pourtant là, sans triomphalisme ni gloriole, là se dessine déjà le royaume du Père, là peut se vivre une espérance, là peut se partager l'évangile.

Deux paraboles de graine pour dire le royaume – une graine qui pousse toute seule et une graine qui, dans son élan de vie, inverse toutes les proportions : la plus petite des graines – la graine de moutarde – contient la plus grande des plantes potagères. Deux paraboles pour aujourd'hui alors que les églises chrétiennes ont entamé poru un mois un temps pour la création. En effet, du 1er septembre au 4 octobre nos églises sont appelées à être attentives et actives, vigilantes et interpellantes sur le respect de la création, l'environnement. L'humilité s'est aussi se rappeler que nous n'avons pas d'autre monde que celui-ci pour vivre et pour espérer, pour aimer et pour bâtir l'église de Christ en vue de son royaume.

Je vous invite à la prière :

Nous venons à Toi,Dieu de l'infiniment grand,Dieu de l'infiniment petit,
des galaxies et des atomes,
si lointain par la liberté que tu as donnée à l'humain,
si proche par l'amour et la foi dont tu nourris son coeur.
Nous te bénissons pour l'intelligence et la créativité des hommes.
Sans elles, toute bataille serait perdue d'avance, tout défi abandonné,
et l'on ne saurait prendre soin des biens que tu nous as confiés.
Mais garde-nous aussi de la tentation
des apprentis-sorciers,
plus conscients de leur pouvoir que de leur devoir,
mettant toute leur assurance dans leur science.
Garde-nous de la tentation de puissance,
qui hypothèque l'avenir de tes créatures,
sème le danger et la peur.
Et montre-nous la voie du monde de demain,
où la création vivra pleinement
la réconciliation que Jésus, le Christ,
lui a déjà donnée. Amen !