dimanche 25 décembre 2016

Prédication du jour de Noël 2016

Evangile selon Luc, chap. 2, v. 1 à 21 :
Or, en ce temps là, paru un décret de César Auguste pour faire recenser le monde entier. Ce premier recensement eu lieu à l'époque où Quirinius était gouverneur de Syrie. Tous allaient se faire recenser dans sa propre ville : Joseph aussi monta de la ville de Nazareth en Galilée à la ville de David qui s'appelle Bethléem en Judée, parce qu'il était de la famille et de la descendance de David, pour se faire recenser avec Marie son épouse qui était enceinte. 
Or, pendant qu'ils étaient là, le jour où elle devait accoucher arriva ; elle accoucha de son fils premier né, l'emmaillota et le déposa dans une mangeoire, parce qu'il n'y avait pas de place pour eux dans la salle d'hôtes. Il y avait dans le même pays des bergers qui vivaient aux champs et montaient la garde pendant la nuit auprès de leur troupeau. Un ange du Seigneur se présenta devant eux, la gloire du Seigneur les enveloppa de lumière et ils furent saisis d'une grande crainte. L'ange leur dit : "soyez sans crainte, car voici, je viens vous annoncer une bonne nouvelle qui sera une grande joie pour tout le peuple : Il vous est né, aujourd'hui dans la ville de David, un Sauveur qui est le Christ Seigneur ; et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau né emmailloté et couché dans une mangeoire". Tout a coup il y eut avec l'ange l'armée céleste en masse qui chantait les louanges de Dieu et disait : "gloire à Dieu au plus haut des cieux et sur la terre paix pour ses bienaimés". 
Or, quand les anges les eurent quittés pour le ciel, les bergers se dirent entre eux : "allons donc jusqu'à Béthléem et voyons ce qui est arrivé, ce que le Seigneur nous a fait connaître". Il y allèrent et trouvèrent Marie, Joseph et le nouveau né couché dans la mangeoire. Après avoir vu, ils firent connaître ce qui leur avait été dit au sujet de cet enfant. Et tous ceux qui entendirent furent étonnés de ce que leur disaient les bergers. Quant à Marie, elle retenait tous ses événements en en cherchant le sens. Puis les bergers s'en retournèrent, chantant la gloire de Dieu pour tout ce qu'ils avaient entendu et vu, en accord avec ce qui leur avait été annoncé. Huit jours plus tard, quand vint le moment de circoncire l'enfant, on l'appela du nom de Jésus, comme l'ange l'avait appelé avant sa conception.
« Nous ne pourrions donc maintenant avoir notre refuge dans le Seigneur Jésus Christ étant assis à la droite de Dieu son Père, en la gloire des cieux, sinon qu'il se fut abaissé jusques là de se faire homme mortel, et d'avoir une condition commune avec nous. Et voilà pourquoi aussi, quand il est appelé Médiateur entre Dieu et les hommes, ce titre d'homme lui est spécialement attribué : comme aussi par une même raison il est appelé l'Emmanuel, c'est à dire Dieu avec nous.

Ainsi toutes les fois que nous avons à chercher notre Seigneur Jésus Christ pour trouver en lui allégement de nos misères et une protection sûre et infaillible, il nous faut commencer par sa naissance. Or non seulement il nous est récité qu'il a été fait homme semblable à nous, mais qu'il s'est tellement anéanti qu'à grand peine  a-t-il été réputé du rang des hommes. Il a été banni comme de tout logis et compagnie, il n'y a eu sinon une étable et une crèche pour le recevoir »

1- C'est de cette manière qu'au XVIe siècle Jean Calvin ouvrait sa prédication sur la nativité. La naissance de Jésus est signe de l'anéantissement de Dieu vers notre humanité. Un anéantissement marqué par l'étable et la crèche. Anéantissement de Dieu, la théologie scolastique parle volontiers de la descensus, de la descente de Dieu. Cet anéantissement, cette descente est particulièrement marquée par l'évangéliste Luc dans ce passage du chap. II.

D'abord le cadre historique qui est donné par l'évangéliste : le décret de César Auguste, le recensement au temps de Quirinius : tout ici rappelle que nous sommes sur une terre colonisée. Si Jésus est fils de David, et c'est pour ça qu'il nait à Béthléem, si Jésus est fils de David, il d'abord le fils d'une population soumise aux caprices de Rome et de son empereur. Premier élément d'une humilité forcée.

Joseph  monte à Béthléem en obéissance à l'empereur, et le texte nous dit qu'il monte « pour se faire recenser avec Marie son épouse qui était enceinte ». Si l'évangéliste Luc présente parfois Marie sous les traits de la vierge choisie par Dieu pour son dessein, ici la présentation est des plus sobres - deuxième trait soulignant l'anéantissement : Marie est ici l'épouse de Joseph, elle est enceinte – aucune allusion à ce qui a pu être dit avant, à l'ange Gabriel, à une conception miraculeuse – rien. L'évangéliste Luc est très sobre. Nous avons un couple qui paraît sans histoire. Ce n'est pas avec ce texte que l'on pourrait établir une naissance miraculeuse !

Troisième élément soulignant cette descensus : Ce couple ne trouve pas de place dans l’hôtellerie. Ce couple est contraint de loger avec les bêtes. C'est ce qui faisait horreur à Calvin : « Il a été banni comme de tout logis et compagnie, il n'y a eu sinon une étable et une crèche pour le recevoir » disait le réformateur.

Enfin le rôle par les bergers ne peut être qu'un élément de plus marquant l'anéantissement de Dieu. Les bergers sont ses gens infréquentables, qui passent les nuits dehors, mi-brigands, mi-vagabonds, ils ne sont fidèles au propriétaire du troupeau qu'à condition d'un bon salaire. Or c'est à eux qu'est faite la révélation, c'est à eux qu'un ange apparaît, c'est pour eux que l'armée des cieux vient chanter le gloria : « gloire à Dieu au plus haut des cieux et sur la terre paix pour ses bienaimés ».

Et même quand on suit ces bergers jusqu'au terme du passage on réalise que ces bergers vont avoir le même rôle que les anges – car après avoir vu Jésus, ils vont reprendre la louange du Dieu sauveur. Ils ont reconnu le Seigneur dans le petit enfant qui vient de naître. Dans un même chant les bergers disent la gloire de Dieu et sa proximité à notre humanité.

Un peuple colonisé, un couple comme un autre, une étable sans humanité, des bergers porteur de louange à la place d'anges : voilà l'anéantissement de Dieu à Noël, voilà la descensus de Dieu, la descente de Dieu. Jésus figure l'Emmanuel, il est Dieu avec nous, Dieu nait au monde sous les traits d'un petit homme.

Suivant cette idée, Théodote d'Ancyre, père de l’Église du IV ème siècle écrivait :  « Le maître de tous est venu dans la forme d'esclave. Revêtu de pauvreté, il naît d'une vierge qui est pauvre, et tout autour de lui, est pauvre et silencieux afin de gagner l'homme au salut... »

2- Alors, pourquoi parler d'anéantissement ? Quel est le sens de cette descensus ? Quelle idée veut souligner l'évangéliste quand il ouvre son récit de la bonne nouvelle de cette manière ? Faut-il le rappeler, ce récit de crèche n'a rien d'historique – c' est une métaphore. Car oui, il ne faudrait pas oublier de le dire – quand on lit les récits de nativités, nous ne sommes pas là en présence d'un récit historique, mais bien d'un écrit théologique.  Nul ne saurait dire comment Jésus est né, mais ces textes ont été rédigés après coup pour être porteur de sens, pour être symboliques.

D'ailleurs, les évangélistes Marc et Jean n'ont même pas essayer d'écrire quelque chose à ce sujet et font commencer leurs évangiles au moment du baptême de Jésus, lorsqu'il a l'âge adulte. Matthieu et Luc recomposent une histoire, et cette histoire est une introduction à la proclamation du règne de Dieu par le Christ Jésus. Cette introduction, peut-être comporte-t-elle quelques éléments historiques véhiculés par des traditions, peut-être, mais nous n'en savons rien. Car une fois encore, l'histoire n'est pas l'objet de ces textes, ce qui est l'objet de ces textes c'est le témoignage au royaume de Dieu, à la bonne nouvelle.

Matthieu et Luc qui seuls témoignent de ce qu'on appelle « un évangile de l'enfance » ne font pas ici œuvre d'historien. L'événement n'a pas beaucoup de sens. Ainsi Luc raconte plus la nuit de Noël du point de vue des bergers que du point de vue de Marie ou de Jésus. La naissance de Jésus est décrite en 2 versets : les v. 6 et 7, mais c'est l'apparition faite aux bergers qui appelle les v. 8 à 20. L'histoire n'est pas l'objet de ce texte, mais bien la révélation de Dieu aux hommes, la bonne nouvelle.

Ainsi l'ange dit aux bergers la naissance d'un sauveur dont la crèche est un signe. Métaphore, symbolique. Il faut savoir voir au-delà de la petite histoire d'une naissance, pour discerner le signe, pour entendre combien tout ici parle en symbolique.

Aussi sans vouloir "casser l'ambiance" de Noël, le signe de la crèche au début de la vie de Jésus renvoie au signe de la croix à la fin de sa vie :
La crèche comme la croix situent Jésus en dehors de la ville, l'une comme l'autre le place dans la soumission à l'occupant romain, il est toujours du côté des exclus de notre humanité – les bêtes ou les condamnés. La crèche et la croix : les deux symboles sont liés. La crèche ouvre l'évangile que la croix vient clore. Les deux symboles se répondent l'un a l'autre. Ils figurent le même anéantissement, la même descente de Dieu sur terre.

Et même quand on s'attache aux mots précis employés par l'évangéliste : la salle dans laquelle il n'y a pas de place pour Marie et Joseph au jour de la naissance, est désignée par le même mot que la salle dans laquelle aura lieu l'institution de la cène : le dernier repas de Jésus avec les douze.
Quand il est dit que Marie enveloppa Jésus de langes et le déposa dans une crèche, comment ne pas entendre que Joseph d'Arimathée « enveloppera Jésus dans un linceul et le déposera dans un tombeau ».
Notons encore que dans la nuit de Noël, la lumière surgit du ciel, il fit jour en pleine nuit – alors qu'au moment de la crucifixion il fit nuit en plein jour.

La crèche est un signe, la naissance de Jésus dans le monde est un commencement d'une descente de Dieu, il est Dieu avec nous, mais l'accomplissement de cette descente, le paroxysme de l'anéantissement, c'est à la croix qu'il aura lieu. J'ai ouvert cette prédication en citant Calvin, à l'aube de 2017 où nous célébrerons le demi millénaire de la réforme luthérienne, il faut tenir fermement l'affirmation de Luther « en Christ crucifié est la vraie théologie ».

Même à Noël : En Christ crucifié est la vraie théologie : cela veut dire que la crèche ouvre l'évangile qui prend son sens à la croix – c'est la même descente, le même anéantissement, la même proximité de Dieu avec les hommes dont il est question. Dire cela ce n'est pas casser l'ambiance de Noël, au contraire, au risque de surprendre : là est la joie de Noël, en vérité !

3- Oui : joie de noël que l’anéantissement de Dieu, joie de Noël que l'enfant emmailloté dans la crèche préfigure le défunt attaché à la croix, joie de noël que des bergers « dans nos campagnes » remplacent « les anges du ciel », joie de Noël que le maître se soit fait esclave. Tout ça est une bonne nouvelle. Tout ça est une bonne nouvelle car Dieu nous emporte avec lui, dans son anéantissement.

Tout ça est une bonne nouvelle, car résonne ici l'accomplissement de la promesse : Dieu est Dieu avec nous. Dieu est avec nous, avec nos vies, quelles qu’elles soient. Dans son anéantissement, Dieu emporte toutes nos prétentions à paraître quelqu'un. Nous sommes tous des moins que rien, et c'est avec nous quelque soit notre misère et notre péché que Dieu fait alliance. Dans sa descente, Dieu nous met à bat de tous nos piédestaux, et c'est libérateur.

L'évangile, la bonne nouvelle c'est bien que Dieu se soit fait homme pour nous soustraire à toutes nos envies de vouloir construire nos vies, de vouloir paraître les meilleurs. Entendre que devant Dieu nous n'avons rien à prouver mais juste à accepter. Accepter de trouver Dieu dans un enfant, accepter d'être accueillis par Dieu quoique nous soyons inacceptables.

Oui, aujourd'hui l'évangile nous affirme que peu importe, qu'il n'y ait pas de place pour nous dans la salle des gens biens, car Dieu nous attend à l'étable. Peu importe que nous n'ayons pas la carrière que nous pensions mériter, Dieu apparaît aux bergers parias et moins que rien. Peu importe les jugements que nous portons sur nos vies ou que d'autres portent sur elles...  Accepter de faire de Dieu son refuge, arrêter la course folle des prétentions et du vouloir se sauver soi-même, imposer silence à nos volontés de puissance et de paraître.

joie de noël que l’anéantissement de Dieu, joie de Noël que l'enfant emmailloté dans la crèche préfigure le défunt attaché à la croix, joie de noël que des bergers dans nos campagnes remplacent les anges du ciel, joie de Noël que le maître se soit fait esclave. Tout ça est une bonne nouvelle. Tout ça est une bonne nouvelle car Dieu  emporte avec lui toutes nos prétentions, dans son anéantissement, et de là surgit l'espérance de la résurrection.

Alors reste l'homme Jésus témoin de l'amour du Père, un amour qui trace le chemin du royaume. Un amour qui nous prend tels que nous sommes. Joie de Noël, cet amour est pour chacune, chacun d'entre nous. Joie de Noël, cet amour est plus fort que toutes nos morts.

4- Accepter de faire de Dieu son refuge, entendre que nous sommes aimés malgré tout, malgré nous.
Entendre cette parole de la joie de Noël c'est d'abord se désarmer de toute la violence et de toute les souffrances qu'engendre nos prétentions et nos volontés de puissance et de paraître. Oui l'évangile de Noël ce n'est pas la volonté de puissance des religieux qui veulent imposer leur ordre au monde – que ces religieux soient des fanatiques musulmans, des orthodoxes russes intransigeants ou des évangéliques américains. Car ce sont les mêmes : ces hommes et ces femmes – mais surtout des hommes - , qui au nom de la religion veulent changer le monde par la force et la contrainte, sans rien entendre d'une parole de vie, d'un parole d'amour. Notre époque est encore à l'heure des crispations et des violences ; quelque soit le lieu du globe où nous portons nos regards : la haine et les volontés puissances semblent l'emporter.

Au cœur de ce monde, célébrer la joie de Noël, c'est faire mémoire l'homme Jésus témoin de l'amour du Père. Faire un pas de côté par rapport à toutes les sombres perspectives pour marcher à la suite d'un amour qui trace le chemin du royaume. Ici, sur notre terre, quelque soit sa violence et ses haines. Un amour qui nous prend tels que nous sommes. Joie de Noël : cet amour est pour chacune, chacun d'entre nous. Joie de Noël, cet amour est plus fort que toutes nos morts, nous sommes appelés à être ressuscité. Joie de Noël qu'aucune menace terroriste, qu'aucune peur, qu'aucun plan vigipirate, que rien ne pourra jamais nous ôter. Pas même la mort, puisque le Christ nous emmène avec lui de la mort à la vie.

Ainsi toutes les fois que nous avons à chercher notre Seigneur Jésus Christ pour trouver en lui allégement de nos misères et une protection sûre et infaillible, il nous faut commencer par sa naissance. Disait Calvin, là se dessine le combat de la vie face à la violence du monde, là se trace le chemin du royaume sur cette terre. Là s'entend la bonne nouvelle : quelques soient nos vies, quelques soient nos morts : nous sommes appelés à l'amour – protection sûre et infaillible.

Rien ne pourra jamais nous séparer de l'amour de Dieu manifesté en Jésus Christ notre Seigneur.
A lui seul soit la gloire !
A nous : la joie imprenable et la paix... malgré tout. 
Amen.

mardi 4 octobre 2016

Quelques explications suite à l'annonce d'un départ...

Chers amis de l’Église de Béziers, 

Certains l'avaient déjà compris depuis quelque temps, d'autre l'ont appris dans ma dernière prédication. Effectivement, en famille, le 1er mai 2017 nous aurons quitté Béziers pour de nouveaux horizons. Je me suis engagé auprès du conseil presbytéral à accompagner notre église locale de Béziers jusqu'à Pâques 2017 - jusque là je suis pleinement à Béziers. Cette annonce entre les lignes d'une prédication appelle quelques explications que livre ici :

Fin avril 2017, je quitte le ministère pastoral en Eglise locale après 15 années de services au sein de l'Eglise protestante unie. C’est pour moi la volonté de vivre l’Eglise autrement. La démarche n’a pas été simple et ce n’est pas une décision prise sur un coup de tête : en 2015, je rencontrai la présidente du Conseil Régional en ce sens le 19 octobre puis le Secrétaire Général de notre église le 24 novembre ; fin juin 2016, le Conseil National de notre Eglise m’autorisait à quitter Béziers et m’accordait les dérogations nécessaires.

Ce départ est pour moi l’occasion de vivre un pari pour expérimenter l’Eglise autrement : je pars pour la maison d’accueil de la communauté de Caulmont. Cette maison, « les sapins », est située sur le plateau ardéchois, sur la commune de Devesset – à la limite de la Haute Loire. Une maison fermée depuis quelques années faute d’équipe porteuse de projet. Le cercle des responsables de cette communauté m’a appelé à en être le compagnon veilleur : un ministère œcuménique (la communauté regroupe des catholiques, des réformés, des luthériens, etc.), un ministère  fait d’accueil, d’accompagnement (c’est une maison d’hôtes de 5 chambres et d’une capacité de 15 personnes) et de prière (deux offices sont célébrés quotidiennement). Vous pouvez suivre notre démarche sur un autre blog ICI

C’est un pari dans le sens où je quitte la sécurité et le cadre de l’institution ecclésiale pour vivre un ministère détaché (dans cette aventure le Conseil National ne m’a pas encore donné son accord pour conserver le titre de pasteur – la décision doit être prise cet automne).  J’embarque dans cette nouvelle aventure ma famille – Axelle est partie prenante de cette décision et elle m’aide et m’encourage à me projeter dans cette nouvelle vie.  Nous partirons avec nos trois enfants Esther, Léonore et Rachel, ainsi qu’avec le bébé que nous attendons pour début mars.

Ce cheminement, j’en ai tenu au courant le conseil presbytéral progressivement : Evelyne Porteil la présidente (alors pressentie) était au courant avant l’Assemblée Générale et les élections du nouveau conseil, puis le bureau en a été informé en mars dès sa première séance, enfin le conseil  l’a été après le travail synodal sur la confession de foi en mai. Nous avons alors décidé de le faire savoir plus largement au moment de la rentrée. Nous y sommes ! L’information commençait à circuler, lors d'entretiens individuels ou par internet notamment – mais je n'avais pas tenu à faire d’annonce ex-cathedra. Après le dimanche de rentrée du 11 septembre dernier, il se trouve que le texte biblique de dimanche dernier, le 2 octobre, donnait l'occasion à une annonce plus officielle.
Il n'y a dans ma démarche aucun jugement sur la vie de l'Eglise - qu'elle soit locale, ici à Béziers, régionale, en Cévennes Languedoc Roussillon. Je suis heureux du ministère partagé ici et de ma mission de membre du Conseil Régional. J'espère trouver le même bonheur dans une vie d'Eglise autrement avec une autre couleur qu'une vie paroissiale. De cette démarche, je suis tout à fait prêt à m’expliquer dans des échanges personnels. 
Dire enfin que ce départ est préparé par le conseil presbytéral depuis l'été. La déclaration de vacance du poste pastoral a été faite dans les temps pour le 1er juillet 2017, le cahier des charges ou profil de poste a été envoyé au secrétaire général et au président du conseil régional dans le courant de l'été. Tout est fait pour le pourvoi du poste. En attendant, Celia a accepté de se former pour rejoindre l'équipe de prédicateurs composée d'Erika, Dominique et de Noël ; et de leur côté Nadine et Evelyne sont maintenant parfaitement à l'aise avec la liturgie.

Je veux croire que mon ministère avec vous laissera place à l'avenir sans aucune difficulté, et ce d'autant que cet avenir sera envisagé dans la fraternité, la confiance et l'espérance.
Benoît

dimanche 2 octobre 2016

Prédication du dimanche 2 octobre 2016 - Evangile selon Marc, chap. 6 v. 1 à 29

Jésus partit de là. Il vient dans sa patrie et ses disciples le suivent. Le jour du sabbat, il se mit à enseigner dans la synagogue. Frappés d’étonnement, de nombreux auditeurs disaient : « D’où cela lui vient-il ? Et quelle est cette sagesse qui lui a été donnée, si bien que même des miracles se font par ses mains ? N’est-ce pas le charpentier, le fils de Marie et le frère de Jacques, de Josès, de Jude et de Simon ? et ses sœurs ne sont-elles pas ici, chez nous ? » Et il était pour eux une occasion de chute. Jésus leur disait : « Un prophète n’est méprisé que dans sa patrie, parmi ses parents et dans sa maison. » Et il ne pouvait faire là aucun miracle ; pourtant il guérit quelques malades en leur imposant les mains. Et il s’étonnait de ce qu’ils ne croyaient pas. 
Il parcourait les villages des environs en enseignant. Il fait venir les Douze. Et il commença à les envoyer deux par deux, leur donnant autorité sur les esprits impurs. Il leur ordonna de ne rien prendre pour la route, sauf un bâton : pas de pain, pas de sac, pas de monnaie dans la ceinture, mais pour chaussures des sandales, « et ne mettez pas deux tuniques ». Il leur disait : « Si, quelque part, vous entrez dans une maison, demeurez-y jusqu’à ce que vous quittiez l’endroit. Si une localité ne vous accueille pas et si l’on ne vous écoute pas, en partant de là, secouez la poussière de vos pieds : ils auront là un témoignage. » Ils partirent et ils proclamèrent qu’il fallait se convertir. Ils chassaient beaucoup de démons, ils faisaient des onctions d’huile à beaucoup de malades et ils les guérissaient.
Le roi Hérode entendit parler de Jésus, car son nom était devenu célèbre. On disait : « Jean le Baptiste est ressuscité des morts ; voilà pourquoi le pouvoir de faire des miracles agit en lui. » D’autres disaient : « C’est Elie. » D’autres disaient : « C’est un prophète semblable à l’un de nos prophètes. » Entendant ces propos, Hérode disait : « Ce Jean que j’ai fait décapiter, c’est lui qui est ressuscité. »En effet, Hérode avait fait arrêter Jean et l’avait enchaîné en prison, à cause d’Hérodiade, la femme de son frère Philippe, qu’il avait épousée. Car Jean disait à Hérode : « Il ne t’est pas permis de garder la femme de ton frère. » Aussi, Hérodiade le haïssait et voulait le faire mourir, mais elle ne le pouvait pas, car Hérode craignait Jean, sachant que c’était un homme juste et saint, et il le protégeait. Quand il l’avait entendu, il restait fort perplexe ; cependant il l’écoutait volontiers. Mais un jour propice arriva lorsque Hérode, pour son anniversaire, donna un banquet à ses dignitaires, à ses officiers et aux notables de Galilée. La fille de cette Hérodiade vint exécuter une danse et elle plut à Hérode et à ses convives. Le roi dit à la jeune fille : « Demande-moi ce que tu veux et je te le donnerai. » Et il lui fit ce serment : « Tout ce que tu me demanderas, je te le donnerai, serait-ce la moitié de mon royaume. » Elle sortit et dit à sa mère : « Que vais-je demander ? » Celle-ci répondit : « La tête de Jean le Baptiste. » En toute hâte, elle rentra auprès du roi et lui demanda : « Je veux que tu me donnes tout de suite sur un plat la tête de Jean le Baptiste. » Le roi devint triste, mais, à cause de son serment et des convives, il ne voulut pas lui refuser. Aussitôt le roi envoya un garde avec l’ordre d’apporter la tête de Jean. Le garde alla le décapiter dans sa prison, il apporta la tête sur un plat, il la donna à la jeune fille, et la jeune fille la donna à sa mère. Quand ils l’eurent appris, les disciples de Jean vinrent prendre son cadavre et le déposèrent dans un tombeau.

Il est dans les évangiles des phrases qui ont fait mouche et qui sont devenus des proverbes ou des pensées universellement connues et reconnues. Ainsi en va-t-il du « nul n’est prophète en son pays ». La TOB que j’ai lu traduit par « un prophète n’est méprisé que dans sa patrie ».
Ce mot de Jésus devenu proverbial, intervient dans l’évangile comme une phrase clef pour comprendre l’œuvre de Jésus.

D’une part, cette parole justifie le rejet de Jésus. En effet, alors qu’il parle à la synagogue de Nazareth ; les gens le remettent à sa place. Alors qu’il prend la parole tel un maître de la loi, un enseignant, un maitre ; les voisins, ceux qui l’ont connu, les habitant de son village lui rappellent qu’il est charpentier, fils de charpentier, et qu’à ce titre il est prié de retourner à son atelier, mais pas de parler à la synagogue.

L’évangéliste Marc a voulu montrer la puissance de ce rejet, en plaçant ce texte juste après le chapitre 5 que nous avons entendu la semaine dernière. Dans le texte qui précède Jésus guérit une femme souffrant d’hémorragie sans aucune parole, par sa simple présence, par son aura. La femme est tellement convaincue de la puissance de Jésus qu’elle se dit « si j’arrive à toucher au moins ses vêtements, je serai sauvé ».

Cette femme voit en Jésus son sauveur, mais en plus, dans ce même chapitre 5, on voit aussi Jaïros venir chercher Jésus. Jaïros qui est l’un des chefs de la synagogue, membre imminent de la communauté, responsable du culte, il vient chercher Jésus car sa fille est malade.

Bref, au chapitre 5 de l’évangile une femme pense que toucher le vêtement de Jésus suffira à la guérir, et un responsable religieux vient le chercher pour guérir sa fille, et au chapitre 6, le temps de tourner la page, il est seulement écrit « Jésus parti de là. Il vient dans sa patrie ». Il suffit de ces quelques mots pour que Jésus passe de celui qu’on vient chercher, de celui auquel on croit au point que toucher son vêtement suffit à guérir pour devenir un charpentier, un simple charpentier, même si ce n’est pas rien d’être charpentier. En une page tournée il y a comme un changement de destin.

En un verset, Jésus n’est plus le maître il est celui que tout le monde connaît, en un voyage de guérisseur reconnu il redevient le fils de Marie et de Joseph, le frère de Jacques, de Joses, de Jude et de Simon. Un homme comme les autres qui n’a pas plus de raison que les autres pour enseigner à la synagogue.

Nul n’est prophète en son pays, cette parole justifie le rejet de Jésus. Et cette remise en place est d’autant plus frappante qu’elle succède à une certaine gloire de Jésus guérisseur. C’est donc le premier point que justifie cette parole. Nul n’est prophète en son pays.

La seconde chose que vient dire ce proverbe c’est ce qui est dit au v. 5 et v. 6 : « Jésus ne pouvait faire là aucun miracle ; pourtant il guérit quelques malades en leur imposant les mains. Il s’étonnait de ce qu’ils ne croyaient pas. » Jésus n’a pas fait de miracle et pourtant il a guérit des hommes et des femmes. Car le miracle ce n’est pas la guérison, pour l’évangile de Marc il n’y a miracle que quand la foi surgit.

Le miracle ce n’est pas le soulagement d’un mal physique ou psychologique, ça c’est de la basse médecine, le miracle la reconnaissance de Jésus comme Seigneur, reconnaissance qui entraîne, par voie de conséquence, la guérison. « Il n’y eut pas de miracles mais il guérit quelques malades », il n’y a pas là pour Marc de contradiction, il s’agit simplement de dire que la foi n’a pas surgit à la rencontre de Jésus, malgré les guérisons.

« Nul n’est prophète en son pays » ce dicton dans la bouche de Jésus signifie alors que Jésus ne peut susciter la foi parmi les siens – troisième sens - Et il en va là d’une véritable prise de conscience chez Jésus. Il reconnaît qu’il ne peut seul convertir le peuple d’Israël. Il ne peut seul proclamer la bonne nouvelle.

C’est cette prise de conscience sans doute qui fait que juste après, au v. 7 commence le premier envoi des disciples en mission. Les disciples sont envoyés deux par deux – et nous dit Marc « ils partirent et ils proclamèrent qu’il fallait se convertir ». Oui, de manière très significative, juste après ce constat d’après lequel Jésus n’a su susciter la foi à Nazareth, Jésus va envoyer ses disciples annoncer l’évangile, les douze vont alors pouvoir prendre le relais du maître.

« Nul n’est prophète en son pays » troisième sens possible après qu’il soit question de rejet de Jésus ou d’une prise de conscience cette phrase est aussi une solution face au problème.

Jésus ne peut porter la parole à Nazareth, alors ils  seront treize au lieu d’un, Jésus s’adjoint les douze pour annoncer l’évangile, pour chasser les démons, pour appeler à la conversion, pour inviter à la foi. La solution c’est d’entendre que Jésus ne peut faire avancer le royaume du Père tout seul, et qu’il y a des lieux où d’autres que lui doivent prendre le relais à travers la mission. Les disciples ont a être les relais du maitre.

uatrième sens possible, pour que les choses soient tout à fait clair – nul n’est prophète en son pays  - la fin du passage que j’ai lu rapporte la mort de Jean le baptiste, décapité par la folie d’Hérode. Les  mots sont crus « les disciples de Jean vinrent prendre son cadavre et le déposèrent dans un tombeau ». La réalité et la violence de la mort est clairement dite. « Nul n’est prophète en son pays » Derrière le dicton se glisse aussi déjà pour Jésus l’annonce de la condamnation à mort. La parole annoncée ne peut être entendue et laisser le porteur de parole indemne. La parole est une question de vie et de mort, de vie et de mort pour ceux qui l’entendent comme pour ceux qui la porte. Jésus en paiera le prix.

Voilà quatre échos rapides que je distingue dans l’évangile à ce dicton, à cette parole clef de l’évangile. « Nul n’est prophète en son pays ».  Aussi comment l’entendre aujourd’hui ? Comment faire résonner ces différents sens, ces différents échos.

Une première manière d’entendre cette parole revient à ce souvenir que dans les églises issues de la réforme cette parole a justifié, très pratiquement, les mouvements pastoraux, ce dicton fait partie du discours qui a justifié le fait que les pasteurs étaient appelés à quitter régulièrement leur église, pour aller ailleurs.

Alors que bien souvent à l’époque de la réforme, l’église catholique privilégiait, et ce n’est plus forcément vrai maintenant, la nomination d’un curé dans sa paroisse d’origine en raison de son intégration. Un curé d’un village était nommé dans son village à cause du lien social qu’il pouvait avoir. Au contraire les églises de la réforme ont toujours affirmé la nécessité du mouvement. Le pasteur devait venir d’ailleurs.

Un pasteur venait d’ailleurs et ne devait pas s’installer. Il ne pouvait pas rester au même endroit toute sa vie durant, et surtout pas rester dans le pays d’où il venait. Et ce n’est pas une invention récente, dès le 16ème siècle.

On pense souvent que c’est une pratique moderne, mais non. Bien souvent au 16ème, 17ème, 18ème les pasteurs traversaient la France, mais aussi la Suisse et la Hollande, s’arrêtant cinq ou six ans là. Il y avait tout un mouvement du corps pastoral malgré toutes les difficultés liées au transport et au déménagement.

En fait, il n’y a sans doute eu qu’à la fin du 19ème siècle que les pasteurs se sont établis plus longuement dans leurs églises locales, pouvant y rester quelques 40 ou 50 ans. Pratique qui n’a duré qu’un siècle. Et quand les synodes nationaux dans les années 70 et 80 ont rappelé la nécessité du mouvement, elles revenaient au modèle premier de la réforme.

Aujourd’hui la moyenne nationale d’un pasteur restant sur son poste est de 4 ans – le turn over est important. Aussi c’est peut-être le moment de glisser dans une prédication ce que certains savent déjà ou que d’autres ont compris à demi-mots. Je participerai à ce mouvement prochainement, avec Axelle et les enfants nous partirons fin avril prochain, après Pâques, pour une autre mission, un autre ministère.

Voilà, l’annonce est faite ! Revenons à l’évangile. « Nul n’est prophète en son pays » Pour résumer la chose, à grand traits ou comme une caricature, parce qu’un jour de l’an 30 ou 31, Jésus s’est fait chassé de la synagogue de Nazareth, les pasteurs sont obligés de quitter régulièrement leur paroisse.
Ce raccourci est un peu rapide mais il dit quelque chose de vrai. Le ou la prophète, Jésus, le ou la pasteur, ce sont des personnes qui sont porteurs d’une parole, et d’une parole qui vient d’ailleurs, et cette parole ne s’installe pas, elle déplace.

Jésus était porteur d’une parole venant de Dieu, et ceux de chez lui ne l’ont pas reçu, ils n’ont pas cru, ils n’ont pas entendu une parole de Dieu mais une parole du fils du charpentier.
Et de la même manière le prophète et le pasteur sont en charges d’une parole qui vient d’ailleurs, d’une parole qui vient de l’extérieur. J’évoquais la semaine dernière « l’extra nos » classique en théologie protestante. La parole vient de l’extérieur de nos vies, elle nous vient d’ailleurs, et c’est ainsi qu’elle nous oblige à bouger, à parcourir une distance, à se déplacer pour pouvoir parler, à entrer en mission. Un ailleurs qui oblige celles et ceux qui l’écoute à se faire accueillant pour pouvoir entendre. L’accueil est l’attitude fondamentale du disciple – d’ailleurs quand les disciples partent en mission ils ne doivent rien emporter pour être obligés d’être accueillis, et là où ils ne seront pas accueillis ils devront passer leur route, passer leur chemin.

Nul n’est prophète en son pays, car il faut qu’il y ait référence à cet ailleurs, cet au-delà dans la parole prophétique. Pour dire une parole qui vient de Dieu, il faut que la parole vienne d’ailleurs, et entendre la parole c’est toujours la recevoir, l’accueillir, lui laisser place. .

Oui, recevoir la parole c’est faire acte d’hospitalité, acte d’accueil.
Il nous faut recevoir la parole qui nous vient d’ailleurs pour pouvoir la dire et la porter plus loin. C’est le sens de ce texte que nous avons entendu ce matin. Jésus est mis en échec, Jean le baptiste est décapité. « Nul n’est prophète en son pays ». Jésus est mis en échec car il ne peut être accueilli là où il est déjà chez lui. Il ne peut être reçu là où il a sa propre famille et là où se trouve sa propre maison. Et cela tient autant de lui que de ses voisins, de ses proches, de sa famille. Il n’y a pas de distance à parcourir ni pour lui, ni pour eux.

Car c’est bien cela l’enjeu, la distance. Une parole n’est prophétique que si d’une part elle met en marche, si elle suscite le mouvement, si elle oblige à se déplacer, à franchir une distance, et une parole n’est prophétique que si d’autre part elle est accueillie, reçue comme venant du dehors, que si elle oblige à sortir pour être reçue.

« Nul n’est prophète en son pays ». Une parole clef de l’évangile. Qu’avec ce dicton, chacun d’entre nous puisse entendre une parole venue d’ailleurs, une parole d’accueil de sa vie, une parole prophétique de bénédiction qui dit du bien sur sa vie.

Que chacun d’entre nous entende une parole qui dans un double mouvement le fait sortir de chez lui, pour être accueillie et reçu avec le Christ. Car c’est ça le miracle de la bonne nouvelle. C’est cette rencontre avec le Vivant pour l’éternité qui suscite, et ressuscite à chaque rencontre, en nous une vie nouvelle.

Le Christ vient vers nous pour que par la foi nous le recevions chez nous. Il vient vers nous, il nous l’a dit par les plus petits d’entre nos frères. La foi est une distance à parcourue, mais parcourue par Dieu pour venir nous rejoindre humblement et simplement. Quand nous réalisons cela nous sortons de nos habitudes mortifères, de nos peurs, pour être vivant, en vérité.

Au Christ soit la gloire. Amen.

De la peur à la foi... Billet pour Le Cep du mois de Novembre

"Sécurité des cultes et de nos activités", "Etat d'urgence", "problème de sécurité"... 
Voilà que la psychose agite l'Eglise en écho à la circulaire nationale reçue sur ce sujet courant septembre. A tout dire : Que j'aimerai que la prochaine déclaration de foi de notre Église protestante unie nous agite tout autant !

Forcément, la déclaration de foi n'a pas les relais des « mass média », alors que la peur elle, elle est bien contagieuse, et quand elle est là, qu'est-ce que c'est bon ! Oui c'est bon d'avoir peur... on peut alors se sentir victime par anticipation : Victime d'un « sait-on jamais » ou d'un « on est sûr de rien ». C'est d'autant meilleur qu'il ne nous est rien arrivé en vrai – puisque nous sommes vivants ! 

Alors oui, cette circulaire qui essaye de se donner bonne conscience avec le principe de précaution avec "un référent sécurité", flatte la peur dans le sens du poil. Jolie proposition : mettre dans le fond du temple un "surveillant", "vigilant",  avec le numéro de la police municipale dans son portable ça entretien la psychose quand bien même ça ne sert à rien. Vous pensez vraiment pouvoir passer un coup de fil en cas d'attaque terroriste ? Cette question, ce n'est pas de l'inconscience ou de l'irresponsabilité, juste de la lucidité : face à la détermination de fadas aux projets fous nous ne pouvons rien prévoir, nous ne pouvons rien faire face à la folie. Que ceux qui nous gouvernent et sont responsables du droit et de la paix soient mobilisés pour prévenir ce genre d'actes oui, mais le moment venu, si acte il y a, il sera toujours trop tard. Accepter cette fatalité et cette absurdité de la menace nous amène à réaliser avec force que oui, nous sommes mortels, et ce chaque jours tant que nous ne sommes pas morts -aucun principe de précaution ne nous en préservera ! Il serait important d'en prendre conscience en Église...

Oui, nous sommes mortels : dans cette vie terrestre rien ne nous protège de la mort – ni vous ni moi : nous ne l'éviterons pas ! Si ce n'est pas Daech, ce sera beaucoup plus probablement une voiture au coin d'une rue, ou encore plus certainement un cancer attrapé par notre alimentation de surdéveloppés, ou plus sobrement un arrêt cardiaque comme ça sans autre cause que lui-même. Aussi, pas même une circulaire nationale, pas même un référent sécurité dans chacun de nos temples, ne nous la ferons éviter ; la mort peut survenir à chaque instant. Mais il ne faut pas avoir peur. Il ne faut pas avoir peur car ce que nous dit l'évangile c'est que par la foi, dans la confiance, dans l'amour et dans l'accueil de l'autre, notre vie touche à l'éternité. En Christ, cette vie là est imprenable.  Aussi, écrire une déclaration de foi c'est cultiver cette vie là. Oui, cette vie là est une réalité plus forte que nos peurs car elle est imprenable. Car comme l'écrivait Paul « nous sommes [déjà] morts et notre vie est cachée avec le Christ en Dieu ». L'évangile ce n'est pas que des mots, c'est aussi une vérité : il ne faut pas avoir peur, dans une Église il n'y a pas de « question » ou de « problème » de sécurité, il y a juste un état d'urgence à témoigner de l'éternité voulue par Dieu, dans l'amour, pour chacune, chacun, d'entre nous. 

Alors oui, je prie le Père de toute miséricorde que nous sachions encore témoigner de l'Evangile dans une belle déclaration de foi au Christ vivant plutôt que de participer à la psychose générale des précautions inutiles...

dimanche 25 septembre 2016

Prédication du dimanche 25 septembre - Evangile selon Marc, chap. 5, v. 21 à 43

 Quand Jésus eut regagné en barque l’autre rive, une grande foule s’assembla près de lui. Il était au bord de la mer. Arrive l’un des chefs de la synagogue, nommé Jaïros : voyant Jésus, il tombe à ses pieds et le supplie avec insistance en disant : « Ma petite fille est près de mourir ; viens lui imposer les mains pour qu’elle soit sauvée et qu’elle vive. » Jésus s’en alla avec lui ; une foule nombreuse le suivait et l’écrasait.
Une femme, qui souffrait d’hémorragies depuis douze ans – elle avait beaucoup souffert du fait de nombreux médecins et avait dépensé tout ce qu’elle possédait sans aucune amélioration ; au contraire, son état avait plutôt empiré –, cette femme, donc, avait appris ce qu’on disait de Jésus. Elle vint par-derrière dans la foule et toucha son vêtement. Elle se disait : « Si j’arrive à toucher au moins ses vêtements, je serai sauvée. » A l’instant, sa perte de sang s’arrêta et elle ressentit en son corps qu’elle était guérie de son mal. Aussitôt Jésus s’aperçut qu’une force était sortie de lui. Il se retourna au milieu de la foule et il disait : « Qui a touché mes vêtements ? » 3es disciples lui disaient : « Tu vois la foule qui te presse et tu demandes : “Qui m’a touché ?” » Mais il regardait autour de lui pour voir celle qui avait fait cela. Alors la femme, craintive et tremblante, sachant ce qui lui était arrivé, vint se jeter à ses pieds et lui dit toute la vérité. Mais il lui dit : « Ma fille, ta foi t’a sauvée ; va en paix et sois guérie de ton mal. »
Il parlait encore quand arrivent, de chez le chef de la synagogue, des gens qui disent : « Ta fille est morte ; pourquoi ennuyer encore le Maître ? » Mais, sans tenir compte de ces paroles, Jésus dit au chef de la synagogue : « Sois sans crainte, crois seulement. » Et il ne laissa personne l’accompagner, sauf Pierre, Jacques et Jean, le frère de Jacques. Ils arrivent à la maison du chef de la synagogue. Jésus voit de l’agitation, des gens qui pleurent et poussent de grands cris. Il entre et leur dit : « Pourquoi cette agitation et ces pleurs ? L’enfant n’est pas morte, elle dort. » Et ils se moquaient de lui. Mais il met tout le monde dehors et prend avec lui le père et la mère de l’enfant et ceux qui l’avaient accompagné. Il entre là où se trouvait l’enfant, il prend la main de l’enfant et lui dit : « Talitha qoum », ce qui veut dire : « Jeune fille, je te le dis, réveille-toi ! » Aussitôt la jeune fille se leva et se mit à marcher, – car elle avait douze ans. Sur le coup, ils furent tout bouleversés. Et Jésus leur fit de vives recommandations pour que personne ne le sache, et il leur dit de donner à manger à la jeune fille.

Deux récits entremêlés : Un chef de la synagogue, une femme
Un homme qui vient voir Jésus pour sa fille, une femme qui approche Jésus dans l'anonymat de la foule qui le presse.
Jaïros, chef de la synagogue a une fille de 12 ans – presque une femme dans l'Israël antique ; la femme est malade de perte de sang depuis 12 ans, elle est impure, elle n'est personne.
Lui sait formuler sa demande, il s'adresse à Jésus, et il lui demande le salut de sa fille car il veut qu'elle vive. La femme, elle ne dit rien, elle sait juste qu'en touchant le vêtement de Jésus elle sera sauvé.
Elle est guérie au milieu d'une foule intense qui fait que Jésus doit lui demander de sortir du lot pour être reconnue ; la jeune fille elle sera relevée dans l'intimité de sa chambre en présence uniquement de son père et sa mère, après que Jésus ait chassé les parents et les amis de la maison, il n'a même pris que ces trois plus proches disciples : Pierre, Jacques et Jean.
Nous voici donc ce matin à entendre deux récits de miracles. Deux miracle différents et que pourtant Marc a composé ensemble – d'une manière in-détachable. Il y a d'abord Jaïros ce chef de la synagogue qui vient voir Jésus pour lui demander le salut de sa fille. Jésus se met alors en route mais et sur ce chemin pour aller voir la fille de Jaïros qu'a lieu le premier miracle : une femme souffrant de pertes intimes est guérie.

Cette femme est alors guérie par le fait de toucher le manteau de Jésus – elle doit alors sortir de l'anonymat de la foule, mais on ne connaîtra pas son nom. Jésus veut la voir face à face pour lui dire une parole de foi « Ma fille, ta foi t'as sauvée ; va en paix et sois guérie de ton mal ».

Durant le temps de ce premier miracle, et c'est pour ça qu'ils sont indétachables, la fille du chef de la synagogue meurt, du moins la mort de la fille du chef de la synagogue est annoncé. Jésus ne va donc pas guérir l'enfant mais la ressusciter. Tout les mots qui disent en grec la résurrection : Jésus dit à la jeune fille « réveille-toi » première manière de dire la résurrection : le réveil d'entre les morts et Marc insiste en nous disant que la fillette se leva et se mit à marcher – il aurait pu dire simplement qu'elle se mit à marcher – le fait de se lever aurait alors été implicite : mais il utilise là le deuxième verbe grec qui dit la résurrection : se lever, se lever du tombeau.

Ces deux récits sont différents et pourtant ils ont plusieurs points communs. D'abord il est question de femme et de féminité - la femme est malade d'un trouble intime, féminin – et ce depuis 12 ans ; la jeune fille a 12 ans c'est à dire l'âge nubile, l'âge de devenir femme au premier siècle. Ces 12 ans rattachés a deux questions féminines ; ça ne peut être une coïncidence.

L'autre coïncidence – dans les deux cas Jésus parle des miracles comme étant des questions de foi. Pour la femme : c'est parce qu'elle a cru qu'elle est guérie. « Ta foi t'as sauvé » dit Jésus à la femme. Et le chef de la synagogue, à l'annonce de la mort de sa fille est également invité à croire : « sois sans crainte, crois seulement ».

Ces deux récits imbriqués l'un dans l'autre – inséparables l'un de l'autre viennent conclure une série de miracles tous plus extraordinaire les uns que les autres. Il y a eu du spectaculaire – quand on pense au démon légion envoyés dans les porcs qui se jettent dans la mer faisant du démoniaque un prédicateur de la bonne nouvelle. Il y a eu de l'étonnant quand Jésus a calmé la tempête – nous l'entendions à nouveau hier à Puisserguier – invitant ses disciples à passer de la peur à la foi.

Ces miracles ne sont là ni pour épater la galerie ni pour raconter une histoire sainte dans laquelle Jésus serait le super-héro.Non, chacune de ces histoire, ce sont chacun des révélations christologiques en action. Chacun de ces miracles sont des signes qui essayent de dire qui est Jésus. A travers ces miracles qui sont des rencontres, des échanges personnels, l'évangile trace le portrait du Christ Jésus. Ces textes viennent aider à répondre à la question de savoir qui est le Christ ?

Un récit ancien raconte qu'un jour un homme est allé voir abba Nisteros le grand, un père du désert des IV ou Vème siècle, pour lui poser la question : que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ? Abba nisteros le grand a répondu à cette question en disant : l'Ecriture raconte qu'Abraham pratiquait l'hospitalité et que Dieu était avec lui ; qu'Elie aimait prier seul et que Dieu était avec lui ; que David était humble et que Dieu était avec lui. Par conséquent, dit Abba Nisteros, par conséquent tout ce que votre âme désire accomplir selon la volonté de Dieu, faites-le !

Tout ce que votre âme désire accomplir selon la volonté de Dieu, faites-le ! Cette parole mémorable – on parle pour les père du désert d'une apophtegme – une parole dont on se souvient ça peut aider dans les mots croisés – cette apophtegme nous dit qu'il n'y a pas de solution toute faite. Tout ce que votre âme désire accomplir selon la volonté de Dieu, faites-le ! Ça veut dire qu'il n'y a pas de chemin tracés d'avance, nous ne sommes pas enfermé dans un destin implacable. Abraham, Élie, David chacun a eu un chemin de foi propre à sa vie.

Or, ce que nous racontent ces miracles, ces deux miracles d'aujourd'hui comme ceux qui précèdent c'est que la foi, la rencontre avec Jésus, transforme la vie, transforme le deuil, chaque fois de manière singulière, chaque fois de manière personnelle.

La femme impure et rejetée du monde du fait de ses pertes de sang est rétablie au cœur de la foule – elle peut sortir de la foule et s'identifier sans crainte – sa foi l'a sauvé. La jeune fille est relevée de la mort, son père peut sortir de la terreur du deuil pour entrer dans la confiance : ne craint pas croit seulement. Chacun de ces miracles sont en fait un chemin de vie que Jésus trace pour sortir d'une situation de peur, d'exclusion, pour donner la vie.

On peut alors se souvenir de la parole que Jésus avait dite au commencement de son ministère : « ce ne sont pas les bien portants qui ont besoin de médecin, mais les malades, je ne suis pas venu appeler les justes mais les pécheurs ». Cette parole qui explique la polémique de l'évangéliste Marc vis à vis des nombreux médecins auprès desquels la femme avait perdu tout son argent.

Alors oui, comprendre cela, c'est réaliser que nous sommes appelés à nous identifier non pas à des disciples qui seraient capable de faire la même chose que Jésus, a des médecins ou thaumaturges capables de soigner, mais réaliser que nous sommes, nous auditeurs de l'évangile, dans le même état que la femme qui souffrait de perte de sang, dans le même état que le père craignant pour la vie de sa fille, ou encore que les disciples affolés par une tempête, ou encore qu'un homme possédé.

Nous sommes des femmes, des hommes ; chacun individuellement et personnellement sous le regard de Dieu. Et nous sommes personnellement invités à entendre une parole qui vient du dehors – une parole extérieure à nos vie - une parole du Christ qui seule permet de passer de la peur à la confiance, qui seule permet de passer de la mort à la vie. Une parole extérieure à nos vies : la théologie protestante classique parlait d'extra nos – d'en dehors de nous. Il faut qu'une parole extérieur à tout ce que nous connaissons et ce que nous sommes vienne faire rupture – rupture pour nous appeler à l'existence. Alors s'entend que chacun à son histoire et dans chacune de nos histoires Dieu vient faire germer du nouveau, par une parole qui nous appelle chacune, chacun à un regard lucide sur nos vies, sur nos manques comme sur nos trop pleins, sur nos qualités comme sur nos défauts et admettre que ces vies là, telles qu'elles sont et sans condition sont aimées de Dieu.

Je citais tout à l'heure Abba Nisteros le Grand, un autre père de l'église, beaucoup plus connu, celui-ci – Grégoire de Nysse - écrivait cet amour de Dieu pour l'homme avec des mots marquants ou du moins un peu glauque, ce qui fait qu'on les retient. Grégoire de Nysse écrivait : « il fallait rappeler de la mort à la vie notre nature entière. Dieu s'est donc penché sur notre cadavre afin de tendre la main, pour ainsi dire, à l'être qui gisait là. Il s'est approché de la mort jusqu'à prendre contact avec notre état de cadavre et à fournit à notre nature, au moyen de son propre corps, le principe de la résurrection, en ressuscitant l'homme entier par sa puissance »

Etre un cadavre devant Dieu – ce n'est pas très joyeux ! Et pourtant ça peut donner le sourire et déculpabiliser. Avec cette expression : être un cadavre devant Dieu nous réalisons que tels que nous sommes à nous suffire à nous-mêmes, sans lien avec Dieu, nous sommes déjà morts. Quand nous nous pensons seuls, nous sommes déjà morts. Quand la peur guide nos choix, nous sommes déjà morts. Quand nous manquons d'espérance, nous sommes déjà morts. Et pourtant, comme cadavre, avec notre suffisance, nos solitudes, nos peurs et nos manques d'espérance, la bonne nouvelle vient nous dire l'amour de Dieu, un amour qui nous appelle à la vie, un amour qui appelle de manière singulière et personnelle chacune de nos existences. Pour nous aussi la parole résonne, alors oui ça donne à sourire.

Entendre que les récits de miracle dans les évangiles ne sont pas là pour nous raconter des belles histoires fantastiques ou rocambolesques, mais entendre qu'à travers ces histoires le Christ se révèle comme parole de vie pour chacun de ses contemporains, hommes ou femmes, riches ou pauvre, jeune ou vieux – et que cette révélation vaut pour nous encore. Nous pouvons encore nous placer sous sa bénédiction ; entendre son amour et son appel à la vie.

Au Christ seul soit la gloire. Amen.

dimanche 18 septembre 2016

Prédication du dimanche 18 septembre - Evangile selon Marc, chap. 5, v. 1 à 20

 1Ils arrivèrent de l’autre côté de la mer, au pays des Géraséniens. 2Comme il descendait de la barque, un homme possédé d’un esprit impur vint aussitôt à sa rencontre, sortant des tombeaux. 3Il habitait dans les tombeaux et personne ne pouvait plus le lier, même avec une chaîne. 4Car il avait été souvent lié avec des entraves et des chaînes, mais il avait rompu les chaînes et brisé les entraves, et personne n’avait la force de le maîtriser. 5Nuit et jour, il était sans cesse dans les tombeaux et les montagnes, poussant des cris et se déchirant avec des pierres. 6Voyant Jésus de loin, il courut et se prosterna devant lui. 7D’une voix forte il crie : « Que me veux-tu, Jésus, Fils du Dieu Très-Haut ? Je t’adjure par Dieu, ne me tourmente pas. » 8Car Jésus lui disait : « Sors de cet homme, esprit impur ! » 9Il l’interrogeait : « Quel est ton nom ? » Il lui répond : « Mon nom est Légion, car nous sommes nombreux. » 10Et il le suppliait avec insistance de ne pas les envoyer hors du pays. 11Or il y avait là, du côté de la montagne, un grand troupeau de porcs en train de paître. 12Les esprits impurs supplièrent Jésus en disant : « Envoie-nous dans les porcs pour que nous entrions en eux. » 13Il le leur permit. Et ils sortirent, entrèrent dans les porcs et le troupeau se précipita du haut de l’escarpement dans la mer ; il y en avait environ deux mille et ils se noyaient dans la mer. 14Ceux qui les gardaient prirent la fuite et rapportèrent la chose dans la ville et dans les hameaux. Et les gens vinrent voir ce qui était arrivé. 15Ils viennent auprès de Jésus et voient le démoniaque, assis, vêtu et dans son bon sens, lui qui avait eu le démon Légion. Ils furent saisis de crainte. 16Ceux qui avaient vu leur racontèrent ce qui était arrivé au démoniaque et à propos des porcs. 17Et ils se mirent à supplier Jésus de s’éloigner de leur territoire. 18Comme il montait dans la barque, celui qui avait été démoniaque le suppliait, demandant à être avec lui. 19Jésus ne le lui permit pas, mais il lui dit : « Va dans ta maison auprès des tiens et rapporte-leur tout ce que le Seigneur a fait pour toi dans sa miséricorde. » 20L’homme s’en alla et se mit à proclamer dans la Décapole tout ce que Jésus avait fait pour lui. Et tous étaient dans l’étonnement.

L'évangile nous convoque à entendre aujourd'hui : une histoire de fou. On pourrait même dire que l'évangile aujourd'hui est une folle histoire de fou. Dans ce passage de l'évangile selon Marc, la folie est tellement là, présente, que nous avons du mal à entendre ce que peux vouloir nous dire aujourd'hui un tel texte.

Que retenir ? Qu'entendre ? Comment entrer dans la compréhension de ce texte avec ce démon et cette histoire de cochons ? Pourtant là se dit l'évangile, là se dit l'évangile avec force. Une parole qui nous concerne, chacune, chacun – une parole de vie, une force de résurrection, quand bien même ça nous semble totalement fou.

Folie d'abord cette histoire de démon. Aujourd'hui nous ne pouvons pas faire comme si la compréhension des choses que donne le texte allait de soi. Après le développement de la philosophie médiévale, après les apports historiques de l'humanisme, après l'esprit critique des lumières nous n'avons plus la même compréhension des choses et du monde.

Nous avons une compréhension du monde critique, rationnelle, scientifique, une compréhension du monde qui ne fait plus appel à un monde caché et mystique comme c'est le cas avec cette histoire de démon. Pour nous, dans une chaîne de causalité nette et rationnelle, tout ce qui nous arrive est causé par un autre élément ou un autre événement. Alors évidemment, il y a bien encore quelques lieux ou quelques personnes qui croient en l'existence d'esprits ou de démons, mais globalement nous comprenons le monde sans ces éléments très imagés.

Alors, peut-être, faut-il souligner le fait que ça ne veut pas dire que nous comprenons le monde mieux que les anciens. Nous ne comprenons pas mieux le monde que ceux qui pensaient que tout était gouverné par des forces mystiques. Nous le comprenons différemment, avec d'autres catégories et une autre logique. Et du coup une histoire d'homme possédé par des puissances diaboliques, cette histoire de démons qui se transmettent de l'homme au troupeau de cochons et qui entrainent le troupeau à sa perte ; ça renvoie soit à l'imaginaire des film d'épouvante et des film d'horreur soit à un délire mystique. Imaginaire, délire, nous sommes ici dans ce qui nous semble fou. Ce n'est en tout cas pas de l'ordre de nos catégories habituelles, ou de notre logique quotidienne.

Le texte biblique porte en lui les compréhensions des hommes de son temps. Au 1er siècle, les forces mystiques, les démons, les puissances diaboliques tout ça, ça existe et ces catégories servent à expliquer le monde avec une logique propre. Quand bien même que ça nous semble fou.

Pour comprendre cette distance historique dans la manière de penser on peut tout à fait faire le chemin inverse ; imaginez au 1er siècle à Jérusalem un homme qui parle de marcher sur la lune. Cet homme inexorablement serait passé pour un fada. Dans les catégories de l'époque voyager dans l'espace c'est un truc complètement fou. Le texte biblique porte en lui les compréhensions des hommes de son temps, et nous portons en nous le savoir d'une époque et la distance entre les deux fait folie.

A cette première folie – due à la distance de nos compréhensions – il y a la folie dont parle le texte. La folie de l'homme possédé par l'esprit impur. Cet homme vit dans les tombeaux – c'est répété par deux fois, il est a distance du monde des vivants – il faut se souvenir que le cimetière dans le judaïsme est un lieu impur. Visiblement l'esprit impur lui fait faire un peu n'importe quoi : il brise ses chaînes car il est fort « comme un diable » dira le dicton, nul ne peut le retenir, nul ne peut l'enchainer, le lier.

Mais surtout nous dit le texte : « nuit et jour il est sans cesse dans les tombeaux et les montagnes poussant des cris et se déchirants avec des pierres ». Tout ces éléments donnent le portrait d'un homme qui n'est plus vraiment humain : il vit dans un lieu de mort, il ne distingue plus le jour et la nuit, il ne respecte plus son corps et sa seule expression se sont ses cris. Cet homme n'est plus vraiment humain le démon qui le possède le situe à la limite de l'animalité.

L'évangile c'est alors le passage de cette folie, de cette vie pour la mort à la prédication de la bonne nouvelle. A la fin du passage biblique, l'évangéliste nous dit que cet homme qui au départ n'est plus vraiment un homme tant il est fou, cet homme va devenir le prédicateur de la bonne nouvelle dans la décapole – un groupe de villes à l'est du Jourdain. Il va donc quitter sa montagne et ses tombeaux pour vivre en ville, du lieu des morts et il va passer au lieu des vivants ; il va cesser de crier et de se déchirer sur les rochers pour annoncer la Parole, d'un comportement mortifère il va annoncer la parole de vie.

Aussi, la première chose que nous pouvons entendre dans ce texte fou, tout de même, c'est l'évangile comme puissance de vie, la bonne nouvelle comme résurrection. Jésus fait sortir cet homme de l'emprise qui l'enfermait à la folie pour lui donner à vivre la prédication de l'évangile. Dans ce changement de destin, sur une parole d'autorité de Jésus, il y a quelque chose d'une résurrection qui se dessine ; passage de la mort à la vie.

C'est un premier sens qui traverse la folie du texte. Mais ce n'est pas le seul sens. On peut entrer dans une autre compréhension de ce texte, une compréhension supplémentaire en réalisant combien ce texte est marqué par quelques allusions à l'empire et à Rome.

Il est d'abord noté que nous sommes en territoire païen – le pays des Géraséniens – En traversant la mer, Jésus et ses disciples ont quitté le monde juif, leur monde de la Galilée. Première allusion à l'étranger, mais surtout, ensuite le démon dit à Jésus qu'il s'appelle « Légion » - ce mot au premier siècle, sur toutes les rives de la méditerranée , se mot fait référence nécessairement aux armées de Rome, aux légions de César. Nous sommes donc en territoire païen, le démon s'appelle comme l'occupant romain, et nous nous retrouvons à côté d'un grand troupeau de porcs, porcs dans lesquels le démons vont finir précipité d'une haute falaise dans la mer. Ces porcs rappelons le n'étaient élevés que pour la consommation des païens et notamment de l'occupant romain, des légions de l'empire.

Sans faire de l'évangéliste Marc un révolutionnaire qui aurait un discours vindicatif contre l'occupant, il faut quand même souligner qu'avec cette histoire de fou, l'évangéliste écorne l'image de la puissance impériale. En passant, il réduit la puissance romaine, les légions de césar, à un troupeau de cochon qui finira noyé dans la mer. Si en plus de ces éléments du texte, on se souvient que l'évangile selon Marc a peut-être été écrit à Rome, la polémique est encore plus soulignée. Il faudra alors entendre que la folie d'un fou possédé d'un esprit impur qui cri et se déchire jour et nuit au milieu des tombeaux, cette folie n'est pas plus folle que la folie d'une armée qui pensait dominer le monde.

La folie de ce texte transporte donc aujourd'hui encore une parole de vie contre les enfermements de la mort, elle apporte aujourd'hui encore une critique sur toutes les puissances du monde qui prétendent dominer le monde et dominer l'humain. C'est alors un troisième sens que donne à entendre ce texte, ce troisième sens révèle une fois encore, combien le Christ Jésus est l'homme de Parole. Parole quand il raconte ses paraboles, parole quand il calme une tempête, parole encore quand il rencontre la folie des hommes.

Jésus parle avec le démon qui possède l'homme qui cri. Il parle et il donne la parole. C'est dans la parole que Jésus est reconnu comme fils de Dieu, et c'est dans la parole que le démon reconnaît être nombreux. C'est par une parole enfin que Jésus condamne le démon dans le troupeau de cochon a être jeté au fond de la mer.

Cette parole a déjà été entendue. A la fin du livre de Michée, le prophète annonce le pardon de Dieu avec cette formule: « L'Eternel piétinera nos péchés, tu jetteras toutes leurs fautes au fond de la mer ». Alors le geste de Jésus devient un geste de pardon, de miséricorde. Avec Christ : les forces de haines, de morts, de refus de l'espérance et de rejets de l'autre, toutes ces forces qui défigurent l'homme comme le projet de Dieu, toutes ces forces seront englouties au fond la mer et elles y resteront.

Cette bonne nouvelle d'une Parole qui relève et qui envoi comme témoin du Christ vivant nous pouvons l'entendre aujourd'hui encore. Non pas comme une histoire de fou, mais comme notre vocation. Nous pouvons l'entendre chacune, chacun. L’Éternel ne nous demande pas d'être les champions de la sainteté, ni des hommes et des femmes au passé pur et irréprochables.

Nous avons tous une histoire – je vous souhaite qu'elle soit moins folle que celle de cet homme – mais justement nous avons tous une histoire, souvent moins tordue que la folie de cet homme, et dans notre histoire la parole du Christ nous appelle tels que nous sommes, avec nos blessures et nos limites, mais aussi avec nos espérances et nos impatiences.

Il ne nous appelle pas à être des super-héros de la foi mais à être des hommes et des femmes qui ont un jour entendu une parole qui leur a dit qu'ils étaient aimés de Dieu, tels qu'ils étaient, et tels qu'ils étaient ils devaient sortir des lieux de morts pour être vivant, tels qu'ils étaient la vie éternelle leur était donnée ; tels qu'ils étaient ils pouvaient être témoin de la résurrection, témoin de la vie plus forte que la mort.

Avec cette histoire de fou, l'évangile nous invite à porter encore cette parole d'une vie donnée pour la liberté, d'une parole plus forte que toutes les puissances qui apeurent et qui enferment, plus fortes que les liens de domination et de désespérance. Alors oui c'est encore une histoire de fou : Cet évangile est folie, folie de Dieu pour nos vies, passion de Dieu d'un amour fou pour chacune chacun d'entre nous. Amen.