Prédication du 7 septembre 2014 - Lettre de Paul aux Romains, chap. 13 v. 8 à 10

Lecture de la lettre de Paul aux Romains, chap. 13, v. 8 à 10

N’ayez aucune dette envers qui que ce soit, sinon celle de vous aimer les uns les autres ; car celui qui aime son prochain a pleinement accompli la loi. En effet, les commandements : Tu ne commettras pas d’adultère, tu ne tueras pas, tu ne voleras pas, tu ne convoiteras pas, ainsi que tous les autres, se résument dans cette parole : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. L’amour ne fait aucun tort au prochain ; l’amour est donc le plein accomplissement de la loi.

Prédication :

J'imagine, qu'en cette fin d'été, tout le monde a du recevoir son avis d'imposition. Ce courrier pas très sympathique vient gâcher les derniers jours de soleil, à moins d'être au bénéfice de la solidarité nationale de ne pas être imposable ou encore mieux d'obtenir un crédit d’impôt – ce courrier ne fait que très rarement plaisir. La plupart a donc du recevoir ce courrier qui vient vous dire que vous devez des sous, vous êtes endettés, car en fait nous le sommes tous.

Or, dans le protestantisme calviniste, si il y a bien une chose que l'on ne supporte pas, c'est la dette. Avoir des dettes, être endetté, c'est invivable, insupportable ; c'est quelque chose à la limite de l'immoralité. Une dette appelle son règlement le rapidement possible. Ceci nous le savons depuis Max Weber qui ne faisait en fait que décrire la société de son temps en reliant le capitalisme avec le protestantisme.

En dehors des impôts de circonstance en ce moment, on le sait depuis plusieurs années, avec la crise économique – une vie fondée sur la dette ne peut que s'effondrer, un jour ou l'autre si cette dette n'est pas remboursée. C'est ce que dit l'économie, ce que dit la finance, la loi du monde. Une dette c'est toujours de l'ordre d'avoir quelque chose qui ne nous appartient pas, quelque chose qui du coup est toujours transitoire, toujours appelé à être rendu, remboursé, et quand on ne le peut pas, c'est la crise...

Ce discours est assez convenu. Vous ne trouvez pas ? C'est limite café du commerce, un discours de bon sens. Mais ce discours n'est pas l'évangile.
Ce que l'évangile nous dit, c'est qu'on ne peut vivre autrement qu'en étant endettés. Toute vie est nécessairement endettée. Toute vie est nécessairement endettée d'une dette d'amour que nul ne peut rembourser. Notre vie se fonde sur la béance d'une dette que nous ne pouvons pas rendre.

Vous connaissez le commandement d'amour. Paul dans ce texte reprends la parole du Christ Jésus dans l'évangile selon Jean notamment, au chapitre 15, quand le Christ dit à ses disciples : « Voici mon commandement : que vous vous aimiez les uns les autres comme je vous ai aimés. Personne n'a de plus grand amour que celui qui se défait de sa vie pour ses amis ». Une parole que Paul reprendra dans différents textes, notamment sa lettre au Galates, au chapitre 5 : « toute la loi est accomplie dans une seule parole : celle-ci, tu aimeras ton prochain comme toi même ». L'amour à vivre entre nous se fonde sur l'amour de celui qui a plus que vécu l'amour, il en est mort.

Le Christ aimant jusqu'à la croix, donnant sa vie pour ses amis, inaugure notre amour de manière invivable. C'est ce que nous venons de chanter dans « Torrents d'amour », un torrent qui n'est pas un long fleuve tranquille. Car nous ne pouvons jamais aimer comme il nous a aimé – ce que dit le cantique par des accents sacrificiels, Paul le dit à sa manière : Par son amour, le Christ nous endette à la vie, à la mort, et tout ce que nous pouvons rendre n'est qu'intérêt versé par rapport au capital donné.

Oui, c'est cette parole, ce commandement d'amour souvent entendu du Christ « aimez vous les uns les autres comme je vous ai aimé » , Paul le reprend ici en terme de dette. « Ne devez rien à personne, si ce n'est de vous aimez les uns les autres ; car celui qui aime l'autre a accompli la loi ». Et il insiste quelques versets plus loin « l'amour est l'accomplissement de la loi ».

L'amour dans l'évangile se fonde sur une dette que nous ne pouvons rembourser. Et cette notion de dette n'est pas un détail et ce n'est pas une expression en l'air. Juste avant dans ce chapitre 13 de sa lettre, Paul a évoqué les impôts, c'est pour ça que j'ai commencé par parler de nos déclarations fiscales, ces dettes que l'on aime pas.

Paul juste avant de parler d'amour vient de dire : « Rendez à chacun ce qui lui est du – l’impôt à qui vous devez l’impôt, la taxe à qui vous devez la taxe, la crainte à qui vous devez la crainte, l'honneur à qui vous devez l'honneur ». Le contexte invite à penser la dette en des termes très concrets, en des termes financiers – quelque chose qui traverse les siècles dans son caractère désagréable.

Même au premier siècle il ne plaisait pas à grand monde de devoir payer des impôts et des taxes. De tout temps, cette endettement vis à vis de la chose publique n'a jamais plu à grand monde. Et c'est dans ces termes pas très positifs que Paul reformule le commandement d'amour – une dette.

Ce faisant, Paul ne fait qu'un exercice d'étymologie – en hébreu un des sens du verbe aimer c'est précisément être endetter. Un même mot pour dire deux choses qui nous semblent à mile lieu l'une de l'autre : aimer et être endetté. Vous comprenez alors que ce que l'évangile nous dit, c'est qu'on ne peut vivre autrement qu'en étant endettés. Toute vie est nécessairement endettée. Toute vie est nécessairement endettée d'une dette d'amour que nul ne peut rembourser.

Aussi peut être est-il temps de clarifier ce qu'est l'amour et ce qu'il n'est pas. Pour Paul, l'amour est l'accomplissement d'un commandement, d'une parole ; il n'est pas du bon sentiment, aimer quelqu'un ce n'est pas vouloir lui être sympathique.
Ainsi le pasteur Martin Luther King disait dans une de ses prédications qu'il était heureux que Jésus ait dit aimez vos ennemis, et pas « ayez de la sympathie pour vos ennemis, car il y a des personnes pour lesquelles j'ai du mal à avoir de la sympathie.
La sympathie est un sentiment d'affection et il m'est impossible d'avoir un sentiment d'affection pour quelqu'un qui bombarde mon foyer, pour quelqu'un qui m'exploite, pour quelqu'un qui jour et nuit me menace de mort. Et le pasteur baptiste américain dit alors : Mais Jésus me rappelle que l'amour est plus grand que la sympathie, que l'amour est une bonne volonté, compréhensive, créatrice, rédemptrice, envers tous les hommes »

L'amour n'est pas un sentiment, mais une volonté, une bonne volonté ; ce n'est pas un élan du cœur, mais un regard posé sur le frère et la sœur, ce n'est pas une capture de l'autre, l'enfermant dans ce que j'attends et je veux, mais une ouverture et une reconnaissance de la liberté de l'autre. Et c'est bien parce que Dieu veut nos vies, parce qu'il nous regarde comme ses enfants, parce qu'il nous veut libre de toute domination que nous sommes endettés à vivre selon sa parole.

On peut se souvenir de cette citation pleine de bon sens du philosophe Kierkegaard : « la mère aimante apprend à son enfant à marcher seul » ou encore « l'amour ne se trouve que dans la liberté ».

Toute vie est nécessairement endettée d'une dette d'amour que nul ne peut rembourser, d'une dette qui nous ouvre à la liberté des enfants de Dieu. C'est cet amour et ce commandement que la parole de Paul comme tout l'évangile veut inscrire dans nos vies, pour celles et ceux qui l'écoutent.

Et je terminerai mon propos par une citation du pasteur Charles Wagner qui écrivait :
« Jamais Dieu n'a parlé à l'homme une langue plus claire, plus simple, plus paternelle, que lorsqu'il nous envoya le Christ, le remplit de son esprit et mit ses paroles sur ses lèvres. On peut dire de Jésus « qu'en lui la vie divine a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité. » Le Christ a résumé pour nous la connaissance de Dieu dans un mot : Dieu est le Père, Dieu est amour ». - c'est écrit là, sur la chair.

C'est l'affirmation la plus élevée et la plus consolante dans laquelle ait été réuni ce que l'âme humaine a besoin de savoir. Que veulent dire ces paroles ? Elles veulent dire que nous pouvons compter de la part de Dieu, sur une sollicitude et une tendresse absolument infinies. Dieu veut notre bien, et ni nos fautes, pourvu qu'elles soient regrettées, ni nos malheurs les plus graves, ni la mort ne peuvent nous séparer de lui. L'homme a besoin de se reposer dans cette fortifiante certitude »1

Dieu est amour. Ne devez rien à personne, si ce n'est de vous aimer les uns les autres.
Au Christ seul soit la gloire. Amen. 

 

1C. Wagner, Sois un homme !, op. cit. , p. 25

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire