Prédication du 31 août 2014 - Lettre de Paul aux Romains, chap. 12

LECTURE BIBLIQUE :

Les lectures proposées par la fédération protestante de france prévoyaient de lire les 2 premiers versets du chapitre 12,mais il m'a semblé intéressant de lire l'ensemble du chapitre 12 de cette lettre ce sera le seul texte biblique retenu pour ce jour : (TOB)

Je vous exhorte donc, frères, au nom de la miséricorde de Dieu, à vous offrir vous-mêmes en sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu : ce sera là votre culte spirituel. Ne vous conformez pas au monde présent, mais soyez transformés par le renouvellement de votre intelligence, pour discerner quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bien, ce qui lui est agréable, ce qui est parfait.
Au nom de la grâce qui m’a été donnée, je dis à chacun d’entre vous : n’ayez pas de prétentions au-delà de ce qui est raisonnable, soyez assez raisonnables pour n’être pas prétentieux, chacun selon la mesure de foi que Dieu lui a donnée en partage. En effet, comme nous avons plusieurs membres en un seul corps et que ces membres n’ont pas tous la même fonction, ainsi, à plusieurs, nous sommes un seul corps en Christ, étant tous membres les uns des autres, chacun pour sa part. Et nous avons des dons qui diffèrent selon la grâce qui nous a été accordée. Est-ce le don de prophétie ? Qu’on l’exerce en accord avec la foi. L’un a-t-il le don du service ? Qu’il serve. L’autre celui d’enseigner ? Qu’il enseigne. Tel autre celui d’exhorter ? Qu’il exhorte. Que celui qui donne le fasse sans calcul, celui qui préside, avec zèle, celui qui exerce la miséricorde, avec joie. Que l’amour soit sincère. Fuyez le mal avec horreur, attachez-vous au bien. Que l’amour fraternel vous lie d’une mutuelle affection ; rivalisez d’estime réciproque. D’un zèle sans nonchalance, d’un esprit fervent, servez le Seigneur. Soyez joyeux dans l’espérance, patients dans la détresse, persévérants dans la prière. Soyez solidaires des saints dans le besoin, exercez l’hospitalité avec empressement. Bénissez ceux qui vous persécutent ; bénissez et ne maudissez pas. Réjouissez-vous avec ceux qui sont dans la joie, pleurez avec ceux qui pleurent. Soyez bien d’accord entre vous : n’ayez pas le goût des grandeurs, mais laissez-vous attirer par ce qui est humble. Ne vous prenez pas pour des sages. Ne rendez à personne le mal pour le mal ; ayez à cœur de faire le bien devant tous les hommes. S’il est possible, pour autant que cela dépend de vous, vivez en paix avec tous les hommes. Ne vous vengez pas vous-mêmes, mes bien-aimés, mais laissez agir la colère de Dieu, car il est écrit : A moi la vengeance, c’est moi qui rétribuerai, dit le Seigneur. Mais si ton ennemi a faim, donne-lui à manger, s’il a soif, donne-lui à boire, car, ce faisant, tu amasseras des charbons ardents sur sa tête. Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais sois vainqueur du mal par le bien.

PRÉDICATION

« Faire des sacrifices », cette expression en temps de crise s'entend très souvent. Il faut « faire des sacrifices », cela revient à dire qu'il faut se priver, faire attention, se serrer la ceinture. Force est de constater que le sacrifice, s''il est un mot que l'on entend souvent ou une notion à la mode, ce n'est pas quelque chose de très positif.
Car dans le sacrifice il y a une notion de mort, ou de mise à mort - loin d'être positive – à quelques centaines de mètres des arènes et à quelques jours de la feria tout le monde comprendra cette notion sacrificielle de mise à mort.

Même dépassant le cadre des traditions locales, de manière plus dramatique dans nos actualités il y a aussi, aujourd'hui, dans le sacrifice la notion de martyr qui renvoie à toute une violence de la religion dans les discours fondamentalistes et intégristes. Ou toute une violence faite contre la religion et on pensera alors à l'église persécutée en Iraq et dans divers et nombreux lieux du monde.

Bref ; pas besoin de long discours pour expliquer qu'un sacrifice c'est violent voire morbide et, pour le moins, assez détestable pour quiconque à quelques valeurs éclairées et humanistes.

Si je vous parle de sacrifice, c'est que dans le texte de l'épître aux romains que j'ai lu l'apôtre Paul parle de sacrifice, il ne parle que de ça, même. C'est le premier verset de ce chapitre 12 : « Je vous exhorte à vous offrir en sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu » ; et tout ce chapitre 12 n'est qu'un développement de cette première parole, c'est pour ça que j'ai tenu à lire ce chapitre en entier.

Paul parle de sacrifice, oui, mais il en parle de manière tout à fait contraire à notre compréhension. Ainsi, si pour nous le sacrifice est morbide, renvoyant à une mise à mort, pour Paul, il s'agit d'un sacrifice vivant. Si pour nous le sacrifice c'est la part la plus violente d'une religion, pour l'apôtre le sacrifice est saint. Et si en dehors même de toute notion religieuse, le sacrifice est pour le moins une privation assez désagréable, pour l'Apôtre le sacrifice est agréable à Dieu.

Paul parlant d'un sacrifice vivant, saint et agréable est très loin de notre compréhension contemporaine du sacrifice. Très loin des mises à mort au cœur des arènes, très loin des martyrs intégristes. Pour le dire avec un jeu de mot, si pour nous, dans une compréhension courante et contemporaine, le sacrifice est une mise à mort, pour Paul, le sacrifice est une mise en amour ; une mise en amour pour le renouvellement de notre intelligence.

Pour Paul, « le sacrifice n'est pas mise à mort, mais mise en amour », c'est ce que développe tout le chapitre 12 en multipliant les recommandations. Appelant à l'unité de l'église, à tenir la communion les uns avec les autres, Paul met au cœur de ses recommandations une parole d'amour :

« Que l’amour soit sincère. Fuyez le mal avec horreur, attachez-vous au bien. Que l’amour fraternel vous lie d’une mutuelle affection ; rivalisez d’estime réciproque. D’un zèle sans nonchalance, d’un esprit fervent, servez le Seigneur. Soyez joyeux dans l’espérance, patients dans la détresse, persévérants dans la prière. Soyez solidaires des saints dans le besoin, exercez l’hospitalité avec empressement. Bénissez ceux qui vous persécutent ; bénissez et ne maudissez pas. »

L'amour fraternel s'enracinant dans l'amour du Seigneur ouvrant nos vies comme une bénédiction. Il est là le sacrifice, devenir source de bénédiction et non pas de malédiction ; c'est là un renouvellement d'une intelligence qui n'est plus au service de ma propre vie, mais au service du projet de Dieu, en un mot : au service de l'amour.

Mise en amour, le sacrifice c'est faire passer l'amour avant mon intérêt – renouvellement d'une intelligence qui ne se centre plus sur ma vie, mais sur le Christ : victoire du bien sur le mal : « Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais sois vainqueur du mal par le bien ». La seule chose qui est alors réellement sacrifiée c'est notre égoïsme, et notre sentiment de posséder nos vies, d'en être les propriétaires, d'être nos propres créateurs, ce que toute la Bible appelle le péché.

Ce sacrifice qui n'est pas mise à mort, mais une mise en amour, peut ouvrir chaque existence à une vie chrétienne renouvelée par la présence du Christ. Une présence qui est donnée et garantie par Dieu. Une présence et un amour que rien ne peut éloigner de nous, avait déjà écrit Paul quelques chapitres plus tôt dans deux très beaux versets du chapitre 8 de sa lettre : « Oui j'en ai l'assurance : ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les dominations, ni le présent, ni l'avenir, ni les puissances, ni les forces des hauteurs, ni celles des profondeurs, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu manifesté en Jésus Christ notre Seigneur ».

Le sacrifice n'est pas mise à mort, mais mise en amour ; de cet amour manifesté par le Seigneur qui vient enraciner le lien communautaire. Car nous ne sommes pas aimé par Dieu, dans un chacun pour soi, mais pour être les uns pour les autres source de bénédiction, d'espérance et de joie. L'amour que Dieu nous porte fonde une communion dans laquelle chacun peut trouver sa place, et chacun peut vivre les dons du Père. Il s'agit de vivre dans l'église une autre intelligence que celle du monde.

Pour bien comprendre, un peu de la même manière, dans sa première lettre aux Corinthiens, Paul dit aux chrétiens que leurs corps est devenu le Temple du Saint-Esprit. Le temple, c'est le lieu du monde que Dieu se réserve pour y habiter, sa propriété. Vos corps, dit l'apôtre, ne vous appartiennent plus. Ils sont destinés à glorifier Dieu dans l'amour. Tel est l'accomplissement de la volonté de Dieu exprimée dans la législation sacrificiel, voilà le sacrifice saint et agréable à Dieu ».

N'appartenir qu'à Dieu, ensemble, pour être, les uns avec les autres, témoins de cette gloire de Dieu. Ainsi le pasteur Antoine Nouis, commentant ce passage écrivait : « Nous sommes tous sous l'influence de l'intelligence de notre monde et Paul nous dit : ne vous conformez pas au monde présent, mais soyez transformés par le renouvellement de votre intelligence, autrement dit « ayez l'intelligence de quitter la logique de ce monde, pour entrer dans celle de l'évangile ». La logique de l'évangile est celle de la grâce et de la justification gratuite alors que celle de notre monde est la logique de l'ambition sociale, du profit et du pouvoir » fin de citation.

Ne pas être en église dans la même logique que celle du monde, voilà le sacrifice pour Paul ; mettre à mort nos égoïsmes, savoir délaisser les logiques d'ambition, de réussite, de profit et de pouvoir, pour entrer en communion. Une communion dans laquelle chacun trouve la place à laquelle Dieu l'appelle.

Dimanche dernier je commençais ma prédication avec un extrait de l'histoire du petit Poucet ; aujourd'hui la petite histoire terminera ma prédication : Vous connaissez sans doute le roman de Victor Hugo, « les misérables ». Le héro Jean Valjean vient d'être libéré du bagne, et il est accueilli un soir par l'évèque de Digne, Monseigneur Bienvenu, qui lui annonce l'évangile. Valjean s'en va pendant la nuit en volant quelques pièces d'argenterie ; mais voilà qu'il est prit par les gendarmes en possession de ces objets volés.

Les forces de l'ordre le ramènent donc chez l'évêque avec l'objet du vol. Mais au lieu d'accuser Valjean et de récupérer son bien, l'évêque dit au voleur :« Ah vous voilà, Je suis bien aise de vous voir. Eh bien ! je vous avais aussi donné les chandeliers aussi, qui sont en argent comme le reste et dont vous pourrez bien avoir 200 francs. Pourquoi ne pas les avoir emporté avec vos couverts ? Tenez-les donc, ils sont à vous ! ». Et l'évêque de donner à son détrousseur les chandeliers en plus de ce qu'il avait emporté.

EN fait, par les paroles de l'évêque, le vol de Jean Valjean a été transformé en don ; très concrètement le mal a été vaincu par le bien. D'ailleurs Victor Hugo met dans la bouche de l'évêque ces dernières paroles, une fois les gendarmes partis : « Jean Valjean, mon frère, vous n'appartenez plus au mal, mai au bien. C'est votre âme que je vous achète ; je la retire aux pensées noires et à l'esprit de perdition, et je la donne à Dieu ».

Ne pas être en église dans la même logique que celle du monde, voilà le sacrifice pour l'apôtre Paul - c'est ce qu'avait compris l'évêque Bienvenue sous la plume de Victor Hugo ; mettre à mort nos égoïsmes, nos possessions et nos appartenances, savoir délaisser les logiques de réussite, de profit et de pouvoir, pour entrer en communion. Une communion dans laquelle chacun trouve la place à laquelle Dieu l'appelle, une communion dans laquelle Dieu nous donne plus que ce que nous demandons.

« Je vous exhorte donc, frères, au nom de la miséricorde de Dieu, à vous offrir vous-mêmes en sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu : ce sera là votre culte spirituel. »
« Que l’amour soit sincère. Fuyez le mal avec horreur, attachez-vous au bien. Que l’amour fraternel vous lie d’une mutuelle affection ; rivalisez d’estime réciproque. »
« Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais sois vainqueur du mal par le bien. »
Au Christ seul soit la gloire. Amen.

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