Cette prédication a été donnée à l'église évangélique de Pentecôte de Béziers, ce 16 juin 2015 à l'invitation des pasteurs de cette communauté j'ai été invité à entretenir cette communauté sur le thème de l'église multitudiniste et ce pendant 40 minutes... ce qui explique la longueur inhabituelle de ce texte.
Bien chères soeurs, bien cher frères,
D’abord
vous dire que je suis heureux d’avoir pu répondre à l’invitation
de vos pasteurs. Je suis très heureux d’être là – bien que je
sois un tout petit peu embarrassé. Je suis embarrassé parce que non
seulement vos pasteurs m’ont invité ce qui me réjouit mais
embarrassé parce que vos pasteurs m’ont demandé de prêcher sur
le thème de l’église multitudiniste – or je ne suis pas sûr
que mon église soit multitudiniste, je ne suis pas sûr qu’aucune
église le soit en vérité. Mais bon ce préalable étant posé je
vous propose d’entendre deux passages de la lettre de Paul aux
Romains, deux passages un peu long qui se sont imposés à moi en
préparant ce message.
Le
premier passage ce trouve au chapitre 2 de la lettre de Paul aux
Romains, les 11 premiers versets de ce chapitre 2. Nous sommes au
début de la lettre, au commencement de déploiement de Paul.
Romains,
chap. 2 , v. 1 à 11
1Tu es donc
inexcusable, toi qui juges, qui que tu sois ; en jugeant l'autre, en
effet, tu te condamnes toi-même, puisque, toi qui juges, tu
pratiques les mêmes choses. 2Or nous savons que le jugement de Dieu
contre ceux qui pratiquent de telles choses est conforme à la
vérité. 3Comptes-tu donc, toi qui juges ceux qui pratiquent de
telles choses et qui les fais toi-même, échapper au jugement de
Dieu ? 4Ou bien méprises-tu la richesse de sa bonté, de sa
tolérance et de sa patience, faute de reconnaître que la bonté de
Dieu doit te conduire à un changement radical ? 5Par ton
obstination, parce que ton cœur se refuse à changer radicalement,
tu t'amasses un trésor de colère pour le jour de la colère et de
la révélation du juste jugement de Dieu, 6qui rendra à chacun
selon ses œuvres : 7vie éternelle à ceux qui, par leur
persévérance dans une œuvre bonne, cherchent la gloire, l'honneur
et l'impérissable ; 8colère et fureur à ceux qui, par ambition
personnelle, sont réfractaires à la vérité et se laissent
persuader par l'injustice. 9Détresse et angoisse pour tout homme qui
produit le mal, pour le Juif d'abord, mais aussi pour le Grec !
10Gloire, honneur et paix pour quiconque œuvre au bien, pour le Juif
d'abord, mais aussi pour le Grec ! 11Car il n'y a pas de partialité
chez Dieu.
Et
l’autre texte qui s’est imposé à moi se trouve à la fin de la
lettre aux Romains, au chapitre 14, deux chapitres avant la
conclusion de l’écrit – au chapitre 14, les v. 1 à 12 :
Romains,
chap. 14
1Accueillez
celui qui est faible dans la foi, sans discrimination d'opinions.
2Tel a la foi pour manger de tout ; tel autre, qui est faible, ne
mange que des légumes. 3Que celui qui mange ne méprise pas celui
qui ne mange pas, et que celui qui ne mange pas ne juge pas celui qui
mange, car Dieu l'a accueilli. 4Qui es-tu, toi, pour juger le
domestique d'autrui ? Qu'il tienne debout ou qu'il tombe, cela
regarde son maître. Et il tiendra, car le Seigneur a le pouvoir de
le faire tenir.
5Tel
juge, en effet, un jour supérieur à un autre ; tel autre les juge
tous égaux. Que chacun, dans sa propre intelligence, soit animé
d'une pleine conviction ! 6Celui qui tient compte des jours en tient
compte pour le Seigneur. Celui qui mange, c'est pour le Seigneur
qu'il mange, car il rend grâce à Dieu ; celui qui ne mange pas,
c'est pour le Seigneur qu'il ne mange pas : il rend aussi grâce à
Dieu. 7En effet, aucun de nous ne vit pour lui-même, et aucun ne
meurt pour lui-même. 8Car si nous vivons, nous vivons pour le
Seigneur ; et si nous mourons, nous mourons pour le Seigneur. Soit
que nous vivions, soit que nous mourions, nous appartenons donc au
Seigneur. 9Car si le Christ est mort et a repris vie, c'est pour être
le Seigneur des morts et des vivants.
10Dès
lors, toi, pourquoi juges-tu ton frère ? Ou bien, toi, pourquoi
méprises-tu ton frère ? Tous, en effet, nous comparaîtrons devant
le tribunal de Dieu. 11Car il est écrit :
Par
ma vie, dit le Seigneur, tout genou fléchira devant moi
et
toute langue reconnaîtra Dieu !
12Ainsi
donc, chacun de nous rendra compte à Dieu pour lui-même.
Ces
deux textes qui se trouvent de part et d'autre de la lettre de Paul
aux Romains, ne parlent pas directement de l'église multitudiniste
mais ils parlent de jugement. Du coup, il me semble qu'entendre ces
textes aujourd'hui permettra de faire résonner l'évangile,
d'entendre une bonne nouvelle qui nous parle de l'église, mais qui
nous parle aussi de notre relation à Dieu, de nos relations entre
frères et sœurs.
Car
parler d'église n'a de sens que si cette parole s'enracine dans une
parole de foi, parler d'église ce n'est pas tant faire de la belle
théologie, que de mettre des mots sur comment nous vivons ensemble
la foi chrétienne, comme nous partageons ensemble de nos convictions
et de nos certitudes, comment Christ est vivant au milieu de nous,
aujourd'hui.
Alors
parler d'église, et d'église multitudiniste, peut-être faut-il
avant tout que je définisse cette église multitudiniste. Alors je
suis aller chercher une définition du multitudinisme sur Wikipedia –
le dictionnaire sur Internet. Et ce dictionnaire dit ceci : Le
multitudinisme
désigne, dans sa principale acception, l'attitude et le statut d'une
Église protestante qui se donne pour mission de s'occuper
spirituellement de l'ensemble d'une population sans que celle-ci n'en
soit forcément membre. C'est le principe d'une Église ouverte à
tous, même sans religion d'État.
Pour
bien comprendre, une église aujourd'hui est donc dite
multitudiniste quand elle n'est pas une église de confessants. La
nuance est entre multitudiniste et confessant. Une église
multitudiniste c'est donc une église qui est ouverte de manière
large, de manière telle que l'on ne sait pas bien combien cette
église a de membres. Une église de confessants est une église dont
ne sont membres que celles et ceux qui ont adhéré à la confession
de foi, celles et ceux qui ont été reconnus comme membre.
Cette
ouverture renvoi il me semble à une vision de l'église fidèle à
la réforme. Ainsi on peut se souvenir ici que Calvin, le réformateur
du XVIeme siècle, à la lecture des écritures distinguait l'église
visible de l'église invisible. Pour lui, les croyants avaient à
gérer l'église visible, qui n'était qu'une partie de la vraie
église de Dieu qui était l'église invisible – une église dont
Dieu seul connaissait les membres.
Je
vous le disais, ce que je dis ici sur l'église n'est pas qu'un
discours théorique ; il s'incarne dans un vécu de foi.
Derrière se trace la question de qui est mon frère, qui est ma
sœur, en Christ ? Avec qui ai-je à être en communion ?
Avec qui puis-je partager la prière, la lecture des Ecritures, une
vie de foi ? Faut-il avoir les mêmes convictions pour faire
église ensemble ?
En
fait derrière la question entre église de multitude et l'église de
confessant, derrière se trace ici la question du critère :
qu'est-ce qui fait que l'autre est ma sœur, mon frère en Christ ?
Quel est le critère pour une vie d'église ensemble ? Quel est
le critère et donc qui en est juge - qui est-ce qui décide de
qui est dans les clous et qui n'y est pas ? Qui définit qui est
dans l'église et qui n'y est pas ?
Vous
percevez peut-être pourquoi j'ai lu les deux passages de la lettre
de Paul aux Romains. Deux textes qui parlent de jugement, du jugement
de Dieu, du jugement que nous posons entre nous, frères et sœurs,
sur les uns ou sur les autres.
Que
viennent dire ces textes ? Je crois que ces textes viennent
d'abord dénoncer notre système de pensée, notre manière de voir
les choses. Nous fondons notre visions de l'église sur la séparation
et sur la division – le jugement est notre mode de pensée le plus
facile, le plus quotidien, le plus courant, même quand nous sommes
profondément croyant.
Alors
ce jugement il n'est pas forcément une parole de condamnation que
nous posons sur les uns et les autres, mais c'est une réalité plus
insidieuse. Paul parle de discrimination d'opinons. Tous nous pensons
le monde en le divisant. Prenez les relations humaines : il y a
les notres et les autres, il y a les amis, les voisins, et les
autres, il y à les membres de ma communauté et les autres, il y a
les convertis et les autres, il y a celles et ceux qui sont né de
nouveau et les autres, nous sommes toujours à tracer des frontières
entre un dedans et un dehors, entre les prochains et les lointains et
quand nous traçons ses frontières, nous nous plaçons toujours
dedans.
Ces
structurations de nos liens, de nos rapports aux autres, de nos
relations amicales, familiales ou ecclésiales, c'est aussi notre
manière de voir le monde, plus globalement : pour certains il
y a l'occident et le reste du monde, pour d'autres encore il y a les
pays du nord de la méditerranée et les pays du sud ; vous
voyez ce que je veux dire – quelque soit le critère que nous
prenons : la taille, les cheveux, le tour de ventre, ou le
prénom, chacun peut prendre le critère qu'il souhaite, nous avons
l'embaras du choix. Et nous avons l’embarras du choix car en fait
nous pensons, tous, l'humanité en division et en opposition, voire
en concurrence, nous pensons notre humanité en posant sur elle un
jugement ou un autre.
Par
rapport à cette manière de voir, ce souvenir que Dieu seul est
juge, nous donne une très belle liberté. La liberté de l'évangile.
Vous
connaissez sans doute ce passage de la lettre aux Galates :
« Car vous êtes tous, par la
foi, fils de Dieu en Jésus-Christ. En effet, vous tous qui avez reçu
le baptême du Christ, vous avez revêtu le Christ. Il n'y a plus ni
Juif ni Grec, il n'y a plus ni esclave ni homme libre, il n'y a plus
ni homme ni femme, car vous tous, vous êtes un en Jésus-Christ. Et
si vous appartenez au Christ, alors vous êtes la descendance
d'Abraham, héritiers selon la promesse. »
Paul
reprend les divisions de son temps : entre juifs et grecs, entre
l'esclave et l'homme libre – toujours le même système de
division, de jugement et de séparation qui traverse les siècles.
Or, la liberté que Dieu nous donne veut et qui veut nous
extraire de ce système de jugement et donc de peur. La liberté que
Dieu nous donne se fonde sur une unité : nous sommes tous
enfant de Dieu : que nous soyons hommes ou femmes, que nous
soyons de la même famille ou pas, que nous habitions en Europe ou en
Syrie, ou au Népal ; au nord ou au sud de la méditerranée ;
que nous soyons grand, gros, maigres, chevelu ou chauve, que nous
nous appelions Frédéric, Pierre, Abraham ou Mohamed
Devant
Dieu, ce qui fait notre humanité ce ne sont pas nos différences ou
nos particularisme, ce qui fait notre humanité c'est le point commun
d'être enfant de Dieu, d'être héritier de la promesse et
d'attendre un jugement que Dieu posera un jour sur nous, et qu'il
posera par amour pour nous – c'est le point commun qui est dit par
Paul : nous sommes tous fils et filles de Dieu, par la foi. Là
se fonde notre liberté : nous n'avons pas à cloisonner nos
vies et à passer notre temps à nous juger les uns les autres.
Dieu
nous veut libre, sans limites, sans frontières, sans barrières,
prêt à rencontrer l'autre quel qu'il soit, quelque soit sa manière
de manger écrit Paul, quelque soit sa manière de vivre.
Ne
pas penser notre humanité en terme de différence mais en terme
d'unité, dans la lettre aux Romains que j'ai retenu pour
aujourd'hui, Paul l'écrivait avec ses mots :
Aucun
de nous ne vit pour lui-même, et aucun ne meurt pour lui-même. 8Car
si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur ; et si nous mourons,
nous mourons pour le Seigneur. Soit que nous vivions, soit que nous
mourions, nous appartenons donc au Seigneur.
Nous appartenons au
Seigneur, et lui-seul est juge de qui lui appartient.
Alors, avec cette
compréhension du jugement laissé à Dieu seul pour notre liberté,
il faut encore répondre à la question de qui est mon frère, qui
est ma sœur, en Christ ? Avec qui ai-je à être en communion ?
Avec qui puis-je partager la prière, la lecture des Ecritures, avec
qui puis-je vivre une vie de foi ? Ou je disais tout à
l'heure : Faut-il avoir les mêmes convictions pour faire église
ensemble, pour vivre ensemble en église ?
Remettre le jugement
de Dieu pour entrer dans la liberté des enfants de Dieu revient à
nous regarder les uns les autres comme des héritiers. C'est dire que
notre fraternité n'est pas quelque chose à construire, mais c'est
une fraternité à recevoir de Dieu. Mes frères et sœurs en Christ
ne sont pas ceux que je reconnais comme tel, mais ceux que Dieu me
donne, comme étant également liés par la promesse faite à
Abraham.
Peut-être vous
souvenez vous d'un passage dans l'évangile selon Matthieu dans
lequel le Christ Jésus répond à la question qui sont mes frères ?
C'est au chapitre 12
de l'évangile, à partir du v. 46, Jésus est au milieu de la foule
à enseigner, et arrivent ses frères et sa mère alors dit le texte
biblique « Quelqu'un lui dit : Ta mère et tes frères se
tiennent dehors, et ils cherchent à te parler. Mais il répondit à
celui qui le lui disait : Qui est ma mère ? Qui sont mes
frères ? Puis il étendit la main sur ses disciples et dit :
Voici ma mère et mes frères ! En effet, quiconque fait la
volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là est mon
frère, ma sœur et ma mère. »
jésus dit bien
« quiconque fait la volonté de mon Père », il ne dit
pas comme il peut le dire à d'autres moments dans l'évangile
« quiconque fait ma volonté », ou bien "il ne suffit pas de me dire Seigneur, Seigneur", mais là il renvoi à Dieu
« quiconque fait la volonté de mon Père », même pour
Jésus Dieu seul demeure juge de qui sont ses frères, ses sœurs ou
sa mère. La fraternité n'est pas quelque chose que nous avons à
vouloir, ou à décider, c'est quelque chose qui nous est donné et
qu'il nous faut recevoir : tous frères et sœurs, dans la même
humanité, dans la même place face à Dieu.
Oui, là encore, il
faut accepter de laisser le jugement à Dieu, s'en remettre au Père
pour se laisser gagner, une fois encore par la liberté des enfants
de Dieu.
Etre enfant de Dieu
c'est d'abord reconnaître que nous n'avons pas à être des
super-man de la foi, les super-héros de l'église, des croyants bien
propre sur eux – nous sommes un en Jésus-Christ - accueillis et
adoptés par Dieu nous sommes ses enfants, sans condition. La
dynamique de l'évangile veut que cette image du Dieu père aimant
prenne le pas sur toutes les images de jugements et de peur. Au
fondement de la relation à Dieu, il y l'amour pour nous, et la
liberté qu'il nous donne.
Oui, être de la
descendance d'Abraham c'est nous reconnaître comme marchant à la
suite du patriarche. Abraham qui a quitté son pays animé par la
promesse de Dieu d'une terre promise et d'une descendance. Etre animé
par la même promesse - marchant sur le chemin de la promesse de Dieu
– Dieu nous veut libre, sans limites, sans frontières, sans
barrières, prets à rencontrer tout autre croyant sur le chemin, et
le reconnaître, la reconnaître comme frère, comme sœur.
Cette ouverture à
l'universel vient donc dire que l'église n'est pas l'assemblée de
celles et ceux qui pensent la même chose, pas même de celles et
ceux qui comprennent de la même manière le texte biblique, mais
l'église est l'assemblée de celles et ceux qui sont concernés par
la promesse de vie de l'évangile, et qui veulent traduire la
promesse de la bonne nouvelle dans leur vie.
Derrière cette
ouverture se trace entre autre l'affirmation du sacerdoce universel,
chaque croyant, chaque converti, chaque baptisé est appelé à
participer à la mission de l'évangile, à la mission de Dieu. En ce
sens j'aime beaucoup la parole de l'apôtre Pierre dans les actes des
apôtres, quand Pierre enseigne après la pentecôte, il appelle à
la conversion et il dit : « car la promesse est pour vous,
pour vos enfants, et pour tous ceux qui sont au loin, en aussi grand
nombre que le Seigneur, notre Dieu les appellera » - c'est le
v. 39 du chap. 2 des actes des apôtres.
Nous sommes tous
enfants de Dieu, au près comme au loin : prochain comme
lointain – nous ne sommes pas juge de qui peut l'être ; Dieu
seul, auteur de la promesse, sait qui il a appelé, qui il appelle et
qui il appellera.
Ainsi, pour prendre
un exemple j'ai beaucoup de mal personnellement avec la vision ou
l'image du pasteur que l'on peut avoir dans l'église ou ailleurs.
Oui, j'ai toujours beaucoup de mal, dans les relations œcuménique
avec les membres de l'église catholique quand ils sont embarrassés
et quand ils ne savent pas comment s'adresser à un pasteur et qu'ils
me disent « mon père », surtout que ce sont souvent des
gens qui auraient l'âge d'être mon père ou plus...
Rien dans l'église
ne doit nous placer à distance de la fraternité, et ce que je dis
du rapport aux catholiques se trouve aussi dans les images pastorales
traditionnelles – pour donner un deuxième écho à cet exemple :
ne parle-t-on pas dans nos églises évangéliques et protestantes du
pasteur comme du « berger du troupeau » ? Derrière
cette image il y a l'idée que le ministère qui est un service,
serait aussi une distinction. Chaque fois que j'entends cette image,
du pasteur, berger, j'aime me rappeler que Calvin non sans humour à
plusieurs reprise rappelait que le seul berger c'est Christ et que
les pasteurs si ils voulaient se distinguer des brebis n'avaient qu'à
se prendre pour des chiens ! C'est dire que les pasteurs comme
tous les membres de l'église appartiennent au même troupeau, un
troupeau que Dieu seul appelle, et que Dieu seul connaît, les
pasteur n'ont pas à s'en distinguer.
Vous me permettrez
de reprendre le fil de ma pensée par rapport au sujet qui
m'était proposé de l'église multitudiniste, car le sacerdoce universel est un écho à cette ouverture mais je ne voudrai pas m'y perdre :
A partir de
l'évangile, de la bonne nouvelle qui résonne dans la lettre aux
Romains, nous sommes invités à remettre le jugement à Dieu seul,
nous départir d'une logique de séparation et de jugement, faire de
chaque homme, chaque femme : un frère, une sœur. Cette bonne
nouvelle nous libère, elle nous fait sortir de la logique de
concurrence et de concours du monde. Mais elle nous place aussi sous
une grande exigence : dire que nous ne sommes pas maître de qui
est dans l'église de Dieu et qui est dehors, car par définition
c'est l'église de Dieu avant d'être notre communauté, c'est dire
qu'il nous faut savoir accueillir tout être humain comme un frère
en Christ, car tous nous appartenons au Seigneur, et il est seul juge
de nos vies.
Alors nous nous
situons réellement comme enfants, fils et filles, du Père, alors la
promesse d'Abraham est pour nous, nous en sommes les héritiers, pour
nous et pour tous ceux qui sont au loin.
Dire que l'église
est l'assemblée des femmes et des hommes concernés par la promesse
de Dieu ouvre l'église à demain. J'espère que vous l'entendez,
cette vision de l'église comme étant d'abord l'église de Dieu
ouvre à l'avenir, ou l'espérance ; car elle nous place sous le
souffle de l'esprit, elle nous place dans le dynamisme créateur de
Dieu.
Je le disais en
commençant parler d'église n'a de sens que si cette parole
s'enracine dans une parole de foi, une parole qui trace un chemin
au-delà de l'église. J'aime la formule qui dit que « Jésus a
annoncé le royaume, mais c'est l'église qui est venue ».
L'église n'est pas une fin en soi, nos assemblées doivent orienter
vers l'espérance qui traverse le texte biblique pour nous dire que
dans ce monde doit surgir le royaume du Père. Chrétiens nous avons
a être fidèle à demain bien plus qu'à hier.
Même
si nous nous enracinons dans l'évangile, dans une bonne nouvelle
d'il y a 2000 ans, croyants nous n'avons pas le droit d'être
nostalgiques, d'être enfermés dans la contemplation du passé, dans
le maintient d'une tradition ; au nom de tout l’Évangile, il
nous faut être porteur d'une parole de résurrection et d'espérance.
C'est vrai partout, dans l’Église comme dans le monde. Mais c'est
vrai surtout là où les crispations voudraient enfermer les paroles,
les actions et les espérances sous les verrous de la peur et de la
pensée unique.
Dans
l'église, ces crispations idéologiques sont de l'ordre du
traditionalisme ou bien de la lecture fondamentaliste des écritures.
Ce qui s'entend dans l'église se voit aussi dans le monde, alors ces
crispations sur la pensée unique sont de l'ordre du populisme et du
totalitarisme.
Depuis
l'évangile, depuis Pâques, l'ascension et pentecôte celui qui
croit n'a pas à être le gardien d'un passé, mais il doit être au
présent témoin d'une rencontre à venir, témoin d'espérance.
Croyants nous n'avons pas le droit d'être nostalgiques, d'être
enfermés dans la contemplation du passé, dans le maintient d'une
tradition ; au nom de tout l'Evangile, il nous faut être
porteur d'une parole de résurrection et d'espérance – une parole
qui témoigne encore de l'amour de Dieu, une parole qui témoigne
d'une ouverture au monde sans limite
Je
terminerai avec une citation de Martin Luther, j'ai commencé par
parler de Calvin et de l'église invisible, je termine avec Luther
comme ça vous avez vraiment une prédication luthero-réformée,
d'un pasteur de l'église unie – communion luthérienne et
réformée.
Luther
écrivait ceci dans sa préface à sa traduction au Nouveau Testament : Tel est, vois-tu, l’Évangile correctement
reconnu, c'est la bonté débordante de Dieu qu'aucun prophète,
aucun apôtre, aucun ange n'a jamais pu exprimer entièrement,
qu'aucun cœur n'a jamais pu suffisamment admirer et comprendre ;
c'est le grand feu de l'amour de Dieu pour nous, voilà ce qui rend
le cœur et la conscience joyeux, ce qui les remplit d'assurance et
les comble ; voilà ce que veut dire prêcher la foi chrétienne.
Le grand feu de
l'amour de Dieu – j'ai la conviction que nous n'avons pas le droit
d'y mettre une limite, quelque soit la manière dont brule cet amour,
comme une braise sous la cendre, comme un charbon ardent, ou comme la
flamme d'une bougie, ou celle d'un incendie ; Ce feu, quelque soit
sa taille, quelque soit sa forme, quelque soit ses flammes, ce feu
brûle sans autre condition que le jugement de Dieu, que par sa volonté.
"Sans
condition", il est parfois difficile d'entendre ces mots tant nous
vivons dans un monde de concurrence et de classement. Tant nos vies
sont enfermées dans des logiques de rentabilité et de profit. Il
faut tout réussir – réussir sa vie, réussir sa conversion,
réussir sa prédication. Demain des milliers de Lycéens devront
réussir le bac – peut-être certains membre de votre communauté
sont ils dans ces jours sous la pression de cette réussite obligée.
Si cette réussite a du sens dans le monde, si il faut bien se
battre pour construire sa vie, dans l'église, ici, à l'écoute de
la parole de Dieu, tout ça n'a aucun sens, tout ça est insensé.
Ce
que vient dire le l'évangile c'est justement que Dieu nous aime sans
condition, l'amour nous est donné au départ de nos vies et
finalement, peu importe ce que nous en faisons. La vie n'est pas un
concours qu'il nous faudrait réussir pour être justes devant Dieu,
et pour être aimé de Dieu. Comprenez bien que je ne dis pas ça
pour donner un argument aux futurs bacheliers pour arrêter leur
travail : si nous vivons dans le monde, il faut bien participer
à sa course – mais on peut participer à la course du monde tout
en sachant que là n'est pas l'essentiel devant Dieu.
Car
, dans la relation à Dieu, ce que nous dit l'évangile, ce qui
conditionne l'amour de Dieu, ce pourquoi Dieu nous aime, ce n'est pas
nous, mais c'est Lui. Nous ne sommes pas la condition à son amour,
cette condition est en Dieu seule. Dans la première lettre de Jean
c'est dit très clairement au chapitre 4 : « l'amour de
Dieu consiste en ceci : en ce que Dieu nous a aimé le
premier. » la source de l'amour n'est pas en nous, mais en
Dieu, et il nous faut accepter de le recevoir, prendre conscience que
nous en sommes héritiers. Un héritage n'est jamais la récompense
d'un effort, le résultat d'une action ou quelque chose de mérité.
Un héritage c'est ce que je reçois quand je suis dans un lien de
filiation et peu importe ce que j'en fait.
Sortir d'une logique
de jugement pour regarder l'autre quel qu'il soit comme un enfant de
Dieu, recevoir l'autre comme un frère et ne pas avoir décider de
qui l'est ou qui ne l'est pas.
La liberté des enfants de Dieu est d'abord une grande exigence, l'exigence de tenir nos portes ouvertes contre les vents du jugements et des particularismes, une exigence à l'humilité en nous plaçant au service de la Parole du Christ, maître des Écritures, qui nous appelle à aimer.
Cette liberté et cette exigence sont encore nécessaire à entendre dans l'église et pour notre monde et notre société qui évolue encore comme si Dieu n'existait plus, ou comme si il dictait ses volontés à travers les fondamentalistes de toutes religions. Notre monde et notre société ont encore besoin d'entendre une parole qui nous fasse sortir des logiques d'exclusions, de jugements, de haine, de concurrence ou de rivalité. Oui, nous avons tous besoin d'entendre une parole d'amour, bonne nouvelle pour aujourd'hui.
Je vous invite à la prière :
Père saint et juste, toi seul est saint et juste.
Tu connais nos communautés, nos églises qui sont d'abord TON Eglise,
Renouvelle en nous ton Saint Esprit, et qu'il nous maintienne en communion les uns avec les autres et avec Toi.
Dans cette communion, tu donnes à chacun de vivre la liberté des enfants de Dieu,
Par cette communion, tu traces sur le monde, le chemin de ton royaume.
Donne-nous de savoir être fidèle à ton alliance de vie et d'amour,
Et fais de nous des témoins pour l'honneur de ton nom
En ouvrant les portes de nos communautés à tous nos frères et soeurs en humanité,
Maintiens nous dans l'amour révélé pour nous, dans le Christ Jésus. Amen.
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