mardi 24 janvier 2017

L'amour du Christ nous presse... quelques réfexions sur le thème de la semaine de prière pour l'unité

Texte Biblique : 2 Corinthiens 5, 14 à 20
L'amour du Christ nous étreint, à cette pensée qu'un seul est mort pour tous et donc que tous sont morts. Et il est mort pour tous afin que les vivants ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour eux.  Aussi, désormais, ne connaissons-nous plus personne à la manière humaine. Si nous avons connu le Christ à la manière humaine, maintenant nous ne le connaissons plus ainsi. Aussi, si quelqu'un est en Christ, il est une nouvelle créature. Le monde ancien est passé, voici qu'une réalité nouvelle est là. Tout vient de Dieu, qui nous a réconciliés avec lui par le Christ et nous a confié le ministère de la réconciliation.  Car de toute façon, c'était Dieu qui en Christ réconciliait le monde avec lui-même, ne mettant pas leurs fautes au compte des hommes, et mettant en nous la parole de réconciliation. C'est au nom du Christ que nous sommes en ambassade, et par nous, c'est Dieu lui-même qui, en fait, vous adresse un appel. Au nom du Christ, nous vous en supplions, laissez-vous réconcilier avec Dieu.

Il y a dans les épîtres de Paul des passages sinon surréalistes, du moins très difficiles à comprendre. Et le passage que nous avons entendu durant la semaine de l'unité est, je crois, de ceux-là. C’est un texte laborieux, rude même, pas évident à entendre. Mais la difficulté de ce texte n’empêche pas qu’il a encore aujourd’hui quelque chose à nous dire, et qu’il faut le travailler et le reprendre pour en extraire la sève, car Paul dit ici quelque chose de ce qu’est la foi.

Il y a dans les épîtres de Paul des passages surréalistes car Paul lui-même a vécu un passage surréaliste. Il faut se souvenir que l’homme qui écrit ces lignes n’est autre que celui qui se rendant à Damas à reçu une illumination. L’auteur de ces lignes a vu sa vie changée, transformée, du tout au tout. Paul est celui qui a vu le Christ sans bien savoir comment. Il a rencontré le ressuscité sur le chemin de Damas, il a reçu une parole qui a fait sens, et il est devenu le héraut de l’évangile que jusque là il combattait, il est devenu le porteur de la bonne nouvelle que jusque là il étouffait. Il est devenu le messager du Christ crucifié et ressuscité qu’il a rencontré de manière surréaliste sur le chemin de Damas.

Cette conversion de Paul, ce changement radical qui a transformé le persécuteur de l’église en apôtre des païens, cette conversion, je crois, est une clef qui permet de comprendre ce texte. C’est à partir de cet épisode de la vie de Paul que je voudrais entendre ce texte.

En effet, Paul commence par rappeler l’amour du Christ, un amour qui se donne par la croix, la mort et résurrection la vie. Un amour qui entraîne celui qui croit à la suite du Christ. C'est-à-dire que le croyant est lui-même passé de la mort à la vie. C’est ce que j’appelai le surréalisme de Paul : en disant « je crois », l’on passe de la mort à la vie ; l’instant de prononcer un mot et l’on ressuscite.

Dire je crois, cela revient à ressusciter, à entrer dans une réalité nouvelle. C’est ce que Paul affirme très nettement au v. 17 : « Si quelqu’un est en Christ », c'est-à-dire, si quelqu’un reçoit le Christ et croit, « il est une nouvelle créature ». Et Paul poursuit : « Le monde ancien est passé, voici qu’une réalité nouvelle est là ».

Et de cette réalité nouvelle nous sommes les envoyés, les ambassadeurs qui transmettent l'appel. On entend là une réalité de l'apostolat de Paul.

Nous pouvons alors bien comprendre que cette résurrection a été vécue par Paul. Sur le chemin de Damas, quand il a reconnu le Christ, sa vie a été transformée du tout au tout. Il a abandonné le monde Juif dans lequel il avait une place et du prestige, il était quelqu’un à Jérusalem. Il est entré dans le monde Chrétien et il est devenu celui que l’on envoi au loin, en mission, il est devenu apôtre ; en un mot il est devenu un homme dont la présence à Jérusalem embarrasse.

« Le monde ancien », la « réalité nouvelle », ce ne sont donc pas que des concepts théologiques, pour Paul. C’est avant tout une expérience vécue, une expérience de laquelle il tire ses concepts théologiques et de laquelle il extrait une manière de dire l’évangile. 

 « Désormais, ne connaissons nous plus personne à la manière humaine. Si nous avons connu le Christ à la manière humaine, maintenant nous le connaissons plus ainsi. Aussi, si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature. Le monde ancien est passé, voici qu’une nouvelle réalité est là ».

Il y a dans cette manière de dire l’évangile quelque chose de mystique. Ce qui peut expliquer le surréalisme de Paul ici, c’est sa compréhension mystique de la relation à Dieu et de la relation à Christ.

« Mystique » cela désigne ce qui est caché ce qui n’est pas visible pour les gens du dehors, ce qui a trait au mystère. Et il en va bien ainsi chez Paul. La relation à Dieu et au Christ n’est pas visible extérieurement, à la limite ce qui est visible s’en sont les fruits. La relation à Dieu et au Christ est de l’ordre du mystère, de l’invisible, de ce qui ne se voit pas. 

Ainsi l’expérience sur le chemin de Damas a été pour Paul une expérience mystique. Lui seul a vu la lumière, lui seul a entendu la parole. Ses compagnons de marche n’ont rien vu ni rien entendu. Sa relation à Dieu s’est nouée là dans le secret et l’invisible, dans le mystère de la rencontre avec le ressuscité.

La nouvelle créature, la nouvelle réalité que Paul annonce sont une créature et une réalité mystiques, cachées, secrètes, atteignables uniquement par la foi. Ainsi elles marqueront les célébrations du baptême dans l’église primitive. Où l’instant du baptême symbolise la mort du vieil homme, la mort au péché, et le surgissement de l’homme nouveau, la nouvelle création, la vie nouvelle tournée vers Dieu. Ainsi – exemple entendu - le baptême par immersion symbolisera la mort par noyade au monde passé puis la sortie des eaux fera figure de résurrection. Ce lien avec le baptême s’explique car la nouvelle création, la réalité nouvelle est la marque, le trait qui vient qualifier celui ou celle qui « est en Christ ».

« Etre en Christ », nous touchons là au cœur du texte entendu durant cette semaine de l'unité. Paul multiplie cette expression : « être en Christ », « Christ en nous », « Christ en moi ». Il y a là une notion d’habitation du Christ dans les croyants et des croyants dans le Christ. Habitation réciproque. Celui qui croit reçoit le Christ en lui, et est reçu dans le Christ. Habitation mystique, secrète, intime de tout croyant en Christ et de Christ en tout croyant.  Il s’agit par elle, par cette habitation, de dire le lien entre le Christ ressuscité et celui qui croit.
« Si quelqu’un est en Christ il est une nouvelle créature.
Le monde ancien est passé, voici qu’une réalité nouvelle est là ». 

Texte difficile que cet extrait de la deuxième épître aux Corinthiens, mais texte ô combien fondamental car Paul dit ici quelque chose de ce qu’est la foi. Malgré le vocabulaire difficile à saisir, malgré les tournures de phrases, et surtout malgré cet élan mystique, Paul parle de manière fondamentale de la condition chrétienne, et  j’en retiens finalement deux éléments.

Le premier élément concerne la résurrection. Tout dans ce texte est question de résurrection. Non pas de la résurrection de Jésus comme événement historique qui aurait surgit il y a deux millénaires ans, mais de la résurrection du Christ comme événement programmatique de la résurrection des chrétiens. Si la conversion, la confession de foi a souvent été dite comme un « nouvelle naissance », c’est qu’il nous faut vivre la résurrection, « être en Christ ». Il en va par cette résurrection de reconnaître notre Dieu par ce que l’on peut appeler une inversion de la connaissance. Le Dieu qui se révèle à la croix ne prend pas seulement un visage impossible pour Dieu, celui de la mort d’un homme ; mais il vient inverser toutes nos catégories.

Ainsi le théologien Bonhoeffer écrivait que la connaissance de la nouvelle créature affirme que :
 « les grandes choses sont petites, et que les petites sont grandes, que ce qui est exact est faux, et que ce qui est faux est exact, que ce qui est désespéré est riche de promesses, et que ce qui est plein d’espoir est contesté. Elle affirme que la croix signifie victoire, et la mort vie » (Si je n'ai pas l'amour, p. 262)

Dès lors, et c’est le second élément, le discours de foi semblera sans doute toujours un discours surréaliste pour celui qui écoute depuis le dehors. Oui, dire « Christ est vivant » semblera toujours quelque chose d'anachronique pour celui ou celle qui veut comprendre avec l’attitude du sociologue ou de l’ethnologue. En un mot « Christ est vivant » cela ne se comprend pas, cela se vit.

Il faut vivre la foi selon laquelle les grandes choses sont petites, les choses désespérées sont pleines de promesse. Vivre la tension d’une vie souvent terne ou monotone et pourtant belle aux yeux de Dieu.

Le défi pour l’église restant d’annoncer une parole porteuse de sens et pourtant inaudible pour celui qui veut la comprendre tant qu'il ne l'aura pas reçu dans sa vie ; une parole à vivre bien plus qu’à entendre, une parole de vie qui devient bénédiction en s'incarnant : oui, « l’amour du Christ nous étreint ».  Le défi pour l'église est d'annoncer et d'entendre cette parole pour elle-même, prier pour l'unité nous rappelle que l'exigence de réconciliation est encore d'actualité. Nous avons à incarner ensemble l'unité du corps du Christ. 

Ma dernière réflexion autour de ce texte portera alors sur le dynamisme qu'il recelle. Car le défi est là de crois pour donner un mouvement à la vie chrétienne. "Tout vient de Dieu", ce que Dieu donne n'est pas un don posé pour être, mais un mouvement, une venue, quelque  chose qui nous entraine à sa suite, dans son dynamisme. Nous sommes en ambassade, en mouvement, en déplacement. 

Ainsi André Gounelle écrivait cette belle définition de la foi, toute en balancement : 
« La foi nous rassure et nous surprend ; elle nous implante et nous transporte, elle nous fait sortir de nous-mêmes pour retrouver la vérité profonde inscrite en nous ».

Pour dire ce dynamisme, cette image de l'apôtre envoyé, qui bouge, de la foi qui envoie et mobilise, l’apôtre Paul  utilisera l’image de l’ambassadeur : Être mis en mouvement dans la confiance pour témoigner d'une Parole qui nous envoie, l'amour du Christ nous étreint, et nous emporte dans le dynamisme de la réconciliation. Alors le défi de l'unité chrétienne, le défi d'incarner ensemble l'unique église de Christ, se vit en confiance, non pas une semaine par an, mais au quotidien de la foi.

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