dimanche 3 avril 2016

Prédication sur le commandement d'amour - Romains 13, 8 à 14

Texte Biblique : Romains 13, 8 à 14

Prédication apportée à l'Eglise évangélique libre de Béziers ce dimanche 3 avril :
8Ne devez rien à personne, si ce n'est de vous aimer les uns les autres ; car celui qui aime l'autre a accompli la loi. 9En effet, les commandements : Tu ne commettras pas d'adultère, tu ne commettras pas de meurtre, tu ne commettras pas de vol, tu ne désireras pas, et tout autre commandement se résument dans cette parole : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. 10L'amour ne fait pas de mal au prochain : l'amour est donc l'accomplissement de la loi.
11D'autant que vous savez en quel temps nous sommes : c'est bien l'heure de vous réveiller du sommeil, car maintenant le salut est plus proche de nous que lorsque nous sommes venus à la foi. 12La nuit est avancée, le jour s'est approché. Rejetons donc les œuvres des ténèbres et revêtons les armes de la lumière. 13Comportons-nous convenablement, comme en plein jour, sans orgies ni beuveries, sans luxure ni débauche, sans dispute ni passion jalouse. 14Mais revêtez le Seigneur Jésus-Christ, et ne vous préoccupez pas de la chair pour en satisfaire les désirs. 

Quand Gil m'a invité à prêcher, et je l'en remercie, je suis très heureux de partager avec vous ce temps, quand Gil m'a invité à prêcher sur « les uns les autres » je lui ai proposé de retenir ce texte de la lettre aux Romains. Dans ce texte l’apôtre Paul invite les chrétiens de l’église de Rome à l’amour. Rien de très exceptionnel ici. Vous connaissez, nous connaissons tous, ces refrains d’amour qui reviennent dans le premier et dans le deuxième testament.

« Aimez vous les uns les autres comme je vous ai aimé », « on vous reconnaîtra à l’amour que vous avez les uns pour les autres », « Dieu a tellement aimé le monde », etc… Nous pourrions tous multiplier les références et les citations - oui le christianisme est fondé sur l’amour – l'amour manifesté en Jésus Christ. Mais une fois que l'on a dit ça – on a dit quoi ?

Il n'y a rien d’exceptionnel donc que ce texte de Paul qui rappel les commandements d’amour. Mais je crois que ce texte permet une manière de comprendre ce que nous disons quand on dit que le Christianisme est une religion d'amour. Il y a dans le texte de Paul un mot, un petit mot qui donne un éclairage particulier. Un petit mot qui intervient dès le premier verset de ce texte : « N’ayez aucune dette envers qui que ce soit, sinon celle de vous aimer les uns les autres ». Que vient faire ici ce petit mot « dette » ?

Etre en dette vis à vis de quelqu’un c’est en être le débiteur, devoir quelque chose à cette personne. Or pour qu’il y ait dette il faut qu’il y ait eu don ou qu’il y ait eu prêt. Toute personne endettée a forcément reçu ce dont elle est endettée. C’est le propre de l’économie. La dette est le pendant du don.

 Aussi quand Paul écrit « N’ayez aucune dette envers qui que ce soit, sinon celle de vous aimer les uns les autres », par là il insert l’amour dans une économie. Ou mieux, il fait de l’amour une économie. Et ce n'est pas pour rien que ces versets sur l'amour viennent juste après d'autres sur le paiement de l’impôt.

Ça peut surprendre, mais je crois que ce vocabulaire, cette manière de parler, cette compréhension de l’amour peut être pertinent pour aujourd’hui. Car le décalage entre la façon de parler de Paul qui fait de l’amour une économie, un échange, une dette et ce que nous entendons aujourd’hui, ce décalage est porteur de sens. Pour le dire de manière abrupte : l'amour chrétien n'est pas un sentiment romantique.

Oui ce décalage permet de réaliser que l’amour, l’amour dont je parle ici dans ce temple ou dans un autre, cet amour que l’on chante dans nos cantiques, l’amour dont il est question dans nos prières et notre relation à Dieu, ce n’est peut-être pas la même chose qu’ailleurs, ce que le monde appelle l'amour.

Je m’explique, l’amour ici dans ce temple, ce n’est pas ce que l’on perçoit lorsqu’on allume la radio et que l’on entend la voix plus hurlante que chantante de quelques canadiennes, françaises ou italiennes, empoummonées qui concourent à chanter les mots je t’aime avec le volume le plus élevé et dans la durée la plus longue. Je n'émets pas de jugement esthétique, on peut être chrétien et être fan de Céline Dion ou Lara Fabian...

Le texte de Paul avec ce mot de « dette » vient rappeler qu’ici, dans ce temple, à la suite de cette lecture, l’amour n’est pas ce que l’on peut voir non plus à la télévision avec ses couples enamourés à la vie rocambolesque entre déchirements et passions qui font le quotidien de ce petit écran.

Parler de l’amour dans le registre de la dette, dans le registre de l’économie, c’est rappeler que l’amour est avant tout, et avant d'être un sentiment, l'amour est un commandement. Paul écrit dans le texte que nous avons entendu : l’amour est « le plein accomplissement de la loi ». S'aimer les uns les autres est une obligation, une loi, un commandement, une dette.

Pour faire un petit détour dans l’évangile selon Jean, Jésus au chap. 13 de l’évangile selon Jean donne ce commandement en parlant d’un « commandement nouveau » – cela peut en effet surprendre le lecteur attentif des écritures car déjà dans l'ancien testament il y a des exhortations à l'amour, déjà il y a un commandement d'amour. L'amour n'est pas une chose nouvelle apportée par le nouveau testament et que l'ancien ne connaîtrait pas.

Par contre, il y a bien quelque chose de nouveau dans ce commandement : la nouveauté, clairement la nouveauté c'est le fondement de l'amour en Christ. Ainsi dans l'évangile selon Jean au chap. 13, v.. 34, Jésus dit à ses disciples : « Aimez vous les uns les autres comme je vous ai aimé », la nouveauté du commandement n'est pas dans le aimez vous les autres, mais la nouveauté du commandement est dans le « comme je vous ai aimé »

Avec ce « comme je vous aimé ». Nous avons un exemple d'amour. Que dis-je un exemple, nous avons la révélation de l'amour, un amour fondé en Dieu. Un amour qui trouvera son expression dans la première lettre de Jean : « Cest en ceci que l'amour de Dieu s'est manifesté parmi nous :
Dieu a envoyé son Fils dans le monde pour que nous vivions par lui.
Et cet amour, ce n'est pas que nous, nous ayons aimé Dieu, mais que lui nous a aimé et qu'il a envoyé son fils comme le pardon de notre péché.   »

Ce petit détour par l'évangile selon Jean et par la première lettre de Jean nous permet de toucher une définition de l'amour. Or dans cette définition pour la première lettre de Jean il y a son origine en Dieu, comme dans l'évangile selon Jean, le commandement d'amour se base dans le mouvement du Christ vers notre humanité.Vous comprenez que la définition chrétienne de l'amour ne peut pas être la même que celle du monde car elle est liée à Dieu lui-même.

Pour un chrétien, aimer, ce n’est pas faire du bon sentiment, ce n'est pas même « être charitable », non ; aimer c’est s’inscrire dans une économie et se soumettre à une loi. Cette économie ou cette loi ce sont ce que Jésus a porté au cœur du monde – une révélation particulière. Economie, loi, révélation particulière : autant d’expressions qui peuvent se retrouver dans l’expression « vivre ensemble ».

Ainsi quand la Bible dit « aimez vous les uns les autres », le pluriel est de mise, et les uns sont aussi audible que les autres.

« Les uns les autres » on entend les deux. Alors que quand les chanteuses à la mode de mon exemple de tout à l’heure, quand ces chanteuses hurlent « je t’aime », seul le je est audible et le  « t’ » efface l’autre ou du moins le place au second plan.

Il me semble que c’est la grande différence entre l’amour dans la Bible et l’amour tel qu’il s’entend aujourd’hui. Dans la Bible, l’amour s'enracine en Dieu et il ne peut se vivre qu’au pluriel, il doit se vivre au pluriel. Les uns et les autres y ont leur place. Il n’est pas la satisfaction du désir d’une personne unique. Mais il fait de la place autant aux uns qu’aux autres car il reconnaît comme fondement la parole de Dieu.

L’amour doit être un vivre ensemble, il se fait loi pour réglementer les rapports entre les uns et les autres. L’amour est économie dans laquelle on donne d'autant que l’on est endetté, mais sans pouvoir jamais effacer la dette.

Alors, depuis tout à l'heure je parle d'économie. Il faut peut-être que je m'en explique. Le mot économie, en grec ça veut dire oikos – maison – nomos – loi, règle : l'économie c'est la loi de la maison, la règle de la maison. Aussi c'est pas peut dire que l'amour est une économie. C'est rappeler à la suite de Paul que l'amour est la règle du vivre ensemble, le commandement de la maison chrétienne, de la maison qui se fonde sur l'amour du Christ. Aimer c'est une manière de vivre plus qu'un sentiment romantique.

On peut aussi, se souvenir que contrairement à l'idéologie dominante de notre aujourd'hui l'économie ce n'est pas une question d'argent, une question de chiffre, une question de croissance, de Produit Intérieur Brut ou de je ne sais quel indice économique. Avant d'être une question mathématique et une question de profits, l'économie est une question de vivre ensemble dans le même lieu, la loi de la maison. Un économiste avant d'être un spécialiste des finances, devrait être un expert du vivre avec les uns et les autres.

C'est vrai pour le système, pour le monde, et c'est vrai pour chacune de nos vies – Il suffit de prendre l'expression « faire des économies », on dois tout, ou on a tous du un jour, « faire des économies ». Or, que fait-on quand on fait des économies ? Est-ce qu'on aime plus notre prochain ou est-ce qu'on met des sous de côtés ? Dans la logique de Paul, faire des économies revient à aimer de plus en plus au nom de Jésus- christ.

Si je m'arrête sur cette notion d'économie c'est parce que je crois qu'elle nous permet de réaliser que nous ne vivons plus à la même époque que Jésus, à la même époque que Paul. Nous ne lisons plus le monde de la même manière. Notre manière de concevoir l'économie a changé et avec ce changement on peut voir la modification de toute notre mentalité, notre manière de voir le monde, notre manière d'être en relation les uns avec les autres.

Je le disais quand dans le texte de la lettre aux Romains Paul écrit « aimez vous les uns les autres », on entend autant « les uns » que « les autres ». Personne ne s'efface, et celui qui aime n'efface pas celui qui est aimé. Il y a quelque chose qui se trace d'un vivre ensemble, d'un vivre avec, voire d'un donner à vivre en liberté.

Accepter d’entrer dans cette économie-là, se soumettre à la loi de la maison chrétienne, entendre l'appel au vivre ensemble qu'a annoncé le Christ, ainsi, Paul appelle cela « revêtir le Seigneur Jésus Christ ». Derrière on peut avoir l'image du baptême dans les premières églises durant lesquels, le baptisé sortais revêtu de blanc. Revêtir le Christ, c'est ce que Paul dans sa lettre aux Galates annonçait déjà en parlant de loi du Christ ;en Galates 6. 2 par exemple : Portez les fardeaux les uns des autres, et vous accomplirez ainsi la loi du Christ.

Accomplir la loi du Christ, Revêtir le Christ, aussi pour aller un peu plus loin, parler de l’économie de l’amour, de la loi ou du vivre ensemble, c’est pour Paul s’inscrire dans un rapport à Dieu, dans une réponse à l’amour de Dieu. L'économie chrétienne c'est aussi choisir de vivre sous les regards de Dieu. Ce choix se fait de manière individuelle, personnelle et de manière collective, en communauté.

De manière individuelle, choisir cette économie, - revêtir le Christ, accomplir sa loi -, ce vivre ensemble, ce rapport à Dieu se fait en laissant de côté ce que Paul appelle « les préoccupations de la chair ». Et la liste qu’il donne pour qualifier ces « préoccupations de la chair » est éloquente : ripailles, beuveries, coucheries, débauches, querelles, jalousies ». Tout ça, c’est encore une toute autre économie, une toute autre loi et un tout autre vivre-ensemble. C’est là loi de la satisfaction du désir, la satisfaction du désir dans laquelle l'autre ne m'intéresse que si il m'est utile pour moi.

C’est cette loi de la satisfaction du désir que Paul combat quand il exhorte à revêtir le christ. Comprenons nous bien. Il faut peut être s'y arrêter un peu. Si Paul combat ce qu’il appelle les préoccupations de la chair, ce n’est pas au nom de la morale ; au nom d'un bien ou d'un mal que quelqu'un aurait défini un jour. Mais c’est au nom de l’évangile : revêtir Christ.

L’évangile n’a rien à voir avec la morale, qu'elle soit bourgeoise ou bien pensante. Cette morale avec laquelle il est des choses qui se font et d'autres ne se font pas, cette morale qui voudrait que celles qui se font doivent être fait de manière juste.

Pour Paul les choses sont claires, et nous l'oublions souvent, l’essentiel de la vie du Chrétien n’est pas dans son comportement, dans sa manière de vivre, dans ses actions. A bien lire Paul, je crois que le chrétien n’a plus à se préoccuper de comment il vit. Le sens de sa vie lui est donné du dehors : en dehors de sa vie elle-même, en dehors de son comportement, en dehors de ce qu’il peut faire ou ne pas faire, en dehors de sa morale. Pour Paul, et c'est là son évangile, sa manière de dire l'évangile : Il n’y a qu’à revêtir Christ, accepter que le sens de notre vie n’est pas en nous mais en Christ – la loi est celle du Christ, celle qu'il a accomplit lui, et dont il nous a libéré pour ne pas avoir à nous y épuiser.

Le sens de notre vie n’est pas en nous mais en Christ, aussi nous n’avons pas à nous épuiser en construisant ce sens ou à nous égarer en le cherchant. Il nous est donné. Il nous est donné et nous n’avons qu’à l’accepter – accepter le don, revêtir Christ – réaliser que nous sommes endettés, mais endettés d'une dette que nous ne pouvons pas rendre. Accomplir la loi du Christ ou revêtir le Christ ce n'est pas un donnant donnant, un petit marchandage ou alors nous annulons la grâce et nous sombrons dans une logique de salut par les œuvres.

La dette dit la grâce. Accepter le don, revêtir Christ, c’est là la première dette qui nous entraîne dans l’économie de l’amour, le chrétien se sait aimé gratuitement. J'aime la phrase qui dit que « Dieu nous aime non pas parce que nous sommes justes, mais parce qu'il est Dieu »

Dieu nous aime non pas parce que nous sommes justes, parce que nous sommes de bons croyants, parce que nous faisons les choses comme Il veut qu'elles se fassent. Mais Dieu nous aime en premier, sans condition, parce qu'il est Dieu, et qu'en lui l'amour est un don premier.

Dette que l'on ne peut rembourser – mais dette libératrice aussi. A partir de cette dette nous sommes tous entraînés dans le vivre ensemble, à vivre sous la loi de la maison du Christ, dans l’économie avec Dieu – sans pouvoir nous prendre pour des superman de la foi ou des super-héro de l'évangile.

La vie chrétienne se vit – humblement, simplement - à partir de cette dette : nous sommes aimés de Dieu et nous n'avons pas les moyens de l'aimer autant qu'il nous aime – il ne faudrait pas rêver. Aussi à partir de cette dette il faudrait peut-être même parler d'une certaine décroissance : décroître pour accepter de voir le Christ grandir. Jean le baptiste au début de l'évangile selon Jean ne disait-il pas, en parlant de Jésus « il faut que lui croisse et que moi je diminue » ? (Jn. 3, 30)Cette parole n'est-elle pas vrai pour tout croyant ? ne pas vouloir aimer par ses propres moyens, mais laisser Dieu aimer les uns les autres à travers soi.

« N’ayez aucune dette envers qui que ce soit, sinon celle de vous aimer les uns les autres ». Cette phrase qui peut résonner pour chacune de nos vies individuelles, mais cette phrase peut aussi être le programme d’une vie d’église, d’une vie collective. Je le disais, tout à l’heure, cette économie de l’amour, ou ce vivre ensemble, c’est pour Paul s’inscrire dans un rapport à Dieu, dans une réponse à l’amour de Dieu.
Choisir de vivre sous les regards de Dieu est aussi un programme collectif, cela peut être un projet d’église et même un projet d'églises au pluriel : les unes les autres.

Projet d’église où l’économie de l’amour, la dette imposée par l’amour de Dieu se vit ensemble. Elle se vit dans les rencontres et dans les occasions comme dans les petits riens. Vie d’église, où nous vivons ensemble la croissance dans l’amour sans résister à l’amour de Dieu. Aucune autre dette entre nous que cet amour à faire croître, car personne ici n’a rien à prouver aux autres.

Revêtir Christ ça veut dire accepter de vivre sous les regards de Dieu à l’abri des jugements des uns et des autres.
Vivre ensemble la même dette, en église, entre nos églises, vivre ensemble la même économie d'amour et partager la même décroissance en Christ.
Que Dieu nous soit en aide, et au Christ seul soit la gloire.

Je vous invite à la prière

Dieu, éternel et père,
En nous donnant le Christ-Jésus
Tu traces pour nous les chemins de l'amou.
Avec lui tu nous as comblé de bien, tu nous as tout donné.
Nous ne pouvons que reconnaître devant toi notre endettement :
Nous te devons tout.

Alors dans ce creux de nos vies, jaillit la louange !
 
Merci, reconnaissance, joie :
pour l'amour, pour la confiance et la paix, souvent présents au bords de nos chemins de vie, quelque soit les obstacles et les embûches
Merci, reconnaissance, joie :
pour les frères et les sœurs que tu nous permets de rencontrer, dans une relation vivante, quelque soit les différence et les confrontations.
Merci, reconnaissance, joie :
pour ton évangile, pour ta parole qui nous invite à avancer sur les chemins de ton royaume, fidèles à demain avec Toi, quelque soit les peurs et les risques.

Oui, Père, maintiens en nous ta louange, et par elle, maintiens nous dans l'espérance
Notre monde, nos contemporains, notre ville de Béziers en ont tant et tant besoin.
Renouvelle le courage de croire et notre témoignage.
Pour la seule gloire du Christ - Amen.

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