Ce week-end qui vient, l'Ascension
2016, nous allons en famille à Devesset, en Ardèche, assister au
Cercle des Responsables des Associations de Caulmont.
Caulmont est
une communauté chrétienne œcuménique – le lien vers son site
Internet est sur la colonne de gauche depuis quelques temps. C'est
le moment d'en dire un peu plus.
Quand il s'agit de penser la pertinence
d'une vie communautaire, il me faudrait citer ici tout Bonhoeffer.
C'est pour moi la référence première. Plus simplement, Laurent Schlumberger
dans son ouverture au colloque « protestantisme et vie monastique »
faisait de la vie communautaire un laboratoire pour l’Église et
pour le monde :
«Un laboratoire pour l’Église. Les communautés monastiques sont des paraboles d'amour fraternel données à l’Église. (...) les communautés monastiques sont offertes aux chrétiens et aux communautés paroissiales comme une sorte d'appel, longtemps inouï et soudain d'une justesse qui touche au cœur. Un appel qui signifie en somme : et toi, avec celles et ceux qui te sont donnés, là où tu es, comment laisses-tu l’Évangile de l'amour de Dieu saisir toute ta vie ? Les communautés de vie monastique sont sans doute aussi un laboratoire pour le monde. Car elles labourent et explorent des formes de socialisation, de solidarité et d'institution dans un monde qui ne sait plus très bien comment conjuguer la transmission et l'autonomie, l'institution et l'émancipation » (p. 11)
Je trouve cette image du laboratoire
pertinente en ce qu'elle met en place une notion d'expérience ; elle
me gênerait si elle conduisait à une vision de confinement, de mise
à part, ou de « clôture » qui, si elle peut exister dans
certaines expériences communautaires, n'est pas présente à
Caulmont. Faire communauté n'est pas une volonté de mise à l'écart
mais bien vivre dans un lieu d'expériences. Ce lieu d'expérience ne
vient pas en concurrence avec les Église locales mais en différence.
Dans les actes du même Colloque, résonne particulièrement la
contribution d'Olivier Abel qui fait du monastère « un lieu
d'invention du monde » :
« Il s'agit de refaire un monde, un monde véritable, en marge du monde des mondanités, des empires des richesse, des vanités. Il s'agit de refaire un théâtre de la gloire de Dieu, un micro- monde alternatif mais où Dieu puisse habiter » (p. 172)
Cette démarche est, je le crois,
aujourd'hui pertinente pour l’Église car elle l'est pour le monde
: y compris dans le champ laïc – la création d'éco-villages soit
des communautés de vie et de production est en renouveau, sur un
mode différent de celui de la fin des années 60 pour envisager de «
vivre autrement » avec des solutions qui ne sont pas celles d'un «
développement durable » offert par le capitalisme, mais celles
d'une « décroissance pour vivre mieux ».
Par son style liturgique, par son
fonctionnement, Caulmont propose de concilier l'appartenance
communautaire à une très grande liberté. La comparaison avec
nombre de communautés – même très ouvertes – est sans appel.
Toutes structurent le lien d'appartenance à travers une discipline,
règle, constitution... etc. à Caulmont il n'y a qu'un texte
fondateur à partir duquel l'expérience est menée en toute liberté.
Cette liberté est aussi un positionnement libéral et ouvert – ce
qui transparaît notamment dans « Nouvelles »
Par cette liberté, Caulmont comme lieu
d'accueil a je crois aujourd'hui une pertinence très forte : « Ni
église locale, ni paroisse » : la communauté permet de vivre le
lien ecclésial d'une manière très ouverte et donc très
féconde par rapport aux formes traditionnelles de fréquentation
d'église. Une conviction : nos contemporains ont besoin de ce genre de lieu comme
porte ouverte sur l'église
– c'est clairement un lieu d’Églises
au pluriel
– Par son ouverture œcuménique :
Caulmont est un lieu offrant la possibilité d'une foi chrétienne
ouverte sans étiquette. Lieu d’Églises : Caulmont répond ainsi à
un besoin de nos Églises à trou- ver ce genre de lieu de
rencontre.
– Un lieu de résistance : La vie
communautaire est, de fait, un acte de résistance à notre monde aux
individualités exacerbées, et notre monde a besoin de ce genre de
lieux de respiration, des lieux témoins qu'une autre vie est
possible
« Vivre au cœur de l’Évangile, dans la communion fraternelle, le défi de la prière, le risque de l'accueil, le pari de l'unité et l'urgence du partage... »
Pour faire un pas de plus dans la
réflexion, il me semble que l'on peut aussi penser la vie
communautaire comme « fresh expression » ou la question de
l'émergence : L'institution ecclésiale est aujourd'hui en crise, et
ce quelle que soit l'étiquette confessionnelle qu'on lui porte. Si
je prends le cas de Béziers dans laquelle je me situe, toute la
famille chrétienne est touchée : la crise de vocation par le manque
de prêtre, la crise de la fréquentation par la fermeture d'une
église évangélique, la crise financière qui réduit les capacités
dans l'église protestante unie. Nous connais- sons, je crois, une
époque qui impose la nécessité à repenser l’Église et à
repenser leur fonctionnement autrement. La vie communautaire peut
alors s'inscrire en continuité à ce que peut écrire Gabriel Monet
dans l’Église émergente quand il parle de l’Église
incarnationelle :
« Penser l’Église comme incarnationnelle implique donc d'assumer une forme de présence au monde nourrie par le Christ. Si cette présence est transculturelle, contextuelle, contre-culturelle et interculturelle, à l'image de ce qu'a été la vie de Jésus, l’Église trouvera sur son chemin résis- tance et critique. Mais qu'importe, (…) L’Église émergente en postchrétienté n'a donc pas à avoir peur de sa décroissance ou de sa précarité, parce que si elle est véritablement l’Église du Christ, il n'y a pas de doute que celui-ci fera en sorte que l’Évangile continue son chemin, malgré l’Église et à travers elle».
Et clin d’œil à la vie
communautaire, Monet poursuit en écrivant :
« Comme le dit si bien la règle de Reuilly écrite par Sœur Myriam : « il nous faut non seulement aimer l’Évangile, contempler l’Évangile, apprendre l’Évangile, vivre l’Évangile, souffrir l’Évangile, mais encore, avec notre chair et notre sang, continuer l’Évangile »
Penser l’Église comme émergente,
donne alors à la vie communautaire en général, et à Caulmont en
particulier, un autre sens : lieu d’Églises, lieu de rencontres et
lieu de témoignage – Caulmont offre les possibilités de vivre un
lien à l’Église autrement. Participant à cette conversation
émergente ou à ce mouvement de « fresh expression », dans lequel
les communautés ont une place toute particulière avec l'émergence
d'un nouveau monachisme (à ce sujet : New monastiscism as fresh
expression of church, Canterbury press 2010).
Ainsi, Caulmont est un lieu d’Églises
pour être témoin aujourd'hui dans l'expression œcuménique, sans doute à la
marge de nos institutions. Mais être à la marge ce n'est pas
être dehors, c'est être au lieu où les rencontres sont possibles
et où la vie surgit au plus fort.
Ce texte n'est qu'un commencement...
Un deuxième article sur cette
communauté viendra après ce week-end de l'ascension...
La marge est le lieu où se fait la correction des fautes (j'aime mieux dire "erreurs")dans le monde scolaire. Qu'elle soit le lieu où l'église se corrige de tous ses égarements !
RépondreSupprimerLongue vie à Caulmont et merci, Benoît, pour ce bel engagement.
Sylvie Q.