mardi 24 janvier 2017

L'amour du Christ nous presse... quelques réfexions sur le thème de la semaine de prière pour l'unité

Texte Biblique : 2 Corinthiens 5, 14 à 20
L'amour du Christ nous étreint, à cette pensée qu'un seul est mort pour tous et donc que tous sont morts. Et il est mort pour tous afin que les vivants ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour eux.  Aussi, désormais, ne connaissons-nous plus personne à la manière humaine. Si nous avons connu le Christ à la manière humaine, maintenant nous ne le connaissons plus ainsi. Aussi, si quelqu'un est en Christ, il est une nouvelle créature. Le monde ancien est passé, voici qu'une réalité nouvelle est là. Tout vient de Dieu, qui nous a réconciliés avec lui par le Christ et nous a confié le ministère de la réconciliation.  Car de toute façon, c'était Dieu qui en Christ réconciliait le monde avec lui-même, ne mettant pas leurs fautes au compte des hommes, et mettant en nous la parole de réconciliation. C'est au nom du Christ que nous sommes en ambassade, et par nous, c'est Dieu lui-même qui, en fait, vous adresse un appel. Au nom du Christ, nous vous en supplions, laissez-vous réconcilier avec Dieu.

Il y a dans les épîtres de Paul des passages sinon surréalistes, du moins très difficiles à comprendre. Et le passage que nous avons entendu durant la semaine de l'unité est, je crois, de ceux-là. C’est un texte laborieux, rude même, pas évident à entendre. Mais la difficulté de ce texte n’empêche pas qu’il a encore aujourd’hui quelque chose à nous dire, et qu’il faut le travailler et le reprendre pour en extraire la sève, car Paul dit ici quelque chose de ce qu’est la foi.

Il y a dans les épîtres de Paul des passages surréalistes car Paul lui-même a vécu un passage surréaliste. Il faut se souvenir que l’homme qui écrit ces lignes n’est autre que celui qui se rendant à Damas à reçu une illumination. L’auteur de ces lignes a vu sa vie changée, transformée, du tout au tout. Paul est celui qui a vu le Christ sans bien savoir comment. Il a rencontré le ressuscité sur le chemin de Damas, il a reçu une parole qui a fait sens, et il est devenu le héraut de l’évangile que jusque là il combattait, il est devenu le porteur de la bonne nouvelle que jusque là il étouffait. Il est devenu le messager du Christ crucifié et ressuscité qu’il a rencontré de manière surréaliste sur le chemin de Damas.

Cette conversion de Paul, ce changement radical qui a transformé le persécuteur de l’église en apôtre des païens, cette conversion, je crois, est une clef qui permet de comprendre ce texte. C’est à partir de cet épisode de la vie de Paul que je voudrais entendre ce texte.

En effet, Paul commence par rappeler l’amour du Christ, un amour qui se donne par la croix, la mort et résurrection la vie. Un amour qui entraîne celui qui croit à la suite du Christ. C'est-à-dire que le croyant est lui-même passé de la mort à la vie. C’est ce que j’appelai le surréalisme de Paul : en disant « je crois », l’on passe de la mort à la vie ; l’instant de prononcer un mot et l’on ressuscite.

Dire je crois, cela revient à ressusciter, à entrer dans une réalité nouvelle. C’est ce que Paul affirme très nettement au v. 17 : « Si quelqu’un est en Christ », c'est-à-dire, si quelqu’un reçoit le Christ et croit, « il est une nouvelle créature ». Et Paul poursuit : « Le monde ancien est passé, voici qu’une réalité nouvelle est là ».

Et de cette réalité nouvelle nous sommes les envoyés, les ambassadeurs qui transmettent l'appel. On entend là une réalité de l'apostolat de Paul.

Nous pouvons alors bien comprendre que cette résurrection a été vécue par Paul. Sur le chemin de Damas, quand il a reconnu le Christ, sa vie a été transformée du tout au tout. Il a abandonné le monde Juif dans lequel il avait une place et du prestige, il était quelqu’un à Jérusalem. Il est entré dans le monde Chrétien et il est devenu celui que l’on envoi au loin, en mission, il est devenu apôtre ; en un mot il est devenu un homme dont la présence à Jérusalem embarrasse.

« Le monde ancien », la « réalité nouvelle », ce ne sont donc pas que des concepts théologiques, pour Paul. C’est avant tout une expérience vécue, une expérience de laquelle il tire ses concepts théologiques et de laquelle il extrait une manière de dire l’évangile. 

 « Désormais, ne connaissons nous plus personne à la manière humaine. Si nous avons connu le Christ à la manière humaine, maintenant nous le connaissons plus ainsi. Aussi, si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature. Le monde ancien est passé, voici qu’une nouvelle réalité est là ».

Il y a dans cette manière de dire l’évangile quelque chose de mystique. Ce qui peut expliquer le surréalisme de Paul ici, c’est sa compréhension mystique de la relation à Dieu et de la relation à Christ.

« Mystique » cela désigne ce qui est caché ce qui n’est pas visible pour les gens du dehors, ce qui a trait au mystère. Et il en va bien ainsi chez Paul. La relation à Dieu et au Christ n’est pas visible extérieurement, à la limite ce qui est visible s’en sont les fruits. La relation à Dieu et au Christ est de l’ordre du mystère, de l’invisible, de ce qui ne se voit pas. 

Ainsi l’expérience sur le chemin de Damas a été pour Paul une expérience mystique. Lui seul a vu la lumière, lui seul a entendu la parole. Ses compagnons de marche n’ont rien vu ni rien entendu. Sa relation à Dieu s’est nouée là dans le secret et l’invisible, dans le mystère de la rencontre avec le ressuscité.

La nouvelle créature, la nouvelle réalité que Paul annonce sont une créature et une réalité mystiques, cachées, secrètes, atteignables uniquement par la foi. Ainsi elles marqueront les célébrations du baptême dans l’église primitive. Où l’instant du baptême symbolise la mort du vieil homme, la mort au péché, et le surgissement de l’homme nouveau, la nouvelle création, la vie nouvelle tournée vers Dieu. Ainsi – exemple entendu - le baptême par immersion symbolisera la mort par noyade au monde passé puis la sortie des eaux fera figure de résurrection. Ce lien avec le baptême s’explique car la nouvelle création, la réalité nouvelle est la marque, le trait qui vient qualifier celui ou celle qui « est en Christ ».

« Etre en Christ », nous touchons là au cœur du texte entendu durant cette semaine de l'unité. Paul multiplie cette expression : « être en Christ », « Christ en nous », « Christ en moi ». Il y a là une notion d’habitation du Christ dans les croyants et des croyants dans le Christ. Habitation réciproque. Celui qui croit reçoit le Christ en lui, et est reçu dans le Christ. Habitation mystique, secrète, intime de tout croyant en Christ et de Christ en tout croyant.  Il s’agit par elle, par cette habitation, de dire le lien entre le Christ ressuscité et celui qui croit.
« Si quelqu’un est en Christ il est une nouvelle créature.
Le monde ancien est passé, voici qu’une réalité nouvelle est là ». 

Texte difficile que cet extrait de la deuxième épître aux Corinthiens, mais texte ô combien fondamental car Paul dit ici quelque chose de ce qu’est la foi. Malgré le vocabulaire difficile à saisir, malgré les tournures de phrases, et surtout malgré cet élan mystique, Paul parle de manière fondamentale de la condition chrétienne, et  j’en retiens finalement deux éléments.

Le premier élément concerne la résurrection. Tout dans ce texte est question de résurrection. Non pas de la résurrection de Jésus comme événement historique qui aurait surgit il y a deux millénaires ans, mais de la résurrection du Christ comme événement programmatique de la résurrection des chrétiens. Si la conversion, la confession de foi a souvent été dite comme un « nouvelle naissance », c’est qu’il nous faut vivre la résurrection, « être en Christ ». Il en va par cette résurrection de reconnaître notre Dieu par ce que l’on peut appeler une inversion de la connaissance. Le Dieu qui se révèle à la croix ne prend pas seulement un visage impossible pour Dieu, celui de la mort d’un homme ; mais il vient inverser toutes nos catégories.

Ainsi le théologien Bonhoeffer écrivait que la connaissance de la nouvelle créature affirme que :
 « les grandes choses sont petites, et que les petites sont grandes, que ce qui est exact est faux, et que ce qui est faux est exact, que ce qui est désespéré est riche de promesses, et que ce qui est plein d’espoir est contesté. Elle affirme que la croix signifie victoire, et la mort vie » (Si je n'ai pas l'amour, p. 262)

Dès lors, et c’est le second élément, le discours de foi semblera sans doute toujours un discours surréaliste pour celui qui écoute depuis le dehors. Oui, dire « Christ est vivant » semblera toujours quelque chose d'anachronique pour celui ou celle qui veut comprendre avec l’attitude du sociologue ou de l’ethnologue. En un mot « Christ est vivant » cela ne se comprend pas, cela se vit.

Il faut vivre la foi selon laquelle les grandes choses sont petites, les choses désespérées sont pleines de promesse. Vivre la tension d’une vie souvent terne ou monotone et pourtant belle aux yeux de Dieu.

Le défi pour l’église restant d’annoncer une parole porteuse de sens et pourtant inaudible pour celui qui veut la comprendre tant qu'il ne l'aura pas reçu dans sa vie ; une parole à vivre bien plus qu’à entendre, une parole de vie qui devient bénédiction en s'incarnant : oui, « l’amour du Christ nous étreint ».  Le défi pour l'église est d'annoncer et d'entendre cette parole pour elle-même, prier pour l'unité nous rappelle que l'exigence de réconciliation est encore d'actualité. Nous avons à incarner ensemble l'unité du corps du Christ. 

Ma dernière réflexion autour de ce texte portera alors sur le dynamisme qu'il recelle. Car le défi est là de crois pour donner un mouvement à la vie chrétienne. "Tout vient de Dieu", ce que Dieu donne n'est pas un don posé pour être, mais un mouvement, une venue, quelque  chose qui nous entraine à sa suite, dans son dynamisme. Nous sommes en ambassade, en mouvement, en déplacement. 

Ainsi André Gounelle écrivait cette belle définition de la foi, toute en balancement : 
« La foi nous rassure et nous surprend ; elle nous implante et nous transporte, elle nous fait sortir de nous-mêmes pour retrouver la vérité profonde inscrite en nous ».

Pour dire ce dynamisme, cette image de l'apôtre envoyé, qui bouge, de la foi qui envoie et mobilise, l’apôtre Paul  utilisera l’image de l’ambassadeur : Être mis en mouvement dans la confiance pour témoigner d'une Parole qui nous envoie, l'amour du Christ nous étreint, et nous emporte dans le dynamisme de la réconciliation. Alors le défi de l'unité chrétienne, le défi d'incarner ensemble l'unique église de Christ, se vit en confiance, non pas une semaine par an, mais au quotidien de la foi.

dimanche 22 janvier 2017

Prédication sur l'évangile selon Marc, chap. 11, v. 1 à 25

Texte Biblique : Marc 11, 1 à 25
Circonstance : semaine de prière pour l'unité des chrétiens

Lorsqu'ils approchent de Jérusalem, près de Bethphagé et de Béthanie, vers le mont des Oliviers, Jésus envoie deux de ses disciples et leur dit: "Allez au village qui est devant vous: dès que vous y entrerez, vous trouverez un ânon attaché que personne n'a encore monté. Détachez-le et amenez-le. Et si quelqu'un vous dit: Pourquoi faites-vous cela? répondez: Le Seigneur en a besoin et il le renvoie ici tout de suite. Ils sont partis et ont trouvé un ânon attaché dehors près d'une porte, dans la rue. Ils le détachent.
Quelques-uns de ceux qui se trouvaient là leur dirent: "Qu'avez-vous à détacher cet ânon?"  Eux leur répondirent comme Jésus l'avait dit et on les laissa faire. Ils amènent l'ânon à Jésus; ils mettent sur lui leurs vêtements et Jésus s'assit dessus. Beaucoup de gens étendirent leurs vêtements sur la route et d'autres des feuillages qu'ils coupaient dans la campagne.
Ceux qui marchaient devant et ceux qui suivaient criaient: "Hosanna! Béni soit au nom du Seigneur celui qui vient! Béni soit le règne qui vient, le règne de David notre père! Hosanna au plus haut des cieux!" Et il entra à Jérusalem dans le temple. Après avoir tout regardé autour de lui, comme c'était déjà le soir, il sortit pour se rendre à Béthanie avec les Douze.
Le lendemain, à leur sortie de Béthanie, il eut faim. Voyant de loin un figuier qui avait des feuilles, il alla voir s'il n'y trouverait pas quelque chose. Et s'étant approché, il ne trouva que des feuilles, car ce n'était pas le temps des figues. S'adressant à lui, il dit: "Que jamais plus personne ne mange de tes fruits!" Et ses disciples écoutaient.
Ils arrivent à Jérusalem. Entrant dans le temple, Jésus se mit à chasser ceux qui vendaient et achetaient dans le temple; il renversa les tables des changeurs et les sièges des marchands de colombes, et il ne laissait personne traverser le temple en portant quoi que ce soit. Et il les enseignait et leur disait: "N'est-il pas écrit: Ma maison sera appelée maison de prière pour toutes les nations? Mais vous, vous en avez fait une caverne de bandits."
Les grands prêtres et les scribes l'apprirent et ils cherchaient comment ils le feraient périr. Car ils le redoutaient, parce que la foule était frappée de son enseignement.
Le soir venu, Jésus et ses disciples sortirent de la ville. En passant le matin, ils virent le figuier desséché jusqu'aux racines. Pierre, se rappelant, lui dit: "Rabbi, regarde, le figuier que tu as maudit est tout sec."
Jésus leur répond et dit: "Ayez foi en Dieu. En vérité, je vous le déclare, si quelqu'un dit à cette montagne: Ote-toi de là et jette-toi dans la mer, et s'il ne doute pas en son coeur, mais croit que ce qu'il dit arrivera, cela lui sera accordé. C'est pourquoi je vous déclare: Tout ce que vous demandez en priant, croyez que vous l'avez reçu, et cela vous sera accordé. Et quand vous êtes debout en prière, si vous avez quelque chose contre quelqu'un, pardonnez, pour que votre Père qui est aux cieux vous pardonne aussi vos fautes."
Dans ce chapitre 11 de l'évangile, deux scènes bien connue : Jésus entre dans Jérusalem monté sur un âne, puis Jésus entre dans le temple et se met à chasser les vendeurs mais aussi les passants. L'une est la condition de l'autre. Il faut Jésus soit entré dans Jérusalem pour qu'il puisse entrer dans le temple, il faut qu'une certaine autorité lui soit reconnue pour qu'il puisse enseigner dans le temple. Deux scènes bien connus, en fait ce texte est un texte très connu dont l’iconographie hante nos souvenirs d’école biblique. Même si bien souvent nous séparons dans notre mémoire l'entrée à Jérusalem, entrée dont nous faisons mémoire chaque année au jour des rameaux, et la folie de Jésus dans le temple.

Ce matin je m'attacherai plus à cette deuxième scène car elle est au coeur du chapitre 11 - Jésus chasse les vendeurs du temple, souvenir d'école biblique, image d’Épinal. 
Même reste dans notre langage par l’expression « vendeurs du temple » pour désigner celles et ceux qui profitent d’un commerce un peu louche sur des choses que l'on pourrait considérer comme sacrées. La scène est un souvenir, mais à bien le lire, ce texte veut bousculer nos habitudes, et en premier nos habitudes de lecture.

Le temple à l’époque où Jésus franchit ses portes, c’est un espace gigantesque1. Cet édifice imposant mesure 1 kilomètre 500 de périphérie, il occupe une quinzaine d’hectares, soit cinq fois l’acropole d’Athènes ou neuf fois et demie celle de la basilique Saint Pierre de Rome ou encore une bonne centaine de fois la surface de notre temple.
Flavius Josèphe, l’historien juif du premier siècle, nous raconte avec un peu d’emphase, comment les pèlerins arrivant à Jérusalem, avant de voir la ville sont éblouis par le soleil qui se réfléchie sur les feuilles d’or qui recouvrent les parties hautes du toit du temple. C’est une construction en bloc de pierre de plusieurs tonnes, riche en marbres et en bois précieux que ce temple.

Après cette semaine avec l'investiture du 45e président des états unis dont sans doute beaucoup ont vu des images, le temple de Jérusalem c'est un peu un ensemble architectural comme celui du capitole : un vaste espace ou les cours et les bâtiments en imposent.
Mais au-delà de la beauté et de la grandeur de cette construction, l’architecture du temple veut dire quelque chose. Les pierres, l’or et le bois sont porteurs d’un discours, d’une théologie même. Une théologie qui est basée sur la division et la hiérarchie.

En franchissant le premier portail, on rentre dans une court. Cette première court, c’est le parvis des païens. Tout le monde peut y entrer, y passer, y rester. C’est dans cette première court que ce trouvent les marchands et les changeurs, car le temple a sa propre monnaie.
Puis cette court donne accès à une seconde court. Le parvis des femmes. Là déjà, il n’y a plus que les juifs qui peuvent y rentrer, les païens restent dehors. Première sélection et première division.

Ensuite du parvis des femmes quelques marches, qui montent, donnent accès au parvis des hommes. Là il n’y a plus que les hommes juifs qui peuvent y rentrer. Les femmes doivent rester quelques marches plus bas et les païens sont plus bas et tenus à bonne distance. Cette seconde sélection et seconde division entre les hommes et les femmes, est aussi la première hiérarchisation : les hommes sont placés plus haut.

Ensuite du parvis des hommes, il y a carrément un escalier qui monte au parvis des prêtres. Là, la hiérarchisation est encore plus marquée. Les hommes sont situés un étage plus bas, les femmes quelques marches encore plus loin, et les païens, loin au fond. De ce parvis des prêtres, il y a encore quelques marches pour monter au lieu saint ou seuls les prêtres purifiés peuvent se tenir, et quelques marches encore jusqu’au saint des saints où le grand prêtre ne rentre qu’une seule fois par an.

C’est donc dans ce monument imposant et parlant de toute la division qu’entraîne une certaine conception de la religion, que Jésus entre. Jésus entre et il se met à chasser ceux qui vendaient ou ceux qui achetaient, il renverse les tables et les chaises, il ne laisse personne traverser le temple. Il va littéralement « Peter les plombs » vous excuserez l’expression, mais c’est bien ça qui est décrit dans ce texte, c’est un véritable coup de folie.

Durant cette semaine de prière pour l'unité des chrétiens, nous pouvons comparer cette scène de l'évangile, ce texte avec une icône des chrétiens d’orient représentant le Christ assis sur un rocher le doigt levé en signe d’enseignement, rayonnant de toute son auréole et serein au possible. On peut aussi comparer ce texte avec les phrases de paix et d’amour qui jalonnent l’évangile : « Aimer vos ennemis », « moi je vous donne la paix ». C’est tout de même une bizarre expression d’amour que nous avons là. Et côté paix, toute la violence de ce récit ne peut que troubler.

Au cœur de ce récit, se trouve toute une violence de gestes brusques et brutaux de la part de Jésus. Et au milieu de toute cette violence gestuelle, il y a cette parole de Jésus, que l’évangéliste Marc qualifie d’enseignement : « n’est-il pas écrit : ma maison sera appelée maison de prière pour toutes les nations ? Mais vous, vous en avez fait une caverne de bandits ».

Ces bandits, traditionnellement on considère que ce sont les marchands, ces vendeurs et ces acheteurs, les changeurs de monnaie. Tout ceux qui ont part au commerce du temple. Mais il faut peut-être aussi regarder plus loin que ces simples commerçants. Jésus conteste le fait que le temple n’est plus une maison de prière et il condamne les marchands.
Mais il conteste aussi le fait que le temple n’est pas une maison de prière pour toutes les nations. Il met donc aussi en cause toute l’organisation du temple, toute la hiérarchie et toute les divisions manifestées par ce bâtiment.

Les brigands ce ne sont pas seulement les marchands, mais ce sont aussi ces prêtres qui s’accaparent Dieu. Ces prêtres qui veulent le monopole de Dieu, laissant les hommes un étage plus bas, les femmes quelques marches encore plus loin, et les païens tout au loin, dans le fond. Ces prêtres qui oublient que la prière met toutes les nations à égale distance de Dieu.

Alors oui, dans ce temple c’est un véritable coup de folie qui prend Jésus. Jésus « pète les plombs », oui pas de n’importe quelle folie. Mais la folie telle que la décrivait saint Paul dans sa première épître aux Corinthiens. Une folie qui veut qu’il n’y ai ni juifs, ni grecs mais tous un, en Christ, et par lui à Dieu.
Une folie que Dieu a choisi pour confondre les sages, disait Saint Paul détruisant toute la structure que les hommes avaient mis comme distance entre Dieu et eux. Une folie qui veut l'unité de notre humanité devant Dieu, l'unité des enfants de Dieu : hommes ou femmes, païens ou croyants, prêtres ou laïcs, une folie inclusive.

Une folie qui fait que Jésus s’attaque à la puissance religieuse et économique que représente le temple. Ce qui le conduira directement à la croix et à la mort. En effet, Marc nous dit juste après cet événement que les grands prêtres et les scribes cherchaient non plus a le faire mourir, cela ils en étaient bien décidé, mais comment ils le feraient mourir.
Cette folie, qui entraîne la contestation de toute structure aliénante pour celui qui croit et de toutes les divisions dans le peuple de Dieu, cette folie qui veut l'unité dans la liberté des enfants de Dieu, cette folie va entraîner Jésus à la mort.

Cette folie, l'histoire du figuier en est un autre exemple. C'est curieux non, que le récit de Jésus chassant les vendeurs du temple soit encadré par un récit d'un figuier maudit par Jésus car ne donnant pas de fruits, un figuier qui est l'occasion saisie par le Christ pour dire à ses disciples que la foi permet de jeter les montagnes dans la mer, que croire permet de transporter les montagnes. La foi ça a quelque chose de fou.

Marc nous montre que c’est cette foi folle, cette folie, cette contestation du temple par Jésus qui va l’entraîner à la mort. Et l’histoire nous apprend que cette contestation, cette folie de l’évangile ne s’arrêtera plus. C'est la folie de la foi, une folie qui jette les montagnes à a mer. Paul, après Jésus, se retournera contre ceux qui l’ont élevé. On peut ainsi reprendre l'histoire de l'Eglise, de manière œcuménique : Après Paul, chez ceux que l’on appellera les pères de l’Eglise, cette folie prendra corps dans une mystique pour nous aujourd’hui intolérante et insupportable. Durant le Moyen-Âge aussi, des hommes se sont levés porteur de cette folie. Il n’y a qu’à penser à François d’Assise qui au douzième siècle, élevé dans l’opulence et la richesse du monde de la bourgeoisie montante, quittera tout pour un idéal de pauvreté, faisant de sa vie entière une prédication auprès des pauvres et des simples.

Il n’y a qu’à penser aussi à la réforme. Ce jour est le dimanche de la réformation. Quel coup de folie prit Luther, pour que d’un moine serein, engagé dans les ordres après une prière à la vierge Marie, il devienne le contestataire de la papauté ; de cette structure aliénante que le catholicisme avait posé sur ces fidèles. Le contestataire de toutes les divisions opérés dans le peuple de Dieu par des critères de salut, de péchés, d’indulgence, et la liste est longue.

La piété des pères de l'Eglise, le mouvement de François d'Assise, la réforme tout ces mouvements participent de ce coup de folie qui est advenu à Jésus, il y a deux mille ans dans le temple de Jérusalem.

Ma maison sera appelée maison de prière pour toutes les nations. Et ce n’est pas pour rien que la première œuvre des franciscains fut des réformateurs fut de traduire la bible : donner accès à l’évangile à toutes les nations. La leçon que veut donner la réforme dans l’histoire c’est que nous n’avons pas le droit de nous approprier le message du Christ, nous n’aurons jamais le droit de diviser l’humanité, car elle est une, unie à Dieu par Christ. Tel est l’évangile, tel est la puissance de Dieu, et tel est le scandale pour les grecs et la folie pour les juifs.

Et nous ? Où en sommes-nous face à cette folie ? Un regard sans profondeur sur nos églises pourrait nous faire croire que nous avons bien enfermé la folie. Regardant les formes nous pourrions croire que l’institution de nos églises a su canaliser cet élan et que maintenant nous nous sommes installés dans une tranquillité sereine avec nos cadres, notre gestion de l’église comme la gestion de nos sentiments. Nous fonctionnons comme si nous avions dépassé la folie. Et pourtant à y regarder de plus prêt, nous aussi, nous sommes porteurs de cette folie.

Car honnêtement, la raison voudrait sans doute que nous reconnaissions toute la difficulté de l’entretien de tel bâtiments et que nous y renoncions. La raison voudrait sans doute qu’au vu du petit nombre de paroissiens fidèles et cotisant nos églises se passent de pasteur. La raison voudrait que minoritaires nous nous effacions dans l’indifférence.

Dans notre monde, Ouvrir ce temple tous les dimanches c’est de la folie ! Le chauffer, l’entretenir, c’est de la folie ! Avoir quelqu’un qui y annonce l’évangile chaque dimanche pour un petit nombre, c’est de la folie ! Dans notre monde, définir aujourd’hui un projet d’église c’est être porteur de cette folie. C’est se placer dans le même élan que celui qui fit renverser les tables des marchands au Christ. Dans le même élan que celui qui fit prêcher l’évangile par la pauvreté, à François d’assise. Dans le même élan que celui qui fit afficher ses thèses, à Luther. Alors c'est sûr que cet élan est peut être moins visible que le peuple assemblé devant les portes de Jérusalem et agitant des branchages. 

Nous sommes porteurs de cet élan de folie, peut importe le nom que nous lui donnons : saint esprit, motivation, entrain, etc. Il n’y a qu’en étant porteur de cet élan de folie que nous pouvons être porteur de l’évangile et rien ne saurait l’arrêter. C’est notre assurance. La croix n’a pas arrêté la folie de Jésus.
La résurrection vient nous montrer que quelque soit nos découragements, nos doutes, nos refrains d’un passé meilleur, nos critiques de nos voisins, nous avons l’assurance que demain ce vent de folie se poursuivra. Avec ou sans nous ? c’est là la seule question.

Oui, une chose est sûre, cette folie ne veut pas la division et l'opposition, elle a pour fondement l'unité du peuple de Dieu, l'unité dans la liberté des enfants de Dieu. Prier pour l'unité chrétienne, de manière la plus inclusive, prier pour toute l'église du Christ que lui seul connaît, c'est participer à cette folie, au zèle de la maison de notre Dieu. Ne pas s'en tenir aux divisions que nous fondons sur nos nationalités, nos propriétés, nos pratiques religieuses, nos manières de voir ou de parler, nos cultures ou nos manière de faire, ne pas cultiver les oppositions et les antagonismes.

La résurrection vient nous montrer que tout ça c'est la mort, et que le vent de la vie, l'Esprit qui donne la vie veut nous emporter, tous, dans l'amour, pour être ensemble le peuple que Dieu conduit.

Au Christ seul soit la gloire, Amen.


1 Description du temple chez Nouis, L’aujourd’hui de l’évangile,  p. 331

dimanche 1 janvier 2017

vivre à Caulmont: Bonne année !

vivre à Caulmont: Bonne année !: Qu'elle est bonne cette tradition d'entamer l'année avec des vœux ! C'est une manière d'ouvrir l'avenir à des possib...

dimanche 25 décembre 2016

Prédication du jour de Noël 2016

Evangile selon Luc, chap. 2, v. 1 à 21 :
Or, en ce temps là, paru un décret de César Auguste pour faire recenser le monde entier. Ce premier recensement eu lieu à l'époque où Quirinius était gouverneur de Syrie. Tous allaient se faire recenser dans sa propre ville : Joseph aussi monta de la ville de Nazareth en Galilée à la ville de David qui s'appelle Bethléem en Judée, parce qu'il était de la famille et de la descendance de David, pour se faire recenser avec Marie son épouse qui était enceinte. 
Or, pendant qu'ils étaient là, le jour où elle devait accoucher arriva ; elle accoucha de son fils premier né, l'emmaillota et le déposa dans une mangeoire, parce qu'il n'y avait pas de place pour eux dans la salle d'hôtes. Il y avait dans le même pays des bergers qui vivaient aux champs et montaient la garde pendant la nuit auprès de leur troupeau. Un ange du Seigneur se présenta devant eux, la gloire du Seigneur les enveloppa de lumière et ils furent saisis d'une grande crainte. L'ange leur dit : "soyez sans crainte, car voici, je viens vous annoncer une bonne nouvelle qui sera une grande joie pour tout le peuple : Il vous est né, aujourd'hui dans la ville de David, un Sauveur qui est le Christ Seigneur ; et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau né emmailloté et couché dans une mangeoire". Tout a coup il y eut avec l'ange l'armée céleste en masse qui chantait les louanges de Dieu et disait : "gloire à Dieu au plus haut des cieux et sur la terre paix pour ses bienaimés". 
Or, quand les anges les eurent quittés pour le ciel, les bergers se dirent entre eux : "allons donc jusqu'à Béthléem et voyons ce qui est arrivé, ce que le Seigneur nous a fait connaître". Il y allèrent et trouvèrent Marie, Joseph et le nouveau né couché dans la mangeoire. Après avoir vu, ils firent connaître ce qui leur avait été dit au sujet de cet enfant. Et tous ceux qui entendirent furent étonnés de ce que leur disaient les bergers. Quant à Marie, elle retenait tous ses événements en en cherchant le sens. Puis les bergers s'en retournèrent, chantant la gloire de Dieu pour tout ce qu'ils avaient entendu et vu, en accord avec ce qui leur avait été annoncé. Huit jours plus tard, quand vint le moment de circoncire l'enfant, on l'appela du nom de Jésus, comme l'ange l'avait appelé avant sa conception.
« Nous ne pourrions donc maintenant avoir notre refuge dans le Seigneur Jésus Christ étant assis à la droite de Dieu son Père, en la gloire des cieux, sinon qu'il se fut abaissé jusques là de se faire homme mortel, et d'avoir une condition commune avec nous. Et voilà pourquoi aussi, quand il est appelé Médiateur entre Dieu et les hommes, ce titre d'homme lui est spécialement attribué : comme aussi par une même raison il est appelé l'Emmanuel, c'est à dire Dieu avec nous.

Ainsi toutes les fois que nous avons à chercher notre Seigneur Jésus Christ pour trouver en lui allégement de nos misères et une protection sûre et infaillible, il nous faut commencer par sa naissance. Or non seulement il nous est récité qu'il a été fait homme semblable à nous, mais qu'il s'est tellement anéanti qu'à grand peine  a-t-il été réputé du rang des hommes. Il a été banni comme de tout logis et compagnie, il n'y a eu sinon une étable et une crèche pour le recevoir »

1- C'est de cette manière qu'au XVIe siècle Jean Calvin ouvrait sa prédication sur la nativité. La naissance de Jésus est signe de l'anéantissement de Dieu vers notre humanité. Un anéantissement marqué par l'étable et la crèche. Anéantissement de Dieu, la théologie scolastique parle volontiers de la descensus, de la descente de Dieu. Cet anéantissement, cette descente est particulièrement marquée par l'évangéliste Luc dans ce passage du chap. II.

D'abord le cadre historique qui est donné par l'évangéliste : le décret de César Auguste, le recensement au temps de Quirinius : tout ici rappelle que nous sommes sur une terre colonisée. Si Jésus est fils de David, et c'est pour ça qu'il nait à Béthléem, si Jésus est fils de David, il d'abord le fils d'une population soumise aux caprices de Rome et de son empereur. Premier élément d'une humilité forcée.

Joseph  monte à Béthléem en obéissance à l'empereur, et le texte nous dit qu'il monte « pour se faire recenser avec Marie son épouse qui était enceinte ». Si l'évangéliste Luc présente parfois Marie sous les traits de la vierge choisie par Dieu pour son dessein, ici la présentation est des plus sobres - deuxième trait soulignant l'anéantissement : Marie est ici l'épouse de Joseph, elle est enceinte – aucune allusion à ce qui a pu être dit avant, à l'ange Gabriel, à une conception miraculeuse – rien. L'évangéliste Luc est très sobre. Nous avons un couple qui paraît sans histoire. Ce n'est pas avec ce texte que l'on pourrait établir une naissance miraculeuse !

Troisième élément soulignant cette descensus : Ce couple ne trouve pas de place dans l’hôtellerie. Ce couple est contraint de loger avec les bêtes. C'est ce qui faisait horreur à Calvin : « Il a été banni comme de tout logis et compagnie, il n'y a eu sinon une étable et une crèche pour le recevoir » disait le réformateur.

Enfin le rôle par les bergers ne peut être qu'un élément de plus marquant l'anéantissement de Dieu. Les bergers sont ses gens infréquentables, qui passent les nuits dehors, mi-brigands, mi-vagabonds, ils ne sont fidèles au propriétaire du troupeau qu'à condition d'un bon salaire. Or c'est à eux qu'est faite la révélation, c'est à eux qu'un ange apparaît, c'est pour eux que l'armée des cieux vient chanter le gloria : « gloire à Dieu au plus haut des cieux et sur la terre paix pour ses bienaimés ».

Et même quand on suit ces bergers jusqu'au terme du passage on réalise que ces bergers vont avoir le même rôle que les anges – car après avoir vu Jésus, ils vont reprendre la louange du Dieu sauveur. Ils ont reconnu le Seigneur dans le petit enfant qui vient de naître. Dans un même chant les bergers disent la gloire de Dieu et sa proximité à notre humanité.

Un peuple colonisé, un couple comme un autre, une étable sans humanité, des bergers porteur de louange à la place d'anges : voilà l'anéantissement de Dieu à Noël, voilà la descensus de Dieu, la descente de Dieu. Jésus figure l'Emmanuel, il est Dieu avec nous, Dieu nait au monde sous les traits d'un petit homme.

Suivant cette idée, Théodote d'Ancyre, père de l’Église du IV ème siècle écrivait :  « Le maître de tous est venu dans la forme d'esclave. Revêtu de pauvreté, il naît d'une vierge qui est pauvre, et tout autour de lui, est pauvre et silencieux afin de gagner l'homme au salut... »

2- Alors, pourquoi parler d'anéantissement ? Quel est le sens de cette descensus ? Quelle idée veut souligner l'évangéliste quand il ouvre son récit de la bonne nouvelle de cette manière ? Faut-il le rappeler, ce récit de crèche n'a rien d'historique – c' est une métaphore. Car oui, il ne faudrait pas oublier de le dire – quand on lit les récits de nativités, nous ne sommes pas là en présence d'un récit historique, mais bien d'un écrit théologique.  Nul ne saurait dire comment Jésus est né, mais ces textes ont été rédigés après coup pour être porteur de sens, pour être symboliques.

D'ailleurs, les évangélistes Marc et Jean n'ont même pas essayer d'écrire quelque chose à ce sujet et font commencer leurs évangiles au moment du baptême de Jésus, lorsqu'il a l'âge adulte. Matthieu et Luc recomposent une histoire, et cette histoire est une introduction à la proclamation du règne de Dieu par le Christ Jésus. Cette introduction, peut-être comporte-t-elle quelques éléments historiques véhiculés par des traditions, peut-être, mais nous n'en savons rien. Car une fois encore, l'histoire n'est pas l'objet de ces textes, ce qui est l'objet de ces textes c'est le témoignage au royaume de Dieu, à la bonne nouvelle.

Matthieu et Luc qui seuls témoignent de ce qu'on appelle « un évangile de l'enfance » ne font pas ici œuvre d'historien. L'événement n'a pas beaucoup de sens. Ainsi Luc raconte plus la nuit de Noël du point de vue des bergers que du point de vue de Marie ou de Jésus. La naissance de Jésus est décrite en 2 versets : les v. 6 et 7, mais c'est l'apparition faite aux bergers qui appelle les v. 8 à 20. L'histoire n'est pas l'objet de ce texte, mais bien la révélation de Dieu aux hommes, la bonne nouvelle.

Ainsi l'ange dit aux bergers la naissance d'un sauveur dont la crèche est un signe. Métaphore, symbolique. Il faut savoir voir au-delà de la petite histoire d'une naissance, pour discerner le signe, pour entendre combien tout ici parle en symbolique.

Aussi sans vouloir "casser l'ambiance" de Noël, le signe de la crèche au début de la vie de Jésus renvoie au signe de la croix à la fin de sa vie :
La crèche comme la croix situent Jésus en dehors de la ville, l'une comme l'autre le place dans la soumission à l'occupant romain, il est toujours du côté des exclus de notre humanité – les bêtes ou les condamnés. La crèche et la croix : les deux symboles sont liés. La crèche ouvre l'évangile que la croix vient clore. Les deux symboles se répondent l'un a l'autre. Ils figurent le même anéantissement, la même descente de Dieu sur terre.

Et même quand on s'attache aux mots précis employés par l'évangéliste : la salle dans laquelle il n'y a pas de place pour Marie et Joseph au jour de la naissance, est désignée par le même mot que la salle dans laquelle aura lieu l'institution de la cène : le dernier repas de Jésus avec les douze.
Quand il est dit que Marie enveloppa Jésus de langes et le déposa dans une crèche, comment ne pas entendre que Joseph d'Arimathée « enveloppera Jésus dans un linceul et le déposera dans un tombeau ».
Notons encore que dans la nuit de Noël, la lumière surgit du ciel, il fit jour en pleine nuit – alors qu'au moment de la crucifixion il fit nuit en plein jour.

La crèche est un signe, la naissance de Jésus dans le monde est un commencement d'une descente de Dieu, il est Dieu avec nous, mais l'accomplissement de cette descente, le paroxysme de l'anéantissement, c'est à la croix qu'il aura lieu. J'ai ouvert cette prédication en citant Calvin, à l'aube de 2017 où nous célébrerons le demi millénaire de la réforme luthérienne, il faut tenir fermement l'affirmation de Luther « en Christ crucifié est la vraie théologie ».

Même à Noël : En Christ crucifié est la vraie théologie : cela veut dire que la crèche ouvre l'évangile qui prend son sens à la croix – c'est la même descente, le même anéantissement, la même proximité de Dieu avec les hommes dont il est question. Dire cela ce n'est pas casser l'ambiance de Noël, au contraire, au risque de surprendre : là est la joie de Noël, en vérité !

3- Oui : joie de noël que l’anéantissement de Dieu, joie de Noël que l'enfant emmailloté dans la crèche préfigure le défunt attaché à la croix, joie de noël que des bergers « dans nos campagnes » remplacent « les anges du ciel », joie de Noël que le maître se soit fait esclave. Tout ça est une bonne nouvelle. Tout ça est une bonne nouvelle car Dieu nous emporte avec lui, dans son anéantissement.

Tout ça est une bonne nouvelle, car résonne ici l'accomplissement de la promesse : Dieu est Dieu avec nous. Dieu est avec nous, avec nos vies, quelles qu’elles soient. Dans son anéantissement, Dieu emporte toutes nos prétentions à paraître quelqu'un. Nous sommes tous des moins que rien, et c'est avec nous quelque soit notre misère et notre péché que Dieu fait alliance. Dans sa descente, Dieu nous met à bat de tous nos piédestaux, et c'est libérateur.

L'évangile, la bonne nouvelle c'est bien que Dieu se soit fait homme pour nous soustraire à toutes nos envies de vouloir construire nos vies, de vouloir paraître les meilleurs. Entendre que devant Dieu nous n'avons rien à prouver mais juste à accepter. Accepter de trouver Dieu dans un enfant, accepter d'être accueillis par Dieu quoique nous soyons inacceptables.

Oui, aujourd'hui l'évangile nous affirme que peu importe, qu'il n'y ait pas de place pour nous dans la salle des gens biens, car Dieu nous attend à l'étable. Peu importe que nous n'ayons pas la carrière que nous pensions mériter, Dieu apparaît aux bergers parias et moins que rien. Peu importe les jugements que nous portons sur nos vies ou que d'autres portent sur elles...  Accepter de faire de Dieu son refuge, arrêter la course folle des prétentions et du vouloir se sauver soi-même, imposer silence à nos volontés de puissance et de paraître.

joie de noël que l’anéantissement de Dieu, joie de Noël que l'enfant emmailloté dans la crèche préfigure le défunt attaché à la croix, joie de noël que des bergers dans nos campagnes remplacent les anges du ciel, joie de Noël que le maître se soit fait esclave. Tout ça est une bonne nouvelle. Tout ça est une bonne nouvelle car Dieu  emporte avec lui toutes nos prétentions, dans son anéantissement, et de là surgit l'espérance de la résurrection.

Alors reste l'homme Jésus témoin de l'amour du Père, un amour qui trace le chemin du royaume. Un amour qui nous prend tels que nous sommes. Joie de Noël, cet amour est pour chacune, chacun d'entre nous. Joie de Noël, cet amour est plus fort que toutes nos morts.

4- Accepter de faire de Dieu son refuge, entendre que nous sommes aimés malgré tout, malgré nous.
Entendre cette parole de la joie de Noël c'est d'abord se désarmer de toute la violence et de toute les souffrances qu'engendre nos prétentions et nos volontés de puissance et de paraître. Oui l'évangile de Noël ce n'est pas la volonté de puissance des religieux qui veulent imposer leur ordre au monde – que ces religieux soient des fanatiques musulmans, des orthodoxes russes intransigeants ou des évangéliques américains. Car ce sont les mêmes : ces hommes et ces femmes – mais surtout des hommes - , qui au nom de la religion veulent changer le monde par la force et la contrainte, sans rien entendre d'une parole de vie, d'un parole d'amour. Notre époque est encore à l'heure des crispations et des violences ; quelque soit le lieu du globe où nous portons nos regards : la haine et les volontés puissances semblent l'emporter.

Au cœur de ce monde, célébrer la joie de Noël, c'est faire mémoire l'homme Jésus témoin de l'amour du Père. Faire un pas de côté par rapport à toutes les sombres perspectives pour marcher à la suite d'un amour qui trace le chemin du royaume. Ici, sur notre terre, quelque soit sa violence et ses haines. Un amour qui nous prend tels que nous sommes. Joie de Noël : cet amour est pour chacune, chacun d'entre nous. Joie de Noël, cet amour est plus fort que toutes nos morts, nous sommes appelés à être ressuscité. Joie de Noël qu'aucune menace terroriste, qu'aucune peur, qu'aucun plan vigipirate, que rien ne pourra jamais nous ôter. Pas même la mort, puisque le Christ nous emmène avec lui de la mort à la vie.

Ainsi toutes les fois que nous avons à chercher notre Seigneur Jésus Christ pour trouver en lui allégement de nos misères et une protection sûre et infaillible, il nous faut commencer par sa naissance. Disait Calvin, là se dessine le combat de la vie face à la violence du monde, là se trace le chemin du royaume sur cette terre. Là s'entend la bonne nouvelle : quelques soient nos vies, quelques soient nos morts : nous sommes appelés à l'amour – protection sûre et infaillible.

Rien ne pourra jamais nous séparer de l'amour de Dieu manifesté en Jésus Christ notre Seigneur.
A lui seul soit la gloire !
A nous : la joie imprenable et la paix... malgré tout. 
Amen.

mardi 4 octobre 2016

Quelques explications suite à l'annonce d'un départ...

Chers amis de l’Église de Béziers, 

Certains l'avaient déjà compris depuis quelque temps, d'autre l'ont appris dans ma dernière prédication. Effectivement, en famille, le 1er mai 2017 nous aurons quitté Béziers pour de nouveaux horizons. Je me suis engagé auprès du conseil presbytéral à accompagner notre église locale de Béziers jusqu'à Pâques 2017 - jusque là je suis pleinement à Béziers. Cette annonce entre les lignes d'une prédication appelle quelques explications que livre ici :

Fin avril 2017, je quitte le ministère pastoral en Eglise locale après 15 années de services au sein de l'Eglise protestante unie. C’est pour moi la volonté de vivre l’Eglise autrement. La démarche n’a pas été simple et ce n’est pas une décision prise sur un coup de tête : en 2015, je rencontrai la présidente du Conseil Régional en ce sens le 19 octobre puis le Secrétaire Général de notre église le 24 novembre ; fin juin 2016, le Conseil National de notre Eglise m’autorisait à quitter Béziers et m’accordait les dérogations nécessaires.

Ce départ est pour moi l’occasion de vivre un pari pour expérimenter l’Eglise autrement : je pars pour la maison d’accueil de la communauté de Caulmont. Cette maison, « les sapins », est située sur le plateau ardéchois, sur la commune de Devesset – à la limite de la Haute Loire. Une maison fermée depuis quelques années faute d’équipe porteuse de projet. Le cercle des responsables de cette communauté m’a appelé à en être le compagnon veilleur : un ministère œcuménique (la communauté regroupe des catholiques, des réformés, des luthériens, etc.), un ministère  fait d’accueil, d’accompagnement (c’est une maison d’hôtes de 5 chambres et d’une capacité de 15 personnes) et de prière (deux offices sont célébrés quotidiennement). Vous pouvez suivre notre démarche sur un autre blog ICI

C’est un pari dans le sens où je quitte la sécurité et le cadre de l’institution ecclésiale pour vivre un ministère détaché (dans cette aventure le Conseil National ne m’a pas encore donné son accord pour conserver le titre de pasteur – la décision doit être prise cet automne).  J’embarque dans cette nouvelle aventure ma famille – Axelle est partie prenante de cette décision et elle m’aide et m’encourage à me projeter dans cette nouvelle vie.  Nous partirons avec nos trois enfants Esther, Léonore et Rachel, ainsi qu’avec le bébé que nous attendons pour début mars.

Ce cheminement, j’en ai tenu au courant le conseil presbytéral progressivement : Evelyne Porteil la présidente (alors pressentie) était au courant avant l’Assemblée Générale et les élections du nouveau conseil, puis le bureau en a été informé en mars dès sa première séance, enfin le conseil  l’a été après le travail synodal sur la confession de foi en mai. Nous avons alors décidé de le faire savoir plus largement au moment de la rentrée. Nous y sommes ! L’information commençait à circuler, lors d'entretiens individuels ou par internet notamment – mais je n'avais pas tenu à faire d’annonce ex-cathedra. Après le dimanche de rentrée du 11 septembre dernier, il se trouve que le texte biblique de dimanche dernier, le 2 octobre, donnait l'occasion à une annonce plus officielle.
Il n'y a dans ma démarche aucun jugement sur la vie de l'Eglise - qu'elle soit locale, ici à Béziers, régionale, en Cévennes Languedoc Roussillon. Je suis heureux du ministère partagé ici et de ma mission de membre du Conseil Régional. J'espère trouver le même bonheur dans une vie d'Eglise autrement avec une autre couleur qu'une vie paroissiale. De cette démarche, je suis tout à fait prêt à m’expliquer dans des échanges personnels. 
Dire enfin que ce départ est préparé par le conseil presbytéral depuis l'été. La déclaration de vacance du poste pastoral a été faite dans les temps pour le 1er juillet 2017, le cahier des charges ou profil de poste a été envoyé au secrétaire général et au président du conseil régional dans le courant de l'été. Tout est fait pour le pourvoi du poste. En attendant, Celia a accepté de se former pour rejoindre l'équipe de prédicateurs composée d'Erika, Dominique et de Noël ; et de leur côté Nadine et Evelyne sont maintenant parfaitement à l'aise avec la liturgie.

Je veux croire que mon ministère avec vous laissera place à l'avenir sans aucune difficulté, et ce d'autant que cet avenir sera envisagé dans la fraternité, la confiance et l'espérance.
Benoît

dimanche 2 octobre 2016

Prédication du dimanche 2 octobre 2016 - Evangile selon Marc, chap. 6 v. 1 à 29

Jésus partit de là. Il vient dans sa patrie et ses disciples le suivent. Le jour du sabbat, il se mit à enseigner dans la synagogue. Frappés d’étonnement, de nombreux auditeurs disaient : « D’où cela lui vient-il ? Et quelle est cette sagesse qui lui a été donnée, si bien que même des miracles se font par ses mains ? N’est-ce pas le charpentier, le fils de Marie et le frère de Jacques, de Josès, de Jude et de Simon ? et ses sœurs ne sont-elles pas ici, chez nous ? » Et il était pour eux une occasion de chute. Jésus leur disait : « Un prophète n’est méprisé que dans sa patrie, parmi ses parents et dans sa maison. » Et il ne pouvait faire là aucun miracle ; pourtant il guérit quelques malades en leur imposant les mains. Et il s’étonnait de ce qu’ils ne croyaient pas. 
Il parcourait les villages des environs en enseignant. Il fait venir les Douze. Et il commença à les envoyer deux par deux, leur donnant autorité sur les esprits impurs. Il leur ordonna de ne rien prendre pour la route, sauf un bâton : pas de pain, pas de sac, pas de monnaie dans la ceinture, mais pour chaussures des sandales, « et ne mettez pas deux tuniques ». Il leur disait : « Si, quelque part, vous entrez dans une maison, demeurez-y jusqu’à ce que vous quittiez l’endroit. Si une localité ne vous accueille pas et si l’on ne vous écoute pas, en partant de là, secouez la poussière de vos pieds : ils auront là un témoignage. » Ils partirent et ils proclamèrent qu’il fallait se convertir. Ils chassaient beaucoup de démons, ils faisaient des onctions d’huile à beaucoup de malades et ils les guérissaient.
Le roi Hérode entendit parler de Jésus, car son nom était devenu célèbre. On disait : « Jean le Baptiste est ressuscité des morts ; voilà pourquoi le pouvoir de faire des miracles agit en lui. » D’autres disaient : « C’est Elie. » D’autres disaient : « C’est un prophète semblable à l’un de nos prophètes. » Entendant ces propos, Hérode disait : « Ce Jean que j’ai fait décapiter, c’est lui qui est ressuscité. »En effet, Hérode avait fait arrêter Jean et l’avait enchaîné en prison, à cause d’Hérodiade, la femme de son frère Philippe, qu’il avait épousée. Car Jean disait à Hérode : « Il ne t’est pas permis de garder la femme de ton frère. » Aussi, Hérodiade le haïssait et voulait le faire mourir, mais elle ne le pouvait pas, car Hérode craignait Jean, sachant que c’était un homme juste et saint, et il le protégeait. Quand il l’avait entendu, il restait fort perplexe ; cependant il l’écoutait volontiers. Mais un jour propice arriva lorsque Hérode, pour son anniversaire, donna un banquet à ses dignitaires, à ses officiers et aux notables de Galilée. La fille de cette Hérodiade vint exécuter une danse et elle plut à Hérode et à ses convives. Le roi dit à la jeune fille : « Demande-moi ce que tu veux et je te le donnerai. » Et il lui fit ce serment : « Tout ce que tu me demanderas, je te le donnerai, serait-ce la moitié de mon royaume. » Elle sortit et dit à sa mère : « Que vais-je demander ? » Celle-ci répondit : « La tête de Jean le Baptiste. » En toute hâte, elle rentra auprès du roi et lui demanda : « Je veux que tu me donnes tout de suite sur un plat la tête de Jean le Baptiste. » Le roi devint triste, mais, à cause de son serment et des convives, il ne voulut pas lui refuser. Aussitôt le roi envoya un garde avec l’ordre d’apporter la tête de Jean. Le garde alla le décapiter dans sa prison, il apporta la tête sur un plat, il la donna à la jeune fille, et la jeune fille la donna à sa mère. Quand ils l’eurent appris, les disciples de Jean vinrent prendre son cadavre et le déposèrent dans un tombeau.

Il est dans les évangiles des phrases qui ont fait mouche et qui sont devenus des proverbes ou des pensées universellement connues et reconnues. Ainsi en va-t-il du « nul n’est prophète en son pays ». La TOB que j’ai lu traduit par « un prophète n’est méprisé que dans sa patrie ».
Ce mot de Jésus devenu proverbial, intervient dans l’évangile comme une phrase clef pour comprendre l’œuvre de Jésus.

D’une part, cette parole justifie le rejet de Jésus. En effet, alors qu’il parle à la synagogue de Nazareth ; les gens le remettent à sa place. Alors qu’il prend la parole tel un maître de la loi, un enseignant, un maitre ; les voisins, ceux qui l’ont connu, les habitant de son village lui rappellent qu’il est charpentier, fils de charpentier, et qu’à ce titre il est prié de retourner à son atelier, mais pas de parler à la synagogue.

L’évangéliste Marc a voulu montrer la puissance de ce rejet, en plaçant ce texte juste après le chapitre 5 que nous avons entendu la semaine dernière. Dans le texte qui précède Jésus guérit une femme souffrant d’hémorragie sans aucune parole, par sa simple présence, par son aura. La femme est tellement convaincue de la puissance de Jésus qu’elle se dit « si j’arrive à toucher au moins ses vêtements, je serai sauvé ».

Cette femme voit en Jésus son sauveur, mais en plus, dans ce même chapitre 5, on voit aussi Jaïros venir chercher Jésus. Jaïros qui est l’un des chefs de la synagogue, membre imminent de la communauté, responsable du culte, il vient chercher Jésus car sa fille est malade.

Bref, au chapitre 5 de l’évangile une femme pense que toucher le vêtement de Jésus suffira à la guérir, et un responsable religieux vient le chercher pour guérir sa fille, et au chapitre 6, le temps de tourner la page, il est seulement écrit « Jésus parti de là. Il vient dans sa patrie ». Il suffit de ces quelques mots pour que Jésus passe de celui qu’on vient chercher, de celui auquel on croit au point que toucher son vêtement suffit à guérir pour devenir un charpentier, un simple charpentier, même si ce n’est pas rien d’être charpentier. En une page tournée il y a comme un changement de destin.

En un verset, Jésus n’est plus le maître il est celui que tout le monde connaît, en un voyage de guérisseur reconnu il redevient le fils de Marie et de Joseph, le frère de Jacques, de Joses, de Jude et de Simon. Un homme comme les autres qui n’a pas plus de raison que les autres pour enseigner à la synagogue.

Nul n’est prophète en son pays, cette parole justifie le rejet de Jésus. Et cette remise en place est d’autant plus frappante qu’elle succède à une certaine gloire de Jésus guérisseur. C’est donc le premier point que justifie cette parole. Nul n’est prophète en son pays.

La seconde chose que vient dire ce proverbe c’est ce qui est dit au v. 5 et v. 6 : « Jésus ne pouvait faire là aucun miracle ; pourtant il guérit quelques malades en leur imposant les mains. Il s’étonnait de ce qu’ils ne croyaient pas. » Jésus n’a pas fait de miracle et pourtant il a guérit des hommes et des femmes. Car le miracle ce n’est pas la guérison, pour l’évangile de Marc il n’y a miracle que quand la foi surgit.

Le miracle ce n’est pas le soulagement d’un mal physique ou psychologique, ça c’est de la basse médecine, le miracle la reconnaissance de Jésus comme Seigneur, reconnaissance qui entraîne, par voie de conséquence, la guérison. « Il n’y eut pas de miracles mais il guérit quelques malades », il n’y a pas là pour Marc de contradiction, il s’agit simplement de dire que la foi n’a pas surgit à la rencontre de Jésus, malgré les guérisons.

« Nul n’est prophète en son pays » ce dicton dans la bouche de Jésus signifie alors que Jésus ne peut susciter la foi parmi les siens – troisième sens - Et il en va là d’une véritable prise de conscience chez Jésus. Il reconnaît qu’il ne peut seul convertir le peuple d’Israël. Il ne peut seul proclamer la bonne nouvelle.

C’est cette prise de conscience sans doute qui fait que juste après, au v. 7 commence le premier envoi des disciples en mission. Les disciples sont envoyés deux par deux – et nous dit Marc « ils partirent et ils proclamèrent qu’il fallait se convertir ». Oui, de manière très significative, juste après ce constat d’après lequel Jésus n’a su susciter la foi à Nazareth, Jésus va envoyer ses disciples annoncer l’évangile, les douze vont alors pouvoir prendre le relais du maître.

« Nul n’est prophète en son pays » troisième sens possible après qu’il soit question de rejet de Jésus ou d’une prise de conscience cette phrase est aussi une solution face au problème.

Jésus ne peut porter la parole à Nazareth, alors ils  seront treize au lieu d’un, Jésus s’adjoint les douze pour annoncer l’évangile, pour chasser les démons, pour appeler à la conversion, pour inviter à la foi. La solution c’est d’entendre que Jésus ne peut faire avancer le royaume du Père tout seul, et qu’il y a des lieux où d’autres que lui doivent prendre le relais à travers la mission. Les disciples ont a être les relais du maitre.

uatrième sens possible, pour que les choses soient tout à fait clair – nul n’est prophète en son pays  - la fin du passage que j’ai lu rapporte la mort de Jean le baptiste, décapité par la folie d’Hérode. Les  mots sont crus « les disciples de Jean vinrent prendre son cadavre et le déposèrent dans un tombeau ». La réalité et la violence de la mort est clairement dite. « Nul n’est prophète en son pays » Derrière le dicton se glisse aussi déjà pour Jésus l’annonce de la condamnation à mort. La parole annoncée ne peut être entendue et laisser le porteur de parole indemne. La parole est une question de vie et de mort, de vie et de mort pour ceux qui l’entendent comme pour ceux qui la porte. Jésus en paiera le prix.

Voilà quatre échos rapides que je distingue dans l’évangile à ce dicton, à cette parole clef de l’évangile. « Nul n’est prophète en son pays ».  Aussi comment l’entendre aujourd’hui ? Comment faire résonner ces différents sens, ces différents échos.

Une première manière d’entendre cette parole revient à ce souvenir que dans les églises issues de la réforme cette parole a justifié, très pratiquement, les mouvements pastoraux, ce dicton fait partie du discours qui a justifié le fait que les pasteurs étaient appelés à quitter régulièrement leur église, pour aller ailleurs.

Alors que bien souvent à l’époque de la réforme, l’église catholique privilégiait, et ce n’est plus forcément vrai maintenant, la nomination d’un curé dans sa paroisse d’origine en raison de son intégration. Un curé d’un village était nommé dans son village à cause du lien social qu’il pouvait avoir. Au contraire les églises de la réforme ont toujours affirmé la nécessité du mouvement. Le pasteur devait venir d’ailleurs.

Un pasteur venait d’ailleurs et ne devait pas s’installer. Il ne pouvait pas rester au même endroit toute sa vie durant, et surtout pas rester dans le pays d’où il venait. Et ce n’est pas une invention récente, dès le 16ème siècle.

On pense souvent que c’est une pratique moderne, mais non. Bien souvent au 16ème, 17ème, 18ème les pasteurs traversaient la France, mais aussi la Suisse et la Hollande, s’arrêtant cinq ou six ans là. Il y avait tout un mouvement du corps pastoral malgré toutes les difficultés liées au transport et au déménagement.

En fait, il n’y a sans doute eu qu’à la fin du 19ème siècle que les pasteurs se sont établis plus longuement dans leurs églises locales, pouvant y rester quelques 40 ou 50 ans. Pratique qui n’a duré qu’un siècle. Et quand les synodes nationaux dans les années 70 et 80 ont rappelé la nécessité du mouvement, elles revenaient au modèle premier de la réforme.

Aujourd’hui la moyenne nationale d’un pasteur restant sur son poste est de 4 ans – le turn over est important. Aussi c’est peut-être le moment de glisser dans une prédication ce que certains savent déjà ou que d’autres ont compris à demi-mots. Je participerai à ce mouvement prochainement, avec Axelle et les enfants nous partirons fin avril prochain, après Pâques, pour une autre mission, un autre ministère.

Voilà, l’annonce est faite ! Revenons à l’évangile. « Nul n’est prophète en son pays » Pour résumer la chose, à grand traits ou comme une caricature, parce qu’un jour de l’an 30 ou 31, Jésus s’est fait chassé de la synagogue de Nazareth, les pasteurs sont obligés de quitter régulièrement leur paroisse.
Ce raccourci est un peu rapide mais il dit quelque chose de vrai. Le ou la prophète, Jésus, le ou la pasteur, ce sont des personnes qui sont porteurs d’une parole, et d’une parole qui vient d’ailleurs, et cette parole ne s’installe pas, elle déplace.

Jésus était porteur d’une parole venant de Dieu, et ceux de chez lui ne l’ont pas reçu, ils n’ont pas cru, ils n’ont pas entendu une parole de Dieu mais une parole du fils du charpentier.
Et de la même manière le prophète et le pasteur sont en charges d’une parole qui vient d’ailleurs, d’une parole qui vient de l’extérieur. J’évoquais la semaine dernière « l’extra nos » classique en théologie protestante. La parole vient de l’extérieur de nos vies, elle nous vient d’ailleurs, et c’est ainsi qu’elle nous oblige à bouger, à parcourir une distance, à se déplacer pour pouvoir parler, à entrer en mission. Un ailleurs qui oblige celles et ceux qui l’écoute à se faire accueillant pour pouvoir entendre. L’accueil est l’attitude fondamentale du disciple – d’ailleurs quand les disciples partent en mission ils ne doivent rien emporter pour être obligés d’être accueillis, et là où ils ne seront pas accueillis ils devront passer leur route, passer leur chemin.

Nul n’est prophète en son pays, car il faut qu’il y ait référence à cet ailleurs, cet au-delà dans la parole prophétique. Pour dire une parole qui vient de Dieu, il faut que la parole vienne d’ailleurs, et entendre la parole c’est toujours la recevoir, l’accueillir, lui laisser place. .

Oui, recevoir la parole c’est faire acte d’hospitalité, acte d’accueil.
Il nous faut recevoir la parole qui nous vient d’ailleurs pour pouvoir la dire et la porter plus loin. C’est le sens de ce texte que nous avons entendu ce matin. Jésus est mis en échec, Jean le baptiste est décapité. « Nul n’est prophète en son pays ». Jésus est mis en échec car il ne peut être accueilli là où il est déjà chez lui. Il ne peut être reçu là où il a sa propre famille et là où se trouve sa propre maison. Et cela tient autant de lui que de ses voisins, de ses proches, de sa famille. Il n’y a pas de distance à parcourir ni pour lui, ni pour eux.

Car c’est bien cela l’enjeu, la distance. Une parole n’est prophétique que si d’une part elle met en marche, si elle suscite le mouvement, si elle oblige à se déplacer, à franchir une distance, et une parole n’est prophétique que si d’autre part elle est accueillie, reçue comme venant du dehors, que si elle oblige à sortir pour être reçue.

« Nul n’est prophète en son pays ». Une parole clef de l’évangile. Qu’avec ce dicton, chacun d’entre nous puisse entendre une parole venue d’ailleurs, une parole d’accueil de sa vie, une parole prophétique de bénédiction qui dit du bien sur sa vie.

Que chacun d’entre nous entende une parole qui dans un double mouvement le fait sortir de chez lui, pour être accueillie et reçu avec le Christ. Car c’est ça le miracle de la bonne nouvelle. C’est cette rencontre avec le Vivant pour l’éternité qui suscite, et ressuscite à chaque rencontre, en nous une vie nouvelle.

Le Christ vient vers nous pour que par la foi nous le recevions chez nous. Il vient vers nous, il nous l’a dit par les plus petits d’entre nos frères. La foi est une distance à parcourue, mais parcourue par Dieu pour venir nous rejoindre humblement et simplement. Quand nous réalisons cela nous sortons de nos habitudes mortifères, de nos peurs, pour être vivant, en vérité.

Au Christ soit la gloire. Amen.

De la peur à la foi... Billet pour Le Cep du mois de Novembre

"Sécurité des cultes et de nos activités", "Etat d'urgence", "problème de sécurité"... 
Voilà que la psychose agite l'Eglise en écho à la circulaire nationale reçue sur ce sujet courant septembre. A tout dire : Que j'aimerai que la prochaine déclaration de foi de notre Église protestante unie nous agite tout autant !

Forcément, la déclaration de foi n'a pas les relais des « mass média », alors que la peur elle, elle est bien contagieuse, et quand elle est là, qu'est-ce que c'est bon ! Oui c'est bon d'avoir peur... on peut alors se sentir victime par anticipation : Victime d'un « sait-on jamais » ou d'un « on est sûr de rien ». C'est d'autant meilleur qu'il ne nous est rien arrivé en vrai – puisque nous sommes vivants ! 

Alors oui, cette circulaire qui essaye de se donner bonne conscience avec le principe de précaution avec "un référent sécurité", flatte la peur dans le sens du poil. Jolie proposition : mettre dans le fond du temple un "surveillant", "vigilant",  avec le numéro de la police municipale dans son portable ça entretien la psychose quand bien même ça ne sert à rien. Vous pensez vraiment pouvoir passer un coup de fil en cas d'attaque terroriste ? Cette question, ce n'est pas de l'inconscience ou de l'irresponsabilité, juste de la lucidité : face à la détermination de fadas aux projets fous nous ne pouvons rien prévoir, nous ne pouvons rien faire face à la folie. Que ceux qui nous gouvernent et sont responsables du droit et de la paix soient mobilisés pour prévenir ce genre d'actes oui, mais le moment venu, si acte il y a, il sera toujours trop tard. Accepter cette fatalité et cette absurdité de la menace nous amène à réaliser avec force que oui, nous sommes mortels, et ce chaque jours tant que nous ne sommes pas morts -aucun principe de précaution ne nous en préservera ! Il serait important d'en prendre conscience en Église...

Oui, nous sommes mortels : dans cette vie terrestre rien ne nous protège de la mort – ni vous ni moi : nous ne l'éviterons pas ! Si ce n'est pas Daech, ce sera beaucoup plus probablement une voiture au coin d'une rue, ou encore plus certainement un cancer attrapé par notre alimentation de surdéveloppés, ou plus sobrement un arrêt cardiaque comme ça sans autre cause que lui-même. Aussi, pas même une circulaire nationale, pas même un référent sécurité dans chacun de nos temples, ne nous la ferons éviter ; la mort peut survenir à chaque instant. Mais il ne faut pas avoir peur. Il ne faut pas avoir peur car ce que nous dit l'évangile c'est que par la foi, dans la confiance, dans l'amour et dans l'accueil de l'autre, notre vie touche à l'éternité. En Christ, cette vie là est imprenable.  Aussi, écrire une déclaration de foi c'est cultiver cette vie là. Oui, cette vie là est une réalité plus forte que nos peurs car elle est imprenable. Car comme l'écrivait Paul « nous sommes [déjà] morts et notre vie est cachée avec le Christ en Dieu ». L'évangile ce n'est pas que des mots, c'est aussi une vérité : il ne faut pas avoir peur, dans une Église il n'y a pas de « question » ou de « problème » de sécurité, il y a juste un état d'urgence à témoigner de l'éternité voulue par Dieu, dans l'amour, pour chacune, chacun, d'entre nous. 

Alors oui, je prie le Père de toute miséricorde que nous sachions encore témoigner de l'Evangile dans une belle déclaration de foi au Christ vivant plutôt que de participer à la psychose générale des précautions inutiles...