dimanche 18 septembre 2016

Prédication du dimanche 18 septembre - Evangile selon Marc, chap. 5, v. 1 à 20

 1Ils arrivèrent de l’autre côté de la mer, au pays des Géraséniens. 2Comme il descendait de la barque, un homme possédé d’un esprit impur vint aussitôt à sa rencontre, sortant des tombeaux. 3Il habitait dans les tombeaux et personne ne pouvait plus le lier, même avec une chaîne. 4Car il avait été souvent lié avec des entraves et des chaînes, mais il avait rompu les chaînes et brisé les entraves, et personne n’avait la force de le maîtriser. 5Nuit et jour, il était sans cesse dans les tombeaux et les montagnes, poussant des cris et se déchirant avec des pierres. 6Voyant Jésus de loin, il courut et se prosterna devant lui. 7D’une voix forte il crie : « Que me veux-tu, Jésus, Fils du Dieu Très-Haut ? Je t’adjure par Dieu, ne me tourmente pas. » 8Car Jésus lui disait : « Sors de cet homme, esprit impur ! » 9Il l’interrogeait : « Quel est ton nom ? » Il lui répond : « Mon nom est Légion, car nous sommes nombreux. » 10Et il le suppliait avec insistance de ne pas les envoyer hors du pays. 11Or il y avait là, du côté de la montagne, un grand troupeau de porcs en train de paître. 12Les esprits impurs supplièrent Jésus en disant : « Envoie-nous dans les porcs pour que nous entrions en eux. » 13Il le leur permit. Et ils sortirent, entrèrent dans les porcs et le troupeau se précipita du haut de l’escarpement dans la mer ; il y en avait environ deux mille et ils se noyaient dans la mer. 14Ceux qui les gardaient prirent la fuite et rapportèrent la chose dans la ville et dans les hameaux. Et les gens vinrent voir ce qui était arrivé. 15Ils viennent auprès de Jésus et voient le démoniaque, assis, vêtu et dans son bon sens, lui qui avait eu le démon Légion. Ils furent saisis de crainte. 16Ceux qui avaient vu leur racontèrent ce qui était arrivé au démoniaque et à propos des porcs. 17Et ils se mirent à supplier Jésus de s’éloigner de leur territoire. 18Comme il montait dans la barque, celui qui avait été démoniaque le suppliait, demandant à être avec lui. 19Jésus ne le lui permit pas, mais il lui dit : « Va dans ta maison auprès des tiens et rapporte-leur tout ce que le Seigneur a fait pour toi dans sa miséricorde. » 20L’homme s’en alla et se mit à proclamer dans la Décapole tout ce que Jésus avait fait pour lui. Et tous étaient dans l’étonnement.

L'évangile nous convoque à entendre aujourd'hui : une histoire de fou. On pourrait même dire que l'évangile aujourd'hui est une folle histoire de fou. Dans ce passage de l'évangile selon Marc, la folie est tellement là, présente, que nous avons du mal à entendre ce que peux vouloir nous dire aujourd'hui un tel texte.

Que retenir ? Qu'entendre ? Comment entrer dans la compréhension de ce texte avec ce démon et cette histoire de cochons ? Pourtant là se dit l'évangile, là se dit l'évangile avec force. Une parole qui nous concerne, chacune, chacun – une parole de vie, une force de résurrection, quand bien même ça nous semble totalement fou.

Folie d'abord cette histoire de démon. Aujourd'hui nous ne pouvons pas faire comme si la compréhension des choses que donne le texte allait de soi. Après le développement de la philosophie médiévale, après les apports historiques de l'humanisme, après l'esprit critique des lumières nous n'avons plus la même compréhension des choses et du monde.

Nous avons une compréhension du monde critique, rationnelle, scientifique, une compréhension du monde qui ne fait plus appel à un monde caché et mystique comme c'est le cas avec cette histoire de démon. Pour nous, dans une chaîne de causalité nette et rationnelle, tout ce qui nous arrive est causé par un autre élément ou un autre événement. Alors évidemment, il y a bien encore quelques lieux ou quelques personnes qui croient en l'existence d'esprits ou de démons, mais globalement nous comprenons le monde sans ces éléments très imagés.

Alors, peut-être, faut-il souligner le fait que ça ne veut pas dire que nous comprenons le monde mieux que les anciens. Nous ne comprenons pas mieux le monde que ceux qui pensaient que tout était gouverné par des forces mystiques. Nous le comprenons différemment, avec d'autres catégories et une autre logique. Et du coup une histoire d'homme possédé par des puissances diaboliques, cette histoire de démons qui se transmettent de l'homme au troupeau de cochons et qui entrainent le troupeau à sa perte ; ça renvoie soit à l'imaginaire des film d'épouvante et des film d'horreur soit à un délire mystique. Imaginaire, délire, nous sommes ici dans ce qui nous semble fou. Ce n'est en tout cas pas de l'ordre de nos catégories habituelles, ou de notre logique quotidienne.

Le texte biblique porte en lui les compréhensions des hommes de son temps. Au 1er siècle, les forces mystiques, les démons, les puissances diaboliques tout ça, ça existe et ces catégories servent à expliquer le monde avec une logique propre. Quand bien même que ça nous semble fou.

Pour comprendre cette distance historique dans la manière de penser on peut tout à fait faire le chemin inverse ; imaginez au 1er siècle à Jérusalem un homme qui parle de marcher sur la lune. Cet homme inexorablement serait passé pour un fada. Dans les catégories de l'époque voyager dans l'espace c'est un truc complètement fou. Le texte biblique porte en lui les compréhensions des hommes de son temps, et nous portons en nous le savoir d'une époque et la distance entre les deux fait folie.

A cette première folie – due à la distance de nos compréhensions – il y a la folie dont parle le texte. La folie de l'homme possédé par l'esprit impur. Cet homme vit dans les tombeaux – c'est répété par deux fois, il est a distance du monde des vivants – il faut se souvenir que le cimetière dans le judaïsme est un lieu impur. Visiblement l'esprit impur lui fait faire un peu n'importe quoi : il brise ses chaînes car il est fort « comme un diable » dira le dicton, nul ne peut le retenir, nul ne peut l'enchainer, le lier.

Mais surtout nous dit le texte : « nuit et jour il est sans cesse dans les tombeaux et les montagnes poussant des cris et se déchirants avec des pierres ». Tout ces éléments donnent le portrait d'un homme qui n'est plus vraiment humain : il vit dans un lieu de mort, il ne distingue plus le jour et la nuit, il ne respecte plus son corps et sa seule expression se sont ses cris. Cet homme n'est plus vraiment humain le démon qui le possède le situe à la limite de l'animalité.

L'évangile c'est alors le passage de cette folie, de cette vie pour la mort à la prédication de la bonne nouvelle. A la fin du passage biblique, l'évangéliste nous dit que cet homme qui au départ n'est plus vraiment un homme tant il est fou, cet homme va devenir le prédicateur de la bonne nouvelle dans la décapole – un groupe de villes à l'est du Jourdain. Il va donc quitter sa montagne et ses tombeaux pour vivre en ville, du lieu des morts et il va passer au lieu des vivants ; il va cesser de crier et de se déchirer sur les rochers pour annoncer la Parole, d'un comportement mortifère il va annoncer la parole de vie.

Aussi, la première chose que nous pouvons entendre dans ce texte fou, tout de même, c'est l'évangile comme puissance de vie, la bonne nouvelle comme résurrection. Jésus fait sortir cet homme de l'emprise qui l'enfermait à la folie pour lui donner à vivre la prédication de l'évangile. Dans ce changement de destin, sur une parole d'autorité de Jésus, il y a quelque chose d'une résurrection qui se dessine ; passage de la mort à la vie.

C'est un premier sens qui traverse la folie du texte. Mais ce n'est pas le seul sens. On peut entrer dans une autre compréhension de ce texte, une compréhension supplémentaire en réalisant combien ce texte est marqué par quelques allusions à l'empire et à Rome.

Il est d'abord noté que nous sommes en territoire païen – le pays des Géraséniens – En traversant la mer, Jésus et ses disciples ont quitté le monde juif, leur monde de la Galilée. Première allusion à l'étranger, mais surtout, ensuite le démon dit à Jésus qu'il s'appelle « Légion » - ce mot au premier siècle, sur toutes les rives de la méditerranée , se mot fait référence nécessairement aux armées de Rome, aux légions de César. Nous sommes donc en territoire païen, le démon s'appelle comme l'occupant romain, et nous nous retrouvons à côté d'un grand troupeau de porcs, porcs dans lesquels le démons vont finir précipité d'une haute falaise dans la mer. Ces porcs rappelons le n'étaient élevés que pour la consommation des païens et notamment de l'occupant romain, des légions de l'empire.

Sans faire de l'évangéliste Marc un révolutionnaire qui aurait un discours vindicatif contre l'occupant, il faut quand même souligner qu'avec cette histoire de fou, l'évangéliste écorne l'image de la puissance impériale. En passant, il réduit la puissance romaine, les légions de césar, à un troupeau de cochon qui finira noyé dans la mer. Si en plus de ces éléments du texte, on se souvient que l'évangile selon Marc a peut-être été écrit à Rome, la polémique est encore plus soulignée. Il faudra alors entendre que la folie d'un fou possédé d'un esprit impur qui cri et se déchire jour et nuit au milieu des tombeaux, cette folie n'est pas plus folle que la folie d'une armée qui pensait dominer le monde.

La folie de ce texte transporte donc aujourd'hui encore une parole de vie contre les enfermements de la mort, elle apporte aujourd'hui encore une critique sur toutes les puissances du monde qui prétendent dominer le monde et dominer l'humain. C'est alors un troisième sens que donne à entendre ce texte, ce troisième sens révèle une fois encore, combien le Christ Jésus est l'homme de Parole. Parole quand il raconte ses paraboles, parole quand il calme une tempête, parole encore quand il rencontre la folie des hommes.

Jésus parle avec le démon qui possède l'homme qui cri. Il parle et il donne la parole. C'est dans la parole que Jésus est reconnu comme fils de Dieu, et c'est dans la parole que le démon reconnaît être nombreux. C'est par une parole enfin que Jésus condamne le démon dans le troupeau de cochon a être jeté au fond de la mer.

Cette parole a déjà été entendue. A la fin du livre de Michée, le prophète annonce le pardon de Dieu avec cette formule: « L'Eternel piétinera nos péchés, tu jetteras toutes leurs fautes au fond de la mer ». Alors le geste de Jésus devient un geste de pardon, de miséricorde. Avec Christ : les forces de haines, de morts, de refus de l'espérance et de rejets de l'autre, toutes ces forces qui défigurent l'homme comme le projet de Dieu, toutes ces forces seront englouties au fond la mer et elles y resteront.

Cette bonne nouvelle d'une Parole qui relève et qui envoi comme témoin du Christ vivant nous pouvons l'entendre aujourd'hui encore. Non pas comme une histoire de fou, mais comme notre vocation. Nous pouvons l'entendre chacune, chacun. L’Éternel ne nous demande pas d'être les champions de la sainteté, ni des hommes et des femmes au passé pur et irréprochables.

Nous avons tous une histoire – je vous souhaite qu'elle soit moins folle que celle de cet homme – mais justement nous avons tous une histoire, souvent moins tordue que la folie de cet homme, et dans notre histoire la parole du Christ nous appelle tels que nous sommes, avec nos blessures et nos limites, mais aussi avec nos espérances et nos impatiences.

Il ne nous appelle pas à être des super-héros de la foi mais à être des hommes et des femmes qui ont un jour entendu une parole qui leur a dit qu'ils étaient aimés de Dieu, tels qu'ils étaient, et tels qu'ils étaient ils devaient sortir des lieux de morts pour être vivant, tels qu'ils étaient la vie éternelle leur était donnée ; tels qu'ils étaient ils pouvaient être témoin de la résurrection, témoin de la vie plus forte que la mort.

Avec cette histoire de fou, l'évangile nous invite à porter encore cette parole d'une vie donnée pour la liberté, d'une parole plus forte que toutes les puissances qui apeurent et qui enferment, plus fortes que les liens de domination et de désespérance. Alors oui c'est encore une histoire de fou : Cet évangile est folie, folie de Dieu pour nos vies, passion de Dieu d'un amour fou pour chacune chacun d'entre nous. Amen.

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