dimanche 1 mai 2016

Rencontre du Week-end de l'Ascension

Ce week-end qui vient, l'Ascension 2016, nous allons en famille à Devesset, en Ardèche, assister au Cercle des Responsables des Associations de Caulmont. 

Caulmont est une communauté chrétienne œcuménique – le lien vers son site Internet est sur la colonne de gauche depuis quelques temps. C'est le moment d'en dire un peu plus.

Quand il s'agit de penser la pertinence d'une vie communautaire, il me faudrait citer ici tout Bonhoeffer. C'est pour moi la référence première. Plus simplement, Laurent Schlumberger dans son ouverture au colloque « protestantisme et vie monastique » faisait de la vie communautaire un laboratoire pour l’Église et pour le monde :

«Un laboratoire pour l’Église. Les communautés monastiques sont des paraboles d'amour fraternel données à l’Église. (...) les communautés monastiques sont offertes aux chrétiens et aux communautés paroissiales comme une sorte d'appel, longtemps inouï et soudain d'une justesse qui touche au cœur. Un appel qui signifie en somme : et toi, avec celles et ceux qui te sont donnés, là où tu es, comment laisses-tu l’Évangile de l'amour de Dieu saisir toute ta vie ? Les communautés de vie monastique sont sans doute aussi un laboratoire pour le monde. Car elles labourent et explorent des formes de socialisation, de solidarité et d'institution dans un monde qui ne sait plus très bien comment conjuguer la transmission et l'autonomie, l'institution et l'émancipation » (p. 11)

Je trouve cette image du laboratoire pertinente en ce qu'elle met en place une notion d'expérience ; elle me gênerait si elle conduisait à une vision de confinement, de mise à part, ou de « clôture » qui, si elle peut exister dans certaines expériences communautaires, n'est pas présente à Caulmont. Faire communauté n'est pas une volonté de mise à l'écart mais bien vivre dans un lieu d'expériences. Ce lieu d'expérience ne vient pas en concurrence avec les Église locales mais en différence. Dans les actes du même Colloque, résonne particulièrement la contribution d'Olivier Abel qui fait du monastère « un lieu d'invention du monde » :

« Il s'agit de refaire un monde, un monde véritable, en marge du monde des mondanités, des empires des richesse, des vanités. Il s'agit de refaire un théâtre de la gloire de Dieu, un micro- monde alternatif mais où Dieu puisse habiter » (p. 172)

Cette démarche est, je le crois, aujourd'hui pertinente pour l’Église car elle l'est pour le monde : y compris dans le champ laïc – la création d'éco-villages soit des communautés de vie et de production est en renouveau, sur un mode différent de celui de la fin des années 60 pour envisager de « vivre autrement » avec des solutions qui ne sont pas celles d'un « développement durable » offert par le capitalisme, mais celles d'une « décroissance pour vivre mieux ».

Par son style liturgique, par son fonctionnement, Caulmont propose de concilier l'appartenance communautaire à une très grande liberté. La comparaison avec nombre de communautés – même très ouvertes – est sans appel. Toutes structurent le lien d'appartenance à travers une discipline, règle, constitution... etc. à Caulmont il n'y a qu'un texte fondateur à partir duquel l'expérience est menée en toute liberté. Cette liberté est aussi un positionnement libéral et ouvert – ce qui transparaît notamment dans « Nouvelles »

Par cette liberté, Caulmont comme lieu d'accueil a je crois aujourd'hui une pertinence très forte : « Ni église locale, ni paroisse » : la communauté permet de vivre le lien ecclésial d'une manière très ouverte et donc très féconde par rapport aux formes traditionnelles de fréquentation d'église. Une conviction : nos contemporains ont besoin de ce genre de lieu comme porte ouverte sur l'église 
– c'est clairement un lieu d’Églises au pluriel
– Par son ouverture œcuménique : Caulmont est un lieu offrant la possibilité d'une foi chrétienne ouverte sans étiquette. Lieu d’Églises : Caulmont répond ainsi à un besoin de nos Églises à trou- ver ce genre de lieu de rencontre.
– Un lieu de résistance : La vie communautaire est, de fait, un acte de résistance à notre monde aux individualités exacerbées, et notre monde a besoin de ce genre de lieux de respiration, des lieux témoins qu'une autre vie est possible

« Vivre au cœur de l’Évangile, dans la communion fraternelle, le défi de la prière, le risque de l'accueil, le pari de l'unité et l'urgence du partage... »

Pour faire un pas de plus dans la réflexion, il me semble que l'on peut aussi penser la vie communautaire comme « fresh expression » ou la question de l'émergence : L'institution ecclésiale est aujourd'hui en crise, et ce quelle que soit l'étiquette confessionnelle qu'on lui porte. Si je prends le cas de Béziers dans laquelle je me situe, toute la famille chrétienne est touchée : la crise de vocation par le manque de prêtre, la crise de la fréquentation par la fermeture d'une église évangélique, la crise financière qui réduit les capacités dans l'église protestante unie. Nous connais- sons, je crois, une époque qui impose la nécessité à repenser l’Église et à repenser leur fonctionnement autrement. La vie communautaire peut alors s'inscrire en continuité à ce que peut écrire Gabriel Monet dans l’Église émergente quand il parle de l’Église incarnationelle :

« Penser l’Église comme incarnationnelle implique donc d'assumer une forme de présence au monde nourrie par le Christ. Si cette présence est transculturelle, contextuelle, contre-culturelle et interculturelle, à l'image de ce qu'a été la vie de Jésus, l’Église trouvera sur son chemin résis- tance et critique. Mais qu'importe, (…) L’Église émergente en postchrétienté n'a donc pas à avoir peur de sa décroissance ou de sa précarité, parce que si elle est véritablement l’Église du Christ, il n'y a pas de doute que celui-ci fera en sorte que l’Évangile continue son chemin, malgré l’Église et à travers elle».
Et clin d’œil à la vie communautaire, Monet poursuit en écrivant :
« Comme le dit si bien la règle de Reuilly écrite par Sœur Myriam : « il nous faut non seulement aimer l’Évangile, contempler l’Évangile, apprendre l’Évangile, vivre l’Évangile, souffrir l’Évangile, mais encore, avec notre chair et notre sang, continuer l’Évangile »

Penser l’Église comme émergente, donne alors à la vie communautaire en général, et à Caulmont en particulier, un autre sens : lieu d’Églises, lieu de rencontres et lieu de témoignage – Caulmont offre les possibilités de vivre un lien à l’Église autrement. Participant à cette conversation émergente ou à ce mouvement de « fresh expression », dans lequel les communautés ont une place toute particulière avec l'émergence d'un nouveau monachisme (à ce sujet : New monastiscism as fresh expression of church, Canterbury press 2010).

Ainsi, Caulmont est un lieu d’Églises pour être témoin aujourd'hui dans l'expression œcuménique, sans doute à la marge de nos institutions. Mais être à la marge ce n'est pas être dehors, c'est être au lieu où les rencontres sont possibles et où la vie surgit au plus fort.

Ce texte n'est qu'un commencement... 
Un deuxième article sur cette communauté viendra après ce week-end de l'ascension...

1 commentaire:

  1. La marge est le lieu où se fait la correction des fautes (j'aime mieux dire "erreurs")dans le monde scolaire. Qu'elle soit le lieu où l'église se corrige de tous ses égarements !
    Longue vie à Caulmont et merci, Benoît, pour ce bel engagement.
    Sylvie Q.

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