samedi 9 juillet 2016

Prédication du dimanche 3 juillet - Evangile selon Marc, 1 v. 1 à 20

Commencement de l’Evangile de Jésus Christ Fils de Dieu : Ainsi qu’il est écrit dans le livre du prophète Esaïe, Voici, j’envoie mon messager en avant de toi, pour préparer ton chemin. Une voix crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers.
Jean le Baptiste parut dans le désert, proclamant un baptême de conversion en vue du pardon des péchés. Tout le pays de Judée et tous les habitants de Jérusalem se rendaient auprès de lui ; ils se faisaient baptiser par lui dans le Jourdain en confessant leurs péchés. Jean était vêtu de poil de chameau avec une ceinture de cuir autour des reins ; il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage. Il proclamait : « Celui qui est plus fort que moi vient après moi, et je ne suis pas digne, en me courbant, de délier la lanière de ses sandales. Moi, je vous ai baptisés d’eau, mais lui vous baptisera d’Esprit Saint. »  
Or, en ces jours-là, Jésus vint de Nazareth en Galilée et se fit baptiser par Jean dans le Jourdain. A l’instant où il remontait de l’eau, il vit les cieux se déchirer et l’Esprit, comme une colombe, descendre sur lui. Et des cieux vint une voix : « Tu es mon Fils bien-aimé, il m’a plu de te choisir. » 
Aussitôt l’Esprit pousse Jésus au désert. Durant quarante jours, au désert, il fut tenté par Satan. Il était avec les bêtes sauvages et les anges le servaient.
Après que Jean eut été livré, Jésus vint en Galilée. Il proclamait l’Evangile de Dieu et disait : « Le temps est accompli, et le Règne de Dieu s’est approché : convertissez-vous et croyez à l’Evangile. » Comme il passait le long de la mer de Galilée, il vit Simon et André, le frère de Simon, en train de jeter le filet dans la mer : c’étaient des pêcheurs. Jésus leur dit : « Venez à ma suite, et je ferai de vous des pêcheurs d’hommes. » Laissant aussitôt leurs filets, ils le suivirent. Avançant un peu, il vit Jacques, fils de Zébédée, et Jean son frère, qui étaient dans leur barque en train d’arranger leurs filets. Aussitôt, il les appela. Et laissant dans la barque leur père Zébédée avec les ouvriers, ils partirent à sa suite.

« Commencement de l'évangile de Jésus Christ, fils de Dieu ».
Voilà les premiers mots de l'évangile selon Marc – cet évangile nous l'ouvrons aujourd'hui et nous allons le suivre jusqu'à Pâques. Lecture continue, toutes les prédications que je donnerai jusqu'à la résurrection du Christ dérouleront le récit évangélique – exception faite pour la fête de Noël.

« Commencement de l'évangile de Jésus Christ, fils de Dieu ».
Les 20 premiers versets du texte de l'évangile que j'ai lu sont marqués, déjà, par la construction d'un effacement de la personne de Jésus. La construction d'un effacement pour que résonne l'évangile, la bonne nouvelle.

Un effacement car dans le texte que nous avons entendu, il est question d'Esaïe, de Jean le Baptiste, de Simon et André et de Jacques et Jean. Autant que de Jésus. Oui, Jésus lui est nommé au commencement, puis il est nommé au moment de son baptême et de sa tentation - mais c'est tout. Le nom de Jésus n'apparaît que cinq fois dans les 20 premiers versets – A titre de comparaison le nom de Jean le baptiste apparaît quatre fois. L'évangile semble parler autant du Baptiste que du Christ.

Je parle de la construction d'un effacement, car je crois que l'auteur de l'évangile construit cette mise en retrait de Jésus – il veut dire quelque chose par cet effacement – il y a là quelque chose qui peut nous parler. La construction de cet effacement peut je crois nous dire deux choses : d'abord cela nous parle sur ce qu'est l'évangile et ce qu'il n'est pas. Mais également cela peut nous parler sur qui est Jésus, qui est Jésus pour l'évangéliste Marc, sur qui il peut être pour nous.

Cet effacement nous parle de ce qu'est l'évangile et ce qu'il n'est pas – très rapidement. Quand on ouvre le texte biblique, il faut nous souvenir que l'évangile n'est pas une vie de Jésus. L'évangile n'est pas un récit historique qui concernerait un personnage historique. L'évangile c'est une invitation à la foi qui concerne le Christ vivant. Plus qu'un récit historique nous avons là le témoignage d'une foi naissante.

Commencement de l'évangile de Jésus Christ, fils de Dieu. Le texte biblique nous invite pas à faire mémoire d'une histoire mais bien à entrer dans le dynamisme de Dieu. Car si Jésus s'efface au commencement de l'évangile c'est, je crois, pour laisser transparaître le dynamisme de Dieu.

Au cœur de ces versets que j'ai lu, la prédication de Jésus est rapportée« Le temps est accompli, ou Le moment fixé est arrivé ; le Règne de Dieu s'est approchez Convertissez vous ;  croyez en l’Evangile ». Une prédication très brève.

La formule est tellement brève qu’on ne peut pas, à véritablement parler de prédication ou d’enseignement, Le Christ témoigne d’une invitation à croire, d’une invitation à la confiance, d’une foi donnée. Mais pour l’instant sa parole est juste de l’ordre d’une interpellation, d’une invitation ; L’enseignement viendra après, plus tard. Pour le moment, Jésus vient tout juste d’être baptisé il commence son ministère, par un appel à la foi et déjà il appelle des disciples à le suivre.

Pour le dire de manière synthétique, entendre l'évangile ou être disciple : ce n'est pas suivre des prédications ou des cours, mais suivre le Christ ; il ne s’agit non pas d’entendre un enseignement, mais d’entrer dans la confiance. Ce qui constitue le disciple n’est pas le fait d’être un élève et d'apprendre une histoire sainte pour savoir citer les écritures avec référence chapitres et versets. Mais il s'agit de se placer à la suite du Christ et, à sa suite, de risquer la confiance. L’évangile n’est pas une bonne et sainte doctrine, l’évangile est bien plus un art de vivre à la suite du Christ. Il y a là dans ce qu’on appelle la suivance la véritable raison d’être des disciples.

Et nous l’entendons aujourd'hui, cette suivance est d’abord un abandon. Pour venir à la suite de Jésus, pour s’éloigner avec lui, pour le suivre, il faut laisser là ce que l’on a. Ainsi Grégoire le grand, l’un des quatre premiers docteurs de l’église catholique avec Ambroise de Milan, Saint Augustin, et Saint Jérome, Grégoire le grand, au VIème siècle commentait l'appel des disciples en écrivant  :

« Il a beaucoup laissé, celui qui n’a rien retenu pour lui ; il a beaucoup laissé celui qui a tout abandonné, même si c’est peu de chose. Nous, ce que nous possédons nous le conservons avec passion, et ce que nous n’avons pas nous le poursuivons de nos désirs. Oui, [Simon] et André ont beaucoup laissé, puisque l’un comme l’autre ont abandonné jusqu’au désir de posséder. Ils ont beaucoup abandonné, puisqu’en renonçant à leurs biens, ils ont aussi renoncé à leurs convoitises ».
Et Grégoire le grand terminait en disant : « En suivant le Seigneur, ils ont renoncé à tout ce qu’ils auraient pu désirer s’ils ne l’avaient pas suivi »[1].

Cette parole date du VIe siècle, en l’entendant on a du mal à réaliser que Grégoire le grand, au VIe siècle ne connaissait pas notre société capitaliste de consommation et notre frénésie de possession. « Abandonner ce que nous possédons et renoncer à la convoitise… » que faudrait-il dire aujourd’hui ? Que faudrait-il dire alors que nous n’existons que parce que nous avons, parce que nous possédons.

Suivre le Christ, c’est donc abandonner ce que l’on a ou ce que l’on pourrait désirer, pour croire, c'est-à-dire pour trouver en Christ le seul sens de sa vie. Vous comprenez qu’on est déjà mille lieux d’un disciple qui reçoit simplement un enseignement d’un maître. 

Mais ensuite, suivre le Christ, après l’abandon de la mise en route c’est toujours se déplacer, bouger, se mettre en mouvement. Le disciple qui suit le Christ n’a pas rendez vous chaque jour à chaque heure au même endroit, comme dans une école. Ainsi les maîtres de l’antiquité avaient-ils l’habitude d’enseigner toujours au même endroit :  on peut penser, par exemple, aux jardins de l’académie de Platon dans la banlieue d’Athènes, où pendant 4 siècles après Platon l’enseignement de sa philosophie va avoir lieu.  Le maître avait fondé une école pour ses disciples, un lieu précis, un endroit où se retrouver.

Le Christ lui ne s’arrête pas de bouger – l’évangile nous le dit : il n’a pas de lieu ou reposer sa tête. On ne le réalise pas toujours, mais l’évangile n’arrête pas de nous montrer un Christ qui marche, qui monte dans une barque, qui va au désert, qui ne s’arrête chez quelqu’un que pour mieux en repartir, Un Christ qui entre dans les villes pour en ressortir trois versets plus loin. Pour ne tenir que les 20 premiers versets que j'ai lu : le Christ est passé au désert, il est allé en Galilée, puis il est retourné au désert, puis il est revenu en Galilée – des aller et venus incessants.

Oui, le Christ, bouge sans arrêt, il est en marche et qui n’aura de cesse de cheminer jusqu’à Jérusalem. Aussi, du même coup suivre le Christ c’est toujours se déplacer avec lui, bouger avec lui, se mettre en mouvement à sa suite. La foi est essentiellement une dynamique, ou mieux la foi est une participation au dynamisme de Christ, un participation au dynamisme de Dieu manifesté en Christ.

La foi est dynamique, changement, mouvement, déplacement : Ainsi André Gounelle écrivait que « La foi nous rassure et nous surprend ; elle nous implante et nous transporte, elle nous fait sortir de nous-mêmes pour retrouver la vérité profonde inscrite en nous »[2].

L’évangile ne nous montre pas un Christ qui marche sans cesse pour nous donner le tournis. Non. Mais il nous montre un cheminement à suivre dans la liberté et dans l’amour, un cheminement qui commence par l’abandon de tout ce que nous avons pour dire notre identité.

Très concrètement : à la suite du Christ nous ne sommes pas notre couleur de peau, nous ne sommes pas notre nationalité, nous ne sommes pas notre statut social, nous ne sommes pas notre professions, nous ne sommes pas notre santé – qu’elle soit fragile ou en pleine forme, nous ne sommes pas même nos engagements au sein de l’église. Tout ça : notre bénévolat même dans l’église, notre santé, notre profession, notre statut social, notre nationalité ou notre couleur de peau, tout ça est de l’ordre de l’avoir, de la possession – et c’est ce qu’il faut savoir abandonner pour être à la suite du Christ.  

Pour essayer de dire  ce disciple qui bouge à partir d’un abandon, pour donner une image de la foi qui envoie et mobilise, l’apôtre Paul dans sa deuxième lettre aux corinthiens utilisera l’image de l’ambassadeur : « Nous faisons donc fonction d’ambassadeur pour Christ ». L’ambassadeur c’est celui qui accepte d’abandonner, de quitter, de partir de chez lui, pour porter l’identité de celui qui l’envoie : être ambassadeur du Christ.

Ce n’est pas simple, c’est sans doute jamais définitif et il y a bien souvent des résistances face à cet appel : Etre mis en mouvement dans la confiance pour témoigner de la Parole. Je le disais être disciple de Jésus aujourd’hui est encore possible. Etre pécheur d’homme disait Jésus : vous l’avez compris il ne s’agit pas de s’enfermer mutuellement dans le filet d’une communauté resserrée sur elle-même, il ne s’agit pas même d’avoir un statut ou une place à part…

Bien plus, il s’agit d’aller à la suite du Christ, de renoncer à fonder notre identité dans toutes nos possessions ; savoir sortir de nous-mêmes, pour avoir confiance et pour donner confiance à nos contemporain dans une grâce à laquelle rien ne peut faire obstacle. Se mettre en marche à la suite du Christ, donner confiance, vivre l’espérance aujourd’hui.

Ne pas s’accrocher à nos avoirs, nos biens, ceux que nous possédons ou ceux que nous désirons – mais s’ouvrir à une parole qui peut nous mettre en marche dans le dynamisme de Dieu manifesté en Christ.

Ces 20 premiers versets de l'évangile construisent un effacement de la personne de Jésus pour laisser la place au dynamisme de la confiance en la Parole. Cela nous dit deux choses oui l'évangile est invitation à la confiance et dans cette confiance invitation à trouver la paix, et le Christ n'est pas un maître à vénérer en ce qu'il aurait une autorité doctrinale absolue, mais dans le tâtonnement de nos vies il est un chemin tracé, un chemin de confiance et de paix, un chemin pour chacune de nos existences.

Amen.


[1] L’évangile médité par les pères – Marc, p. 17
[2] A. Gounelle, parler du Christ, p. 104

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