lundi 18 juillet 2016

Prédication du dimanche 17 juillet 2016 - Marc chap. 1, v. 40 à 2, v. 12


 Un lépreux s’approche de lui ; il le supplie et tombe à genoux en lui disant : « Si tu le veux, tu peux me purifier. » Pris de pitié, Jésus étendit la main et le toucha. Il lui dit : « Je le veux, sois purifié. » A l’instant, la lèpre le quitta et il fut purifié. S’irritant contre lui, Jésus le renvoya aussitôt. Il lui dit : « Garde-toi de rien dire à personne, mais va te montrer au prêtre et offre pour ta purification ce que Moïse a prescrit : ils auront là un témoignage. » Mais une fois parti, il se mit à proclamer bien haut et à répandre la nouvelle, si bien que Jésus ne pouvait plus entrer ouvertement dans une ville, mais qu’il restait dehors en des endroits déserts. Et l’on venait à lui de toute part.
 Quelques jours après, Jésus rentra à Capharnaüm et l’on apprit qu’il était à la maison. Et tant de monde s’y rassembla qu’il n’y avait plus de place, pas même devant la porte. Et il leur annonçait la Parole. Arrivent des gens qui lui amènent un paralysé porté par quatre hommes. Et comme ils ne pouvaient l’amener jusqu’à lui à cause de la foule, ils ont découvert le toit au-dessus de l’endroit où il était et, faisant une ouverture, ils descendent le brancard sur lequel le paralysé était couché. Voyant leur foi, Jésus dit au paralysé : « Mon fils, tes péchés sont pardonnés. » Quelques scribes étaient assis là et raisonnaient en leurs cœurs : « Pourquoi cet homme parle-t-il ainsi ? Il blasphème. Qui peut pardonner les péchés sinon Dieu seul ? » Connaissant aussitôt en son esprit qu’ils raisonnaient ainsi en eux-mêmes, Jésus leur dit : « Pourquoi tenez-vous ces raisonnements en vos cœurs ? Qu’y a-t-il de plus facile, de dire au paralysé : “Tes péchés sont pardonnés”, ou bien de dire : “Lève-toi, prends ton brancard et marche” ? Eh bien ! afin que vous sachiez que le Fils de l’homme a autorité pour pardonner les péchés sur la terre… » – il dit au paralysé : « Je te dis : lève-toi, prends ton brancard et va dans ta maison. » L’homme se leva, il prit aussitôt son brancard et il sortit devant tout le monde, si bien que tous étaient bouleversés et rendaient gloire à Dieu en disant : « Nous n’avons jamais rien vu de pareil ! »

2 guérisons de plus ! Déjà au chapitre 1, Marc nous a fait le récit de la guérison d'un homme possédé d'un esprit impur, il nous a rapporté le soulagement de la fièvre de la belle-mère de Simon, puis plus globalement il nous a raconté comment Jésus guerissait les malades de divers maux et qu'il chassait beaucoup de démons.

Aujourd'hui, dans cette fin du chapitre 1 de l'évangile et au début du chapitre 2 – 2 récits de miracles de plus.

La première histoire est celle d'un homme – lépreux – donc impur. Cet homme vient seul et de lui-même voir Jésus. La scène est celle d'un tête à tête. Nous sommes dans l'intimité. Jésus le guérit d'une parole forte, pleine d'autorité : « Je le veux sois pur » - puis de manière surprenante Jésus demande le silence à cet homme – « garde toi de ne rien dire à personne ». Et il invite ce lépreux guérit à accomplir les rites de puretés voulus par la loi. Alors de manière un peu surprenante l'évangéliste Marc souligen que Jésus s'énerve – Jésus s'emporte contre lui. Le lépreux est guéri mais manifestement pour le Christ cela suscite en lui une insatisfaction voire un mouvement de violence – 1ère histoire.

Puis quelques jours après nous dit l'évangéliste – arrive le deuxième événement. Là, il y a une foule, une foule tant nombreuse que quatre hommes qui portent un paralytique n'ont d'autre choix que de passer par le toit de la maison pour amener cet homme à Jésus. Là encore Jésus a une parole d'autorité – une double parole : il dit d'abord le pardon de Dieu : « mes enfants tes péchés sont pardonnés » - et devant la réaction des scribes qui l'accusent de blasphème, Jésus insiste « je te le dis, lève toi, prends ton grabat et retourne chez toi ». La répétition de Jésus souligne combien cette fois-ci Jésus assume, combien il va jusqu'au bout de cette guérison là, alors que tout à l'heure quelque chose le gênait.

Deux guérisons tout en contraste l'une avec l'autre. L'une est de l'ordre de l'intime, la deuxième de l'ordre du grand public. Lors de la première, Jésus souhaite la discrétion, il y a une notion de secret qui se dit là ; lors de la deuxième il accepte la confrontation au public et il joue même sur le spectaculaire de la guérison. Dans le premier temps, Jésus invite le lépreux guérit à respecter la loi de Moïse, et les prêtres en appliquant les prescriptions de la loi, lors de la deuxième il entre en contestation frontale avec les scribes. La première suscite de l'emportement chez Jésus, la deuxième semble plus pleinement assumée.

Je crois que ces éléments de contraste nous appellent à être attentif à la différence fondamentale entre ces deux gestes de Jésus – une différence qui se trouve comme toujours dans la parole qui les accompagne.

Dans le premier événement – le lépreux est purifié ; dans le deuxième événement – le paralytique est pardonné. Purifié – pardonné. Nous avons là deux registres bien différents, bien distincts. Arrêtons nous un instant.

La purification, c'est ce qui fait passer de l'impur au pur – c'est une action humaine. La loi de Moïse donne les recettes à tout à chacun qui se retrouverait en situation d'impureté pour redevenir pur. Il y a pour certains cas des bains de purification, pour d'autres cas des temps de jeunes, etc. Tout être déclaré « impur » peut redevenir « pur » par le biais d'un rituel.

La lèpre est un des cas où « ce redevenir pur » est impossible. Le lépreux est impur tant qu'il est malade. La purification est donc un rite religieux mais un rite qui parle de quelque chose d'un lien social. Ceux qui sont impurs sont mis à l'écart, séparés de ceux qui sont purs. Il y a là une division sociale ou sociétale dirait-on aujourd'hui. Ainsi, le lépreux purifié retrouve sa place dans la société dont il était exclu tant qu'il était impur. Et en tant que tel, pour retrouver sa place, il doit effectuer ce que la société attend de lui - on comprend alors que Jésus lui demande de respecter les rituels de pureté qui seront validés par les prêtres.

Purification pour le premier événement, venons en au second avec cette notion autrement plus compliquée qu'est le pardon. Le pardon c'est aussi une action humaine – nous sommes tous capables de pardon. Mais c'est une action qui s'enracine en Dieu. Dans un certain sens, les scribes ont raison de dire que seul Dieu peut pardonner les péchés d'un homme. C'est vrai.

Ce qu'ils oublient c'est que nous avons tous à témoigner de ce pardon de Dieu dans nos vies. Nous avons tous à donner à voir ce pardon de Dieu. Ce témoignage dans le texte ce sont les quatre porteurs du paralytique qui le donnent. L'évangéliste Marc écrit que Jésus « voyant leur foi » va annoncer le pardon au paralytique. C'est, je crois, la seule fois dans l'évangile où Jésus voit la foi de quelqu'un. Nous avons bien là un témoignage qui est donné.

Jésus a vu la foi des porteurs. Il n'y a pourtant pas de guérison par la foi – c'est bien Jésus qui sauve. Mais la foi est cependant attendue parce que la guérison n'a de sens que comme et pour le rétablissement d'une relation. Il ne s'agit plus d'une relation sociale, comme dans le cas de la pureté – mais de la relation à Dieu. Le pardon est annoncé et il guérit en ce que la relation à Dieu est rétablie, grâce à la foi des quatre porteurs, grâce à la parole de Jésus.

Pureté d'une part, pardon d'autre part, la différence entre ces deux événements est de taille. Au point que je me demande si derrière la purification et le pardon il n'y a pas deux manières différentes de comprendre la religion et même deux manières de voir le monde.

Pour être un tenant de la pureté, de la purification il faut nécessairement, toujours, être dans le jugement – qui est pur et qui ne l'est pas. Il faut bien une norme, une loi, qui fait la différence, la séparation, la coupure nette entre le pur et l'impur. La religion n'est alors comprise que comme la pratique nécessaire pour devenir pur puis à rester en état de pureté.

La religion est alors, oui, un maintient dans une certaine pureté. Alors bien entendu le mot de pureté peut faire sourire ou blesser, on peut alors en changer – à la place de la pureté on peut parler de sainteté. Ça fait moins archaïque la sainteté que la pureté, mais ça fonctionne pareil il s'agit de devenir saint ou de se maintenir en état de sainteté.

Voir le monde en terme de pureté c'est voir le monde en division, en opposition, dans un rapport à l'autre qui n'est que frontal. L'impur c'est le rejeté, celui qui n'est pas comme les membres de la communauté, du clan, l'exclu, celui du dehors. Quand on pense en terme de pureté – les pur c'est souvent nous, et les impurs sont souvent les autres. Aujourd'hui les purs sont les chrétiens et les impurs sont les islamistes

Ce fonctionnement de pureté ou de sainteté – ce fonctionnement d'une religion en jugement de nos comportement et nos actes, je ne crois pas que ce soit l'évangile. C'est bien la loi de Moïse et le Christ s'y soumet. Quand on lit qu'il s'emporte c'est peut être bien parce que ça lui fait violence. L'évangile n'a rien a voir avec cette pureté ou cet état dans lequel il faudrait se situer en opposition au reste du monde.

La logique du pardon n'est pas la même – avec le pardon il ne s'agit pas de devenir « pardonné » comme on pourrait devenir pur. Il ne s'agit pas de changer d'état. Le pardon n'efface pas le pécheur.

Ainsi le pasteur Bonhoeffer écrivait : «  Dieu est venu jusqu'à toi, pécheur, pour te sauver. Réjouis-toi ! En te disant la vérité, ce message te libère. Devant Dieu, tu ne peux pas te cacher. Le masque que tu portes devant les hommes ne sert à rien devant lui. Dieu veut te voir tel que tu es pour te faire grâce. Tu n'as plus besoin de te mentir à toi-même et de mentir aux autres en te faisant passer pour sans péché ; non, ici il t'est permis d'être un pécheur, remercie Dieu »

La logique du pardon c'est bien celle d'être à la fois pécheur – même si on aime pas ce mot - et à la fois pardonné. Car il n'y a que le pécheur qui a besoin de pardon. Le pardon n'efface pas le pécheur. Quelques versets plus loin, dans ce même chapitre 2 de l'évangile de Marc le Christ dira qu'il n'y a que les malades qui ont besoin de médecin, dès lors qu'on se croit sans péché, on a plus besoin de pardon – le péché est la condition du pardon, et c'est bien notre condition, à partir de laquelle la bonne nouvelle appelle une transformation.

Voir le monde en terme de pardon, ce n'est plus penser en terme de confrontation comme le fait le registre de pureté. C'est penser en terme de transformation, une transformation comme une guérison. Alors faut-il le préciser, quand je parle de Pardon, ce n'est pas de l'innocence ;c'est voir effectivement que le monde est soumis au mal, que nos vies sont soumises au mal et que nous avons besoin d'autre chose – une autre chose qui ne s'oppose pas frontalement à ce que nous sommes, mais une autre chose qui est de l'ordre d'une parole d'amour, qui transforme, qui vient dire une espérance, qui pose une lumière dans les ténèbres.
Si, le registre de la pureté ne peut engendrer que de la violence,. Même Jésus s'emporte dans l'évangile, le pardon est condition d'une paix choisie et voulue. Par contre, je voudrai être bien clair ici, parler aujourd'hui de pardon ce n'est pas dire qu'il faut pardonner aux criminels – dans une pensée gentille qui nierait l'existence du mal. Ainsi, je crois que le pardon d'un crime est toujours impossible quand celui ou celle ou ceux qui auraient du pardonné ont été mis à mort. Quand les victimes sont mortes elles ne peuvent plus pardonner. A moins que le pardon soit anticipé, comme sur la croix, le Christ a dit « pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu'ils font » mais ce pardon là est assez exceptionnel.

Je ne parle donc pas de ce pardon là qui n'appartient qu'à Dieu, mais ce que je veux donner à entendre c'est que, musulmans ou chrétiens, notre humanité est la même – imparfaite mais aimée par Dieu – pécheurs appelé à vivre du pardon. Que nous n'avons pas à nous combattre les uns les autres mais qu'il nous faut combattre ensemble le mal qui nous ronge.

Il y a un peu plus d'une génération déjà, le pasteur Martin Luther King le disait : « L'obscurité ne peut changer l'obscurité, seule la lumière le peut. La haine ne peut chasser la haine, seul l'amour le peut » ces paroles témoignent de la logique de transformation du pardon, elles témoignent de la bonne nouvelle.

Les attaques terroristes de Nice, celles d'avant, et leur nombre est tel qu'on ne peut en faire la liste, les attaques terroristes nous montrent cruellement combien le registre de la pureté tant à gagner sur celle du pardon aujourd'hui. On voit combien les clivages semblent plus important à souligner et à tenir que que les Paroles de transformation qui appellent à un changement radical. La violence répond à la violence, la haine répond à la haine. Après une attaque il faut surenchérir et frapper plus fort. Quand bien même se faisant nous produisons plus de violence.

Nous nous comprenons comme les purs – d'innocentes victimes- et les terroristes sont les impurs. Dans la même logique, nous pouvons être surs que ces fous sont convaincus du contraire qu'ils se pensent eux en terme de pureté et que, pour eux, nous sommes, nous les impurs.

Sortir du jugement. D'une guérison à l'autre, l'évangile nous invite à changer notre manière de voir – ne pas se situer dans un rapport à la religion, au monde, à l'autre qui soit un clivage du pur et de l'impur. Mais entendre que toute la volonté de Dieu se tend pour transformer toute notre humanité par son pardon.

Passer du registre de la pureté au registre du pardon – dans ce passage je crois se dit le dynamisme de l'évangile, de la bonne nouvelle. La pureté conduit à la mort, le pardon à la vie.

En toutes circonstances, même les pires : « Choisis la vie » !
A Dieu seul soit la gloire

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