dimanche 11 septembre 2016

Prédication du dimanche 11 septembre - Evangile selon Marc, chapitre 4, 35-41

Marc 4, 35-41
Ce jour-là, le soir venu, Jésus leur dit : « Passons sur l’autre rive. » Quittant la foule, ils emmènent Jésus dans la barque où il se trouvait, et il y avait d’autres barques avec lui. Survient un grand tourbillon de vent. Les vagues se jetaient sur la barque, au point que déjà la barque se remplissait. Et lui, à l’arrière, sur le coussin, dormait. Ils le réveillent et lui disent : « Maître, cela ne te fait rien que nous périssions ? » Réveillé, il menaça le vent et dit à la mer : « Silence ! Tais-toi ! » Le vent tomba, et il se fit un grand calme. Jésus leur dit : « Pourquoi avez-vous si peur ? Vous n’avez pas encore de foi ? » Ils furent saisis d’une grande crainte, et ils se disaient entre eux : « Qui donc est-il, pour que même le vent et la mer lui obéissent ? »

Intro : 
La tempête apaisée. Une page classique de nos Bibles. Ce texte peut réveiller quelques échos, car nous l'avions déjà entendu en janvier 2015 lors d'un culte participatif, en petits groupes – et pourtant j'ai pensé l'entendre aujourd'hui, le réentendre dans une double perspective. La première perspective est ce temps de rentrée que nous vivons ensemble aujourd'hui, dans notre église de Béziers, un temps de rentrée que nous partageons plus largement avec toute notre société et la deuxième perspective plus religieuse fait écho au temps pour la création que toutes les églises chrétiennes vivent durant ce mois de septembre, jusqu'au 4 octobre.

Mais avant d'ouvrir ces deux perspectives, peut-être faut-il prendre le temps d'entendre ce que nous dit l'évangéliste Marc dans ce passage de l'évangile – entendre ce qui nous est dit de Jésus, ce qui fait évangile, bonne nouvelle dans ce texte.

1- entendre le texte
Alors bien entendu il y a le miracle, Jésus qui calme une tempête – ça, ça en jette ! C'est plein de merveilleux, et... on adore ça le merveilleux ! Jésus c'est quasiment superman dans ce texte et ça, pour qui veux croire, c'est assez sympa. Mettre sa foi en Jésus c'est mettre sa foi en un type qui peut calmer la mer déchaînée – et les disciples ne s'y trompent pas : « qui donc est-il que même le vent la mer lui obéisse ? »

Le miracle c'est sympa, ça en jette, mais je ne crois pas que ce soit là le sens de la bonne nouvelle pour aujourd'hui. Il faut alors quand même se souvenir que Jésus, juste avant, comparait le royaume de Dieu a un paysan entrain de travailler ou encore il disait du royaume qu'il était comme une petite graine de moutarde. Oui juste avant, Jésus expliquait à ses disciples le royaume de Dieu en étant à mille lieux des images de superman et d'un royaume fait de toute puissance : un paysan, une graine.

Aussi même si le miracle c'est sympa, je crois que, pour qui veut entendre l'évangile, pour qui veut entendre la bonne nouvelle, c'est pas sur le merveilleux qu'il faut s'arrêter. Ce n'est pas sur le merveilleux mais sur ce qu'il y a avant le miracle. Et avant le miracle il se passe deux choses : 1- Jésus dort et 2- ses disciples osent le réveiller. Aussi je crois que la bonne nouvelle est là ; dans ces deux aspects du texte : Jésus dort et ses disciples osent le réveiller.

Je m'explique un peu plus. Jésus dort. Il n'est justement pas un super-héro tel que le merveilleux de l'évangile pourrait nous le faire croire. Homme de chair et de sang, il a longuement enseigné en parabole, et nous dit le texte – ce jour là, le soir venu, Jésus dit : « passons sur l'autre rive ». C'est donc une fin de journée pour un homme qui a passé sa journée à enseigner. La fatigue normale l'assaille et il s'endort. Il s'endort en paix, une paix que rien ne trouble pas même les éléments déchaînés.

Jésus dort et ses disciples osent le réveiller. Ce n'est pas une omniscience qui fait que Jésus se réveille au bon moment, non c'est parce que des hommes, des hommes qui sont avec lui mais qui ont peur, des hommes vont le secouer pour lui faire prendre conscience de la panique dans laquelle ils se trouvent, eux. Les disciples sont apeurés, certes, mais ils ont conscience d'être avec Jésus, et ils osent le réveiller. Pour moi, là se trame la bonne nouvelle bien plus que dans le merveilleux d'un miracle épatant.

Là se trame l'évangile, la bonne nouvelle : Jésus traduit Dieu dans notre humanité. Une humanité faite de courage et de repos, de travail et de sommeil. Une humanité humble et simple qui se laisse secouer par d'autres humanités humbles et simples, car elles sont toutes dans le même bateau – Ces autres humanités ce sont les disciples, les disciples qui ont peur aux creux des vagues et qui pourtant espèrent quand même quelque chose : « Maître, cela ne te fait rien que nous périssions ? ». Les disciples sont ici les témoins d'une franchise, franchise d'une peur assumée quand tout vacille, quand bien même Jésus est là.

Jésus traduit Dieu dans notre humanité et devant la peur de ses frères il menace le vent et la mer, pour imposer le calme. « Qui donc est-il pour que même le vent et la mer lui obéissent ? » L'évangéliste Marc ne répond pas à cette question car sans doute n'est-elle que secondaire, le merveilleux est secondaire – du moins le merveilleux ne prendra sens qu'à la résurrection ; quand la vie manifestée sera plus forte que la mort.

Quand le miracle de Pâques permettra d'expliquer tout les autres – alors le miracle prendra tout son sens. Mais pour l'instant, l'essentiel est que Jésus, dit la proximité de Dieu avec les hommes ; et cette proximité prend en compte leur peur pour tracer un chemin de foi, de confiance ; malgré tout.

Deux perspectives pour entendre cette bonne nouvelle aujourd'hui. Le temps de la rentrée que nous connaissons aujourd'hui en église, et plus largement ces jours ci dans notre société – et le temps pour la création.

2 - la rentrée....
Pour filer la métaphore maritime, le temps de rentrée – ce temps est souvent celui de l'embarquement ; après une période de vacances ou de calme, il s'agit de reprendre la mer. L'embarquement scolaire pour les enfants et leurs parents, l'embarquement dans des rythmes d'activités qui reprennent peu à peu, ça et là, quelque soit notre âge. L'embarquement dans la vie associative, culturelle, sportive quelque soient nos lieux d'engagement.

Pour peu que vous ayez quelques enfants, petits ou grands, à la maison ; cet embarquement peut être déjà tempétueux – il faut avoir pensé au rendez vous coiffeur avant le jour j, renouvelé les chaussures de sport, être passé chez le médecin pour un certificat, etc. etc. selon les activités des uns et des autres, la liste des choses à faire des premiers jours de septembre est souvent beaucoup plus longue que celle du mois d'août ; et pourtant au mois d'août « on avait le temps ! »

Embarquement pour le moins, ou tempête immédiate ; la rentrée inaugure chaque année le voyage que nous ferons ensemble jusqu'à la fin de l'année scolaire. Parfois, le voyage s'arrête avant au gré de déplacement et de changements de postes. Mais il s'agit toujours de se remettre en route, en mouvement, partir vers une autre rive.

La question que nous pose le texte de l'évangile aujourd'hui est celle de savoir si il faut que la tempête soit au plus fort, s'il faut que nous ayons peur de mourir pour réaliser que dans nos cheminements de vie, dans nos embarquements, le Christ est là avec nous, présence discrète d'un homme endormi dans la même barque que nous ; mais là, présent. Nous ne sommes pas seuls. Comprendre que Christ nous accompagne c'est déjà quelque soit les turbulences ou les vicissitudes s'ouvrir à la confiance et c'est ensuite s'autoriser à le réveiller.

Réveiller le Christ qui fait route avec nous c'est peut-être le sens de la prière – oser appeler à une présence plus active et plus participante, celui qui déjà est avec nous. Oser tisser une relation faite de parole, de parole pour dire les joie, pour dire les peurs, pour dire les libertés partagées et les angoisses affrontées. Le Christ traduit Dieu en humanité, mais il faut encore que l'humanité se tourne vers lui, s'adresse à lui, le réveille parfois, fasse appel à lui en tout cas.

La première perspective pour aujourd'hui est celle de la rentrée – reprendre la mer, embarquer dans une nouvelle année, vers de nouveaux rivages, l'avenir nous est inconnu et pour aller vers lui nous ne sommes pas seuls.

3- la création...
La deuxième perspective que j'aborde maintenant est celle donnée par le temps pour la création que nous vivons, toutes les églises chrétiennes – un temps voulu par le Conseil Œcuménique des Églises pour chaque année. Je le disais en commençant, le temps pour la création est d'abord une démarche œcuménique durant laquelle les chrétiens sont invités à prier et à agir ensemble, pour la création.

Ce récit de tempête nous parle de la création, elle nous parle de la nature, d'une nature posée dans les mains de Dieu. « Même le vent et la mer lui obéissent » disent les disciples. Effectivement on peut croire au Dieu créateur comme en un Dieu qui tirerait les ficelles – aujourd'hui avec notre modernité il faudrait parler de télécommande, voir de gestion en wi-fi. Dieu serait acteur des événements du monde, des mouvements de la croute terrestre à la couche d'ozone, Dieu serait un super programmateur de la planète terre. Nous n'aurions donc pas de souci à nous faire.

Dans cette manière de comprendre la création, en reprenant notre texte biblique : tout s'explique : Si Dieu a déclenché une tempête ce jour là en Galilée – ce n'est absolument pas écrit dans la Bible que c'est Dieu – mais avec cette logique de création : si Dieu a déclenché une tempête, c'est justement pour que son fils super-héro puisse la calmer – encore une fois je ne crois pas en un Jésus super-héro.

Oui, cette vision de la création est une vision possible, ce n'est pas la mienne. Confesser le Dieu créateur ce n'est pas pour moi croire que Dieu tire les ficelles ou qu'il gère à distance le monde pour le mener à bonne fin. Par contre, pour moi, croire que Dieu est créateur c'est reconnaître que Dieu est à la source de toute vie et qu'il a pour chacune, pour chacun des projets de vie et de bonheur, et non pas des projets de mort et de malheur. Après libre à l'homme de faire ses choix et de les assumer : L'agriculture intensive : bonheur ou malheur ? Le nucléaire : vie ou mort ? Notre mode de vie occidental : bonheur et vie ou malheur et mort ? Réchauffement climatique : vie ou mort ?

Je multiplie les exemples car il me semble tout à fait clair que les réponses ne sont pas toutes tranchées ou évidentes ; être croyant ce n'est pas avoir un mot à dire sur tout – de la taille d'un maillot de bain à une appartenance nationale. La foi ce n'est pas ça. Croire, croire au Dieu créateur ça revient à ouvrir le champ des questions, ça revient à oser s'interroger sur la destination de ce que nous faisons de nos vies, de nos quotidiens, de nos maisons, de notre alimentation, de notre pays, de toute notre vie.

Ouvrir le champ des questions, car croire, c'est réaliser que nous ne sommes pas le seuls horizon de nos vies, chacun pour nous-mêmes, enfermés dans une bulle sans rapport aux autres. Croire au Dieu créateur c'est réaliser que nous sommes une créature au milieu de la création et que donc le « vivre ensemble » n'est pas une option. Le vivre ensemble c'est la vocation de notre humanité, un vivre ensemble avec toute créature, avec toute la création.

Toute tempête est appelée a s'apaiser. Croire que Dieu est créateur c'est reconnaître que Dieu est à la source de toute vie et qu'il a pour chacune, pour chacun des projets de vie et de bonheur, et non pas des projets de mort et de malheur. Des projets de vie et de bonheur qui ne sont pas des projets égoïstes chacun pour soi-même, mais des projets de bonheur à vivre ensemble – car nous sommes tous dans le même bateau comme dit l'expression.

Alors c'est sur que ce n'est qu'une manière de comprendre l'évangile. Dans la Bible, il y en a d'autres. On peut penser au livre du prophète Jonas, où là, dans ce livre, pour calmer la tempête on envisage de jeter quelques passagers par-dessus bord. Lors d'une tempête, la mort de quelques uns permettait la survie des autres. On peut aujourd'hui trouver ça tout à fait abjecte, on peut aussi réaliser que en 2015 quand 3700 migrants sont morts en méditerranée nous en sommes toujours là ! Ils auraient tous pu reprendre la parole des disciples : « maître cela ne te fait-il rien que nous périssions ? »

Alors nous réalisons que nous laissons encore mourir quelques uns pour que nous puissions vivre sans rien changer de nos habitudes et de notre mode de vie. Nous oublions que nous sommes tous sur le même bateau, la même création, la même planète, en se pensant différent ici des autres qui sont là-bas, vivant dans sa bulle.

4- conclusion :
La tempête apaisée. Une page classique de nos Bibles. Nous pouvons l'entendre aujourd'hui sous deux perspectives : la rentrée et la création. Dans la perspective de la rentrée l'évangile est alors une invitation à la confiance et à la prière. Prendre conscience que le Christ est là présent dans nos vies, dans tous nos cheminements, force silencieuse et discrète d'un homme qui dort et que nous pouvons réveiller par nos prières. Dans la perspective de la création nous entendons alors l'évangile comme une interpellation, dans la tempête gardons nous le cap des projets de vie et de bénédiction voulus par Dieu, sommes nous fidèles à sa bénédiction première de toute la création ? Se laisser questionner pour ouvrir notre regard et nos cœurs sur les tempêtes du monde et tous les lieux où la paix et le vivre ensemble sont compromis.

"Passons sur l'autre rive" – l'Evangile est de manière première un déplacement, un engagement, une mise en route. Qu'en ce temps de rentrée la Parole puisse nous entraîner plus loin dans nos chemins de vie, pour vivre avec Christ les cheminements du royaume aujourd'hui. Il est là présent disponible pour chacun d'entre nous. Amen.

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